En 2018, Jérôme Fourquet publie « L’Archipel français » , dans lequel il constate ce qu’il appelle une «archipelisation» de la France. Aux clivages binaires qui l’ont structurée pendant des siècles, ruraux/urbains, monarchistes/républicains, droite/gauche… se substituent un émiettement des groupes et une individualisation croissante. Il prend, entre autres, l’exemple des prénoms et montre la disparition progressive des prénoms judéo-chrétiens et leur remplacements par des prénoms anglo-saxons et arabo-musulmans.
J’ai cherché à vérifier son constat sur les prénoms donnés aux enfants nés à Nexon en 1892 et 2020. Si la quasi disparition des prénoms d’origine judéo-chrétienne et leur remplacement par des prénoms anglo-saxons est vérifiée on ne trouve pratiquement pas de prénoms d’origine arabo-musulmane.
Au constat de l’évolution dans le choix des prénoms s’ajoute celui du nombre annuel des naissances. De 1884 à 1914 le nombre annuel des naissances baisse régulièrement. Il passe de 86 en moyenne pour la période 1884 -1900, on tombe à 69 entre 1901 et 1913. Et depuis la fin du baby-boom, à la fin des années 1970, le nombre de naissance annuel est tombé à moins de 30 avec 26 naissances en 2019 et 25 en 2020.
Signalons un autre phénomène, sans effet apparent sur le choix des prénoms, mais qui permet de comprendre la prolifération des prénoms sans lien avec les traditions familiales. Jusqu’au début des années 1950 la presque totalité des naissances s’effectuait au domicile des parents. A la fin de cette décennie plus de la moitié des mamans accouchaient dans une maternité, soit à Limoges soit à Saint Yrieix. Ainsi en 1961 sur 27 naissances, 16 ont eu lieu en maternité et 11 au domicile. Lorsque la déclaration de l’enfant à l’Etat Civil s’effectuait à la mairie du domicile familial on peut penser que les grands parents ont pu parler avec les jeunes parents et suggérer que le prénoms d’un anciens soit donné, souvent celui du parrain pour les garçons et celui de la marraine pour les filles. Ce n’était pas toujours le premier prénom mais le deuxième ou le troisième quand il y en avait plus de deux. A la maternité, l’éloignement des grands parents ne fait plus peser le poids de ces traditions sur les épaules des jeunes parents. Ce poids familial était encore plus lourd lorsque la jeune maman venait passer les derniers jours de sa grossesse au domicile de sa mère, l’officier de l’Etat Civil précisant le domicile réel des parents et ajoutait » la mère étant chez ses parents ou elle a fait ses couches ».
Les prénoms des enfants nés à Nexon en 1892.
80 enfants sont nés à Nexon en 1892. Quatre d’entre-eux étaient des enfants naturels qui ont été reconnus par leur mère en moyenne huit jours après leur naissance, c’est à dire dès que la mère a pu se rendre à la mairie pour accomplir cet acte.
Sur ces 80 naissance on comptait 47 garçons et 33 filles. Ces chiffres sont conformes aux constats des démographes qui dénombrent plus de naissances de garçons que de filles.
Pour les 47 garçons, 17 prénoms ont été utilisés. Dans ce calcul nous avons compté ensemble tous les « Jean » dans la mesure ou il n’est pas facile de vérifier sur le document d’Etat-Civil s’il y a un trait d’union entre « Jean » et le prénom suivant. Pour mon cas personnel mon prénom habituel est « Jean-François » mais pour mes papiers, l’officier d’Etat-Civil m’a fait remarquer qu’il n’y avait pas de tiret entre Jean et François et de ce fait sur ma carte d’identité je m’appelle Jean, François…
En prenant en compte ce mode de calcul 12 garçons s’appellent Jean , soit un quart (25,5%) de ce groupe. On trouve ensuite 6 Léon, 4 François, Léonard et Pierre … de sorte qu’avec 5 prénoms on été nommés près des deux tiers des garçons, (63,8%) et 83% avec 8 prénoms.
Le constat est encore plus marqué pour les filles. En appliquant pour Marie la même règle que celle utilisée pour Jean nous constatons que sur les 33 filles nées en 1892, 17 se prénomment Marie, soit un peu plus que la moitié d’entre elles. 5 prénoms ont suffit pour nommer les trois quarts des filles.
Les prénoms des enfants nés à Nexon en 2020
Il est sans doute abusif de parler des enfants nés à Nexon puisqu’aujourd’hui la presque totalité des enfants naissent dans une maternité. Ils sont de ce fait déclarés à l’Etat civil du lieu ou se trouve la maternité mais celle-ci transmet l’information à la mairie où sont domiciliés les parents.
Ainsi en 2020, 25 enfants sont nés de parents habitant à Nexon. Il y avait 14 filles (56 %) et 11 garçons (44%). Cette proportion ne correspond pas aux chiffres nationaux pour lesquels on constate qu’il nait en moyenne 104,5 garçons pour 100 filles. On retrouve ce ratio « naturel » dans la plupart des pays du monde.
En 2019, à Nexon l’écart entre le nombre de garçons et celui des filles à la naissance était encore plus grand. En effet il était né 26 enfants dont 16 filles (61,5 %) et 10 garçons (38,5%).
A la différence de ce que l’on constatait dans la France du 18ème et du début du 20ème siècle presque tous les enfants portent un prénom différent. En 2020 seuls deux garçons ont le même prénom, Antoine. En 2019 les 26 enfants ont un prénom différent.
Les prénoms donnés à Nexon sont-ils différents de ceux que les Français ont choisi pour leurs enfants en 2020 ?
Le classement des prénoms les plus donnés en France en 2020 publié par l’INSEE permet de constater que Nexon ne suit pas les tendances nationales. Est-ce du à des caractéristiques socio-économiques, à l’âge des parents ?
Quelles qu’en soient les raisons on constate qu’aucun des 11 jeunes garçons de Nexon porte l’un des 10 prénoms les plus donnés en 2020 et que seules 2 filles ont un prénom qui figure dans cette liste : Lina et Chloé.
Cette individualisation des prénoms rendra la tache plus facile pour les généalogistes dans les années futures. Ils ne trébucherons pas comme c’est le cas aujourd’hui quand on trouve dans une famille que le grand-père, le père et le fils se nomment tous Pierre, Jean ou François. On comprend pourquoi jusqu’au milieu du 20 ème siècle il y avait autant de surnom.
Pour aller plus loin:
« Léonard, Marie, Jean et les autres : les prénoms en Limousin depuis un millénaire » Louis Perouas, Bernadette Barriere, Jean Boutier, Jean-Claude Peyronnet, Jean Tricard et le groupe Rencontre des historiens du Limousin. Paris : Editions du Centre national de la recherche scientifique, 1984. In-8°, 229 pages
La Première Guerre mondiale s’achève par l’Armistice du 11 novembre 1918 puis plus officiellement, le 28 juin 1919 avec la signature du Traité de Versailles. l’Union des Grandes Associations Françaises prend l’initiative d’organiser le dimanche 3 août 1919 également, une journée de reconnaissance nationale envers le soldat français et demande aux instituteurs la participation des écoliers et ainsi le 3 août 1919, toutes les communes de France organisent des fêtes de la Victoire, afin de remercier et honorer dignement les combattants, glorifier les morts et rappeler au pays le rôle de la France dans la guerre.
Nexon n’ignore pas cette date et avec le concours d’un escadron du 24e régiment de dragons organise une fête au cours de laquelle les jeunes se livreront à des jeux sportifs avec les militaires.
Le dimanche 12 octobre, grand concours et comice agricole. Toute la journée se tiennent des Jeux de toutes sortes, loteries, chevaux de bois. A 2 heures, lancement d’un ballon ; à 8 heures du soir, grand feu d’artifice, retraite aux flambeaux. Bals de jour et de nuit.
1921 La fanfare de Limoges agrémente la fête du 18 septembre.
1933 Les cosaques à Nexon
Le dimanche 28 mai à l’hippodrome, les cosaques djiguistes, réputés être les meilleurs cavaliers du monde ont donné leur spectacle.
1936 le 19 septembre, toujours la fête avec le comice. A l’occasion de la fête M. BUSSIERE qui vient d’ouvrir son magasin de mode, rue Gambetta, à la place de la fleuriste actuelle, fait pour une des premières fois à Nexon, de la publicité pour son magasin:
Le Populaire 17 septembre 1936
Pour cette fête c’est la fanfare des « Gosses de Limoges » qui viendra animer.
Le Populaire 17 septembre 1936
Le programme de cette fête permet de découvrir deux associations nexonnaises, les Cliqueurs nexonnais et l’association colombophile. Si l’on trouve des traces de la seconde dans les résultats des concours je n’ai jamais rien vu sur la première. On voit également qu’un dirigeable, j’imagine que c’est un ballon, qui est parti et que des parachutistes ont été largués. Ce n’était certainement dans le bourg mais vraisemblablement à La Seyne.
1938, le comité des fêtes a organisé la fête en partenariat avec le Comice agricole. Cette année une course cycliste est organisée le lundi 19 septembre par le Cyclo-Club Limousin.
