Archives de l’auteur : Jean-François

14 septembre 2024 : première réunion des anciens de l’école de Nexon nés entre 1945 et 1950.

Le projet est né il y a environ 3 ans. J’en avait parlé à François MARCELAUD, j’ai réuni les photos de classe de mes frères et les miennes, François a invité deux ou trois anciens et nous nous sommes retrouvés chez lui, des photos de classe étalées sur la table de la salle à manger. Il y avait là Guy DEFAYE, Bernard NOUHAUD, deux camarades de classe… et il aussi Jeannine DAUGIRAS-MONCHATY, Marie Françoise QUINQUE-GRIZON.

Le relevé de l’Etat Civil de ces six années comptait 231 noms. Une cinquantaine était décédé, certains noms ne nous disaient rien. Nous ne nous trouvions pas sur la liste établie à partir de l’Etat-Civil le nom de camarades qui étaient en classe avec nous. C’était évident, comme le disait Sherlock HOLMES à son cher WATSON, un certain nombre d’élèves ayant fréquenté les écoles de Nexon n’étaient pas nés dans cette commune.

La meilleure solution était d’identifier les noms de toutes les personnes figurant sur les photos que nous avions réunies. Le nombre augmentait à chaque réunion du groupe auquel s’était joint Nicole LAPLAUD-TIGOULET et d’autres moins assidus. A la fin de l’année 2023 nous avions identifié 90% des noms des élèves de nos photos. Au début de 2022 la décision fut prise d’organiser une réunion en septembre quel que soit le nombre de personnes que nous aurions contactés. Début Juillet la date du 14 septembre fut arrêtée, le lieu choisi : le moulin Pintou. Quel que soit le temps nous pourrions organiser un déjeuner soit en plein air s’il faisait beau soit dans une grange en cas de mauvais temps. Chacun des six permanents du groupe était chargé de prévenir celles et ceux de leurs connaissance. Il s’avéra qu’une cinquantaine de personnes étaient prêtes a venir le 14 septembre. Mais il y eu rapidement quelques désistements et nous sommes partis sur 45 personnes. Le choix d’un repas froid a fait l’unanimité pour plusieurs raisons ; le prix ( maximum 15€ par personne), la facilité de préparation et de service (buffet) et nettoyage simplifié. La commande fut passée au Super U de Nexon le samedi 7 septembre. Les barnums, les tables furent installées le vendredi 13 après-midi par l’équipe renforcée par Patrice VALETTE et les conjoints, Jean MONCHATY toujours présent et Jean Pierre TIGOULET. Le samedi 14 les photos ont été accrochées, les chaises installées ainsi que les assiettes et les couverts. Nous n’avons pas voulu utiliser d’assiettes en carton ni de couverts en bambou. C’est ici encore une fois la générosité de François qui nous a permis de déjeuner dans des assiettes de Gien, souvenir de ses premières armes de jeune directeur de la FEL.

Tout est prêt pour l’arrivée de nos camarades
Jean est à son poste pour encaisser la contribution de chacun et à verifier téléphone et adresse
Les premiers arrivés inspectent les installations mais il n-y a encore rien à grignoter!
Bonjour. Tout me recoonais ? oui en 60 ans tu n’as pas changé…
Sur quelle photo suis-je ?
A plusieurs c’est plus facile.
Il n’y a encore rien à grignoter…
C’est pour bientôt. François en est train de terminer le découpage de la pizza et de la quiche
Christian à soif, il attrape un verre de kir.
Gilbert courre moins vite qu’e lorsqu’il était sur un terrain de foot.
Tout est pret pour commencer, sans discours et sans protocole.
Les assiettes sont encore garnies
Avec un peu de pain c’est mieux
les assiettes commencent à se vider
Christian est à l’eau…
Gilbert et Christian sont en face l’un de l’autre
Christian redresse la grille que le vent avait emporté…
Nicole met les noms en face des numéros
Il faut bien etre à trois pour ne pas se tromper…

Après le déssert, tarte aux abricots et tare aux poires un petit café et chacun regagne ses pénates en espérant se retrouver pour une prochaine réunion.

Journal de Thérèse de Nexon -fin

IV- septembre 1944

Vendredi 1er Septembre 1944

Aujourd’hui cinq ans que les Allemands sont entrés en Pologne, ce qui a déclenché la guerre universelle… que de sang, de ruines, de deuils…

Lundi, nos F.F.I. nous ont quittés rapidement, sur un ordre venu tout à coup, les envoyant à 10 kilomètres d’ici, plus près de la route nationale, car on craignait un retour offensif des Allemands. Nous les avons presque regrettés, car nous étions en très bons termes avec eux. La veille, nous avions eu à dîner le Lieutenant de vaisseau Breuil, le Lt Lautvoot, et le Lt. X. Le capitaine Dugros qui commande le bataillon n’avait pas pu venir.

