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Jules VEDRINES, aviateur

A Nexon une vingtaine d’affichettes décrivent un bâtiment ou un événement. L’une d’entre elles, au coin de la rue Gambetta et de la rue Gay-Lussac, très abîmée, rappelle les exploits de Jules VEDRINES, célèbre aviateur des années 1910. Il est indiqué que Jules VEDRINES a effectué de nombreuses visites dans sa famille à Nexon.

A ce jour je n’ai pas pu trouver trace de ces visites ni identifier sa famille Nexonnaise. L’Office de Tourisme, éditeur de ces affichettes, ignore tout de ce personnage et de l’auteur du texte. Alors je lance un appel aux lecteurs de ce blog pour essayer de découvrir les attaches nexonnaises de Jules VEDRINES.

L’affichette abîmée !

La tache n’est pas aisée. Jules VEDRINES est mort le 21 avril 1919 à Saint-Rambert-d’Albon dans la Drome ou son avion, un bimoteur Caudron C-23, est tombé en panne alors qu’il effectuait le vol inaugural de la ligne Paris-Rome.

Jules VEDRINES est né le 21 décembre 1881 à la Plaine Saint Denis de parents Creusois. sa jeunesse ne le prédestine pas à devenir un as de l’aviation. Il est ouvrier dans la société Gnome qui fabrique des moteurs pour bateaux et automobiles. A partir de 1908 elle va mettre au point un moteur d’avion rotatif. VEDRINES travaille sur ce moteur.

Sa rencontre avec le pilote anglais Robert LORAINE, un acteur Britannique célèbre venu en 1909 à Pau, pour apprendre le pilotage à l’école créée par BLERIOT, va bouleverser sa vie. Le 7 décembre 1910 VEDRINES passe son brevet de pilote à PAU.

Il est embauché par MORANE et en mai 1911 il gagne la course Paris Madrid au cours de laquelle Roland GARROS a du abandonner. le 21 mai 1911, jour du départ, 200 000 personnes étaient venues sur l’aéroport d’Issy les Moulineaux. Maurice BERTAUX, ministre de la guerre qui était venu avec le Président du Conseil assister au départ est tué par la chue de l’avion d’un des concurrents. Le prix au vainqueur est de 100 000 francs ! la vie de VEDRINES change; C’est un héros et il est riche.

Le 9 décembre 1912 il gagne la coupe Gordon-Bennet organisée aux Etats-Unis et bat le record de vitesse à 167,8 km/h. Du 20 novembre au 29 décembre 1913 il réalise la première liaison aérienne France – Egypte avec escales à bord de son monoplan Blériot.

Il a épousé Amélie LEJEUNE, une jeune fille de Bussière-Dunoise en Creuse. En 1911, sa famille a du être surprise de le voir atterrir dans un pré à bord de son Morane-Borel alors qu’il participait au rallye aérien Paris-Pau.

Intéressé par la politique, il s’était présenté aux élections cantonales de Limoux en 1910, sans succès, et aux élections législatives de 1912 sans plus de succès. 

En 1914 il est mobilisé comme aviateur. Il baptise son avion « La Vache », sans doute en souvenir de la Creuse mais aussi parce qu’il devait souvent « brouter l’herbe et les Marguerites ». Il est nommé adjudant le 7 octobre 1915. Il effectue de nombreuses missions de combat au-dessus de Verdun, comme instructeur il forme de nombreux pilotes dont Guynemer et il se spécialise dans des missions difficiles comme le convoyage d’espions français derrière les lignes allemandes puis leur récupération. Il est nommé sous lieutenant le 26 juin 1918.

Parlant de ces vols la célèbre espionne Mata Hari affirma qu’« un aviateur français qui survolait les lignes ennemies était guetté », ce qui amena certains à penser que VEDRINES transportait des espions de nationalité allemande en Allemagne et allait les rechercher. cette information a été démentie par les services de renseignement français. Condamnée à mort pour intelligence avec l’ennemi en temps de guerre, Mata Hari, de son nom Margaretha Zelle passa devant le peloton d’exécution le 15 octobre 1917. Avait-elle été victime de son penchant pour l’affabulation ou d’une manipulation des services secrets français et allemands ? Le mystère subsiste.

Le 19 janvier 1919, malgré l’interdiction, il se pose sur le toit des galeries Lafayette et empoche le prix de 25 000 francs offert pour cet exploit.

Arrivée sur le toit des galeries Lafayette.