Le Populaire 16 septembre 1938
En septembre 1939 et pendant les années suivantes l’organisation des fêtes n’était pas une préoccupation importante pour les nexonnais. Pendant toute la période de la guerre les moments récréatifs étaient organisés afin de valoriser les actions du gouvernement. Les fêtes étaient des fêtes des jeunes des chantiers de Jeunesse comme celle du 9 octobre 1942
Le Populaire 10 septembre 1942
Il y avait aussi les tournées de théâtre des JAF, les Jeunes Artistes Français.
18 mars 1942
24 décembre 1942
Mais comme dans toutes les périodes de guerre pendant lesquelles les bals sont interdits il y des transgressions. Des bals sont organisés clandestinement dans des granges et là aussi il y a des dénonciations. C’est ce qui c’est passé à Nexon en 1943 ou trois personnes ont été incarcérées.
Les fêtes de village existent depuis longtemps et dans chaque région elles portaient un nom spécifique.
Fête, frairie, ballade ?
A Nexon au début des années 1900 on parlait principalement de ballade, mais peu a peu ce mot a disparu du langage…
L‘Atlas Linguistique de la France, projet initié par le linguiste Suisse J. GILLERON et mis en chantier en 1896, a conduit E. EDMONT à sillonner la France pendant près de quatre ans pour collecter les différents mots des patois que l’on parlait pour désigner 1400 termes qui avaient été retenus. Les résultats ont été publiés entre 1902 et 1910 et comporte près de 2000 cartes. La carte 556, la fête du village, montre que ballade est principalement utilisé en Haute-Vienne et frairie en Charente.
Atlas linguistique de la France – carte 556
Au début des années 2010 une grande enquête a été lancée « Quel français régional parlez-vous? ». Parmi les questions on demandait , “Comment appelez-vous la fête de votre village ou de votre quartier, qui a lieu en général une fois par an ?” La question était suivie d’une quinzaine de propositions, extraites pour la plupart du Dictionnaire des régionalismes de France (DRF), édité par P. Rézeau en 2001.
Dans les réponses données on constate que des mots ont disparus et en 2016, ballade n’est plus employé en Haute-Vienne et que l’on utilise « frairie ». Je me souviens pourtant qu’entre jeunes, dans les années 1950-1950 il nous arrivait de demander » tu vas à la ballade? » . C’est sans doute la difficultés des homophonies de survivre. « Balade » avec un seul « l » est « une flânerie, promenade sans but précis » ou bien « une sortie, excursion vers des lieux relativement proches ». Si on écrit « ballade » avec deux « l » c’est une « pièce vocale et instrumentale destinée à la danse » ou bien un « poème formé de strophes égales terminées par un refrain et d’un couplet final plus court appelé envoi ». ( source « Trésor de la langue française »).
Comme on dit chez nous : le grand livre du français de nos régions. Le Robert 2016
Les fêtes depuis 1789
Avant la Révolution de 1789 les fêtes étaient principalement adossées à des évènements religieux, le plus important étant tous les 7 ans les Ostensions. Cependant, chaque année, en septembre se tenait une foire-fête importante en l’honneur de St-Ferréol, patron de la paroisse.
Avec la Révolution Nexon a, comme toutes les communes, organiser les fêtes révolutionnaires. Mais en 1792 la plus importante manifestation fut le 3 juin, jour de Fête de la Ste Trinité, la clôture des Ostensions. Ce fut une cérémonie grandiose avec une grande procession derrière toutes les reliques qui avaient été exposées à la vénération publique. cette même année le Conseil organise la fête du 14 juillet sur invitation du ministre de l’Intérieur et vote une somme de 50 francs pour illuminer la nuit et invite les habitants à pavoiser leur maison et à les illuminer.
Par la suite, du fait de l’instauration du calendrier révolutionnaire fixant le début de l’année le 1er vendémiaire an 1, chaque mois étant formé de 3 décadi de 10 jours, il était difficile aux citoyens de s’y retrouver. Les dirigeants imposèrent bien par de nombreuses lois les nouvelles fêtes révolutionnaires mais elles ne furent pas très suivi dans les petites communes, surtout dans celles comme Nexon ou le chatelain, même s’il n’avait pas de pouvoir politique, jouissait d’un respect incontestable.
On note quelques décisions municipales comme le 27 ventôse an 6 ( 17 mars 1798), où le sieur Annet TARRADE est désigné comme Commissaire pour préparer la fête de la souveraineté du peuple fixée au 30 ventôse. Nexon, comme chaque commune, fournit un piquet de 10 hommes de la Garde Nationale auxquels il est remis 3 cartouches. Cette célébration a lieu entre l’arbre de la liberté et l’arbre de la Fraternité.
Mais 10 ans après la Révolution, la commune délibère pour se conformer à la loi du 13 Fructidor an 6 (30 aout 1798) qui imposait la célébration des fêtes décadaires, jusque là peux suivies. La loi imposait que chaque 1er décadi une fête soit célébrée, que les enfants y assistent et pour cela qu’il n’y ait pas classe, que les boutiques soient fermées et que les mariages soient célébrés uniquement ce jour là.
Le 18 brumaire mit fin à toutes ces fêtés et ne subsistèrent que la fête de la Liberté le 89 thermidor (10 aout) et le jour de l’an le 1er vendémiaire ( 22 septembre). le 14 juillet ne sera véritablement instauré comme jour de fête qu’en 1880.
A Nexon on retrouve des fêtes organisées en même temps qu’un Comice agricole. Ce fut le cas le 23 septembre 1860. Le conseil municipal vote une somme de 150 francs et charge MM. de VEYRINAS et FRUGIER d’en surveiller l’emploi.
En 1878 une grande fête est organisée les 22 et 23 septembre en même temps que le Comice.
5 septembre 1878 Le Courrier du Centre
Le Courrier du Centre dans le style ampoulé de cette époque en rend compte et l’on se prend à imaginer des fêtes comparables aujourd’hui avec plusieurs bals, un retraite aux flambeaux avec toutes les maisons illuminées alors qu’il n’y a pas l’électricité, un magnifique feu d’artifice et la fin à 5 heures du matin…
24 septembre 1878 Le Courrier du Centre
Le lendemain, 25 septembre 1878, un autre journaliste dans le même journal, décrit plus particulièrement le concours agricole mais il dépeint le cadre et la fête dans des termes comparables a ceux employés par son collègue la veille.
Le souvenir de la fête de l’année précédente est toujours présent et Le Courrier du Centre annonce celle qui va se dérouler le 21 septembre 1879 dans des termes dithyrambiques. On notera l’invitation a visiter les monuments en particulier l’église et aussi a effectuer une promenade sur la propriété Morterol considérée comme une petite Suisse. cette remarque me va droit au cœur puisque je suis né sur une terre qui avait appartenu à cette famille et qui était toujours propriétaire au Courdein…
Après la fête les commentaires étaient encore plus élogieux .
le Courrier du Centre 24 septembre 1879
La loi du 6 juillet 1880 instaure le 14 juillet comme jour de la fête nationale. Dans les faits, on commémore deux 14 juillet : la prise de la Bastille et l’insurrection populaire du 14 juillet 1789 mais aussi la première fête de la Fédération, le 14 juillet 1790. La
Aussi le 11 juillet 1880, le Conseil organise la fête du 14 juillet sur invitation du ministre de l’Intérieur et vote une somme de 50 francs pour illuminer la nuit et invite les habitants à pavoiser leur maison et à les illuminer.
La presse du 15 juillet n’a pas parlé de la fête de Nexon car l’essentiel des pages étaient consacrées à la Fête à Paris et à celle de Limoges. On peut retenir qu’il c’est vendus des quantités astronomiques de drapeaux et que les rues étaient décorées de guirlandes, de banderoles et même d’arcs de triomphe. Nexon a du vivre la même chose.
Mais le 14 juillet n’a pas détrôné la fête de septembre qu’elle soit ou non jumelée avec un comice agricole.
Pour 1886 le jumelage fête-comice avait été reconduit et ce fut un succès.
En 1892, le 14 juillet a été brillement fêté comme le décrit le Courrier du Centre du 18 juillet :
« La fête nationale a été célébrée cette année avec un éclat inaccoutumé. Annoncée par le carillon de nos cloches, elle a commencé par une aubade donnée aux notabilités par la fanfare. Puis, à neuf heures, a eu lieu une abondante distribution de secours aux indigents.
Le maire, n’ayant à sa disposition qu’une modeste somme de 50 francs, avait ouvert une souscription qui a produit 135 francs, avec lesquels il a é possible d’illuminer l’hôtel de ville et d’organiser le soir un bal au café de la Patrie.
Des jeux de toute sorte avaient été organisés dans la journée.
Le soir, un feu d’artifice très réussi a été tiré sur la place de la mairie. Une retraite aux flambeaux, avec la fanfare, a terminé cette fête splendide.
Tous nos remerciements au sympathique maire, M. Gabriel Thomas. »
Le Courrier du Centre 18 juillet 1892.
Les fêtes à partir de 1900
Il n’y a pas de changement majeur avec le changement de siècle. Comme pour l’ensemble de la vie sociale la rupture est marqué par la Première guerre mondiale.