Le jour de leur départ, nous avons entendu à intervalles réguliers, et jusque vers minuit des explosions qui secouaient toutes les portes et fenêtres de la maison. On dit que ce sont des Allemands retranchés au camp de la Braconne qui faisaient sauter leurs munitions, et qui se sont rendus le surlendemain. Chabanais, plus près que nous, a dû avoir encore bien peur. Nous en sommes sans nouvelles depuis le 18. Par contre, nous avons reçu plusieurs lettres de Rogistan, qui était occupé par les Allemands, encore à la date du 19 Août. Nous voudrions bien avoir des nouvelles depuis le départ de ces hôtes encombrants.

Avant-hier, nous sommes allés à Limoges en voiture. Nous étions munis de laissez-passer, mais on ne nous a demandé aucun papier. Ces laissez-passer sont délivrés par le comité de libération, en l’espèce Mme. Gaumy. Car le comité formé à Nexon comme partout, est composé de MM. Gaumy, Longequeue, Laspéras, Perriard et Faure. On ne sait pas très bien encore quelles sont ses attributions, ni quel rôle est dévolu au Conseil Municipal, mais il dépend du comité départemental de Libération qui siège à Limoges et dont le président est le Pasteur Chandier.

Bon de réquisition n° 1 du Comité de Libération de Nexon signé le 1er septembre par le Président, Mme GAUMY.

A Limoges où je n’avais pas été depuis un mois, changement à vue : les fortins sont presque tous démolis, les barrages enlevés. On ne voit plus d’Allemands évidemment, mais on voit toujours des hommes armés de mitraillettes et conduisant des autos rapides…seulement ce ne sont plus les mêmes !

On raconte que le Maréchal Pétain a été emmené de Vichy en avion par les Allemands. Il aurait pris à témoin le Nonce et l’ambassadeur de Suisse de la violence qui lui était faite, et laissé un Message aux Français qui n’a pas été publié.

Dimanche 3 Septembre 1944

Le Conseil Municipal de Nexon s’est réuni ce matin et a décidé à l’unanimité de donner sa démission “afin de ne pas gêner le Comité de Libération et de lui permettre de prendre ses responsabilités “. Le maire reste en fonction (à la demande du Pasteur Chandier), surtout comme officier d’état civil, en attendant la nomination d’une « délégation communale ».

Procès verbal du Conseil municipal qui donne sa démission. Thérèse de Nexon a signé, à gauche dernière signature en bas

J’ai reçu avant-hier une lettre de Claire : tout va bien à Chabanais, mais ils ont ressenti, plus fortement que nous, l’ébranlement des explosions de la Braconne.

Hier, lettre de Jeanne, débarrassée de ses hôtes indésirables qui se sont portés vers le Midi en apprenant le débarquement allié en Méditerranée.

(Fin du récit dans le cahier)

Il n’y a plus d’Allemands en Haute-Vienne mais la guerre n’est pas finie… Elle prendra fin le 8 mai 1945.

Journal de Thérèse de Nexon du 12 juin au 3 septembre 1944

III – Août 1944

Vendredi 11 Août 1944

Je suis allée à Limoges dans les derniers jours de Juillet, empruntant pour cela une des voitures qui font la poste. Celle-ci est une carriole bâchée conduite par un réfugié du Pas-de-Calais, ancien sous-officier de cavalerie, qui mène sa jument de trait avec tous les ménagements voulus, surtout en l’encourageant de la voix : « Allons, Charmante, un peu plus vite…doucement, ma fille, tu vas glisser…etc. » A ce train-là, j’ai mis 2 heures 1/2 pour arriver à Limoges, mais j’y suis arrivée, c’est l’essentiel ! Pour revenir 3 jours plus tard, j’ai trouvé la voiture de l’hôtelier de l’Hôtel de la Gare, un nommé Lubin. C’est une espèce de plateforme sur roues caoutchoutées, où nous étions 8 dont 2 enfants, traînée par une mule qui, contrairement à Charmante, est menée à coups de gourdin. M. Lubin est un ancien maçon qui, en se défendant de faire de la politique, nous a expliqué qu’il en voulait personnellement à Laval qui, voilà bien des années, avait oublié de lui régler une facture pour la réparation d’un toit !

