Archives de catégorie : Connaissance Démographique

Les centenaires à Nexon

Le 1er janvier 1900 il y avait 100 centenaires en France. Il a fallu attendre le 1er janvier 1950 pour que leur nombre double et que l’on en compte 200. 50 ans plus tard, le 1er janvier 2000, ils étaient plus de 8 000 et pour les démographes de l’Institut d’Etudes Démographiques (INED) ils seront 140 000 en 2 050.

La démographie est une science qui peut réaliser des prévisions à long terme car les évolutions dans ce domaine sont lentes. Les centenaires de 2050 sont parmi ceux qui ont 70 ans aujourd’hui. Il suffit de connaître les taux de mortalité aux différents âges pour évaluer le nombre de survivants à l’horizon choisi.

Au 1er janvier 2022 il y avait 29 995 centenaires en France, il est donc logique que le centième anniversaire d’une personne ne fasse plus aujourd’hui la une des journaux régionaux ou locaux. Sœur André, née Lucille RANDON, qui a fêté ses 117 ans le 11 février 2021 est la doyenne des français et le plus vieux français est André BOITE, un niçois de 111 ans.

Bien que le Limousin soit une des régions les plus âgées de France ce n’est pas celle où l’on compte le plus grand nombre de « Très grands vieux » c’est-à-dire ceux qui ont plus de 107 ans. Jusqu’au 30 décembre 2020 la doyenne des Limousins était Amélia GLANGEAUD-DOUDET. Elle était née le 27 mars 1910 et avait 110 ans et 10 mois à son décès. Actuellement la doyenne en Haute-Vienne serait Angèle PIQUET, née en 1916.

La plus longue vie à Nexon dont j’ai trouvé trace est celle de Marie JOUHAUD qui était née en 1651 et qui est morte en 1762. Qui va la détrôner?

La première centenaire dont j’ai trouvé trace dans le bulletin municipal est Madame Vve Anne ROCHE dont le centenaire a été fêté par une importante délégation qui c’est rendue chez elle à Leyraud. Le Bulletin municipal n° 77 de Décembre 1972 en a rendu compte ainsi : Le 27 Novembre 1972, il y avait beaucoup d’animation à Leyraud chez Mr ROUX. C’est la en effet que vit Madame Veuve Anne ROCHE née RUAUD qui avait 100 ans ce Lundi 27 Novembre. Mme Vve ROCHE est née à St PAUL D’EYJEAUX le 27 Novembre 1872 à 17 heures ; elle réside avec sa fille et son petit-fils sur notre Commune depuis 1964. Elle a eu 3 enfants, 6 petits-enfants et 19 arrières petite enfants. Une grande partie de la famille était réunie pour fêter dignement la première centenaire de la Commune depuis un demi—siècle semble-t-il, et la presse locale n’a pas raté cet événement.

De nombreux amis avaient tenu aussi à présenter leurs compliments à Mme ROCHE et à lui offrir des cadeaux et des fleurs en même temps que le témoignage de leur amitié. Quelques personnalités étaient présentes et on remarqua notamment Melle DEBORD, Assistante sociale, Monsieur l’Abbé REDOR, Le Maire accompagné de Messieurs LONGEQUEUE, PRADEAU, ROUX, BONNAUD et FRUGIER. Mr BRIANSOULET, Maire de St VITTE et administrateur de la Mutualité Sociale Agricole remettait à Mme ROCHE un chèque de 500 Frs. Le gâteau d’anniversaire était offert par Mr JARRY-LACOMBE ; le Conseil Municipal pour sa part offrait un fauteuil. Nous renouvelons tous nos meilleurs vœux à Mme Vve ROCHE et lui disons à l’année prochaine I

Anne RUAUD est décédée le 9 juillet 1973 âgée de 100 ans et 7 mois.

Les grandes longévités à Nexon

A Nexon, le nombre des centenaires a augmenté du fait de la présence de l’EHPAD. Depuis sa création il a connu 17 centenaires. Mais une grande partie des personnes qui décèdent à l’EHPAD n’ont pas vécu à Nexon, elles y ont seulement passé les dernières années de leur vie.

Une très grande partie des personnes nées à Nexon n’y sont pas mortes mais certaines y reviennent pour y être inhumées. Il est de ce fait difficile de déterminer qui est « nexonnais » ! J’ai retenu celles et ceux dont l’acte de décès a été enregistré à Nexon, celles et ceux qui sont nés à Nexon mais qui n’y sont pas morts et d’autres qui ont vécu de très nombreuses années à Nexon sans y être nés ni morts comme la baronne Anne Renée de NEXON, née à Anger et décédée à Saint Yrieix la Perche, mais qui a passé la plus grande partie de sa vie à Nexon.

  • 106 ans

Pour le moment, la personne décédée à Nexon qui a eu la plus grande longévité est Justine DEVAINE née MALISSEN. Elle a vécu 106 ans et 5 mois. Justine MALISSEN est née à Janailhac le 26 septembre 1907 dans une famille de cultivateurs. Elle était l’aînée de 3 enfants. A la suite du décès de son père à la guerre, le 10 août 1916, elle a été adoptée par la nation. Elle sera élevée en partie par sa grand-mère. Elle a passé son certificat d’étude à Nexon et appris la couture. A 15 ans, elle rejoint sa maman à Paris pour travailler dans un magasin de tissus. Un an plus tard, en 1923, elle entre chez Félix Potin qui était alors la première chaîne de distribution alimentaire en France. Elle y restera 40 ans.

A 38 ans, le 10 novembre 1945, elle épouse M. DEVAINE. Ils restent à Paris jusqu’au 30 juin 1965. M. et Mme DEVAINE sont tous les deux à la retraite et quittent Paris pour venir s’installer à Saint-Hilaire-les-Places. Son mari décède le 19 mars 1989. Elle reste seule dans sa maison jusqu’en janvier 2011 où une chute chez elle lui a valu trois semaines d’hospitalisation suivie d’une entrée à l’EHPAD de Nexon. Elle avait alors plus de 103 ans.

Le vendredi 28 septembre 2012, la Résidence du parc à Nexon organisait une cérémonie pour célébrer ses 105 ans. Elle soufflait alertement les bougies de ses 105 ans et elle déclarait au journaliste venu l’interroger qu’elle ne pensait pas venir en maison de retraite mais qu’elle s’y est très bien habituée. (Le Populaire du Centre du 11 octobre 2012).  

Le Populaire du Centre du 11 octobre 2012  

Justine DEVAINE, dite « Suzanne », est décédée le 22 février 2014 dans sa 107e année. Ses obsèques ont été célébrés le mardi 25 février 2014 à Saint-Hilaire-les-Places.

  • 105 ans

Marie Eva BONNET est décédée à 105 ans et 4 mois. Elle est née au Chalard, de parents agriculteurs, le 20 août 1912. Son père, Jacques BONNET, a été tué le 9 septembre 1914 et sa fille Marie Eva a été adoptée par la Nation par décision du tribunal de Saint Yrieix le 18 septembre 1918.

Le 22 avril 1933 elle épouse Albert BOURLIAGUET-DUBLE, ébéniste à la Roche l’Abeille. Il décède en 1983. A la suite de problèmes de santé elle a passé la fin de sa vie à la maison de retraite de Nexon où elle est arrivée le 10 décembre 2010. Elle y a fêté ses 100 ans et le 3 septembre 2013 le directeur et le personnel de la maison de retraite lui ont souhaité ses 101 ans. En même temps ils ont souhaité un joyeux anniversaire à Elise Berthe BONAFY, née TATERODE le 20 août 1913, venue à la maison de retraite le 16 juillet 2012.

Marie Eve BONNET, épouse BOURLIAGUET, est décédée à 105 ans et 4 mois, le 30 janvier 2018.

  • 104 ans

Marguerite BANCAUD née le lundi 21 mars 1904 à Saint Jean Ligoure de parents cultivateurs. Elle est décédée à Nexon le 16 décembre 2008 à l’âge de 104 ans et 10 mois.

  • 103 ans

Anne Renée de NEXON, née CESBRON-LAVAU, a vu le jour à Angers le 25 août 1902. Elle a épousé le 9 juin 1927 à Versailles, le baron Georges de GAY de NEXON. Ils sont venus habiter à Nexon, au château de la Garde que son père avait fait construire. Ils ont eu quatre enfants : Ferréol, Marie Amélie, Philippe et Anne.