  Le 21 avril 1919, lors du vol inaugural de la ligne Paris-Rome le moteur de son avion tombe en panne. L’avion s’écrase à Saint Rambert d’Albon. Jules VEDRINES et son mécanicien sont tués.

Ils sont nés à Nexon, ils ont réalisé une belle carrière : Joseph ROIG, un as de l’aviation en 1914-18 et un pionnier de l’Aéropostale (1889-1983)

A Nexon on ne connait pas ou peu Joseph ROIG. Pourtant il est né à Nexon et ce fut un as de l’aviation en 1914-1918 et un pionnier de l’aérospatiale. Il est vrai qu’il n’y a vécu que sa petite enfance. En effet son père qui était gendarme à cheval a passé moins de dix ans Nexon. Il est arrivé dans la commune en 1882 et sa première fille, Thérèse, y est née le 11 avril 1883 ; une autre fille, Berthe, est née le 11 avril 1887 et Joseph est venu au monde le 27 juillet 1889.

De 1902 à 1907, il est enfant de troupe à l’Ecole Militaire Préparatoire de l’Artillerie et du Génie, à Billom, dans la banlieue de Clermont – Ferrand. Cette école, créée en 1886 a fermé ses portes en 1963.

Le 29 juillet 1907, il s’engage pour cinq ans dans l’Artillerie. Il est affecté au 36ème régiment d’artillerie de campagne (RAC) puis au 19ème RAC. Il entre le 1er octobre 1911 à l’Ecole militaire de l’Artillerie à Versailles. Le 1er octobre 1912 il est nommé sous-lieutenant au 13ème Régiment d’Artillerie à Nîmes.

Le 24 septembre 1912 à Billom, Puy-de-Dôme, il épouse Marcelle MOSNIER (1890-1964). Une fille, Madeleine Marie naîtra en 1914. Après le décès de son épouse il se remarie le 21 décembre 1965, à Tours, avec Anny FLORENTIN.

Un as de l’aviation en 1914-1918.

Le 25 septembre 1914 il passe à l’aéronautique militaire comme observateur. Après sa formation il est affecté à l’escadrille C 13 ou il restera jusqu’au 19 mars 1916.

Le travail de l’observateur est essentiel pour guider le tir des batteries françaises. Une fois le tir commencé, Joseph ROIG tapote sur son manipulateur pour aider les artilleurs à régler leur tir : deux traits, deux points, deux traits deux points…, « réglé en direction ». Quelques instants plus tard, un obus tombe sur la batterie allemande. Joseph ROIG continue. Un trait, un point, un trait, un point… « réglé en portée ». Au sol, les canons se mettent à tirer en même temps. (voir en annexe l’article de Patrice HERREYRE dans le Populaire du Centre 24 avril 2016)

ROIG, à gauche, en compagnie d’un pilote de l’escadrille C13 

En février 1915 il est décoré de la Croix de Guerre avec une citation à l’ordre de l’armée et le 7 juillet 1915 il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur. Il a 26 ans.

 

« A pris part, depuis la fin du mois de septembre, à de nombreuses reconnaissances exécutées sous le feu de plus en plus violent des batteries ennemies. S’est fait remarquer par la sûreté des renseignements recueillis, ainsi que par sa grande habilité à diriger les réglages de tir. »

Citation à l’ordre de l’armée au Lieutenant Joseph ROIG, observateur de l’escadrille C 13

Le 19 mars 1916 il obtient son Brevet de pilote militaire avec le numéro 3033. Il devient alors Pilote de l’escadrille C 13 ou il restera jusqu’au 1er octobre 1916. Au cours de cette période il obtient une nouvelle citation à l’ordre de l’armée :

« Officier d’élite et observateur de premier ordre, continue à se distinguer par le succès avec lequel il s’acquitte de toutes ses missions, déployant sans relâche ses qualités d’audace et d’habileté. Le 2 février 1916, a exécuté avec un plein rendement un vol d’une durée de quatre heures quarante minutes, le 23 juin, attaqué par deux avions de chasse ennemis, les a contraints à la retraite afin de poursuivre l’exécution des réglages dont il était chargé. Coutumier des faits, montre en toutes circonstances un sentiment du devoir et un esprit de dévouement au-dessus de tout éloge. »ROIG, à gauche, en compagnie d’un pilote de l’escadrille C13 en octobre 1916

Il est promu Commandant de l’escadrille C 224 du 1er octobre 1916 au 19 septembre 1917. Il est nommé Capitaine à titre temporaire, le 16 février 1917. Il part à l’Ecole militaire de Fontainebleau du 19 septembre 1917 au 13 mars 1918 et à son retour il est nommé Commandant de l’escadrille SALMSON 58. Cette escadrille est équipée de Salmson 2A2, appareils dont Pierre-Georges LATECOERE avait obtenu un contrat de fabrication en sous-traitance.