Pendant mon séjour à Limoges, je suis allée deux fois à la caserne où a été transféré le camp de Nexon*, j’ai vu le P. Mouren** et Mlle. Lavisse, qui tous deux font de leur mieux pour améliorer le sort des détenus. Un certain nombre de ceux-ci, pris dans le maquis avaient été enfermés dans les caves de la caserne. Mlle. Lavisse a obtenu de leur fournir (sur les subsides du Secours National), une soupe supplémentaire, et j’ai appris depuis qu’on les avait transférés au second étage, où ils se trouvent dans des conditions plus humaines.

*Le 11 juin 1944, après l’attaque du camp par les Résistants FFI qui a permit à 54 détenus de s’évader, les autres internés furent transférés à Limoges au Grand Séminaire par la Milice de Limoges. Ce fut par la suite la Cité Blanqui devenue aujourdhui une résidence.

**Louis Mouren (1902 – 1985), né à Paris le 2 avril 1902, est employé de banque avant sa vocation tardive. il entre au noviciat jésuite de Laval, le 17 août 1930. Ordonné prêtre en 1932, il participe à la Résistance et exerçe comme aumônier, d’abord (début 1944) au camp de Nexon où il défend les droits des résistants internés ; ensuite à la prison de Limoges ; enfin après un passage à Drancy il est nommé à Fresnes (1945-1947). Puis il devient aumônier-adjoint du Secours Catholique et bénéficiant de la confiance du ministère de la Justice, il peut visiter toutes les prisons de France jusque vers 1975. Il est titulaire de la Légion d’honneur, du Mérite national et de la Médaille du travail. Il décède le 8  février 1985.

J’ai dîné ce soir au Central avec Mlle. Lavisse et Mme. de Falvelly, enfin libérée et qui m’a donné de nombreux détails sur sa captivité…Nous avons été rejointes par un certain Commandant Mondschein, que la Milice avait arrêté par erreur et qui venait d’être libéré ce jour-là. C’est un type amusant d’officier aviateur, casse-cou, enfant terrible ; prisonnier rapatrié, ancien camarade et ami intime, nous a-t-il dit, de Mermoz dont il parle avec vénération.

En arrivant à Limoges, j’ai appris que dans un engagement entre milice et “maquis” du côté de la Croisille, 5 miliciens avaient été tués, dont Jacques de Rosiers que j’avais vu une fois chez sa tante. Il a, d’après les conductrices de la Croix-Rouge qui se trouvaient là, fait une mort admirable : blessé à mort, il demandait qu’on s’occupât de ses camarades moins atteints que lui, et offrait sa vie pour la France, priant jusqu’à la fin. Certains rachètent pour les autres… On dit que l’A.S. a rendu les honneurs aux morts et permis que les autres rentrassent à Limoges, en échange des prisonniers qu’on leur avait fait. Que ces combats entre Français sont tristes.

Les « examens de passage » des élèves (pour lesquels j’étais à Limoges) se sont bien passés, beaucoup d’élèves partaient en vacances mais ce n’était pas toujours facile pour elles, car les moyens de transport manquent. Cécile de Livron est partie dans un camion qui allait à Brive (la route nationale, par une sorte d’accord tacite, est libre) et espérait y trouver une occasion pour Périgueux. (Elle est bien arrivée, après 7 jours de voyage, principalement en camions et des arrêts).

Le 1er Août vers 6 heures du soir, j’ai entendu une détonation, comme un gros coup de fusil. Peu après, nous avons vu s’élever une grosse colonne de fumée : c’était le camp auquel on avait mis le feu. L’incendie a duré deux heures, mais certains bâtiments brûlaient encore à 10 heures. Les pompiers ont pu sauver quelques baraques, en vue d’éventuels réfugiés qu’on nous annonce, venant de la Normandie dévastée…

Dans la semaine nous avons appris qu’il y avait eu un engagement à Chabanais, où de nombreuses maisons avaient brûlé. Nous avons eu quelques jours d’inquiétude, puis hier, j’ai reçu une lettre de Claire me confirmant la chose. Leur maison est restée debout, bien que volets, carreaux, cloisons, plafonds, meubles fussent criblés de balles – ils avaient fui à 8 heures du matin pour se mettre à l’abri – mais beaucoup de maisons ont été incendiées dont leurs deux propriétés, le Pré du Seigneur et le Mont d’0re. Claire ne me donne pas beaucoup de détails mais on peut penser que c’est le passage de la Vienne qui a été l’enjeu de la bataille. Le pont a sauté.