Elle est décédée le 9 novembre 2005 à Saint Yrieix la Perche âgée de 103 ans et 4 mois.

  • 102 ans

 Marcel GIZARDIN est né le jeudi 29 mars 1906 à Rilhac Lastours. Il décède à Nexon le mercredi 7 janvier 2009 âgé de 102 ans et 10 mois. C’est l’homme le plus âgé.

 Germaine CELERIER est née le 21 avril 1918 à Saint Priest Ligoure de parents cultivateurs. Elle a épousé en premières noces, à Choisy le Roi en 1935, Germain QUEFFELEC et en secondes noces, toujours à Choisy le Roi, Pierre THEVENEAU en 1950. Elle est décédée à Nexon le 3 février 2021 âgée de 102 ans et 10 mois.

Mme Germaine THEVENEAU qui a fêté ses 100 ans le 21 avril 2018 et ses 102 ans le 21 avril 2020 à l’EHPAD de Nexon est décédée dans sa famille en fevrier 2021 à La Meyze. Elle avait 102 ans et 10 mois.

Angèle BARTHELEMY, est née le 8 janvier 1919 à Couzeix de parents cultivateurs. Le 14 avril 1959 à Limoges, elle épouse Jean Montheil. Elle a fêté ses 101 ans à la Résidence du Parc à Nexon le 8 janvier 2021 et elle est décédée le 22 août 2021 à Saint Yrieix âgée de 101 ans et 7 mois.

Marie, Angèle BEYRAND est née le jeudi 5 novembre 1903 à Saint Martin Le Vieux où son père était fabricant d’huile. Elle est décédée à Nexon le lundi 10 avril 2006 à l’âge de 102 ans et 5 mois.

Elise Berthe TATERODE née le mercredi 20 août 1913 à Vicq sur Breuilh de parents cultivateurs. Le 3 juin 1933 elle épouse à La Roche l’Abeille André BONAFY qui y habitait et était cultivateur. Elle décède à Nexon le dimanche 6 décembre 2015 à l’âge de 102 ans et 4 mois.

Marie DUPUY née le lundi 21 janvier 1907 à La Roche L’abeille ou ses parents étaient agriculteurs a été adopté par la Nation le 18 juin 1919 après le décès de son père à la guerre. Elle a épousé Jean CHAZEAU, cultivateur comme elle, le 7 février 1925 à La Roche L’Abeille. Il est décédé le 3 février 1982 à Saint Yrieix la Perche. Elle est décédée à Nexon le dimanche 5 avril 2009 à l’âge de 102 ans et 2 mois.

  • 101 ans

Leon André BOUCHER est né à Nexon le 1er février 1918. Ses parents étaient cultivateurs à La Grange. Au moment de sa naissance son père était sous les drapeaux et c’est la sage-femme, Lydie GUILLOT qui a présenté l’enfant et fait la déclaration à la mairie. Le 5 août 1944 il a épousé Jeanne LAVIRON à Limoges. Il est décédé le 18 janvier 2020 à Limoges à 101 ans et 11 mois. 

Thérèse BOUTAUD est née le vendredi 31 mars 1905 à Limoges. Elle a été adoptée par la Nation le 29 novembre 1918. Elle a épousé en premières noces Emile GUILLOT le 28 avril 1928 et en secondes noces Elie BRUEL le 6 juin 1933 à Limoges. Elle est décédée à Nexon le mardi 5 décembre 2006 à l’âge de 101 ans et 10 mois de décès.

Rose BARONNET, née HARREAU est décédée à 101 ans et 8 mois le 2 novembre 2014. Elle est née à Moulins sur Allier d’un père négociant et d’une mère modiste. Elle a été élevée par sa grand-mère à Bourges et se considérait comme une Berrichonne. En 1925 (12 ans) elle obtient son certificat d’étude. Sa maman est venue la chercher et l’a mise en pension à Moulins. Puis elle est allée à Vichy comme apprentie couturière. Pendant les vacances scolaires, elle retournait chez sa grand-mère. C’est à l’occasion du bal des ferrailleurs à Vierzon qu’elle rencontra son mari. Cheminot de profession, il a été muté à Limoges, ce qui a permis à Mme BARONNET de travailler 27 ans aux Dames françaises, grand magasin de la rue Jan Jaurès. À la suite du décès de son patron, le magasin a fermé. Mme Baronnet a continué la couture chez elle, pour des particuliers.

Après des problèmes de santé elle est venue à l’EHPAD de Nexon, fin septembre 2008. Mme BARONNET ne pensait pas venir en maison de retraite mais elle s’y est très bien habituée. Le 22 février 2013, elle a fêté ses 100 ans. C’est avec un magnifique bouquet et un beau gâteau que le directeur par intérim, M. BOUCHARD, lui a souhaité bon pied bon œil le plus longtemps possible. (Le Populaire 26 février 2013)

Le Populaire 26 février 2013

Elle est décédée le 2 novembre 2014 à 101 ans et 8 mois.

Anne RUAUD dont j’ai parlé plus haut, décédée le 9 juillet 1973 âgée de 100 ans et 7 mois.

Marie Andrea MATHIEU est née le dimanche 6 novembre 1910 à Périgueux. Elle est décédée à Nexon le lundi 11 juin 2012 à l’âge de 101 ans et 7 mois.

Germaine Lucie MASSY, née LAMONTAGNE le vendredi 13 décembre 1912 à Saint Yrieix la Perche. Elle a épousé Justin MASSY le 22 avril 1930. Elle a été décorée de la médaille d’or de la famille française pour avoir eu 8 enfants. Elle est également Chevalier du mérite agricole.

Le Populaire 19 décembre 2012

Elle est décédée à Nexon le mardi 17 juin 2014 à 101 ans et 4 mois.

Marie DUDOGNON (1910-2012) est née le mardi 1er novembre 1910 à Saint Hilaire Les Places. Le 27 avril 1929 elle épouse à Nexon Jean Baptiste MAZEAUD né en 1906 dans cette commune. Le 15 septembre 1942 Baptiste Mazeaud qui est poseur à la S.N.CF a été découvert mort d’une crise cardiaque dans un sentier longeant la ligne de chemin de fer Limoges – Périgueux, près de Sallas sur la commune de Nexon. Une fois ses enfants élevés, le 3 septembre 1960 elle épouse en secondes noces Marcel FAYE. Après son décès, en janvier 1996, elle entre à la maison de retraite à Nexon.

Le Populaire 10 novembre 2010

Marie DUDOGNON est décédée à Nexon le mercredi 28 mars 2012 à l’âge de 101 ans et 4 mois.

Sa cousine germaine, Marie Do Esperito Santon née Marie DESBORDES à Saint Hilaire les Places le 5 fevrier 1910 est décédée à Janailhac le 4 novembre 2013, âgée de 103 ans et 9 mois.

2 . Elles ou ils ne sont pas allés au-delà de 100 ans

Marcelle Jeanne LAURENT (1909-2010), née le mercredi 2 juin 1909 à Limoges, décédée à Nexon le dimanche 9 mai 2010 à l’âge de 100 ans et 11 mois.

Berthe PRADEAU née Berthe FOURNIER née le 17 mai 1913 à Saint Victurnien. Décédée le 21 janvier 2014 à Verneuil sur Vienne à 100 ans et 8 mois.

C’est le 17 mai 1913 que Berthe-Henriette Fournier a vu le jour au village de La Chapelle-Blanche, à Saint-Victurnien. Elle y a vécu son enfance et sa jeunesse, jusqu’au 13 avril 1931, date de son mariage à Nexon avec Louis-Jean Pradeau, qui fut maire de Nexon de 1946 à 1965, et dont les parents tenaient une épicerie dans le bourg. Le 31 juillet 1932 naissait l’unique enfant du couple, Bernadette.

Mme Pradeau a soufflé les bougies de ses 100 ans chez sa fille à Nexon. Liliane Jamin, maire de Nexon à cette date Valérie Lacorre, adjointe au maire, ont tenu à saluer cette nouvelle centenaire à Nexon, au milieu d’un parterre de fleurs magnifiques, témoignage de sympathie et d’affection de ses amis et sa famille.  (Le Populaire 24/05/2013).

Mme PRADEAU et sa fille – le Populaire 24 mai 2013

Elle décède le 21 janvier 2014 à saint Victurnien et la cérémonie religieuse de ses obsèques a été célébrée en l’église de Nexon, le vendredi 24 janvier 2014.