En 1900, si l’on compare à ce qui c’est passé pour l’an 2000, il a du y avoir de belles fêtes en France. La fête-comice de septembre en 1900. Les hommes portent tous un chapeau et beaucoup de femmes sont coiffées du barbichet. L’essentiel de la fête se déroule sur l’actuelle place Fratellini. Il y a quelques bovins, à gauche, place de la République.
1906 la première fête avec l’électricité.
En Septembre 1906, quelques jours avant la frairie, le grand jour arriva. M. AYMARD allait connecter sa machine à la première ligne destinée à éclairer le bourg. Comment allait se comporter cette installation ? La machine tournerait-elle ? La dynamo ferait-elle son office ? Le courant atteindrait-il les lampes installées. L’angoisse de Louis AYMARD a été de courte durée. Pour éviter tout incident il tint à agir seul ! Il éloigna tous les curieux et même son collaborateur. Dès qu’il mit en action ces mécanismes compliqués et si laborieusement élaborés le miracle se produisit. Dans le crépuscule naissant toutes les lampes installées se mirent à scintiller d’une belle lumière, franche et sans faiblesses. La population était fascinée. A partir de ce jour la vie de tous va changer mais la fête se déroula sans que la fée électricité y joua quelque rôle que ce soit.
1910
Le Populaire du 9 septembre donne le programme de la fête du dimanche 18 septembre et de la foire du lundi 19. Plusieurs choses nous surprennent : la distribution des secours aux pauvres le dimanche matin, le comice agricole de midi à 14 heures, le feux d’artifice avant la retraite aux flambeaux et le lundi la multitude des courses et concours qui se suivent toutes les demi-heures.
Le Populaire 9 septembre 1910
Le manège de bicyclette a vu le jour à la fin des années 1900 lorsque des forains astucieux firent tourner le manège en faisant pédaler les clients. En 1910 Nexon n’avait l’électricité que depuis 4 ans.
Un manège de bicyclette vers 1905
Le 9 septembre 1911, le conseil vote une subvention de 50 francs pour la fête patronale. C’est la première subvention pour cet objet.
Pendant la guerre on ne trouve pas de traces de fête à Nexon. Le 28 avril 1917 le préfet de la Haute-Vienne prend un arrêté affiché à la porte de toutes les mairies, qui interdit les bals publics et tous les divertissements bruyants. Cet ordre valait non seulement pour les salles publiques mais aussi pour les salles privées, en général les granges des fermes où s’organisaient les bals de villages ou de hameaux.
Avec le char suivant on reconnait plus facilement les adultes. A gauche, Louis Jean PRADEAU, maire de Nexon et à droite Mesdames CLRMONTEIL et BOSBATY.
Le char passe devant l’épicerie LAGORCE.
Les chasseurs en Afrique, c’est le char de la place de l’église avec M. LASPERAS au volant et M. CROUZILLAC a ses côtés. Avec le fusil, Bernard LASPERAS.
« Autour du monde » je n’identifie pas les jeunes présents sur ce char.
Ils suivent certainement le char « Autours du monde », habillés en jeunes chinois, Jean Pierre et Patrice VALETTE.
Sur le pont de la Vanelle les pécheurs sont à l’ouvrage.
Traditionnellement la fête la plus importante est celle du mois de septembre. Cela a été confirmé en 1958 puisque la fête des 20, 21 et 22 septembre s’est déroulée en même temps que le comice agricole. Le samedi était principalement consacré au comice, la fête proprement dite avait lieu dimanche et lundi.
Centre Presse 18 septembre 1958
Le dimanche le bal était assuré par l’orchestre de René LOUIT. Outre qu’il était un enfant du pays puisque né à Saint-Hilaire et que son frère, M. CANARD était secrétaire de mairie à Nexon, son orchestre avait une réputation qui s’étendait bien au-delà des limites de la Haute-Vienne. La salle des fêtes qui vient juste d’être construite est trop excentrée des places sur lesquelles sont les manèges et les marchands pour qu’elle accueille les bals. Elle sera avant tout réservée aux séances de cinéma. C’est donc dans la salle CHARREIX, sur l’actuelle place FRATELLINI, que le bal a eu lieu.
Comme en 1957 les chars sont attirent toujours beaucoup de monde. L’enthousiasme est toujours aussi fort pour les réaliser, quartiers par quartiers, recréant l’ambiance des veillées d’autrefois lorsque les voisins se réunissaient dans le hangar ou la grange ou était abrité le char.
Au départ de la gare on trouve le char des familles de la place de l’église. L’attelage de M. DESBORDES tire la roulotte des romanichels.
Il était légitime de prévenir qu’il s’agissait d’une famille nombreuse. Les plus anciens nexonnais reconnaitront dans les deux femmes tout de noire habillées, Jean CROUZILLAC et Jean DEBORD. Parmi les enfants il y a Marie Françoise QUINQUE et Jeanine DELIAT, Michèle DESMOULIN la plus grande fille étant Jacqueline ANDRE, la fille du coiffeur.
Le char a été très entouré tout le long du parcours comme on peut le constater lorsqu’il arrive rue Gambetta.
Toujours au départ de la gare le char des jeunes matelots sur « L’Intrépide ». A la proue Jean Marie DESSELAS. Il ne rêvait d’être Léonardo di CAPRIO sur le Titanic car ce brillant acteur n’était pas encore né.
Le bateau était un classique car on en a vu un qui lui ressemblait, mais je n’ai pas retrouvé l’année. Si quelqu’un se reconnait n’hésitez pas à me le signaler.
Année non déterminée.
Sur les autres chars qui se reconnait ?
Pour la vie Le cirque avec clown et voyanteL’œuf et les poussins
Il y avait beaucoup de très jeunes enfants sur les chars. Dans le cygne ma cousine Marie Claude et sans doute, à ses côtés, Jean Claude CLERMONTEIL. Le char passe devant la scierie LASPOUGEAS devenue depuis l’agence nexonnaise du Crédit Agricole.
« Lous veilladous de las garennas », char réalisé par le quartier des Garennes avec Christian LASPOUGEAS, Robert FRUGIER, Christian JOACHIM… La mixité n’étant par encore la règle, il m’est plus difficile de me remémorer le nom des filles plus jeunes que moi.
Ici ce ne sont pas des enfants, il faut de la force pour manier le fléau et actionner le van… mais après il y toujours le réconfort !
Je ne suis pas certain que les photos suivantes concernent l’année 1958. J’espère que quelqu’un aura des indices pour que je puisse redonner à chaque photo sa bonne place.
Et passant devant l’épicerie LAGORCE, 2 chars. le premier sous forme de château fort et le second qui annonce Nexon en chômage…
Pour la dernière photo que je possède j’ai du mal à identifier ce que le char représentait. Il est suivi par moins de monde que la roulotte et sa famille nombreuse.
Plus de 60 ans après les avoir vus défiler ces chars évoquent à la fois une certaine nostalgie mais aussi de très bons souvenirs des fêtes joyeuses, dans une ambiance bon enfant …
Les fêtes à Nexon avec défilés de chars ont commencé au début des années 1950. Mes souvenirs sont plus précis à partir de 1957. Cette année j’avais 10 ans et je me souviens bien des chars qui défilaient pour la fête de septembre. Comme nous habitions en dehors du bourg nous ne participions pas à leur confection. Chaque quartier prenait en charge la réalisation de son chars. Il fallait trouver une grange ou un grand garage pour le stocker pendant plusieurs mois, fabriquer les fleurs qui allaient les décorer, les habits pour celles et ceux qui seraient sur les chars… bref du travail pour plusieurs soirées mais de la convivialité, de la bonne humeur…
N’ayant pas participé à la création des chars j’avais le plaisir de leur découverte mais aussi une certaine frustration de ne pas être sur l’un deux. Je voyais mes camarades de classe défiler et je ne pouvais que les regarder. J’ignorais tout le travail qu’il avait fallu pour obtenir ces chars qui émerveillaient jeunes et moins jeunes. Et comme le soleil a pratiquement toujours été de la partie ce ne sont que de beaux souvenirs.
Je vais afficher les photos avec très peu de commentaires. La majorité concerne la fête de 1957 mais deux chars presque identiques ne peuvent pas avoir défilés la même année. Peut-être que quelqu’un aura un souvenir précis de tel ou tel char alors n’hésitez pas à corriger, préciser, écrire un commentaire, me proposer des photos ….
Si ma mémoire est bonne le défilé était ouvert par une fanfare que suivaient les grosses têtes. Le cortège partait de la gare et remontait vers le bourg et traversait la fête jusqu’aux 4 routes de la bascule puis repartait en sens inverse.
A la gare en attendant le départ
Les grosses têtes ouvraient souvent le défilé.
Les grosses têtes
Les chars se suivent avec, intercalé, une fanfare ou un défilé costumé.
Ce char doit être celui de Blanche Neige et les 7 nains. Il est monté sur l’attelage de M. DESBORDES. Les mamans sont attentives a ce que les enfants soient bien à leur place.
La voiture des pêcheurs était celles du garage LASPERAS.
Ce char ressemble à celui de Blanche neige mais il n’a pas été réalisé la même année. Il s’appelle « Le petit chaperon rouge ». Il s’apprête à quitter la gare.