Les colonnes blindées américaines avancent toujours. Après Chartres, on parle ce matin de Blois ?

Samedi 19 Août 1944

Je voulais aller à Limoges cette semaine, mais ce fut impossible. Géo a essayé d’y aller Jeudi pour ramener Mr. Pellereau, mais en arrivant à l’Aiguille, il a trouvé des F.T.P. qui lui ont conseillé de ne pas aller plus loin, car des Allemands, venant de Limoges, étaient au pont de Condat, et on craignait une bagarre. Il a donc rebroussé chemin. Ces Allemands ont abouti, du côté de Jourgnac où ils ont surpris et tué 5 F.T.P*. puis, passant par Royer, ils ont pris la route de Meilhac et par St. Martin le Vieux sont allés à Aixe où ils ont passé la nuit après avoir incendié un garage où se trouvaient des autos des F.F.I.

*Massacre de la Chaume verte que j’ai analysé dans ce blog

Celles-ci ont abattu des arbres en travers de la plupart des routes, de sorte que la circulation en voiture devient impossible. Du coup, même la poste ne passe plus et on ne reçoit plus aucun courrier.  Mais peut-être cet état de choses ne durera-t-il pas longtemps ? Dans beaucoup de villes, les garnisons allemandes se rendent aux F.F.I., ainsi en Corrèze. Et pendant ce temps les forces anglo-américaines avancent rapidement et certains sont déjà aux abords de Paris.

Tout cela, joint à une chaleur accablante, crée une atmosphère enfiévrée… On attend les événements, on ne peut se mettre à rien. Avant-hier, les habitants ont connu la “grande peur ». Elle est dissipée aujourd’hui, mais quand on va au bourg, on ne voit que des gens qui parlent par petits groupes, se communiquant ou commentant les nouvelles.

Nuit et jour on entend passer des camions et surtout des motocyclettes. Beaucoup de gens ont vu leurs bicyclettes « réquisitionnées“, ainsi que toutes les autos naturellement. On a pris celle de Mr. de Courson qui était restée ici. La plupart des jeunes gens de Nexon sont maintenant dans le « maquis ». Samedi dernier nous avons vu arriver Jean J. qui est reparti au bout de 3 jours.

Le « camp de Nexon » transporté à Limoges est en voie de liquidation, la plupart des gardiens et le matériel ont quitté Limoges et les détenus sont libérés peu à peu. Mr. d’Armancourt est arrivé aujourd’hui.

Hier on a enterré à Nexon les 5 jeunes gens de la F.T.P. qui avaient été tués près de Jourgnac par des Allemands qui étaient en colonne sur les routes**.

Voir l’article dans mon blog

Mardi, fête de l’Assomption, a été une grande journée de prière ici. Depuis 6 heures du matin, le Rosaire a été dit de façon ininterrompue -sauf pendant les 2 messes- jusqu’aux Vêpres. Celles-ci ont été suivies d’une procession à laquelle ont pris part un grand nombre de personnes.

Une armée alliée a débarqué le 15 Août dans le Midi -à l’Est de Toulon- et y a pris pied, elle avance rapidement vers Grenoble.

Mercredi 23 Août 1944

Journées mouvementées : avec une chaleur lourde, orage fréquents, pluies avec des éclaircies. Là-dessus, nombreux événements.

En ce qui me concerne, j’ai reçu Dimanche matin une lettre du Dr. Filloulaud (à la disposition duquel je suis mise depuis plus de 2 mois par la Croix-Rouge) me demandant de venir à St. Yrieix. Là-dessus, je me suis mise en rapport avec le Médecin-Lieutenant Meilland, de l’A.S. qui m’a promis de me faire prendre dans la soirée pour aller à St. Yrieix, mais la voiture n`a pas paru. Le lendemain, j’ai revu le Dr Meilland qui m’a de nouveau promis un véhicule pour hier – puis nouvelle déception. Entre temps, il est vrai, d’autres événements avaient eu lieu. Dans la nuit de Lundi à Mardi- du 21 au 22 -les troupes du maquis avaient occupé Limoges, à peu près évacué par les Allemands. Il n’y a presque pas eu de combat, dit-on. Ce sont, principalement, les troupes du fameux Guingouin qui occupent la ville et qui y commandent. On fait la chasse aux miliciens et aux agents de la Gestapo qui sont internés à la fameuse caserne, non sans avoir été malmenés par la foule comme toujours en pareil cas. On dit que l’évêque et le préfet ont été portés en triomphe par la foule.