Cet avion était un biplan biplace monomoteur construit en bois entoilé. Sa propulsion était assurée par un moteur en étoile Salmson de 230 chevaux. Il disposait d’une mitrailleuse synchronisée Vickers de calibre 7.7mm et de deux mitrailleuses Lewis de même calibre installées en position arrière sur affût annulaire mobile. Deux appareils photos installés à l’arrière du fuselage étaient déclenchés par le copilote. Construit à plus de 3200 exemplaires le Salmson 2A2 est incontestablement un des grands succès aéronautiques français de la Première Guerre mondiale.

Un Salmson

 Il est détaché au 37ème régiment d’aviation, en date du 25 mars 1919

Il cesse son congé sans solde, le 25 mai 1925 pour être réaffecté au 37ème régiment d’aviation. Il est nommé lieutenant-colonel, le 2 septembre 1939.

En 1919, il devient chef de la 1ère Section du personnel du 4e Bureau de la Direction Aéronautique du Ministère de la Guerre. C’est là qu’un jour d’été 1919 il fait une rencontre déterminante. « Nous sommes à la fin de l’été 1919, racontera-t-il dans ses souvenirs, dans le bureau que j’occupais au ministère de la Guerre. Le planton introduisit un visiteur : Pierre-Georges LATECOERE. » Le fondateur des lignes aériennes qui portent son nom demande un petit service à l’officier, celui de différer de quelques jours la prise de fonction dans l’armée de l’air de MORAGLIA, alors chef d’aéroplace à Malaga, en attendant l’arrivée de son successeur, un certain Didier DAURAT.

En 1926, il revient à l’armée de l’Air où il commande successivement les bases de Fez, Alger-Maison-Blanche, Istres et Casablanca avant d’être mis en congé du personnel navigant en 1940.

Un pionnier de l’Aéropostale.

La 1ère guerre mondiale à peine finie, les journaux français s’interrogent : “Que vont devenir nos pilotes ?” Certains vont trouver un métier inattendu : facteur livrant par voie aérienne le courrier de France vers son récent protectorat : le Maroc.

Pierre-Georges LATECOERE, industriel reconverti dans la construction d’avions, a ce projet fou. Pour prouver qu’il ne rêve pas il effectue, le 8 mars 1919, un vol Toulouse-Rabat. A l’atterrissage, sur la piste, l’attend le résident général, le Maréchal LYAUTEY. LATECOERE a un cadeau pour lui : un exemplaire du journal Le Temps, daté de la veille. C’est un exploit à une époque où une lettre, postée à Paris, met une dizaine de jours pour arriver à Casablanca. Pour parachever sa démonstration il a amené un bouquet de violettes cueilli à Toulouse qu’il offre à Madame la Maréchale. Convaincu, LYAUTEY lui accorde une subvention de 1 million de francs et une exclusivité du transport du courrier vers la France.

En juillet 1919, LATECOERE engage le pilote Didier DAURAT. Il signe un contrat d’exploitation de la ligne Toulouse-Rabat.

En septembre 1919, sept mois à peine après le vol inaugural de Latécoère, les postiers de l’air acheminent de façon régulière le courrier entre la France et Casablanca. Mais leur employeur voit déjà plus loin. Latécoère veut relier Paris à Dakar, et au-delà, délivrer le courrier jusqu’en Amérique du Sud. Ses avions doivent pour cela traverser le Maroc.

Deux ans plus tard, Latécoère se souviendra de cette première rencontre et proposera, par l’intermédiaire de Beppo de MASSIMI, à Joseph ROIG de rejoindre son équipe au Maroc. Mis en disponibilité de l’armée il se lance dans l’aventure.

  • La ligne Casablanca-Dakar.

Ainsi en janvier 1921, Joseph ROIG est chef de service des Lignes Aériennes Latécoère Maroc.

Grâce à son action auprès du Maréchal LYAUTEY et des services de la Résidence Générale au Maroc, et à ses relations avec le gouverneur de la Mauritanie, il donne une impulsion décisive aux Lignes Aériennes Latécoère.