Celui-ci s’appelle « Maitre Pierre ». On le retrouvera plus loin dans la traversée du bourg.
La République décrite avec humour: le fisc, le service militaire…
Le défilé a commencé et il remonte l’avenue de la gare. Il n’y a pas la foule…
La Raie Publique !
Pose devant la chapelle des Garennes…
« Maitre Pierre » arrive …
Passage devant l’hôtel du Nord et le salon de coiffure ERNY.
Les grosses têtes arrivent dans le bourg. la foule est dense.
Il y a un char dont je ne me souviens pas du nom mais dont je connais presque tous les participants. Il a été réalisé par les habitants du haut de l’avenue de la gare avec les familles LASPOUGEAS, LAPLAUD, VALETTE, LAMONERIE…
Michèle, mon épouse décédée trop tôt et ses frères Jean Paul et Christian, leur cousine Françoise, Jean Paul, Patrice VALETTE, Jean Pierre LAMONERIE…
Le char des Pieds nickelés sur lequel je ne retrouve pas Croquignol, Ribouldingue, et Filochard mais j’y reconnais Jean Marie DESSELAS.
En Limousin le réseau de foires s’est mis en place dès le XIIIe siècle. Il s’est développé au cours du XVIe siècle puis à la fin du XVIIe de sorte qu’au XVIIIe siècle aucune paroisse ne se trouvait à plus de 15 km d’un lieu de foire. S’y déroulent les marchés aux bestiaux avec leur saisonnalité : bœufs de harnais au printemps, bœufs gras de novembre à fin janvier, veaux, génisses mais aussi chevaux, porcs, moutons. S’y retrouvent aussi des marchands de tissus et de quincaillerie.
Si elles ont lieu toute l’année elles sont moins actives pendant le carême et durant la période d’intense activité agricole engendrée par les récoltes. Leur date est généralement fixée un jour de la semaine déterminé (3ème vendredi du mois ou le 16 de chaque mois …) ou le jour de la fête d’un saint (Saint Lou …) ou d’une fête religieuse (lundi des Rameaux …).
Dans les années 1760, les 3 départements du Limousin comptent 140 lieux de foires totalisant 958 jours de foires soit une foire tous les 2 mois en moyenne. (Atlas historique du Limousin[1])
Bien avant Nexon c’est Chalus qui avait les foires à bestiaux les plus renommées de la région avec un important commerce de chevaux du Limousin.
1- Quelques décisions du conseil municipal entre 1792 à 1860 :
Le 15 janvier 1792 la Municipalité fut invitée à créer des foires à date fixe, celles existantes alors étant très variables. Elle décida que les foires auraient lieu le dernier mardi de chaque mois, à compter du mois de février pour la vente du bétail et toutes sortes et denrées.
Le 1er novembre 1792 la municipalité décida de donner une plus grande publicité aux foires de Nexon et décide que le citoyen BARDON, imprimeur et commandant de la Garde Nationale à Limoges, fasse une annonce pour ces foires dans son calendrier.
Le 28 thermidor an II (15 aout 1794), le Conseil décide que par suite du nouveau calendrier les douze foires de l’année qui se tenaient le dernier mardi de chaque mois auraient lieu, à compter de ce jour, tous les 21, sauf celle de janvier, Pâques, septembre qui seront en plus à date fixe. Cette décision sera publiée dans le calendrier des foires du sieur Jean BAUDOUT, imprimeur, et 150 exemplaires de ce calendrier des foires seront distribués.
Le calendrier révolutionnaire en transformant le mois qui était composé de quatre semaines en trois décades a posé des problèmes pour la fixation du jour des foires et marchés. Les villes comme Chalus qui avaient un marchés hebdomadaires en perdaient un chaque mois. Mais les habitudes furent souvent les plus fortes et les marchés continuèrent à se tenir aux dates anciennes en ignorant le calendrier révolutionnaire.
Le 10 Germinal an III (30 mars 1795), jour de foire à NEX0N, les sieurs Gabriel LA VAREILLE et Pierre MONTAZEL étaient venus acheter des bœufs pour l’approvisionnement de l’armée d’Italie. Les paysans refusèrent de livrer les bêtes sans être payés sur le champ malgré les protestations des acheteurs qui promettaient un paiement sous un mois.
Le 13 décembre 1805 le ministre de l’Intérieur approuve le calendrier des foires sur l’ensemble du territoire. Dans le tableau que dresse Louis TEXIER-OLIVIER préfet de la Haute-Vienne du département de la Haute-Vienne en 1807 il publie la liste des foires du département[2]. On constate qu’à Nexon 6 foires sont autorisées contre 12 à Saint-Yrieix et Saint Germain et 7 à Chalus.
Si l’on compare au nombre de foires qui se tenaient avec avant ce texte, ce calendrier est très restrictif. Mais les communes ne le respectaient pas à la lettre ce qui amenait le préfet à rappeler la règle aux maires.
Le 19 aout 1821 le Conseil est saisi par la commune de Chalus d’une demande d’établir de nouvelles foires. Le conseil décide, dans l’intérêt du commerce, de rejeter cette demande aux motifs :
– que la ville de Chalus a déjà un marché tous les vendredis
– qu’il y a déjà trop de foires qui tombent le même jour
– que ce grand nombre de foires porte un préjudice réel à l’agriculture, que beaucoup d’individus n’y vont que par curiosité et qu’ils remplissent les cabarets, font des ivrognes, ont des disputes et souvent se battent au lieu de travailler leur propriété.
Le 17 juillet 1836 le conseil proteste contre la création de nouvelles foires à Châlus, Saint Yrieix et Flavignac qui tomberaient en même temps que celles de Nexon.
Le 17 mars 1841 le conseil examine une demande de foire de la commune de Magnac Bourg. Il décide que ces foires ne pourront se tenir le 18 septembre car le 18 se tient à Nexon, depuis un temps immémorial, la plus grande, la plus brillante et la plus considérable des foires du département.
Le 15 mars 1848, le Maire décide que pour éviter les accidents les jours de foire la répartition du bétail se ferait comme suit : sur les deux places neuves et de la Chapelle les bœufs, moutons, brebis et cochons. Sur la place de l’Eglise les autres bestiaux, les étalagistes et autres marchands.
Le 23 novembre 1854 Le conseil donne un avis favorable à la création de foires à la Roche l’Abeille et Château Chervix.
Dès les années 1850 quelques grands propriétaires, Charles de Léobardy, Pierre-Edmond Teisserenc Bort et plus tard le baron de Nexon se lancent dans l’amélioration de la race bovine Limousine. Leurs efforts aboutissent en 1886 à la création du herd-book limousin. Après la charolaise la limousine devient ainsi la seconde race bovine française à avoir son herd-book. Les métayers en copiant les méthodes de leurs maîtres ont largement contribués à l’expansion de la race. Les concours, les comices agricoles se sont développés (celui de Nexon en 1877 -voir le chapitre sur ce sujet), les foires se sont multipliées, les expéditions vers les grandes métropoles comme Lyon et Saint Etienne ont contribués à la forte demande de viande bovine limousine.
2- Les foires de Nexon vont bénéficier de l’arrivée du chemin de fer.
La mise en service de la ligne Limoges-Périgueux le 26 aout 1861 va donner à la foire de Nexon une importance qui va durer pendant un siècle. L’effet de la gare sur l’activité économique c’est fait sentir dans les quinze jours qui ont suivi l’ouverture de la gare de Nexon. Ainsi une vente de 46 chevaux de 9 bovins, de porcs et de volailles de race est annoncée à l’arrivée des trains venant du Nord et du Midi.
Le Courrier de Centre 7 septembre 1861
Si le chemin de fer permet d’envoyer, relativement rapidement, dans toute la France des animaux, du kaolin ou de la porcelaine réciproquement Nexon peut bénéficier de produits venant de toute la France voire du monde entier. Ainsi un dépôt de charbon s’est ouvert à Nexon dès 1861 chez M. GIZARDIN.
Le Courrier de centre 7 septembre 1861
La compagnie du Paris-Orléans a très vite compris que les foires drainaient de nombreux voyageurs et de ce fait elle proposait des tarifs spéciaux pour ces jours-là.
Le Courrier du Centre 8 octobre 1862
La mise en service de la ligne vers Saint Yrieix la Perche le 20 décembre 1875 va conforter l’importance des foires de Nexon et faire de la gare un centre d’activité avec plusieurs hôtels et restaurants. A contrario Chalus patira du fait de n’avoir pas un embranchement direct vers les grandes métropoles. Dès la fin de la Première mondiale l’activité des deux foires de la Saint-Georges (23 avril) et de la Saint-Michel (30 septembre) déclinèrent.
Lors de chaque foire à Nexon ce sont plusieurs centaines de bovins qui sont proposés à la vente. Mais si les bovins représentent l’activité la plus voyante des foires de Nexon il ne faut pas oublier les porcs, les moutons …
Mars 1878
Le Courrier du Centre 19 mars 1881
Le Courrier du centre 19 novembre 1892
Avec l’ouverture de la ligne Nexon – Brive ou les toucheurs de bétail, les marchands de bestiaux de la Corrèze demandent que ceux qui conduisent les bovins avec un aiguillon bénéficient du transport gratuit sur les lignes de leur département comme c’est le cas en Haute-Vienne :
En 1897 un marché aux volaille est créé à Nexon, il vient s’ajouter aux échangent qui s’opèrent lors des foires pour ces divers animaux comme on le constate sur l’article consacré à la foire du 16 mai 1898.