Lundi matin, j’avais vu arriver ici 5 G.M.R. qui demandaient le gîte et le logement, toute la police de Limoges (sauf l’urbaine) ayant quitté la ville et s’étant ralliée au “maquis” sur un ordre venu du Maréchal en personne, paraît-il.

Depuis 3 jours, la « Radiodiffusion Nationale » est muette. Vichy a été occupé par le maquis, le gouvernement et le corps diplomatique sont partis vers l’Est, le maréchal aurait été arrêté par la Gestapo et emmené vers l’Est. Les colonnes américaines, contournant Paris, ont pris Etampes, Sens, et progressent sur la route de Troyes et Nancy.

Jeudi 24 Août 1944

Les 5 G.M.R. qui prenaient pension ici sont partis précipitamment en camion Mardi soir sur un ordre reçu. Ils ont été rapidement remplacés, car hier matin je voyais arriver un lieutenant (en uniforme de l’Armée française) qui venait voir si on pouvait installer ses 65 hommes et le P.C. du bataillon d’AS. J’ai envoyé chercher Géo qui était à la batteuse chez Dudognon, et on est rapidement tombé d’accord : nous logeons dans la maison 2 capitaines, 2 lieutenants, le Dr. Meilland et sa femme, et environ 70 hommes dans les communs ; on fait mess et infirmerie dans la buanderie, et cuisine dans la cour de celle-ci. Le cuisinier a comme aide un Allemand que le bataillon a fait prisonnier avec son camion plein de matériel. Il paraît très pacifique et content de son sort. Il aurait d’ailleurs tort de se plaindre car il est bien traité.

Hier on apprenait que Paris avait été libéré par son armée intérieure qui a vaincu les occupants après deux jours de batailles de rues. La division du Général Leclerc y est entrée depuis, et combat encore les quelques nids de résistance qui demeurent.

Aujourd’hui, on apprend que la Roumanie change de gouvernement, fait un armistice avec les Alliés et se range à leurs côtés contre les Allemands.

Journal de Thérèse de Nexon du 12 juin au 3 septembre 1944

II – Juillet 1944

Samedi 1er juillet 1944

La semaine a été assez fertile en événements. Mardi, on a appris la prise de Cherbourg par les Américains. Mercredi, l’assassinat de Philippe Henriot.

Jeudi, je suis allée à Limoges par l’unique train venant de Périgueux (ou plutôt de Bussière-Galant) et en suis revenue hier. Vu François qui m’a donné des détails sur la vie à Chabanais, peu réjouissante. Il partait pour essayer de ramener ses garçons de Courpière, et sa fille de St. Cyran. Réussira-t-il ? Les voyages sont de plus en plus difficiles, avec les lignes coupées un peu partout, et détruites dans un endroit à mesure qu’on répare dans un autre. Actuellement il faut prendre la ligne du Dorat pour aller à Paris…ou à Lyon, en faisant des détours invraisemblables.

A Limoges la vie est compliquée. On a fait dans le centre de la ville un “îlot” fortifié comprenant la Préfecture, Poste, etc. et on n’y pénètre qu’à certains endroits où il y a des chicanes, les autres rues étant barrées et gardées par la police.

La Place Denis Dussoubs avec la casemate et les chevaux de frise dont parle Thérèze de Nexon

Ma chambre étant dans un îlot où on ne peut pénétrer qu’après 10 heures et avant 19 heures, sauf nécessité, je me suis munie d’un certificat de la Croix-Rouge. Naturellement, la ville est toujours pleine de rumeurs, ou de bobards, que chacun commente ou interprète selon ses tendances diverses … On parlait beaucoup d’une fusillade qui aurait eu lieu à St. Victurnien.

La semaine dernière, le triduum[1] à St. Martial, célébré à St. Michel au tombeau du Saint, a été suivi par une foule nombreuse et vraiment priante m’a-t-on dit. Chacun comprend la gravité de l’heure.


[1] Triduum pascal est une période de trois jours pendant laquelle l’Église célèbre la Passion, la Mort et la Résurrection de Jésus et qui s’étend de la messe vespérale du Jeudi saint aux vêpres du dimanche de Pâques.

Jeudi 6 juillet 1944

Nous avons su que François n’avait pas pu partir pour aller chercher ses enfants, sans doute la voie était-elle coupée et le voyage en Auvergne impossible. Géo va tenter d’aller chercher Marie-Amélie, Bernadette et Elisabeth des Courrières à Argenton où on les amènerait.