Marie CHAZEAU née CHAGNE le 3 avril 1913 à Nexon de parents cultivateurs. Le 29 octobre 1932, elle épouse Léonard CHAZEAU, cultivateur, à Janailhac. Elle décède le 19 novembre 2013 à Saint Yrieix la Perche âgée de 100 ans et 7 mois.

Jeanne DENARDOU, née BITAUD le 6 aout 1920 à Nexon où ses parents tiennent une quincaillerie. Elle épouse Armand Denardou le 5 août 1939 à Nexon. Elle décède le 06 février 2021 à l’âge de 100 ans et 6 mois.

Marie, Madeleine LACAU née le samedi 16 avril 1898 à Saint Yrieix La Perche est décédée le mardi 29 septembre 1998 à Nexon à l’âge de 100 ans et 5 mois.

Madeleine MATHOUT née le mardi 14 février 1905 à La Roche L’abeille . Elle épouse à Paris, le 1er mai 1943, Gaston LANCHARD. Elle décède à Nexon le samedi 18 juin 2005 à l’âge de 100 ans et 4 mois.

Marie, Isabelle BERLANT veuve FURELAUD, née le vendredi 22 février 1901 à Janailhac. Mère d’André FURELAUD, résistant, déporté, mort dans un accident d’avion à 24 ans en 1946 dont j’ai raconté l’histoire (https://etsinexonmetaitconte.fr/andre-furelaud-une-vie-trop-courte-mais-tres-riche-pour-ce-passionne-daviation/). Elle fête ses décède à Nexon le samedi 16 juin 2001 à l’âge de 100 ans et 4 mois.

Elle vient de fêter ses 100 ans et d’autres vont bientôt le faire …

Bulletin Municipal Janvier 2022

Sources : outre la presse les sources sont l’INSEE qui publie en libre accès tous les décès depuis 1970. Un certain nombre de sites travaillent ses données pour les rendre plus facilement accessibles comme Geneanum.com

Il y a également tous les sites de généalogie qui deviennent de plus en plus puissants et mondiaux. Je suis personnellement abonné à Geneanet.org

Enfin, les mormons, membres de l’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours dont le siège mondial se trouve à Salt Lake City aux Etats-Unis, ont comme devoir de baptiser dans leur religion tous leurs ancêtres par procuration. Pour cela ils ont fondé, dès 1894, la Société généalogique d’Utah (Genealogical Society of Utah).  Dès que le procédé a existé ils ont décidé de microfilmer tous les registres de l’état civil et des registres paroissiaux et de les centraliser à Salt Lake City. Ils ont commencé par les Etats-Unis puis l’Europe. Des millions de microfilms sont conservés dans une montagne de l’Utah, dans des chambres fortes creusées dans le granit à plus de 100 m de profondeur. En France, ils ont conclu un accord les archives de France pour qu’ils puissent microfilmer les registres de plus de 100 ans. En échange les archives de France gardent un exemplaire du microfilm. De ce fait quand on consulte des archives numérisées c’est parfois un microfilm réalisé par les mormons que l’on utilise. Leur site MyHeritage, auquel on peut s’abonner, contient le plus grand nombre de données au monde. Plusieurs sites y donnent accès en fonction de l’abonnement souscrit.

Les prénoms donnés aux enfants à Nexon en 1892 et en 2020 : de la conformité à l’originalité.

En 2018, Jérôme Fourquet publie « L’Archipel français » , dans lequel il constate ce qu’il appelle une «archipelisation» de la France. Aux clivages binaires qui l’ont structurée pendant des siècles, ruraux/urbains, monarchistes/républicains, droite/gauche… se substituent un émiettement des groupes et une individualisation croissante. Il prend, entre autres, l’exemple des prénoms et montre la disparition progressive des prénoms judéo-chrétiens et leur remplacements par des prénoms anglo-saxons et arabo-musulmans.

J’ai cherché à vérifier son constat sur les prénoms donnés aux enfants nés à Nexon en 1892 et 2020. Si la quasi disparition des prénoms d’origine judéo-chrétienne et leur remplacement par des prénoms anglo-saxons est vérifiée on ne trouve pratiquement pas de prénoms d’origine arabo-musulmane.

Au constat de l’évolution dans le choix des prénoms s’ajoute celui du nombre annuel des naissances. De 1884 à 1914 le nombre annuel des naissances baisse régulièrement. Il passe de 86 en moyenne pour la période 1884 -1900, on tombe à 69 entre 1901 et 1913. Et depuis la fin du baby-boom, à la fin des années 1970, le nombre de naissance annuel est tombé à moins de 30 avec 26 naissances en 2019 et 25 en 2020.

Signalons un autre phénomène, sans effet apparent sur le choix des prénoms, mais qui permet de comprendre la prolifération des prénoms sans lien avec les traditions familiales. Jusqu’au début des années 1950 la presque totalité des naissances s’effectuait au domicile des parents. A la fin de cette décennie plus de la moitié des mamans accouchaient dans une maternité, soit à Limoges soit à Saint Yrieix. Ainsi en 1961 sur 27 naissances, 16 ont eu lieu en maternité et 11 au domicile. Lorsque la déclaration de l’enfant à l’Etat Civil s’effectuait à la mairie du domicile familial on peut penser que les grands parents ont pu parler avec les jeunes parents et suggérer que le prénoms d’un anciens soit donné, souvent celui du parrain pour les garçons et celui de la marraine pour les filles. Ce n’était pas toujours le premier prénom mais le deuxième ou le troisième quand il y en avait plus de deux. A la maternité, l’éloignement des grands parents ne fait plus peser le poids de ces traditions sur les épaules des jeunes parents. Ce poids familial était encore plus lourd lorsque la jeune maman venait passer les derniers jours de sa grossesse au domicile de sa mère, l’officier de l’Etat Civil précisant le domicile réel des parents et ajoutait  » la mère étant chez ses parents ou elle a fait ses couches ».

Les prénoms des enfants nés à Nexon en 1892.

80 enfants sont nés à Nexon en 1892. Quatre d’entre-eux étaient des enfants naturels qui ont été reconnus par leur mère en moyenne huit jours après leur naissance, c’est à dire dès que la mère a pu se rendre à la mairie pour accomplir cet acte.

Sur ces 80 naissance on comptait 47 garçons et 33 filles. Ces chiffres sont conformes aux constats des démographes qui dénombrent plus de naissances de garçons que de filles.

Pour les 47 garçons, 17 prénoms ont été utilisés. Dans ce calcul nous avons compté ensemble tous les « Jean » dans la mesure ou il n’est pas facile de vérifier sur le document d’Etat-Civil s’il y a un trait d’union entre « Jean » et le prénom suivant. Pour mon cas personnel mon prénom habituel est « Jean-François » mais pour mes papiers, l’officier d’Etat-Civil m’a fait remarquer qu’il n’y avait pas de tiret entre Jean et François et de ce fait sur ma carte d’identité je m’appelle Jean, François…

En prenant en compte ce mode de calcul 12 garçons s’appellent Jean , soit un quart (25,5%) de ce groupe. On trouve ensuite 6 Léon, 4 François, Léonard et Pierre … de sorte qu’avec 5 prénoms on été nommés près des deux tiers des garçons, (63,8%) et 83% avec 8 prénoms.

Le constat est encore plus marqué pour les filles. En appliquant pour Marie la même règle que celle utilisée pour Jean nous constatons que sur les 33 filles nées en 1892, 17 se prénomment Marie, soit un peu plus que la moitié d’entre elles. 5 prénoms ont suffit pour nommer les trois quarts des filles.

Les prénoms des enfants nés à Nexon en 2020

Il est sans doute abusif de parler des enfants nés à Nexon puisqu’aujourd’hui la presque totalité des enfants naissent dans une maternité. Ils sont de ce fait déclarés à l’Etat civil du lieu ou se trouve la maternité mais celle-ci transmet l’information à la mairie où sont domiciliés les parents.

Ainsi en 2020, 25 enfants sont nés de parents habitant à Nexon. Il y avait 14 filles (56 %) et 11 garçons (44%). Cette proportion ne correspond pas aux chiffres nationaux pour lesquels on constate qu’il nait en moyenne 104,5 garçons pour 100 filles. On retrouve ce ratio « naturel » dans la plupart des pays du monde.

En 2019, à Nexon l’écart entre le nombre de garçons et celui des filles à la naissance était encore plus grand. En effet il était né 26 enfants dont 16 filles (61,5 %) et 10 garçons (38,5%).