L’idée de LATECOERE, un peu folle, est de transporter par avion le courrier de Paris en Amérique du sud. La première étape est de créer une ligne jusqu’à Dakar, en passant par des terrains qui deviendront célèbres : Cap Juby, Villa Cisneros, Port Etienne… C’est Joseph ROIG qui se charge de défricher le terrain et crée de toutes pièces les infrastructures qu’utiliseront plus tard SAINT-EXUPERY ou MERMOZ.

Pour cela Joseph ROIG va effectuer le reconnaissance du tronçon Casablanca-Dakar en faisant du cabotage sur une goélette « La Frasquita ».

Une partie du parcours traverse le Rio de Oro et le désert mauritanien sous contrôle espagnol. C’est un tronçon de 1.500 kilomètres à haut risque, du fait des difficultés à contrôler efficacement cette immense étendue de désert qui, des frontières du sud marocain aux frontières de l’Afrique Occidentale Française, est en réalité contrôlée par des tribus Maures. Il installe les futurs aérodromes de Cap Juby, Villa Cisneros, et Port-Etienne, avec mise en place du ravitaillement en essence et huile.

Du 3 mai au 5 mai 1923, chef de mission du premier courrier postal aérien Casablanca-Dakar, Jean ROIG effectue la liaison avec trois Breguet 14 avec les pilotes Louis DELRIEU, Robert CUEILLE et Victor HAMM, les mécaniciens LEFROIT et BONNORT et un passager M. G. LOUIS de la  » Vigie Marocaine « .

 

Le départ des trois Breguet 

Au retour du raid Casa-Dakar-Casa, J. ROIG, chef de mission, prend sa fille dans les bras.

La ligne Casablanca-Dakar est inaugurée officiellement le 1er juin 1925 par les pilotes Georges DROUIN et Emile LECRIVAIN. Un an et demi plus tard, elle faisait ses premières victimes. Deux pilotes meurent abattus par des membres de tribus du Rio de Oro, tandis qu’un troisième est fait prisonnier. Blessé par balles, criblé de coups de couteaux, le pilote-otage “préfère mettre fin à ses souffrances en buvant d’un trait la teinture d’iode et l’acide phénique qu’il portait en deux flacons sur lui. Ses ravisseurs le crurent mort et l’abandonnèrent dans le désert. Récupéré par une mission de sauvetage, il s’éteignit dix jours plus tard dans un hôpital de Casablanca, l’intestin perforé par les substances chimiques qu’il avait absorbé”, raconte Joseph KESSEL dans “Vent de Sable”.

 

  • La ligne Natal – Buenos Aires – Rio de Janeiro

En 1924 Pierre-Georges LATECOERE envoie le capitaine Joseph ROIG puis le prince Charles MURAT assisté de Marcel PORTRAIT, tous deux administrateurs de la CGEA (ex lignes Aériennes Latécoère), en Amérique du Sud, par bateau, avec des Breguet XIV. Il n’est pas encore question de traverser l’Atlantique en avion. Une fois arrivés au port les avions sont débarqués et les vols de reconnaissance sont accomplis en se posant sur les plages, d’abord au sud vers Montevideo et Buenos Aires puis au nord vers Recife, avec des fortunes diverses.

Si le courrier entre Dakar et Natal, ville la plus à l’Est du Brésil, est transporté par bateau l’idée de LATECOERE est de reconnaître la liaison aérienne qui doit permettre l’acheminement du courrier vers Rio, Buenos Aires ou Montevideo. Encore une fois, c’est Joseph ROIG qui se charge de cette opération périlleuse, en janvier 1925.

Joseph ROIG en 1925

Pour préparer la liaison Rio de Janeiro-Buenos Aires il est aidé par le héros national argentin Vicente ALMANDOS ALMONACID, as de l’aviation en France pendant la guerre. En effet ALMANDOS ALMONACID s’était engagé dans la Légion étrangère en 1914 et, pilote remarquable, il a obtenu la médaille militaire, la croix de guerre et la Légion d’honneur. Le contact entre deux as de l’aviation ne pouvait qu’être fraternel et leur collaboration a facilité les contacts de Joseph ROIG pour l’élaboration de la ligne aérienne Natal – Buenos Aires puis la ligne Rio – Buenos Aire. Sa notoriété en Argentine lui permettra de faire recevoir son ami ROIG par le Président ALVEAR.