Le Courrier du centre 15 octobre 1897
La gare de Nexon bénéficie d’un emplacement rare, au croisement de 3 lignes directes vers 3 grands marché, Limoges, Brive et Périgueux. De ces 3 villes les productions nexonnaises peuvent facilement s’écouler au Nord et au sud de la France.
Le Courrier du Centre 19 mai 1898
Les centaines de bêtes qui sont expédiées à Lyon ou Saint-Etienne nécessitent de 30 à 50 wagons. Cela prend du temps pour embarquer les animaux. Les dernières bêtes sont chargés alors qu’il fait déjà nuit et certains paysans doivent marcher une heure et souvent plus pour rentrer chez eux.
Dès 1896 le Conseil municipal demande que le quai d’embarquement soit agrandi et qu’un nouveau quai soit construit. En 1904 M. NOUHAUT, député, et plusieurs de ses collègues appuient la demande du Conseil municipal.
Conseil Général de la Haute-Vienne 1904
La Première Guerre mondiale et l’arrivée des soldats américains à partir de 1917 ont conduit à d’importants travaux à la gare de Nexon (voir le chapitre « Les américains à Nexon ») mais il faut croire que ce ne fut pas suffisant pour les jours de foire puisqu’en 1930 M. DEBREGEAS a une nouvelle fois demandé au Conseil général d’aménager de nouveaux quais d’embarquement.
Conseil général 15 mai 1930
Il faut imaginer la descente vers la gare de centaines d’animaux, les jeunes veaux et les génisses liés à leur mère afin de les maitriser. Une fois les bêtes embarquées un certain nombre d’éleveurs et de marchands s’attablent dans les trois cafés-hôtel-restaurant du quartier de la gare. Dans le bourg les restaurants ne travaillent pas aux mêmes horaires. Une fois la vente conclue éleveurs et marchands se retrouve dans les restaurants situés autours du champ de foire et de la place de l’église pour un copieux casse-croute. Chaque restaurant à sa spécialité. Ainsi Mme QUINQUE qui ouvre son restaurant les jours de foire et pour les frairies prépare des pieds de cochons au vin rouge. Ils sont suivis d’un fromage et bien sur accompagné d’une bonne bouteille de vin. Les 3 salles sont combles et les marchands sortent leurs énormes portefeuilles remplis de billets et ceux-ci changent de main. Ceci terminé ceux qui ont vendus leurs bêtes descendent à la gare pour l’expédition. Ceux qui sont venus sans bêtes sont moins contraints par le temps. Ils déjeunent dans les restaurants plus éloignés du foirail. Certains ont payé un accordéoniste pour l’après midi et les valses et les bourrées se substituaient aux marchandages de la matinée. René REBIERRE, ancien maire de Nexon, dont les parents étaient marchands de vin près de la gare, me disait que le plus important des restaurant de la gare écoulait 400 litres de vin rouge et 200 litres de vin blanc chaque jour de foire. Et même si ces vins ne titraient le plus souvent que 9 ou 10 degrés d’alcool il a souvent vu des gens dormir dans le fossé autours de chez ses parents, sans parler des bagarres qui ne manquaient pas d’éclater entre groupes d’individus un peu trop enivrés.
Avec le développement de l’automobile les longues marches pour venir à la foire, puis pour descendre à la gare, ne vont plus se faire à pied mais dans des bétaillères. Au fil des années, et en l’absence d’espaces de stationnement, les voitures se garent sur les fossés, de chaque côté de la route jusqu’au pont de Biard. Je n’ai pas trouvé de photos prises à Nexon mais une carte postale de Pierre-Buffière qui montre les abords de la gare un jour de foire à la fin des années 1940 nous donne une idée de ce que cela pouvait donner à Nexon.
Les jours de foire tous les paysans ne venaient uniquement pour vendre leurs bêtes mais aussi pour acheter des outils et du matériel agricole. Leurs épouses, qui les accompagnaient, en profitaient pour acheter tissus, laines, ustensiles de cuisines… Les enfants qui n’avaient pas classe les jours de foire pour éviter un encombrement supplémentaire des routes, ouvraient de larges yeux en faisant le tour des différents étals et s’attardaient devant ces bazars où tout était à 100 sous puis 1 franc… C’était le prix qui se pratiquait lorsque, jeune écolier, j’allais faire un tour à la foire et j’achetais un roudoudou ou une cage à hanneton !
Tous ces marchands devaient s’acquitter d’un droit de place qu’ils payaient à l’adjudicataire qui avait emporté le marché pour l’année. Pour devenir adjudicataire il avait fallu payer les sommes suivantes :
Pour avoir une idée de ce que représente ces sommes, 3 000 francs en 1901 à le même pouvoir d’achat que 12 000 euros en 2021.
L’adjudicataire devait nettoyer les places à la fin de la foire, enlever les boues et immondices, combler les trous faits par les cochons …
Dès que l’éclairage électrique a été installé à Nexon, l’adjudicataire devait assurer un éclairage suffisant des bancs dès la veille.
Des années 1880 jusqu’en 1924 l’adjudicataire encaissait le prix des droits qui variaient de 50 centimes à 1 franc pour une longueur de 2 mètres en fonction de l’endroit où les bancs se trouvaient. En 1924 les tarifs ont augmenté de 50% et le banc de 2 mètres de longueur sur un mètre de largeur est passé à 1,50 franc.
En 1909 le Conseil municipal a été amené à faire payer les jardiniers qui ne prenaient pas de banc et vendaient leurs fruits et légumes depuis leur cariole.
A partir du 1er janvier 1921 le conseil municipal décide de faire payer un droit d’entrée pour les animaux les jours de foire. Du 1er janvier 1921 au 31 décembre 1924 les prix étaient les suivants :
Droits d’entrée sur le foirail à Nexon pour les animaux du 1er janvier 1921 au 31 décembre 1924
En théorie les négociations entre marchands et éleveurs ne pouvaient commencer qu’à partir d’une heure fixée par arrêté municipal. Celle-ci n’a cessé de changer et a varié entre 5H00 et 8H00 du matin, jusqu’à totalement disparaitre à certaines périodes, comme en 1936. En 1939 l’heure d’ouverture des foires est rétablie et fixée à 6 heures l’été et 7 heures l’hiver. L’indiscipline des marchands et des éleveurs était notoire, certains négociant les prix avant l’entrée du bourg.
3- Le lent déclin des foires
Dès la fin de la deuxième guerre mondiale les foires retrouvent toute leur activité. Ainsi le vendredi 16 janvier 1947 plus de 1.200 bêtes à cornes et 300 porcs de toutes tailles se trouvaient rassemblés. A 8 heures la vente « à vue » commence et les courtiers venus de Saint-Etienne, de Perpignan et de la région niçoise après avoir estimé d’un regard le poids exact de la bête à quelques kilos près, font une offre sur une base convenue entre eux. Les marchés sont conclus rapidement. Les liasses de billets passent de mains en mains, puis les bêtes dûment marquées sont acheminées vers la gare. Les porcs ont également attire de nombreux acheteurs. Mais une fois le marché conclu les porcs, truies et porcelets quittent Nexon par camions vers leurs destinations dernières.
Le Populaire samedi 18 janvier 1947
Mais Nexon ne retrouvera plus de telles foires. La campagne change avec un exode rural qui s’accélère. Les campagnes perdent leurs habitants au profit des grandes agglomérations. Au même moment les structures agricoles se bouleversent. La mécanisation conduit les agriculteurs à accroitre la surface de leurs exploitations. Les métairies disparaissent rapidement. Les marchés agricoles se modifient, les agriculteurs qui se sont de plus en plus spécialisés livrent en grande quantité directement aux coopératives ou aux marchands.
Pendant les années 1960-1970 les ventes de bovins atteignent rarement les 500 têtes et sont plus proches des 250-300. Il faut dire que les ventes s’effectuent de plus en plus directement à la ferme et les animaux partent en camions vers leurs lieux de destination. La gare perd une partie de son activité marchandise, les cafés et restaurants ne connaissent plus les salles combles et le brouhaha qui s’amplifiait avec l’heure qui avançait et les bouteilles qui se vidaient.
En 1976 le maire de Nexon est interrogé par un journaliste sur l’avenir des foires. Sa réponse a été publiée dans le bulletin municipal :
BMI n° 92 1er trimestre 1976
En effet à Saint Yrieix les problèmes d’encombrement et les contraintes sanitaires incitent la municipalité à construire un marché couvert, au lieu-dit « Bourdelas », afin d’offrir aux différents acteurs de meilleurs conditions. Le marché aux bestiaux ouvre ses portes le 24 octobre 1980, entrainant de ce fait la fin des foires à Nexon. Pour l’anecdote René REBIERE qui était maire à cette époque rappelle que le maire de Saint Yrieix n’était pas favorable à ce marché malgré les incitations des représentants de l’Etat. Le maire de Nexon fait savoir que sa commune est prête à accueillir ce marché. Ceci a suffit pour que son collègue arédien change d’avis !