A la différence de ce que l’on constatait dans la France du 18ème et du début du 20ème siècle presque tous les enfants portent un prénom différent. En 2020 seuls deux garçons ont le même prénom, Antoine. En 2019 les 26 enfants ont un prénom différent.

Les prénoms donnés à Nexon sont-ils différents de ceux que les Français ont choisi pour leurs enfants en 2020 ?

Le classement des prénoms les plus donnés en France en 2020 publié par l’INSEE permet de constater que Nexon ne suit pas les tendances nationales. Est-ce du à des caractéristiques socio-économiques, à l’âge des parents ?

Quelles qu’en soient les raisons on constate qu’aucun des 11 jeunes garçons de Nexon porte l’un des 10 prénoms les plus donnés en 2020 et que seules 2 filles ont un prénom qui figure dans cette liste : Lina et Chloé.

Cette individualisation des prénoms rendra la tache plus facile pour les généalogistes dans les années futures. Ils ne trébucherons pas comme c’est le cas aujourd’hui quand on trouve dans une famille que le grand-père, le père et le fils se nomment tous Pierre, Jean ou François. On comprend pourquoi jusqu’au milieu du 20 ème siècle il y avait autant de surnom.

Pour aller plus loin:

« Léonard, Marie, Jean et les autres : les prénoms en Limousin depuis un millénaire » Louis Perouas, Bernadette Barriere, Jean Boutier, Jean-Claude Peyronnet, Jean Tricard et le groupe Rencontre des historiens du Limousin. Paris : Editions du Centre national de la recherche scientifique, 1984. In-8°, 229 pages

Lombertie, un hameau devenu une rue

Un lecteur de ce blog, M. Léonard, demande des informations sur le village de Lombertie.

En consultant le cadastre napoléonien, institué en France par la loi du 15 septembre 1802 dans le but d’établir une équité fiscale, on constate qu’il existe bien un lieu-dit Lombertie sur la commune de Nexon. Pour bien le situer il faut regarder la carte en sachant que le Nord n’est pas en haut de la carte mais vers la droite. Il n’est pas loin de l’étang Barlet.

Cadastre napoléonien, Lombertie et La Grange

Sur cette partie de plan, avec une orientation moins déroutante, Lombertie est situé au Nord du moulin de l’étang Barlet. C’est un hameau de 3 maisons.

Lors de la construction de la voie ferrée de Limoges à Périgueux,  commencée en 1856 et terminée en mai 1861, les maisons n’ont pas été détruites ainsi qu’on peut le constater sur le plan ou le tracé de la ligne a été dessiné au crayon et surligné en jaune. Lombertie se trouve entre les deux branches des lignes Nexon-Périgueux et Nexon-Brive.

Une rue à été créée dont l’embranchement est situé sur la route de Meilhac, juste après le pont sous la voie ferrée. La rue s’appelle rue de la Lombertie et dessert les maisons qui constituaient l’ancien hameau Lombertie. Elle est surlignée en bleu sur ce plan qui superpose la cadastre de 1970 et le cadastre napoléonien.

La rue de la Lombertie à Nexon.

 

Quant au nom du hameau c’est le nom de la famille qui a été transféré au lieu. En effet  il y a plusieurs familles Lombertie originaires de Nexon :

  1. Jean LOMBERTIE né vers 1692 , décédé en 1722  qui a épousé Marguerite BOUCHERON
  1. Jean LOMBERTIE décédé en 1740 époux de Marie BONNAUD
  2. Jean LOMBERTIE décédé en 1723 marié à Anne VALETTE
  3. Jean LOMBERTIE dit Jagot décédé en 1726  époux de Martialle SAZERAT

Ci dessous une partie de l’extrait de mariage d’André Lombertie né le 12 avril 1789 à Lombertie qui épouse le 13 février 1809 Catherine Limousin née aux Places.

Mariage d’André Lombertie et Catherine Limousin le 13 février 1809.

28 septembre 1821, naissance de leur fille Ursule.

Charles Joseph Verneilh-Puiraseau « MES SOUVENIRS DE 75 ANS » – extraits

Charles Joseph Verneilh-Puiraseau « MES SOUVENIRS DE 75 ANS » Limoges 1836

Quelques extraits :

Je naquis au bourg de Nexon, en Limousin, le 29 juillet 1756, un an environ après le fameux tremblement de Lisbonne, un an environ après la naissance de Louis XVI, dont il m’était réservé de voir de bien près un jour les dernières infortunes. Après environ trois quarts de siècle et les tourmens d’une longue révolution, le jour anniversaire de ma naissance devait en voir éclater une nouvelle : Dieu veuille que ce soit la dernière ! C’était l’époque d’un grand mouvement dans les esprits, dans les mœurs, dans les arts. L’expulsion des jésuites était peu éloignée.
L’élan de nouvelles doctrines était l’avant-coureur des réformes politiques; l’esprit de critique et de controverse devait amener l’esprit d’opposition.
Les Français, a dit l’abbé Raynal, qui, sous le ministère de trois cardinaux, n’avaient pu s’occuper d’idées politiques, osèrent enfin écrire sur des matières solides et d’un intérêt sensible. L’entreprise d’un dictionnaire universel des sciences et arts mit tous les grands objets sous les yeux, tous les esprits en activité. L’esprit des lois parut et l’horizon du génie fut agrandi. C’est vers le même temps que chez nos voisins, au patriotisme éclairé inspira l’entreprise de ces nombreux canaux qui sillonnent leur territoire et qui ont tant concouru à la prospérité de leur pays. C’était aussi, il faut le dire, l’époque d’un scepticisme irréligieux qui devait enlacer le reste du XVIIIe siècle.
J’eus le bonheur d’en être préservé de bonne heure par de bons conseils et de bons exemples. Et depuis, soit les troubles et les peines de la révolution, soit même l’expérience de l’irréligion, semblent avoir ramené parmi nous le dogme consolant des croyances religieuses.

Avant ma naissance, mon père avait perdu deux autres fils; cette circonstance ajoutait encore, s’il eût été possible, à sa tendresse pour moi, à son désir d’obtenir ma conservation de celui qui dispose de la vie; aussi, né faible et malingre, avais-je été voué à tous les saints, à toutes les vierges, particulièrement à celles de La Roche-l’Abeille et de Rocamadour.

Ma famille était ancienne et honnête, mais loin d’être riche dans les derniers temps. Ce vieux proverbe de chevalerie : Cent ans bannière et cent ans civière, s’applique aussi plus ou moins à toutes les conditions de la Société. Dès l’an 1600, le chef de ma famille, Jean de Verneilh, était coseigneur de Nexon : ce titre se lisait, dans ma jeunesse, sur deux cloches de notre église, dont il avait été parrain. Tous les ans, avant la révolution, on annonçait au prône, à certain jour de dimanche, un service solennel pour son fils aîné, François de Verneilh, sieur Delage et coseigneur de Nexon. Suivant un acte du 13 juillet 1665 (de Jouhaud, notaire royal), il était en même temps conseiller du Roi et son assesseur à l’élection de Limoges ; la fille unique de celui-ci porta la coseigneurie de Nexon à Simon Descoutures, avocat du Roi, dont on trouve plusieurs mentions honorables dans les Annales du Limousin, notamment celle-ci : qu’après la mort d’Henri IV, il fut député, avec un autre consul, pour porter à Louis XIII les premiers hommages de fidélité de la ville de Limoges. Cette terre avait passé ensuite, par mariage, dans la maison Rogier-des-Essarts, dont le nom s’est éteint dans l’émigration. Le second fils de Jean de Verneilh était venu gendre chez Jean Longeaud, notaire royal à Nexon, dans la maison même où je suis né. La mère de mon père, Marie Dubois-de-Ménièras (sa sœur avait épousé un pauvre gentilhomme nommé Guespin-de-la-Jugié ) se flattait de descendre de Simon Dubois, dont le président de Thon parle avec tant d’éloges. Enfin ma mère était petite-fille de Pierre Bourdeau, ancien Garde-du-Corps (de 1680 à 1697) et d’Anne d’Albiac-de-Mardaloux, fille et sœur de chevaliers de Saint-Louis. On attribue à Simon Dubois, entre autres ouvrages, Ratiastum Lemovicum (in-8°, chez Hugues Barbou, 1580). Feu M. Linguaud, homme érudit et très-zélé pour l’honneur de sa ville natale, m’avait communiqué son épitaphe, telle qu’on la lisait sur une lame de cuivre dans l’église de Saint-Pierre de Limoges, en ces termes : Hanesto loco natus, apud meos in honore vixi. Prœfectus huic Lemovicensium provinciœ cuique pro causœ oequitate jus dixi; parùm rei angendœ cupidus plurimum honestœ existimationis parandœ. Le président de Thon, dans son histoire in-4° (tom. 7, pag. 134, édit de Londres), parle ainsi de Simon Dubois : Je me souviens que le Jour même que le Roi entra dans Lyon (Henri III à son retour de la Pologne), je me trouvai chez Jean de Tournes, à qui la république des Lettres est si redevable; Simon Dubois, lieutenant-général de Limoges, célèbre par ses écrits et plus encore par son habileté dans les affaires, s’y rencontra; il me dit que bien des gens ne pensaient pas du Roi comme le commun, et qu’ils assuraient qu’on le verrait dans la suite tenir une conduite dont la fin serait peut être funeste, et tromper ainsi toutes les espérances que ses sujets et les étrangers avaient conçues de la gloire de son règne. Je me révoltai d’abord à ce discours ; je lui fis même quelques objections que le penchant que nous avons à nous flatter me suggéra sur-le-champ; mais cet homme sage, qui n’aimait pas la dispute, me répondit froidement que ce n’était pas sans chagrin qu’il me parlait de la sorte; que je me souvinsse de ce qu’il me disait, et que j’en jugerais par l’événement. Était-ce de lui-même qu’il me parlait, ajoute M. de Thon, et par quelque connaissance que son habileté dans l’astrologie lui eût donnée de l’avenir? Plusieurs l’ont cru…Quoiqu’il en soit, j’ai toujours beaucoup estimé la science profonde de ce grand homme, et j’ai cru que la chose méritait d’être rapportée.