Le 14 janvier 1925, chef de mission du premier courrier aérien Rio de Janeiro-Buenos Aires, il effectue la liaison avec trois Breguet XIV et avec les pilotes Paul VACHET, Victor HAMM, Etienne LAFAY et les mécaniciens CHEVALIER, ESTIVAL et GAUTHIER.

14 janvier 1925 – Reconnaissance de l’itinéraire Rio – Buenos Aires

Mars 1925 Brésil

Le parcours n’était pas sans risque ! ROIG était à bord du Breguet piloté par VACHET lorsqu’il s’est retourné au décollage de Bahia.

 

Au cours de son passage aux lignes aériennes Latécoère, Jean ROIG a joué un rôle déterminant dans la création de la liaison aérienne française entre la France et l’Amérique du Sud, et a servi avec un dévouement total M. P.G. Latécoère qui lui avait fait entièrement confiance. La mission rentre en France en juillet 1926 laissant à Rio Paul VACHET et ses avions. Les autorisations vont arriver l’année suivante et le courrier partira de Paris pour Buenos Aires avec une traversée en bateau jusqu’à ce que MERMOZ réussisse la traversée de l’Atlantique de l’Atlantique entre Dakar et Natal les 12 et 13 mai 1930.

Rentré en France, Joseph ROIG réintègre l’armée de l’Air où il commande successivement les bases de Fez, Alger-Maison-Blanche, Istres et Casablanca.

Nommé lieutenant-colonel, le 2 septembre 1939 il est mis en congé du personnel navigant en 1940.

Mort en 1984, il est enterré à Corbère (Pyrénées-Orientales)

La suite sans Joseph ROIG

Le 11 avril 1927, la propriété de la Compagnie Générale d’Entreprises Aéronautiques passe pour 93% de Pierre Georges LATECOERE à Marcel BOUILLOUX-LAFONT. Elle prendra le 20 septembre suivant la nouvelle raison sociale de Compagnie Générale Aéropostale

Octobre 1927 : SAINT-EXUPERY devient chef d’aéroplace à Cap Juby

Novembre 1927 : Inauguration de la ligne Natal – Rio – Buenos Aires par PIVOT et VACHET sur Laté 25.

1er Mars 1928 : Premier service postal France – Amérique du Sud (la traversée se faisant par aviso)

12-13 mai 1930 : Première traversée commerciale de l’Atlantique sud entre Saint-Louis du Sénégal et Natal par MERMOZ, DABRY et GIMIE sur Latécoère 28.3 (Comte-de-La-Vaulx).

13 – 20 juin 1930 : Henri GUILLAUMET, pris dans une tempête de neige dans la Cordillère des Andes, fait un atterrissage forcé à la Laguna Diamante et capote. Indemne, il marche en direction de l’Argentine pendant 5 jours et 4 nuits et est recueilli par une villageoise.

31 mai 1933 : La Société Centrale pour l’Exploitation des Lignes Aériennes (SCELA) qui regroupe Air Orient, la CIDNA, Farman et Air Union, rachète l’Aéropostale.

7 octobre 1933 : la SCELA devient Air France

On oublie aujourd’hui à quel point la mise en place des lignes aériennes dans le monde mettait en jeu des intérêts nationaux, de plus, dans le contexte de l’immédiat après-guerre. La deuxième mission ROIG fut décidée entre Pierre-Georges Latécoère et le sous-secrétaire d’Etat à l’aviation civile, LAURENT-EYNAC, sur la base du rapport rédigé en octobre 1924 par Joseph ROIG, qui recommandait de procéder à une deuxième mission, cette fois de façon opérationnelle, avec des avions.

Le prince MURAT, de la famille impériale de Napoléon, est sollicité au Maroc, où il est président de l’Aéro-club du Maroc ; son nom et son titre seront précieux pour transformer les contacts pris par ROIG en autorisations officielles. C’est donc, au-delà de son entreprise, le prestige de la France à l’étranger que vont représenter les émissaires de la société Latécoère lors de la deuxième mission de reconnaissance, fin novembre 1924.

 

http://postale.free.fr/aeropostale/roig/good/Roig_Joseph-Pour_que_passe_le_courrier.html#yacht

http://www.latecoere.com/web/latecoere.php?lang=fr&art=36

Quelques articles du FIGARO relatant le développement de l’Aéropostale.