BMI n° 111 décembre 1980
4- Le champ de foire jusqu’en 1950
Avant la Révolution de 1789 NEXON est un bourg groupé autour de son église. C’est autours devant cette église que se tenait, chaque année en septembre, une foire-fête importante en l’honneur de son patron St-Ferréol.
Les foires trouvèrent un nouveau lieu pour s’installer lorsqu’ à la fin de 1817, le vieux cimetière qui était en plein milieu du bourg, à la place de l’actuelle place de la République, a été déplacé pour des raisons d’hygiène vers l’extérieur en dehors du bourg, à la place qu’il occupe actuellement. La commune de Nexon n’eut rien à débourser comme prix du terrain. L’emplacement du cimetière actuel fut échangé par Gabriel Tarade, arpenteur du bourg, contre une parcelle de l’ancien. Celui-ci fut immédiatement transformé en place publique ou champ de foire, destination qu’il a conservée jusqu’à la fin du XXe siècle.
Mais la place libérée par le cimetière n’a pas toujours été totalement vide. La mairie y a été construite et les foires se déroulèrent sur l’actuelle place de la République mais aussi sur l’actuelle place Annie Fratellini. Plusieurs cartes postales d’avant la guerre de 1914-1918 lui donnaient le nom de place du champ de foire ou place du petit marché.
Sur la carte suivante on remarque deux choses intéressantes : cerclée de jaune l’ancienne mairie et le grand nombre de soldats. Ce sont des soldats américains arrivés à Nexon en 1918 où ils vont rester entre 2 et 3 mois pour s’entrainer avant de partir au camp de La Courtine puis au front.
Cerclée de jaune, l’ancienne mairie.
En observant bien on remarque un panneau de basket. Ce jeux était alors inconnu en France et ce sont ces jeunes soldats qui l’ont fait connaitre. Après leur départ il n’y a pas eu d’équipe de créée à Nexon mais à Limoges le basket est né grâce à ces jeunes soldats.
Mais le plus grand nombre de cartes postales intitulées « place du champ de foire » représentent tout ou partie de l’actuelle place de la République. Cependant on note un certain manque de rigueur chez les éditeurs car la place du champ de foire est aussi appelée « Place du Petit marché ». Il faut dire qu’à l’époque ou ont été éditée ces cartes postales il n’y avait de plaques indiquant le nom des places.
la carte de gauche avec un timbre de 5centimes à la Semeuse sur fond vert a été postée le 4 juillet 1909; celle de droit avec un timbre à 10 centimes à la semeuse sur fond orange a été postée le 3 aout 1913. Entre les deux date les tarifs n’ont pas augmenté mais la première est timbrée à 5c. car elle compte moins de 5 mots. ce tarif spécial a disparu en 1910, de ce fait la seconde doit payer le tarif normal qui est de 10c. Au fond à gauche on distingue l’hôtel du champ de foire et à droite, au premier plan, l’hôtel de la poste.
Les deux cartes suivantes représentent pratiquement la même vue. La première postée en septembre 1906 est timbrée à 5c. car elle comporte que la signature de l’expéditeur. Celle de droite est postée le 28 mai 1909 avec un timbre à 10 c. car l’expéditeur a écrit un texte de plusieurs lignes.
la carte suivante est toujours prise sous le même angle mais elle est plus récente car on constate que des trottoirs ont été construits. Sur cette partie du champ de foire il n’y a qu’un seul restaurant, à gauche, à l’angle de l’immeuble.
Carte postale de la collection du Dr ROBERT aux Archives Départementale de la Haute-Vienne
C’est une toute petite partie du champ de foire que l’on voit ici mais les jours de foire les bêtes occupaient toute la rue.
Après la la fin de la guerre de 1914-1918, la vieille mairie a été démolie et le monument aux morts a été érigé.
Les cartes postales précédentes ont toutes représenté le champ de foire sans bétail. mais il existe plusieurs belles cartes et photos qui montrent l’importance des foires de nexon dans la première partie du XXe siècle puis leur déclin progressif conduisant à la disparition du champ de foire, à la fois physiquement mais aussi symboliquement car maintenent aucune place ne porte ce nom.
Cette carte postale éditée par PRUNET qui était épicier à Nexon, date des années 1910. Elle a connu de nombreuses réédition de couleur différente (sépia) par des éditeurs différents. On voit a gauche le coin de l’ancienne mairie démolie en 1920 pour installer le monument aux morts. Sur cette carte postale où l’on peut compter plus de 100 bovins ont remarque peu de femmes. Il y en a quatre à droite dont deux portent une ombrelle et on aperçoit, à l’extrême droite une ombrelle dont on peu penser qu’elle est tenue par une femme. Les hommes ont tous la tête couverte ; La majorité d’entre eux porte un canotier, quelques un ont un feutre noir et d’autres, essentiellement des jeunes sont coiffés d’une casquette. Presque tous sont vêtus d’une longue blouse bleu foncé, parfois noire et quelques-uns sont en costume. Les bêtes sont tenues à la main toute la matinée. Ce n’est qu’après la guerre de 1939-1945 qu’elles seront attachées aux barres du foirail.
Postée le 4 septembre 1909
C’est la même vue que celle de la carte précédente mais à une saison différente mais sans doute la même année. Il fait moins chaud car les canotiers ont presque tous disparus. On remarque moins de femmes et les deux que l’on voit au premier plan à droite son tête nue et elles s’intéressent au bétail, l’une d’elle tâtant la croupe d’un veau.
La vue suivante est plus récente. La vieille mairie a été démolie et transférée dans le bâtiment d’à coté. Nous sommes maintenant dans les années 1930, à la belle saison avec les hommes en canotiers. Dans le coin droit en bas on aperçoit un bout de tente. Elle est très visible sur la carte suivante, prise sans doute le même jour avec un plan plus large. Elle a été postée le 18 aout 1939 et elle est timbrée à 70 centimes. Trente ans auparavant le timbre coutait 10 centimes voire 5 pour moins de 5 mots !
Les bancs sont protégés du soleil par une toile. On distingue plusieurs bancs avec des meubles et des tissus tenus par des femmes.
Cette carte postale est prise devant l’ancienne mairie. Il y a moins de monde que sur les photos précédentes. Les canotiers sont rares et on ne voit pas d’ombrelles. Presque tous ont une canne, soit un simple bâton de châtaigner soit une canne en rotin dite « canne de marchand ». Sa poignée est très coudée pour que la canne puisse être coincée autour du bras, afin de laisser les mains libres pendant la négociation. La tige va en s’amincissant puis reprend sa taille d’origine ce qui lui donne de la souplesse et un « effet de fouet », utile pour faire tourner ou avancer les bêtes.
Un assemblage de deux photos photos prises un peu avant 1914 montre l’importance des foires de Nexon.
En prenant chaque photo des détails intéressants apparaissent.
Sur ce cliché tiré de la partie gauche, on remarque la terrasse devant le bâtiment qui n’est pas encore la mairie mais l’école. C’est cette terrasse que la communauté de commune a voulue rétablir pour redonner au bâtiment sa forme originelle. Mais aujourd’hui la minéralisation des espaces l’emporte souvent sur la végétalisation, un peu en contradiction avec le changement climatique qui exigerait pour limiter ses effets qu’il y ait plus de végétaux dans nos villes… Il y a peu de feuillages sur les arbustes et peu de canotiers sur les têtes ce qui me donne à penser que la photo est prise au printemps.
La partie droite, fortement agrandie, permet de distinguer plusieurs femmes en habit traditionnel. La blancheur de leur coiffe est visible au milieu de la photo et sur la partie droite deux points blancs parrallèles à la rue qu’on ne distigue plus cachée par le bétail. Au fond, remontant sur le trottoir de la rue Pasteur devant la boulangerie puis la pharmacie et tourne à gauche et remonte la rue Champlain en passant devant le café de la poste et la charcutrie.
A côté des places situées autours de la mairie et sur lesquelles se déroulaient les marchés des bovins d’autres marchés étaient organisés place de l’église. Devant l’entrée du château c’était le marché des porcs. Loa carte postale ci-dessous nous fait découvrir un autre public que celui rencontré sur le marché des bovins.
Des jeunes enfants, garçons et filles, des jeunes femmes en robe, des femmes plus âgées en habits traditionnel et le barbichet d’un blanc éclatant côtoient des jeunes gens et des adultes en blouses bleues ou noires et chapeaux noirs discutent autours de petits groupes de cochons qui fouillent le sol.
Devant l’église se tenait le marché des volailles, mais je n’ai pas trouvé de photo sinon une carte postale avec la bascule en premier plan.
5- Le champ de foire à partir de 1950
Le 25 juin 1950 le conseil municipal décide de déplacer le monument aux morts à côté du cimetière. La place, maintenant totalement libérée, est aménagée en champ de foire avec une série de barres auxquelles seront attachés les animaux.