Jean Longeaud avait acheté sa maison de Martial Lambert, écuyer (lors de la vérification des titres de noblesse, en 1598, il y avait des gentilshommes de ce nom à Saint-Maurice-les-Brousses, commune aujourd’hui réunie à celle de Jourgniac). Quoique cette maison fût tenue noblement et même en franc-alleu, Messieurs Degay-Nexon avaient prétendu y avoir droit à une rente (de deux chapons) en vertu d’une reconnaissance de 1593. Mais, par une transaction de 1618, bien rongée par les mîtes et que j’ai en mon pouvoir, ils renoncèrent à leur prétention.

Sacra domus sanctique Pénates/ Je ne la revois jamais sans éprouver une douce émotion, cette maison où je vis le jour, où s’écoula ma débile enfance, au milieu des tendres soins de mon père et de ma mère; tout ce qui s’y rattache m’intéresse. J’ai donc voulu déchiffrer péniblement un vieux procès-verbal d’état, en date du 12 décembre 1608, que le nouvel acquéreur en fit dresser devant le juge de Nexon. Il y était parlé d’une vieille tour bien lézardée et servant d’escalier, que surmontait une girouette, qui y tourne encore aujourd’hui. On y parle aussi d’armoiries sculptées sur la porte d’entrée et sur une cheminée, qui n’ont disparu que depuis 1793. La salle où l’on entrait sous un arceau gothique comme dans la pièce voisine, avait une grande cheminée en ceintre. Son pavé était en petites pierres, artistement configurée. Quoiqu’assez spacieuse cette salle n’était éclairée que par deux petits jours, grillés en fer, de deux pieds de longueur environ, sur deux et demi de hauteur; dans la pièce voisine, au-dessous d’une fenêtre de même dimension que les précédentes, il y avait une canonnière, pour tirer au besoin des coups d’arquebuse. Pour plus grande sûreté du petit castel, les portes étaient toutes barricadées, au moyen de barres enfoncées dans le mur et que l’on retirait à volonté. Enfin l’escalier consistait en de gros madriers de bois de chêne, dont la pointe s’appuyait dans un arbre planté au milieu. Tout porte à croire que ce modeste logis eut autrefois l’honneur de recevoir à la fois la personne et le dernier soupir d’un grand prince. Le duc des Deux-Ponts, Wolfgang de Bavière, était venu comme on sait, du fond de l’Allemagne, à la tète d’une armée de Reytres, au secours des Calvinistes, ses coreligionnaires. Cette armée, après avoir traversé la France, s’était réunie prés de Chalus, à celle de l’amiral Coligni, appelée des Princes, où se trouvaient le jeune Henri, prince de Béarn et le prince de Condé. Cette réunion avait lieu, avec de grandes acclamations, en présence de Marie d’Albret, qui était venue tout exprès de la Rochelle; tandis que, de son côté, Catherine de Médicis était venue au château d’Isle, près de Limoges, pour être témoin des exploits de son fils bien-aimé, (le duc d’Anjou depuis Henri II). Mézeray (tom. 3, in-fol., pag. 202) raconte, à ce sujet, que le duc des Deux-Ponts mourut à Nexon d’un excès qu’il avait fait à l’Allemande, pour guérir une plèvre quarte qui le travaillait depuis qu’il était sorti de son pays. Ce fut le 18 juin 1569 que le prince y mourut dans les bras de Louis de Nasseau, prince d’Orange, six jours avant la bataille de La Roche- L’abeille, où les Protestants furent vainqueurs. Le corps du prince fut embaumé et transporté d’abord à Angoulême, puis à La Rochelle et enfin dans ses états après la conclusion de la paix. Ses entrailles avaient été déposées dans un tombeau de serpentine, découvert, il y a peu d’années, au bord de mon jardin, tout près de la voie publique; ce tombeau était placé en regard d’un monument sépulcral, érigé en dehors de l’ancien cimetière (aujourd’hui place publique devant l’église). Il n’est pas présumable, en effet, que les Protestants, vainqueurs à La Roche-l’Abeille et restés maîtres du Limousin pendant plus de trois mois, eussent voulu quitter ce pays, sans y laisser quelque souvenir en l’honneur d’un puissant allié, qui y était mort victime de son dévouement à leur cause. Le monument consiste en une pierre de granit, en forme de carré long, posée de champ et percée de part en part, d’un grand trou circulaire de plus d’un pied de diamètre. La face méridionale de cette pierre est traversée horizontalement par une rainure qui coupe le cercle eu deux, de manière à figurer deux arches de pont, armes parlantes du duché des Deux-Ponts. L’élévation actuelle de la pierre au dessus du sol est de quatre pieds environ, sur trois et demi de largeur. On distingue encore, mais avec peine à deux de ses angles supérieurs, de petites croix dont elle était empreinte, comme sur son sommet on remarque un trou dans lequel avait été plombée une croix de fer ou d’autre métal. Il y a quelques années que l’on découvrit dans u coin de ma cour deux tombes l’une à coté de l’autre, ce qui prête à croire que la maison fat habitée anciennement par des Calvinistes. Enfin le château actuel de Nexon n’existait point encore en 1569. Toutes ces circonstances semblent prouver que mon modeste toit paternel eut autrefois l’insigne honneur que je réclame pour lui.

Mes souvenirs d’enfance les plus reculés se rapportent, l’un à la fondation de notre grange, qui porte sur une pierre, comme moi sur le front, le millésime 1756 ; l’autre, à la mort d’une de mes sœurs, appelée Judith, (filleule de madame de Verthamon). Ma mère m’ayant porté dans ses bras à l’endroit où l’on venait de poser la première pierre de cette grange, elle m’y fit jeter, de ma petite main, un écu de six franc pour la cimenter. Quant à la pauvre Judith, je perdais en elle ma meilleure amie, la plus rapprochée de mon âge. Notre sœur aînée fondait en larmes; je faisais tous mes efforts pour l’imiter, mais je ne pouvais, je ne savais pas pleurer. Un peu plus tard, comme je jouais avec un enfant de mon âge, dans une chambre basse où il y avait une canonnière, un malheureux chat étant sorti de sous une armoire, nous lui donnions la chasse; l’animal ne voyant pas d’autre issue pour s’échapper, s’était précipité dans la canonnière et y resta engagé, de manière à ne pouvoir ni avancer ni reculer : et nous d’accourir dans le jardin pour voir sa détresse. Il miaulait de toutes ses forces et ses yeux semblaient lui sortir de leur orbite; sans doute avec
le temps il se serait débarrassé, mais dans notre joyeuse impatience nous le refoulâmes cruellement sur lui-même. Parlerai-je aussi d’un de ses analogues antipathiques? Les rats abondaient dans la vieille maison ; ils m’eussent d’un peu plus brouté les oreilles. Ils montaient, dans la nuit, faire leurs ébats jusque sur le ciel de mon lit, dont ils avaient bien maltraité les rideaux. Je résolus de leur rendre guerre pour guerre : je me procurai donc un piège en fer, qui les saisissait par le cou, au moyen de deux cercles dentelés. Chaque soir je le dressais à la porte de ma chambre, en le fixant par une petite corde, pour qu’ils ne puissent pas l’enlever. Un jour que j’avais omit cette précaution, le piège était disparu du palier de l’escalier où je l’avais placé. Je montai de suite une douzaine de marches dans la tour, et je le trouvai devant un trou de mur qui communiquait au grenier; ne pouvant y entrer autrement, le rat s’y était glissé à reculons, de manière qu’il n’offrait en dehors que la tète et les épaules. Je m’empressai d’enlever le piège qui était en fer et avait plus d’un bon pied de longueur, et je fus alors bien surpris de voir que le reste du corps du pauvre diable avait été mangé par ses frères. Ces animaux seraient donc une espèce d’anthropophages.