Le Figaro, 22 janvier 1924. La liaison aérienne France-Maroc

L’administration de la compagnie Latécoère, qui exploite les lignes aériennes reliant le Maroc à la France et à l’Algérie, vient de publier quelques chiffres relatifs à qui vient de s’écouler.

Rappelons d’abord les étapes de sa remarquable progression ;

L’ouverture de la ligne eut lieu le 1er septembre 1919, avec deux courriers par semaine jusqu’à Rabat. Au 14 juillet 1920 on passait à deux courriers par semaine jusqu’à Casablanca. Au 1er janvier 1921 : trois courriers par semaine. 1er avril 1921 quatre courriers par semaine. 1er août 1922 courrier quotidien. 1er octobre 1922 ouverture de la ligne Casa-Fez-Oran. 1er janvier 1923 ouverture de l’escale de Tanger. 1er mai 1923 ouverture de la ligne Casa-Dakar par le raid de la mission Roig.

Voici maintenant les résultats de l’exploitation en 1923.

2 910 619 lettres transportées en 1923, représentant un poids de 62 835 kilos. Il convient de noter que dans ce total la part du courrier expédié par le Maroc en France qui représente 1 410 052 lettres, est supérieur à celui expédié par la France au Maroc, qui est de 1 294 219 lettres.

Passagers transportés 1 279, aucun accident de personne. Kilomètres parcourus par les courriers réguliers 1 511 240 kilomètres. Raid Casa-Dakar (mission Roig par trois avions) 16,590 kilomètres. Le nombre de lettres transportées en décembre 1923 dépasse les 300 000 (319 477 lettres).

Ajoutons que ces chiffres postent à 3 747 000 kilomètres le parcours effectués par les avions Latécoère depuis la fondation de la ligne, ce qui représente un peu plus de 93 fois le tour du monde. On voit les progrès réalisés, tant pour la périodicité des voyages et leur rendement commercial que pour l’amélioration de la sécurité. J. F.

Le Figaro, 19 février 1925. Les prouesses de l’aviation française. Le raid des trois avions de Rio-de-Janeiro à Buenos-Aires

Le grand événement français, ce fut l’atterrissement le 14 janvier, 17h20, à l’aérodrome militaire argentin du «Palomar», des avions de la Compagnie Latécoère, qui viennent de réaliser avec une exactitude presque mathématique et une incomparable maestria, le difficile programme de route que le capitaine Roig, organisateur du voyage, leur avait tracé.

Une distance de 2.350 kilomètres, à travers des terrains de composition géologique très diverse, sous des climats différents et des conditions météorologiques variables sépare Rio-de-Janeiro de Buenos-Aires. Nos excellents appareils Breguet dirigés par nos habiles pilotes Vachet, Lafay et Hamm, l’ont franchie avec une régularité et une aisance vraiment impressionnantes, en six étapes et en deux jours, comme le commandant de l’expédition l’avait prévu et fixé. Seul, l’avion dirigé par le pilote Hamm est resté momentanément en panne, avant l’étape de Montevideo, non par suite d’accident, mais parce qu’on n’a pu remplacer sur-le-champ une roue de l’avion en mauvais état sans le concours de laquelle il n’a pu prendre son vol en même temps que ses camarades. La roue réparée, il arrivera le lendemain à Palomar.

Les aviateurs sont partis hier, à 4 heures du matin, de Rio-de-Janeiro ; ils sont arrivés à 8h5 à San-Pablo, après avoir lutté constamment contre vent debout ; repartis à 10h15, ils arrivèrent à Florianópolis à 12h.40, avec une vitesse de 130 kilomètres à l’heure. Ils ne poussèrent pas plus loin ce jour-là. Ce matin, ils reprennent leur vol, de Florianópolis, à 4 heures, par un fort brouillard qui, s’épaississant, les oblige à s’arrêter un moment ce qui ne les empêche pas d’atteindre Porto-Alegre à 6h30, et Pelotas à 9h30, où Hamm doit rester. Décollant à 11h, Vachet et Lafay descendent à 15h30, à Montevideo puis, une heure plus tard, ils côtoient le Rio de la Plata jusqu’en face de la Colonia, pour piquer vers le Palomar où ils atterrissent à 17h20.