Il y a peu de monde pour cette foire. On remarque les moutons contre le mur de la maison qui, à l’époque, était celle de M. André LONGEQUEUE, pharmacien et conseiller municipal. Son frère Louis LONGEQUEUE était pharmacien comme lui et maire de Limoges. Une bétaillère et un combi VW sont garés à côté des moutons. Le quai d’embarquement, construit contre le mur en 1922, commence à hauteur de l’avant du combi VW. Les taureaux ne sont pas attachée aux barres et se trouvent dans un espace clos, plus bas.
On voit sur la photo ci-dessous, prise à la foire d’avril 1963, un éleveur qui tient son taureau de la main gauche et sa canne de la main droite.
Avril 1963 Un concours en 1968
Le Populaire publiait le 21 mars 1975 une photographie de la foire sous la neige. Mon père qui s’y trouvait a été saisi par l’objectif du photographe ! On remarque, en haut de la place, des tracteurs. Il est loin le temps ou les éleveurs venaient à pied…
Le Populaire 21 mars 1976
Ce jour d’avril 1984 il n’y a pas de foire et les voitures occupent l’espace laissé libre par les animaux.
Quand il n’y eu plus de foire à Nexon, un foirail n’était plus justifié. Durant les années 1984 et 1985 la place du champ de foire va être réaménagée. La commune n’a pas obtenu de subvention du département pour cette opération et la région a accordé une petite aide pour utiliser du granit limousin.
En mai 2016 j’ai pris quelques photos de l’ancien champ de foire où la verdure se mariait bien avec la couleur rosée du granit sous ce ciel tourmenté.
En 2020 dans le cadre d’un réaménagement complet du centre bourg l’ancien champ de foire a pris un nouveau visage l’éloignant de ce qui avait été un moteur important de l’activité nexonnaise pour passer a celui qui depuis plusieurs dizaines d’années fait connaitre nexon dans toute la France : le cirque. Pour justifier le choix de la nouvelle conception le maire déclarait à la presse « Il y a une forte identité spectacle à Nexon avec le Sirque, d’où l’idée de ce théâtre extérieur ».
Les bovins partis, les automobiles les remplacent et pour lutter contre le réchauffement climatique une voiture électrique est à la disposition des nexonnais et des visiteurs.
Le Populaire 17 mai 2021
6- Quelques cartes postales des foires de Limoges avant 1914.
On pense souvent que les foires n’existent qu’à la campagne mais on oublie que depuis le Moyen Age de grandes Foires existaient dans les plus grandes villes françaises. Et à Limoges tout le monde connait les deux grandes foires, la foire de la saint Loup le 22 mai, créée en l’honneur de Loup évêque de Limoges, connue depuis le XIVe siècle et la foire des Innocents le 28 décembre, créée en 1566 par un édit de Charles IX. On connait moins les foires aux animaux qui se déroulaient sur le champ de foire, aujourd’hui parking W. Churchill. Quelques cartes postales permettent de ne pas oublier ces moments.
Sur la carte postale de gauche postée le 21 novembre 1904 et sur celle de droite postée le 9 juillet 1905, les éleveurs sont vêtus de la même manière que ceux de Nexon.
A côté des bovins il y avait la foire aux cochons. Sur la carte de droite on voit un langueyeur à l’ouvrage. Cette personne avait pour tâche de détecter la ladrerie chez le porc vivant destiné à la vente. Il s’agit d’une maladie parasitaire provoquée par la présence dans les muscles de l’animal de cysticerques, formes larvaires de certains ténias. Chez l’homme, ce parasite est le ver solitaire. Cette maladie était très fréquente autrefois du fait du manque d’hygiène et d’une cuisson pas assez élevée de la viande et se transmettait de l’animal à l’homme et réciproquement. C’est à cause de ce danger que les religions juive et musulmane auraient interdit la consommation de viande de porc. Après la Première Guerre mondiale la présence des langueyeurs se fit plus rare car les contrôles sanitaires de la viande de boucherie par des vétérinaires devinrent systématiques, que l’hygiène et la salubrité publique se firent des progrès dans le monde rural et que la cuisson de la viande de porc à une température élevée s’imposa. Et petit à petit on n’entendit plus parler d’un enfant qui aurait le vers solitaire…
Pour clore cette escapade vers les foires à Limoges, une foire aux ânes, non pas sur le champ de foire mais sur le champ de juillet. Il n’y en avait pas à Nexon bien que l’âne soit utilisé pour tracter une cariole mais pour cela le cheval était largement préféré.
Carte postée le 4 décembre 1908
Pour conclure je cite un passage de G-A COISSAC (1868-1946), spécialiste du cinéma français entre les deux guerres et amoureux de son Limousin natal auquel il a consacré un ouvrage : « La foire, c’est la faiblesse du paysan limousin ; il les connait toutes à 40 ou 50 kilomètres à la ronde : la foire des « nourrains » (petits cochons), des porcs gras, des moutons et brebis, des chèvres, des ânes, des chevaux, des bœufs ou des vaches, etc. Il y court par entraînement, sans raison, ou mieux il trouve sans cesse des raisons de s’y rendre, les plus futiles motifs l’y engagent : une paire de souliers à acheter, par exemple, alors qu’il a le cordonnier à sa porte. Il se plantera devant le charlatan, le marchand de drogues, d’onguent et d’orviétan, écoutera la musique et admirera les jongleries, etc. Bref, il ira à la foire… pour aller à la foire. N’est-ce pas une occasion d’aller boire chopine (lou miequart) et de manger une de ces bonnes tartes de Chamboulive, dont la renommée a franchi les limites de la Corrèze ! »
C’est ce que constatait le Conseil municipal de Nexon lorsque le 19 mai 1865 il a protesté contre l’établissement d’un marché tous les 5 jours à Séreilhac car l’agriculture en souffre, les cultivateurs abandonnant leurs travaux pour courir les foires et marchés.
« Le jour de foire, tous les sentiers du ‘village sont encombrés de bonne heure ; la grand’route est débordée : chars de foin et de bois, troupeaux de brebis, établée de porcs, vaches et veaux, voitures et piétons, vieux et jeunes, tout cela court, crie, se heurte, se croise, se presse, et s’engouffre vers le champ de foire. La route est comme un fleuve qui charrie la campagne toute vivante. »
Georges Michel COISSAC « Mon Limousin » Paris 1913 – page 238.
L’entrée « Est » de la place de l’église s’effectue par la rue Victor Hugo que l’on appelait autrefois « route de la plaine ».
Du coté pair la numérotation des immeubles de la rue Victor Hugo commence à la limite de la place Fratellini et se poursuit avec le numéro 16 au delà de la place de l’église. Du coté impair la numérotation commence à la sortie de la place de l’église et le n°1 est donné à une partie de l’ancienne propriété BLANCHARD LACHENAUD.
Une seule entrée dessert la propriété
Mais jusqu’en 1945 cet immeuble était recensé avec ceux de la place de l’église. En 1891 l’immeuble est la propriété de Joseph FAURE (-1899) qui est banquier. Il vit avec sa sœur Aline et son gendre Gabriel BLANCHARD, avoué à la cour d’Appel de Limoges qui a épousé Alice FAURE le 11 septembre 1883 à Nexon. Ils ont une fille, Madeleine, née le 17 juillet 1884. Trois domestiques sont logés dont une cuisinière et une servante.
Recensement de 1891 – A.D.H.V.
On constate qu’en 1891 les FAURE et les BLANCHARD constituent un seul ménage. Ce ne sera plus le cas en 1896.
Recensement de 1896 A.D.H.V.
Gabriel BLANCHARD qui n’a que 42 ans est rentier. Il vit avec son épouse et sa fille et ils n’ont pas de domestique logé. Son beau-père, Joseph FAURE vit avec sa sœur et ils ont deux domestiques.
Joseph FAURE décède le 13 mai 1899, il ne reste que sa sœur Aline qui est célibataire. Quelques mois plus tard, le 24 février 1900, c’est sa fille Alix qui décède à 41 ans. Gabriel BLANCHARD se retrouve veuf. Au moment du recensement de 1901 il vit avec sa mère, sa fille, sa tante et trois domestiques.
Recensement de 1901 – A.D.H.V.
En 1903, Gabriel BLANCHARD marie sa fille Madeleine âgée de 19 ans à Léonard LACHENAUD, rentier qui a 31 ans.
Une fois marié L. LACHENAUD vient habiter à Nexon chez son beau-père. Au recensement de 1906 la famille Blanchard qui s’est enrichie du gendre a toujours 3 domestiques à son service, mais ce ne sont plus les mêmes. Certaines familles changent fréquemment de personnel de maison tandis que d’autres s’attachent les services de domestiques pour une longue durée.
Recensement de 1906 – A.D.H.V.
Le 21 novembre 1909 Gabriel BLANCHARD décède à 55 ans. Georges LACHENAUD devient le chef de famille. En 1911 il y a 4 domestiques au service de la famille.
Georges LACHENAUD a été exempté de service militaire pour raison de santé, exemption qui a été renouvelée en 1914 afin qu’il ne soit pas mobilisé pour la guerre. Mais sa santé se dégrade et il décède le 4 avril 1915 à 41 ans. Madeleine LACHENAUD est maintenant cheffe de la famille.