Mon père m’avait donné les premières leçons de lecture. Aussi vif de caractère que tendre pour moi, il m’avait un jour châtié assez rudement; c’était la veille d’un jour de fête ou de ballade à La Roche l’abeille. Comme pour me consoler, il m’y mena en trousse derrière lui; je n’étais plus sorti de la maison, j’allais faire, à cheval, un voyage de plus d’une lieue. Quelle bonne fortune ! Que d’objets nouveaux allaient frapper mes avides regards ! A mesure que nous trottions y il me semblait voir les moissons, les prés et les bois s’enfuir derrière nous, comme le rivage d’une rivière. La petite bourgade était tout encombrée de monde; l’embarras de la circulation pour arriver à un cabaret était encore augmenté par les nombreux étalages de petits marchands de comestibles, de riortes* d’Aixe et d’autres objets de toute espèce. La foule pressée entrait dans l’église par une porte et en sortait par l’autre; de là elle se dirigeait en silence, un cierge ou chapelet à la main, vers une croix de pierre, à travers un champ rocailleux, parsemé par intervalles de rares brins d’herbe ou de mousse et cependant plusieurs des fidèles y marchaient nu-pieds. On cheminait ainsi à pas lents, au milieu des clameurs d’un grand nombre de pauvres étendus çà et là et montrant des plaies sanguinolentes : spectacle hideux, peut-être fruit de la fraude et qu’on ne tolère sans doute plus aujourd’hui ; il m’en est toujours resté une impression pénible. Pendant notre station dans l’église, j’avais adressé à Marie la prière de l’innocence; et depuis, malgré toute la philosophie de notre époque, je me suis plu à l’invoquer avec ferveur dans plus d’une circonstance de ma vie. Mon père avait en elle une dévotion sincère que j’ai dû respecter; il avait fait en son honneur un pieux voyage à Rocamadour, peut-être pour lui demander ma conservation. J’eusse été bien curieux de la voir, cette chapelle que l’on disait avoir été bâtie dès les premiers temps du christianisme, au sommet d’un très-grand rocher. Longtemps après j’ai vu dans l’histoire que Henri le Jeune, un des trois fils de Henri II, duc d’Aquitaine et roi d’Angleterre, y était allé en dévotion, et qu’il était mort dans ces environs, des suites d’une blessure qu’il avait reçue au siège de la cité de Limoges.

* C’est une couronne de pain de blé fabriquée à Aixe sur Vienne à partir du XIème siècle. Elle était populaire dans tout le Limousin. Ces pains sont appelés  » Rédorte ou Riorte » à cause de leur forme. En effet en patois limousin riorte désigne un lien de bois formant un anneau. La Rédorte est un pain fantaisie en forme de couronne tournée en spirale et composée de farine de froment et d’un levain spécial qui lui donne son goût particulier.
Elle a pour origine le fait que l’on récompensait les soldats romains vainqueurs en leur promettant une couronne d’or à leur retour. En réalité, on leur remettait une  » Couronne de pain de blé ».

M. de Gay-de-Nexon avait pris chez lui, pour la première éducation de sa famille, un instituteur appelé M. Boin, homme d’un certain âge et d’une grande mansuétude. Outre la bienveillance de M. de Nexon pour mon père, procureur fiscal de cette châtellenie, madame de Nexon, fille d’une Delomenie, avait des attentions particulières pour ma mère. A ce double titre, il me fut permis de partager l’instruction primaire de leurs enfants. J’étais de la même classe, du même âge et du même prénom (Joseph) que le chevalier, auquel par la suite échut en partage la belle terre de Cognac, possédée aujourd’hui par mon cousin Bourdeau. M. l’abbé actuel de Nexon, son frère ainé, était un peu plus avancé que nous; il était devenu grand-vicaire auprès de M. de Villoutreix-Defaye, son parent, évêque d’Oléron, quand la révolution le jeta par-delà les Pyrénées. Il vit encore (1836) révéré de tous, au sein d’une famille heureuse de le posséder. Quel plaisir j’ai à le retrouver, chaque fois que je peux aller voir mes Dieux Pénates ! Lorsque depuis le retour des Bourbons je siégeais à la chambre des députés, je présentai un jour au Ministre des Finances (M. le baron Louis) une note de recommandation relative à la place de percepteur à Nexon. Quoi? Nexon! me dit le Ministre avec empressement, j’ai fait mon séminaire à Saint Sulpice avec un abbé de ce nom; c’était bien le plus excellent homme! — Vous l’aviez bien jugé, Monseigneur, lui répondis-je : il m’honore de son amitié, et je lui dirai que vous ne l’avez point oublié.

A peine âgé de huit à neuf ans, je fus envoyé à Saint-Yrieix, chez un frère de mon père, qui y exerçait la médecine et n’avait point d’enfant. Sa belle-mère, que tous appelaient maman à cause de sa bonté, m’amenait souvent à un petit castel appelé de la Tranchardie, chez une vieille dame, sa parente; j’étais sûr d’y trouver toujours de bons fruits et quelque friandise. Ma sœur aînée, depuis madame Guyot, était pensionnaire dans un couvent de la même ville; les bonnes sœurs eussent voulu en faire une de leurs compagnes, et ma sœur semblait y être assez disposée. Quoiqu’il en soit, lorsque j’allais au parloir, je me ressentais des attentions qu’on avait pour elle. A propos du titre de Madame que l’on donne aujourd’hui à toutes les femmes mariées, il était alors réservé à la noblesse d’une manière tellement exclusive, que les femmes des magistrats au sénéchal, n’étaient appelées que Mademoiselle. Mais aussi on commença bientôt à se mettre en progrès, comme on dit aujourd’hui; et, dès 1789, cette révolution de pure courtoisie et de convenance s’était opérée presque partout d’elle-même. Mon oncle était bien avec les meilleures maisons de la ville, et on m’y traitait comme si j’eusse été son fils ; j’allais souvent, à ce titre au Clos-de- Barre, campagne habitée par M. Gentil-de-Lafaye, Chevau-Léger de la garde du Roi. Il y avait de jeunes personnes de mon âge; j’étais sûr d’y trouver bon accueil et d’innocens amusemens.

C’est dans la même propriété que furent découvertes en 1765 ou1766 ces belles terres à porcelaine qui ont acquis tant de célébrité et qui sont devenues si précieuses pour l’industrie de la ville de Limoges. J’ai toujours gardé, pour la mémoire de ce second père, un profond sentiment de respect et de reconnaissance.
Toute sa modique succession a passé à un parent de sa femme ; mais le meilleur héritage qu’il put nous laisser, c’était de faciliter comme il le fit, ma première éducation, et après moi celle de mes deux frères.

Mon premier maître d’école à Saint Yrieix fut M. Bardinet; il demeurait dans une maison canoniale près du Moutier, dans laquelle on entrait par une petite tour bien antique et bien décharnée. Dans un voyage que j’y fis naguères, je fus curieux de la revoir cette maison de ma première école, ainsi que celle de mon oncle ou je passai ma première jeunesse.