L’impression produite par ce vol magnifique est considérable, non seulement aux yeux des hommes de métier, mais aux yeux du public qu’il réconcilie avec l’idée que l’aviation peut devenir un moyen pratique de translation, en cessant d’être une folle aventure. On retrouve cette impression réconfortante qu’avait déjà répandue la célèbre mission française, commandée par le colonel Précardin, qui, pendant six mois suivis, exécuta, chaque jour, à Buenos-Aires des vols de ̃ toutes sortes, avec des passagers amateurs sans que le moindre incident soit venu interrompre leur enseignement de l’air, ni diminuer l’absolue confiance qu’ils étaient arrivé à inspirer.

Le Figaro 6 Mars 1925. Le raid des aviateurs de la mission Latécoère.

Buenos-Aires est, une fois encore, remplie de la France, de son esprit et de sa cause. Elle vient d’accueillir les aviateurs de la mission Latécoère qui couvrit en deux jours de vol la distance qui sépare la capitale du Brésil de la capitale argentine en inaugurant le courrier aérien entre les deux pays.

Le capitaine Roig, chef de la mission, a expliqué avec précision la portée de l’entreprise destinée à nous relier à l’Europe et à l’Amérique du Nord par des communications qui s’effectueraient normalement en un peu plus d’une semaine. La ligne pourrait s’appeler Toulouse-Buenos-Aires avec escales à Perpignan, Barcelone, Alicante, Malaga, Tanger, Casablanca, Mogador, Agadir, Cabo July, Villa Cisneros, Port Etienne, Saint-Louis, Dakar, Natal, Recife, Bahia, Rio, Santos et Montevideo, et son extension se calcule suivant le capitaine Roig à douze mille, quatre cents, kilomètres.

Buenos-Aires. Il a reçu une correspondance envoyée la veille de Rio-de-Janeiro alors que les vapeurs la conduisent régulièrement en cinq jours. Les pilotes de la mission française ont été l’objet de manifestations enthousiastes de la part de leurs compatriotes résidant parmi nous, du peuple et de nos autorités. Le président de Alvear les a reçus à la maison du gouvernement.

 

Le Figaro 27 mars 1925. Les prouesses des aviateurs français.

Mais nous oublions volontiers ces petites misères momentanées pour nous réjouir des bonnes nouvelles qui nous arrivent.

̃L’Argentine est profondément impressionnée, par les prouesses répétées de nos aviateurs français, tant sur le continent américain que sur celui de l’Afrique. A peine l’enthousiasme soulevé par le vol du capitaine Roig de Rio de Janeiro à Buenos-Aires en deux jours, s’est-il calmé, que le câble nous apprend la magnifique randonnée du capitaine Lemaître et de son compagnon Arrachart, de Paris à Dakar, à peine interrompu à Cisneros par un incident, sans gravité et sans conséquence. Ces raids surprenants ont d’autant plus d’attrait qu’aucune réclame tapageuse ne vient par avance en enfler l’importance pour en atténuer ensuite l’échec. On les apprend presque en même temps qu’ils se réalisent, et l’heure de l’émotion se confond avec celle des applaudissements.  Jamais on n’avait vu réaliser des choses aussi extraordinaires avec autant de simplicité et de modestie. Nos grands aviateurs sont les excellents artisans du bon renom de la France et de sa gloire, ils sont aussi les bons artisans de la conquête de l’air, en démontrant que l’avion entre des mains habiles et mené d’un cœur résolu, devient rapidement un coursier docile.

Il y a cent ans, Français et Allemands s’affrontaient dans une lutte à mort pour Verdun

Le Populaire, 24 avril 2016

Juillet 1916. La bataille fait rage sur la rive droite de la Meuse. Sur la rive gauche, après les terribles combats de mai et juin pour le Mort-Homme et la Cote 304, le front s’est stabilisé. Mais le secteur n’est pas calme pour autant. À l’escadrille C13, qui est chargée du secteur, les vols succèdent aux vols.

Le grondement sourd qui vient du nord-est ne laisse guère de doute. Une nouvelle offensive allemande est en préparation sur la rive droite de la Meuse. Sur le terrain d’aviation de Brocourt-en-Argonne, les hommes de l’escadrille C13 ne s’en soucient guère. Ils volent au profit des unités du XV e corps, qui tient la ligne entre Avocourt et la Cote 304. Ce secteur, le plus occidental du front de Verdun sur la rive gauche de la Meuse, a été l’objet de terribles combats au mois de mai et juin. Mais, en ce 10 juillet, les Allemands ont décidé de faire porter leurs efforts sur la rive droite.