Nexon a reçu plusieurs visites, notamment le jour de la foire, où la perception et la poste en étaient le but. On a pris aussi de l’essence, des bâches, et on a emmené un ou deux hommes, les yeux bandés, mais autrement les habitants n’ont pas été molestés. (Il s’agit des maquisards qui se cachent de moins en moins au fur et à mesure que les alliés avancent en Normandie)

Mardi 11 juillet 1944Je suis allée à Limoges Samedi, pour prendre part à une journée
de Récollection de l’U.I.S.S. qui avait lieu Dimanche. Faite par l’abbé
Rousselot, ce fut une halte bienfaisante au milieu des préoccupations
actuelles. A Limoges on ne parlait que de l’arrestation de Mgr. Rastouil ( Il a été arrêté le 5 juillet et libéré le 22 juillet), qui n’est d’ailleurs pas interné, mais en résidence surveillée chez l’archiprêtre de Châteauroux. Il avait refusé de présider un service pour Ph. Henriot. J’ai voyagé en revenant, hier matin, avec des gens qui venaient de Paris. Ils disaient qu’on n’y trouve presque rien à manger, c’est pourquoi ils étaient partis. Ils avaient mis 9 jours à venir à Limoges, par Montargis, Nevers, Bourges et Châteauroux ou ils avaient trouvé des gens partis
3 jours avant eux, et qui avaient été mitraillés en route, ce que mes
compagnons avaient évité grâce à un temps orageux. A Bourges, ils avaient vu, triste spectacle ! 5 wagons à bestiaux transportant en Allemagne des réfractaires de Bretagne.

Jeudi 19 juillet 1944

Je suis allée à Limoges Mercredi dernier pour l’examen des aides médico-sociales. Je comptais y rester jusqu’à Vendredi matin, lorsqu’on m’a dit Jeudi soir qu’il y aurait les jours suivants de nouvelles restrictions sur la circulation et qu’on ne pourrait peut-être plus sortir en ville pendant quelques jours. Je me suis donc décidée à repartir dès Jeudi matin, en quoi j’ai été bien inspirée, car si toutes les mesures annoncées n’ont pas eu lieu, les trains ont été supprimés à partir de ce jour-là et je ne sais comment je serais revenue ici.

Donc, plus de trains pour aller et venir de Limoges et partout, plus de courrier pendant quelques jours. Cependant, depuis hier le service postal est rétabli grâce à une voiture à cheval qui fait la liaison avec Limoges. Hier nous avons eu des nouvelles de Jeanne et de Robert. Ce matin, j’ai une carte de Marie de Soucy qui a mis 7 jours à franchir la distance de 15km qui nous sépare ! et une lettre de Mlle. Callou, celle-ci me dit que 10 de nos infirmières ont péri avec leur hôpital dans le bombardement de Caen[1]. Il ne doit pas rester grand-chose de cette pauvre ville – maintenant aux mains des Anglais.

Mr. Chambon a été enlevé de son domicile la semaine dernière, et ses amis s’inquiétaient pour lui mais il a été revu ces jours-ci, en camion, armé d’une mitraillette.

Lundi, 2 avions anglais sont descendus sur Limoges et ont jeté 8 bombes devant la gare. On pense qu’ils visaient un hôtel où se trouve un P.C. allemand, mais celui-ci n’a pas été atteint. Un commissionnaire arabe a été tué et 7 personnes blessées.


[1] Le premier bombardement a lieu le 6 juin à partir de 13h30 avec le largage de 156 tonnes de bombes qui fait 500 victimes. Le lendemain, on compte 200 victimes de plus. Les bombardements ont duré 78 jours faisant 2000 victimes.



Journal de Thérèse de Nexon du 12 juin au 3 septembre 1944

I – Le mois de juin 1944

Thérèse de Nexon est née le 1er octobre 1890 au chateau de la Chevrière près d’Azay le Rideau (Indre et Loire) que son père, Auguste de NEXON louait. Il s’était marié avec Gertrude HAINGUERLOT dont les parents possédaient le domaine de Villandry. Ils eurent deux enfants, MAURICE (1884 – 1967) et Alice ( 1885 – 1970). Son épouse décéda en 1886 alors qu’elle n’avait que 26 ans.