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En sortant de l’école solitaire de M. Bardinet, je fus envoyé à celle de M. Dumonteil, qui avait bien une soixantaine d’écoliers; c’était l’instituteur en titre de la ville. Il avait été nommé par le Chapitre, qui lui laissait la jouissance d’un petit borderage ; cette jouissance, avec une modique rétribution de la part de chaque écolier, servait à l’entretien de sa nombreuse famille. Dans la suite il se brouilla avec le Chapitre qui l’avait durement destitué, quoiqu’il eût élevé la plupart de ses membres. Chaque fois que j’allais à Saint-Yrieix, j’avais soin d’aller le voir, et je n’ai point oublié combien ma petite visite d’intérêt et de reconnaissance lui était agréable. Il demeurait d’abord an fond du quartier des Barris, au-dessous de la halle publique; là, dans une grande chambre basse, non pavée ni planchée, on avait posé contre terre deux longues poutres équarries, sur lesquelles nous étions rangés les uns à la suite des autres, sans aucun feu, même an plus fort de l’hiver. La cloche de Matines appelait à la fois les chanoines ou prébendés et les écoliers, chacun à leur poste. Cette cloche me semblait bien matinale; lorsque je ne l’avais pas entendue ou que je voulais composer avec elle, ma bonne tante me criait, de son lit. J’étais aussi souvent appelé par mes jeunes camarades Crézeunet et Villouvier, qui passaient devant la maison. Je me joignais à eux et nous cheminions ensemble vers l’école avec nos petits sabots et nos livres sous le bras, grelottant de froid dans la saison et déplorant par fois le sort des pauvres écoliers. M. Dumonteil alla ensuite demeurer au Foiral, dans le quartier haut de la ville. Nous y étions mieux, ou moins mal et beaucoup plus sainement.

Comme nous étions divisés en plusieurs classes, lorsqu’une d’elles avait dit sa leçon, on obtenait aisément, sous quelque prétexte, un permis de sortir, et nous courrions bien vite au pré Broussaud pour y faire nos ébats. Dans l’hiver, nous glissions à l’envi sur une petite pêcherie glacée où l’on tombait souvent les uns sur les autres, ou bien l’on s’amusait à faire des boules de neige, les plus grosses que l’on pouvait, et puis, pour les grossir encore, on les faisait rouler jusqu’au fond de la prairie. Dans un voyage que je fis dernièrement à Saint-Yrieix, j’étais logé chez la dame Belin. Le matin, en ouvrant ma fenêtre qui donnait sur la campagne, je m’écriai tout joyeux, comme Rousseau en voyant de la pervenche : Ah! voilà le pré à Broussaud ! Une seule composition nous avait rangés dans l’ordre suivant : Laborderie, Dumaine, moi, Crézeunet, Senemaud, Foucault, dit Toutou, Gondinet-d’Arfeuille, etc. Toutou, déjà grand garçon, fut condamné au fouet pour quelque grande faute; il s’était résigné à se mettre en devoir derrière un paravent pour subir sa peine. Mais, au premier coup de martinet, il se lève furieux et saute aux cheveux du maître, en le traitant de tous les noms, notamment de Cardeur; c’est le sobriquet que nous lui donnions dans nos petites colères. Eh bien! telle était l’habitude de l’obéissance que cet étrange incident ne dérangea pas le moins du monde l’ordre général de l’école. Toutou sortit après s’être rajusté au plus vite, et M. Dumonteil, vivement ému, se remit dans son fauteuil. Le surlendemain, nous vîmes revenir ce pauvre Toutou, conduit cette fois par son père M. Foucault-de-Malembert; il fit ses excuses, et la chose n’alla pas plus loin; Toutou ne revint plus à l’école, et deux ou trois ans après il portait une épaulette d’officier.

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L’enseignement de la langue latine était bien différent de ce qu’il est aujourd’hui; il n’existait encore aucune méthode pour l’apprendre si ce n’est le rudiment de Gaudin et un certain Despautère, auquel je n’ai jamais rien compris. Il fallait apprendre les livres par cœur, sans aucune explication qui en eût préparé l’intelligence. Chaque écolier était appelé à venir réciter à son tour sa leçon devant le maître assis gravement dans un fauteuil et tenant son martinet à la main : on appelait ainsi une espèce de fouet à long manche de bois, composé de cinq ou six courroies en parchemin, bien tordues et nouées par le bout. A la moindre faute de mémoire, le récitant était fouaillé aux jambes, qui n’étaient pas comme aujourd’hui protégées par un pantalon ; mais on ne trouvait pas mauvais qu’il arrivât muni de son chapeau à trois cornes, avec lequel parait les coups du mieux qu’il pouvait. Cependant, à force de temps et d’études, j’étais parvenu à connaître assez bien les principes de la latinité. On croyait que je serais admis dans la classe de Seconde an collège de Limoges; je ne pus être reçu qu’en Troisième. A la première composition en thème, je fus le premier, ce qui me donna la prétention de vouloir, à l’examen de Pâques, monter en Seconde; mais M. l’abbé Marcoul, mon régent, me rendit l’important service de me retenir. De cette manière, j’eus dans sa classe et dans les deux suivantes le premier prix, appelé d’Excellence. Je me rappelle à ce sujet, que dans une distribution générale des prix je reçus une couronne des mains de M. Turgot, alors intendant de la Province; il avait avec lui madame la duchesse de La Rochefoucault-Damville et son fils, que je vis depuis, en 1792, président du Directoire du département de la Seine, et dont je dirai plus tard la cruelle fin.

En Seconde j’eus pour professeur M. l’abbé Vitract, ce zélé panégyriste de nos Limousins célèbres. Sa première oraison funèbre avait été prononcée en 1774, dans une solennelle distribution des prix, en l’honneur de Marc-Antoine Muret, né au lieu de ce nom en 1526, dans les environs de Grandmont; la seconde le fut l’année suivante, en l’honneur du poète Jean Dorat (Dinemandi ou Dinematin); la troisième fut prononcée en 1776 en l’honneur du savant Baluze, né à Tulle en 1630; enfin la quatrième et malheureusement la dernière, fut prononcée en 1779, en l’honneur du pape Grégoire XI, Pierre Roger, qui était né en 1329 près de Pompadour. Infatigable dans ses recherches, l’abbé Vitract avait rassemblé de nombreux matériaux pour d’autres éloges, quand la révolution vint le jeter au-delà des Pyrénées, pour refus d’un serment qui répugnait à sa conscience. Pendant son exil en Espagne il vivait du produit des sermons qu’il composait. Après sa rentrée en France, il fut nommé curé de Saint-Michel de Limoges, sa ville natale. Quand j’étudiais sous lui, un écolier nommé Desrats avait composé, sur le compte de tous les professeurs, une espèce de philippique en vers qui fit grand bruit. Au lieu de s’en tenir pour offensé, M. l’abbé Vitract aimait à nous lire, en badinant, la strophe qui le concernait. Ce respectable pasteur mourut à Limoges le 27 avril 1805, justement regretté de tous. Digne panégyriste des Limousins célèbres, il méritait d’en avoir un lui-même; espérons qu’il l’aura un jour.

Pendant ma Troisième et ma Seconde, je demeurais en pension franche chez un de mes parens, le chevalier Verthamon-de-Ménieras; il m’avait demandé à mon Père, soit pour le faciliter dans mon éducation, soit pour que je donnasse les premiers soins à celle de son fils unique. Ce parent avait été capitaine au régiment de Montboissier; il demeurait rue Gagnole, n° 20, en face de la maison n°22 que j’habite et dans laquelle il était né. Du cabinet un peu haut, où je trace ces lignes, je plonge mes regards dans mon ancienne chambre d’écolier, dans cette chambre où je dormais si bien du sommeil de l’adolescence, qu’un certain soir on fut obligé, pour m’éveiller, d’en briser la porte.
Chaque matin, en ouvrant ma fenêtre, j’ai plaisir à la revoir; de-là aussi, j’entends parfois la cloche argentine du collège, qui m’appelait il y a, hélas! plus de soixante ans; elle n’appelle plus que mes petits-enfans, mais aussi au nombre de cinq, (deux de mon nom et trois de nom Bourdeau.) Mon jeune élève et cousin avait une sœur presque de mon âge et déjà pensionnaire dans un couvent. Quand les vacances furent venues, toute la famille s’était retirée à Larfouillère, dans une maison de campagne entourée de six bons domaines et de laquelle on apercevait, au sud, les ruines historiques de Chaslucet.