En 1921, pour le recensement, elle sont 3 femmes, Madeleine LACHENAUD, sa grand-mère qui a 93 ans et sa tante. Ils ont maintenant 5 domestiques dont le couple BONNAUD qui en 1914 a donné naissance à une petite fille, Marie Madeleine. En 1934 elle épousera le coiffeur Georges André qui habitait la maison voisine.
Recensement de 1921 -A.D.H.V.
Le 27 mai 1924, la grand-mère BLANCHAD, née LONGEAU-LAUBANIE décède à 96 ans. Au recensement de 1926 Madeleine LACHENAUD n’a plus que sa vieille tante de 82 ans pour lui tenir compagnie. C’est sans doute pour s’occuper de sa tante qu’elle emploie à demeure une infirmière et 5 domestique parmi lesquels la famille BONAUD est toujours présente.
Recensement de 1926 – A.D.H.H.
Madeleine LACHENAUD décède le 18 janvier 1928 à 44 ans. Sa tante Aline FAURE se retrouve seule. En 1931 elle a conservé la famille BONNAUD à son service.
Recensement de 1931 – A.D.H.V.
Les familles BLANCHARD et LACHENAUD disparaissent du paysage nexonnais. Elles ont été frappées par de nombreux décès de personnes jeunes. La maison a tour poivrière va changer de mains.
Les TREZEL vont pendant quelques temps leur succéder. Ils vont rester une trentaine d’années à Nexon mais ils ne fréquenterons pas trop les nexonnais. Pierre Léon TREZEL (1883-1956) après avoir commencé une carrière d’avocat à la Cour d’appel de Paris intégra la Cour des Comptes où il termina sa brillante carrière comme conseiller référendaire. Il est mort à Nexon le 18 octobre 1956. Son fils Roger TREZEL (1918-1986) fut un brillant bridgeur, membre de l’équipe de France qui sous le capitanat du baron Maurice de Nexon remportât plusieurs titres mondiaux ( voir l’article sur Robert de Nexon ) mais il ne vint pas souvent à Nexon.
Pendant les années 1945-1970 elle abrita les cabinets de plusieurs médecins dont les noms resonnent encore aux oreilles de plus anciens nexonnais : les docteurs CARRERE, VARNOUX et LEYCURAS.
Les médecins louaient la partie gauche de la propriété et la famille TREZEL vivait dans la partie droite, aujourd’hui n° 3 rue Victor Hugo. En entrant par la rue Victor Hugo la salle d’attente était à droite et le cabinet médical à gauche. Le docteur LEYCURAS est arrivé à Nexon en 1956, il est resté rue Victor Hugo jusqu’au début de l’année 1970 au cours de laquelle il s’est installé dans la maison qu’il avait fait construire rue du 11 novembre. Il a cessé son activité le 30 juin 1990. Son fils Dominique se souvient de madame TREZEL, une femme âgée qui sortait peu lorsqu’elle venait séjourner à Nexon. Il n’a pas le souvenir d’avoir vu Roger TREZEL à Nexon.
La propriété des BLANCHARD-LACHENAUD a été découpée et aujourd’hui la partie gauche au n° 1, appartient à M. et Mme MITTEAU et la partie droite, au n° 3 à M. et Mme FERNANDES LOPES.
Jusqu’au début des années 1950 la place de l’église, pour beaucoup de nexonnais, commençait à l’angle de la rue d’Arsonval. L’immeuble qui aujourd’hui porte le numéro 1 de cette rue était considéré comme situé place de l’église. Il faut dire que le débouché de la rue d’Arsonval sur la rue Victor Hugo ne figure pas sur le plan cadastral rénové de 1956. Sur ce plan la place de l’église est tracée comme elle l’était sur le plan napoléonien de 1817. Les rénovations portent principalement sur la construction de la gare et des vois ferrées.
En jaune , la rue d’Arsonval
Partons donc de l’immeuble qui fait l’angle de la rue d’Arsonval et de la rue Victor Hugo et qui porte le numéro 1 de la rue d’Arsonval. Cet immeuble est connu de tous car c’est un bel immeuble, imposant. Le parc à l’arrière n’a sans doute le même lustre qu’il avait lors de la construction de l’immeuble. Le garage en brique en son milieu le lui a fait perdre.
Lors du recensement de 1886 l’immeuble, recensé place de l’église, est occupé par la famille de M. Louis BOUTAUD-LACOMBE notaire.
Recensement de 1886 – ADHV
Louis BOUTAUD-LACOMBE est né le 9 juillet 1837 à Bourganeuf (Creuse) d’une famille de propriétaires terriens. Il s’est marié le 19 janvier 1864 (mardi) à Nexon avec Léonide-Eudoxie CUBERTAFON (1843-1929), fille d’Arnoul CUBERTAFON (1797-1871) notaire et maire de Nexon de 1830 à 1848. Après son mariage Louis BOUTAUD-LACOMBE va succéder à son beau-père comme notaire.
Au moment du recensement leurs deux enfants, Albert, né en 1864, et Marthe, née en 1867, vivent au domicile de leurs parents. Une servante vit avec eux.
La famille CUBERTAFON habite dans l’immeuble voisin qui, alors, est référencé rue Neuve :
Recensement de 1886 – ADHV
D’un style différent, moins massif, avec des lucarnes ouvragées, il bénéficie d’un vaste parc donnant sur la place de la république.
La maison « CUBERTAFON » avec ses lucarnes ouvragées
1910
2021
Les deux immeubles sont reliés par un garage qui aurait été construit après l’alliance entre les deux familles consécutifs au mariage de leurs enfants.
Au recensement de 1891, Marthe BOUTAUD-LACOMBE ne vit plus avec ses parents. Elle a épousé le 4 juin 1889, Jean Baptiste SAZERAT, négociant à Limoges. Albert, son grand frère est clerc dans l’étude de son père dont il prendra bientôt la suite. Avec eux vit un jeune couple de domestiques.
Recensement de 1891 – ADHV
En 1896, la maison BOUTAUD n’est plus recensée place de l’église mais rue Neuve. Louis BOUTAUD-LACOMBE a cédé son office de notaire à son fils Albert. Ce dernier a épousé en 1892 Marthe BARBE, la fille d’un propriétaire foncier dont le grand-père était notaire à Châteauneuf. Le couple n’aura pas d’enfants et Marthe décèdera à 41 ans, le 1er novembre 1914. La famille emploie un couple de domestiques qui a un jeune enfant.
Recensement de 1896 – ADHV
En 1901 la composition de la famille n’a pas changé et elle a gardé le même couple de domestiques dont le fils a maintenant 14 ans. Et en 1906 le fils des domestiques qui a maintenant 19 ans ne vit plus avec ses parents.
1901
1906
En 1908, le 7 mars, Louis BOUTAUD-LACOMBE décède. Il a 70 ans.
Au recensement de 1911 la famille est réduite à 3 personnes mais elle conserve toujours le couple de domestiques à son service.
Recensement de 1911 – ADHV
Le 2 novembre 1914 Marthe BARBE, épouse d’Albert BOUTAUD-LACOMBE décède à Limoges. Comme famille, Albert n’a plus que sa mère. Il n’a pas eu d’enfant, sans doute pour combler ce vide, il va se lancer dans la gestion des affaires communales. Il est élu maire en novembre 1919 et il le restera jusqu’en 1942.
Au recensement de 1921, Albert BOUTAUD-LACOMBE vit avec sa mère âgée de 75 ans et leur fidèle couple de domestiques. C’est la même situation en 1926. Notons pour ce recensement de 1926 un changement pour la maison voisine qui n’est plus occupée par les CUBERTAFON mais par le Docteur JUMEAUX-LAFONT. Originaire de Tulle il s’est marié à Limoges en 1922 et il est venu ensuite s’installer à Nexon ou leur fille Monique est née en 1926.
Recensement de 1921 – ADHV
Mme BOUTAUD-LACOMBE mère décède le 29 mars 1929 et c’est son fils qui, en temps que maire, signe l’acte de décès :
A partir du décès de sa mère, Albert BOUTAUD-LACOMBE va rester seul dans sa vaste maison. Il va changer de domestiques lorsque les DESBORDES qui sont de la même génération que lui vont dépasser les 60 ans et au recensement de 1936 il a comme domestiques le couple MAZEAU et leur fils âgé de 9 ans.
Recensement de 1936 – ADHV
M. BOUTAUD-LACOMBE sera réélu maire en 1935 et nommé pour un 4ème mandat en 1941 jusqu’à ce qu’il soit révoqué en 1943. Il décède le 7 mars 1960 âgé de 95 ans. Il sera resté veuf pendant 46 ans, maire de Nexon pendant 23 ans.
La maison va être ensuite vendue à M. PASQUET qui y installe son magasin à l’enseigne « TELE RADIO ».
Magasin « TELE RADIO »
Puis, à partir du 1er juillet 1981, Patrice LISSANDRE ouvre son magasin Photo-Ciné au nom de « Studio Luc ».
L’immeuble est ensuite acheté par M et Mme MANHES. Il n’y a plus de commerce au rez de chaussé mais des appartements. Après le décès brutal d’Alain MANHES en septembre 2012 par alors qu’il n’avait que 66 ans, l’immeuble sera mis en vente et racheté par M et Mme BONNAUD et loué en appartements.