Auguste de NEXON épousa en seconde noces, Gertrude RICARDO, une amie de son épouse. De ce mariage vont naitre six enfants. Thérèse est la première. Suivront Robert (1892- 1967), Jeanne (1895 -1973), Georges (1900 – 1973), Marguerite (1901 – 1926) et Claire (1903 -2000). Désireux de posseder son chateau, Auguste décide de faire construire le chateau de la Garde à Nexon. Georges est le premier à naitre à la Garde.

En 1944, Thérèse qui a 54 ans est célibataire. Ele est infirmière à Limoges. Elle est souvent à  la Garde. Sa mère est décédée en 1941 et c’est son frère Georges qui est l’héritier du château. Il est marié depuis 1927 avec Anne Cesbron Lavau et ils ont quatre enfants : Ferréol, Marie Amélie, Philippe et Anne.

Il n’y a plus les grandes tablées du début de siècle, ni les nombreux domestiques. L’année 1944 est difficile. L’armée Allemande a perdu de sa puissance, les Alliés ont débarqué ejn Normadie le 6 juin, les Russes progresses sur le front de l’EST et la Résistance est de plus en plus forte.

Le Journal de Thérèse montre la vie d’une famille très liée pendant cette période dont les différents évènements sont relatés.

Début du Journal

Dimanche 12 juin 1944

Séparée de mes sœurs, de Robert, de la plupart de mes neveux et nièces, sans pouvoir communiquer avec eux au cours des événements actuels, j’ai eu la pensée de tenir une sorte de journal, où je consignerai les événements au jour le jour, et qui pourra les intéresser lorsque nous aurons le bonheur d’être de nouveau réunis. J’ai donc pris ce cahier à couverture verte, couleur d’espérance ! L’espérance de nous retrouver tous sains et saufs, et je souhaite de tout cœur n’avoir pas à le remplir jusqu’au bout…

Ce même Vendredi, j’ai pu aller à Limoges comme d’habitude. Il y avait beaucoup de troupes dans la ville et on voyait circuler des blindés. Ce même jour a paru une ordonnance défendant à toutes autos de circuler, sauf des voitures pour le ravitaillement et le service médical en ville mais pas à la campagne. A partir du Samedi 10, couvre-feu de 21 heures à 6 heures. Malheur aux gens qui auront besoin d’aller à Limoges pour une opération… Le téléphone rural est supprimé depuis le jour du débarquement. Le télégraphe, supprimé aussi.

Samedi soir, tard dans la nuit, nous avons entendu un grand tumulte au camp qui a duré environ une heure. Nous avons su le lendemain qu’une cinquantaine de détenus s’étaient évadés. C’était un coup monté, à l’instigation et sous les ordres, dit-on, d’un capitaine de gendarmerie interne au camp, qui avait déjà été un an à Evaux-les-Bains. A un signal donné, les conjurés (qui étaient, paraît-il, en possession de grenades) se sont jetés sur les gardes, les ont désarmés, et ont pris la clef des champs (il paraît qu’un camion attendait certains d’entre eux ?), non sans avoir emporté les dossiers et les cartes d’alimentation. Naturellement, il y a eu à la suite de cette histoire une enquête de la police (Milice) ; c’est le chef de camp, M. D’Armancourt (qui n’était pas au camp puisqu’il couchait chez lui à Champagnac), qui paraît devoir être le bouc émissaire car il a été emmené à Limoges hier soir. Sa femme est venue toute triste nous conter cela ce matin, nous l’avons consolée de notre mieux.

Hier soir, la Radio Suisse a annoncé que « les points stratégiques de Toulouse, Limoges et Tarbes étaient aux mains des partisans ». Si ce n’est pas plus vrai pour les 2 autres villes que pour Limoges ! …

On raconte dans le pays que Tulle, Brive et Guéret sont aux mains du « maquis », mais que les Allemands réagissent fortement.

Peu de trains partent de Limoges et la plupart ne vont pas loin. Sur la ligne de Périgueux on ne dépasse par Bussière-Galant. Sur celle de St Yrieix, on s’arrête à Varetz. La ligne de Brive s’arrête à Saint Germain les Belles.

Ce matin, les journaux de Limoges n’ont pas paru, ou du moins ne nous sont pas parvenus, mais j’ai reçu la « Croix » qui est imprimée à Limoges et paraît le soir.

Depuis avant-hier nous sommes, avec quelques autres départements, sous l’administration allemande. Hier, les blindés allemands ont circulé dans Nexon et aux alentours, ils ont fait quelques inquisitions puis sont repartis. Ils avaient établi des barrages où on arrêtait les gens, j’étais partie pour aller à Vêpres mais n’ai pu passer. Actuellement, Nexon est gardé par des hommes de la Garde à cheval, ils ont établi des « chicanes” pour empêcher les voitures de passer, aux deux extrémités du bourg.