Cette campagne n’était qu’à une lieue de ma famille, où je faisais, le plus que je pouvais, d’agréables excursions; j’y fus atteint d’une maladie inquiétante, pour laquelle le célèbre médecin Faye, de Nexon, vint me voir. Depuis plusieurs jours j’étais tourmenté d’une grosse fièvre, avec délire; c’est au point qu’on avait envoyé chercher le confesseur. J’étais impatient de le voir arriver, à cause d’un rêve tort singulier, dont j’étais tourmenté. Ma bonne cousine se tenait le plus souvent auprès de mon lit pour me donner des soins. Je rêvais que j’avais été changé en un oiseau n’ayant qu’une aile; je croyais que si j’eusse été confessé, je les aurais toutes deux. Je demandai ainsi plusieurs fois, avec chagrin: M. l’abbé est-il venu ? Voyant que je gémissais à chaque réponse négative, une cousine imagina, pour me tranquilliser, de dire : Oui, il est arrivé. Aussitôt il me poussa une autre aile et je franchis l’espace. Je m’élevais en l’air à tire-d’aile, comme l’alouette en un beau jour, lorsque je fus rencontré par un autre oiseau de même plumage, qui descendait de l’Ethérée. On se prend tous deux par le bec et nous voilà rendus à la terre. Pauvre esprit humain! Ne dirait-on pas un songe fait à plaisir? Et pourtant c’était un véritable songe. Le confesseur arriva bientôt. Je lui contai, comme je pus, mes peccadilles, et dés le lendemain la petite-vérole se fut déclarée. C’était le vicaire de Saint-Jean-Ligoure, cet aimable abbé Richard qui a fait de si jolies chansons en patois limousin. Je n’ai plus eu occasion de le revoir; mais bien des années après, et depuis sa mort, je m’étais entendu avec M. Linguaud pour faire imprimer ses chansons en deux petits volumes; j’ai même eu le plaisir d’en offrir un exemplaire à M. Raynouart, comme analogue, sous quelques rapports, à son ouvrage, encore inédit, sur la langue romane.

Je fis ma rhétorique sous M. l’abbé Desthèves; ce respectable prêtre était né à Saint-Silvestre, dans les montagnes de Grandmont; il m’était réservé de le voir un jour curé de ma paroisse natale, une des plus recherchées du diocèse. Ses vénérables père et mère, dont la vieillesse me rappelait celle des miens, étaient venus le joindre à Nexon; c’est là que fut célébrée avec une sorte de pompe filiale, la cinquantième année de leur mariage. Ils espéraient, en mourant, qu’un jour les ossemens de leurs fils viendraient reposer auprès des leurs ; mais la cruelle destinée en avait décidé autrement. M. Desthèves fut déporté, pour refus du serment à la constitution civile du clergé ; ses deux vicaires, messieurs Labesse et Meytadier, furent les constans compagnons de son exil.

Pendant les premières années de leur déportation, ils ne s’étaient point séparés, ayant conservé l’espoir de revenir un jour au commun presbytère. Aux approches du 18 fructidor (4 septembre 1797), un rayon vivifiant d’espérance avait relui sur eux : ils s’étaient avancés jusque sur le Mont Cenis, joyeux de revoir bientôt leur patrie, lorsque ce coup d’Etat les refoula brutalement de l’autre côté des Alpes. Cependant leurs ressources étaient épuisées. Hélas ! que faire, que devenir ! Nos trois lévites, désolés de ne plus pouvoir vivre ensemble, se voient forcés de se séparer; ils s’embrassent, l’œil en larmes, au milieu des sanglots, et chacun tourne de son côté, à la garde du Dieu consolateur des opprimés ! M. l’abbé Desthèves alla mourir à Rome ou dans les environs; l’abbé Meytadier passa dans la Croatie et s’y fit religieux dans un couvent. Enfin l’abbé Labesse, après avoir longtemps erré en Italie, était rentré sous le consulat de Bonaparte…peu de temps après son retour en Limousin, M. Labesse fut nommé à la cure cantonale d’ Ambazac, lieu de sa naissance.

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Étudiant à Toulouse

Le moment était venu où mon éducation et celle de mes frères allaient être plus couteuse; mon père vendit, pour y faire face, un petit domaine qu’il avait à Clairefaye, dans la commune de Sèrillac. J’allais partir pour étudier le Droit à Toulouse, dans la plus célèbre Université de l’époque. Je venais de vêtir la robe virile; j’étais plein de vie et d’avenir, sans autre ambition pourtant quo de revenir un jour faire l’avocat consultant et mourir sous le toit de mes pères. Je devais partir de Saint-Yrieix avec cinq autres étudiant, tous à cheval, ainsi que le messager, chargé de ramener nos montures. Mon père m’y avait accompagné.
Au moment de notre séparation, après m’avoir donné de sages conseils, il me remit quinze louis d’or et quelques écus pour le voyage, puis les yeux gonflés de larmes, il me serra tendrement dans ses bras, en me comblant de ses vœux. Mon bon oncle me donna ses pistolets, et déjà je portais un couteau de chasse; enfin nous voilà partis. Cette nombreuse cavalcade, dans des chemins de traverse, ne manquait pas de faire une certaine sensation, flatteuse surtout pour des écoliers. Nous cheminâmes ainsi, à petites journées, en passant d’abord près du château d’Hautefort, berceau du vaillant troubadour Bertrand-de-Born, qui résista longtemps an roi Richard ensuite par Labachellerie, Sarlat et Gourdon. L’hôte de cette dernière ville fut un peu embarrassé pour nous recevoir, pour nous donner à souper et surtout à coucher. Le lendemain nous fumes dédommagés par un beau jour : en traversant le vaste plateau qui sépare Gourdon de Pont-de-Rodes, où nous allions joindre la grande route de Paris à Toulouse, nous apercevions dans le lointain, au sud-ouest, la chaîne imposante des Pyrénées, couvertes de neiges. L’impression que j’éprouvai à la vue de ce magnifique amphithéâtre, fut beaucoup plus vive que celle que j’éprouvai dans la suite à la vue des Alpes, sans doute parce que je voyais de trop près ces dernières montagnes.

En arrivant à Toulouse, la jeune cavalcade descendit un peu au-delà de la porte Matabiau, devant un petit hôtel, déjà connu de presque tous mes compagnons de voyage. Il était tenu par une bonne vieille appelée madame Laurelian. C’était la pension la plus ordinaire des étudians limousins; la bonne dame leur faisait crédit au besoin ou même les aidait de sa bourse. Plusieurs de mes camarades y restèrent, et nous nous y réunissions par fois, en banquet toujours joyeux. J’allais, moi, m’établir dans une chambre rue du Taur, afin d’être plus près de l’Université, et j’allais manger presque vis-à-vis chez d’autres compatriotes. Un traiteur que nous appelions le bon père Rodes, nous y envoyait à manger dans une grande corbeille, à raison de 15 francs par mois, non compris le pain et le vin, qui étaient l’un et l’autre à très-bon marché. Le nom de Luquets était donné par dérision aux écoliers de la première année; il avait pris son origine de ce que les écoliers des collèges devaient rentrer en général, dès la Saint-Luc,à Lucalibus. Ce sobriquet populaire était une sorte d’injure et l’on aimait à jouer des tours à ceux qui le portaient;

Nexon au temps de Richard Cœur de Lion par les élèves de la classe de 5ème B du collège A. Bonneaud.

La Fédération Patrimoine-Environnement (http://patrimoine –environnement.fr) organise depuis 2005 un concours national, agréé par l’éducation nationale, dans le but de faire découvrir aux élèves le patrimoine de proximité tout en les initiant aux nouvelles technologies de l’information et de communication (NTIC) et au métier de journaliste.
En 2015, 1 512 élèves ont réalisé un petit journal sur le patrimoine de leur commune en lien avec le thème « Le Moyen Âge toujours présent » ; Parmi les 74 petits journaux reçus, celui réalisé par les élèves de la classe de 5ème B du collège Arsène Bonneaud de Nexon.
Sur l’initiative de leur professeur de français, Madame Duhard, et de leur professeur d’histoire-géographie, Monsieur Duranteau, les 26 élèves de la classe ont effectué des recherches aux Archives départementales de la Haute-Vienne, sur Internet, au CDI du collège. Ils ont créé un journal « Nex’presse » rapportant les évènements de Nexon à l’époque de Richard Cœur de Lion.On le trouve sur le site de la Fédération, http://patrimoine-environnement.fr/wp-content/uploads/2015/06/87-Coll%C3%A8ge-Ars%C3%A8ne-Bonneaud-5%C3%A8me.pdf   , et je le mets en ligne.nex presse 1nex presse 2nex presse 3nex presse 1

Leur journal a obtenu le deuxième prix. Félicitations aux élèves et à leurs professeurs.