La zone d’Avocourt n’est pas pour autant calme. Les duels d’artillerie sont quotidiens. Les pilotes et les observateurs de la C13 volent tous les jours pour effectuer du réglage d’artillerie, leur mission principale.

En milieu d’après-midi, Robert de Louvencourt et Joseph Roig s’approchent de leur Caudron G4. Pendant que les mécaniciens préparent les moteurs et vérifient l’armement de bord, les deux lieutenants enfilent leur épaisse combinaison fourrée par-dessus leur uniforme.

Robert de Louvencourt, malgré ses trente-six ans, est un jeune pilote. Il n’est à la C13 que depuis le mois de février. En revanche, Joseph Roig, né à Nexon le 29 juillet 1889, est un observateur expérimenté, entré dans l’aéronautique militaire en septembre 1914. C’est aussi un soldat courageux qui vient d’obtenir sa troisième citation à l’ordre de l’Armée pour sa conduite lors d’une mission qui a failli mal tourner.

L’avion d’observation est hautement vulnérable

Les deux premières missions de la journée sont rentrées. Un autre équipage est parti en reconnaissance depuis une vingtaine de minutes. Robert de Louvencourt et Joseph Roig sont le quatrième équipage de la C13 à prendre l’air. Ils vont tenter de repérer des batteries d’artillerie allemandes dans le secteur de la Cote 304.

Le frêle bimoteur décolle à 17 h 10 et met cap au nord. Après une petite dizaine de kilomètres de vol, l’appareil est au-dessus des premières lignes allemandes. Joseph Roig se penche vers son appareil TSF et tape le signal convenu, trois longs traits qui signifient « je peux observer » (*). Quelques kilomètres en arrière, deux batteries de 120 mm long se préparent à ouvrir le feu.

L’équipage français repère rapidement deux positions de tir allemandes. Des fumées de départs de coups sont nettement visibles sur l’une d’elles. Immédiatement, Joseph Roig demande le tir des batteries françaises.

Technique rodée

La technique est rodée. Quelques obus sont envoyés isolément. Dans l’avion, l’observateur note les impacts et transmet aux batteries, grâce à sa TSF, les corrections à effectuer.

L’avion de Joseph Roig et de Robert de Louvencourt tourne en vue de sa cible. Les obus se rapprochent. Les artilleurs travaillent rapidement. En quelques minutes, ils trouvent le bon azimut. Joseph Roig tapote sur son manipulateur. Deux traits, deux points, deux traits deux points…, « réglé en direction ». Quelques instants plus tard, un obus tombe sur la batterie allemande. Joseph Roig continue. Un trait, un point, un trait, un point… « réglé en portée ». Au sol, les douze tubes de 120 mm se mettent à tirer en même temps. En l’air, Roig et Louvencourt peuvent passer à un autre objectif.

Dans ces moments, l’avion d’observation est hautement vulnérable. Il est évidemment la cible des tirs venus du sol. Il peut aussi être la proie d’un avion de chasse profitant de la moindre attention de l’observateur occupé à régler un tir.

Le Caudron G4 de la C13 n’a pas cette malchance. L’aviation allemande est elle aussi concentrée sur l’offensive qui se déclenche sur la rive droite de la Meuse. Du coup, le ciel de la rive gauche est moins dangereux pour les avions français.

Roig et Louvencourt continuent à survoler la ligne de front. Ils repèrent rapidement une autre batterie allemande qui entre en action. Le manège recommence. Trait long, trait long, … « Je peux observer ». Deux traits, deux points, deux traits, deux points, … « Réglé en direction ». Un trait, un point, un trait, un point, … « Réglé en portée ».

Voilà plus d’une heure et demie que les deux hommes sont en l’air. Le carburant s’épuise. Il est temps de rentrer au bercail.

Le Caudron G4 se pose sur la piste de Brocourt à 19 h 10. Avant de se reposer, Joseph Roig et Robert de Louvencourt vont faire le compte rendu de leur mission. Outre les deux réglages de tir qu’ils ont effectué, ils ont découvert deux autres batteries allemandes. Elles sont notées sur la carte. Elles seront « traitées » lors d’un vol ultérieur.

(*) Les appareils d’observation et de réglage d’artillerie étaient équipés de postes TSF, pour émettre seulement. Ils communiquaient avec les batteries d’artillerie dont ils réglaient le tir, selon un code dérivé de l’alphabet morse.

Patrice Herreyre