(Ci-après commentaire rajouté par Mme. Alice Vigneron sur les événements du 11 Juin :

« Permettez-moi, chère Mademoiselle, de compléter votre récit de ce dimanche 11 Juin 1944 et, en même temps, de vous expliquer pourquoi un barrage allemand vous a empêchée d’assister aux Vêpres.

Le samedi 11 Juin, vers 21 heures, avec des voisins, nous sommes montés aux Rochilles car, dans la journée, il nous avait été signalé qu’un monstrueux incendie s’apercevait de cet endroit, c’était malheureusement vrai ! une énorme fumée s’élevait en direction du nord-ouest. Ce n’est que dans la semaine suivante que nous avons appris l’horrible massacre d’Oradour-sur-Glane.

Or, ce même samedi, vous relatez, Mademoiselle, les évasions du camp, votre voisin. Et il va se passer le déroulement suivant cette affaire : la milicienne Marcelle F…, habitante du bourg, téléphone à la Kommandantur de Limoges pour la mettre au courant. Et le dimanche après-midi, les Allemands se dirigent sur Nexon pour faire subir, par vengeance, à cette localité le même sort qu’à Oradour-sur-Glane. Or, ce dimanche-là, ne l’oublions pas, avaient lieu a l’église, les Vêpres de la Communion Solennelle. La cohorte ennemie, arrivée à la Plaine, obligeait Mr. Léon Bragard de marcher à pied, jusqu’à Nexon pour servir d’orage et ne pouvoir avertir quiconque (cet homme, plus très jeune, se ressentira hélas ! de cette fatigue). Arrivés au bourg, les soldats laissaient emplir l’église mais bloquaient toutes les issues, les rues, les ruelles, les impasses : M. Estier, le père de Mme Duroux, voulant s’enfuir vers son pré, fut ramené à sa demeure avec un fusil dans le dos ; Jean Guyot voulant, avec son enfant, franchir le ”sautadou » du pré de La Planche fut menace d’être fusillé.

Avec mon père, mon mari et ma fille nous étions tranquillement installés, dans une pièce au sous-sol pour écouter la radio sans imaginer ce qui se passait au dehors. Or précisément dans ma rue, un allemand frappait à notre porte. Bobette notre Ténériffe aboyait, mais nous pensions que c’était des gamins qui faisaient ce bruit et toujours, à cause de la radio, nous ignorions l’affolement général, les coups de feu tirés en l’air et sur les trottoirs.

Comme vous l’avez écrit, Mademoiselle Thérèse, Nexon était sous la surveillance d’une quarantaine, je crois, de soldats à cheval. Le Commandant de cette Garde, cantonnée à côté du groupe scolaire des Rochilles, vient aborder l’officier supérieur allemand et lui dit :  » Si vous voulez la guerre, nous allons combattre ; vous avez 150 hommes, moi, j’en ai 300 ! « 

Et voilà comment un officier français, dont j’ignore le nom, a chassé l’ennemi et sauvé toute la population et toutes les demeures de Nexon.

Cela méritait que je vous le dise. « 

Mardi 13 Juin 1944

Aujourd’hui le ménage Soucy est venu déjeuner. Il y avait eu un malentendu et nous ne les attendions que pour goûter, mais nous avons été bien contents de les voir. Nous avons eu, en plus, pour goûter Mme. de Lesterps venue parle train et repartie à bicyclette, les La Giclais et Yvonne Morterol. Naturellement, on ne parle guère que des événements, peut-être y-a-t-il moins de divergences de vues qu’auparavant, et on ne se hasarde pas trop à prophétiser !

Ce matin j’ai reçu un coup de téléphone de la Croix-Rouge, on me demandait d’aller à Saint Yrieix où on installe un chirurgien en permanence pour les gens qui ne peuvent plus aller se faire opérer à Limoges. J’avais accepté, mais cet après-midi, contre ordre. Le chirurgien pense qu’il n’aura pas assez de travail pour nécessiter ma présence et on fera appel à moi en cas de nécessité seulement

Nous avons eu d’assez bonnes nouvelles de Mr. d’Armancourt, il est interné dans une caserne à Limoges et on espère qu’il n’aura pas trop d’ennuis. Ferréol s’entend très bien avec Jeannine d’Armancourt qui a 17 ans et qui est ravie de trouver quelqu’un ayant à peu près son âge. Ils sont allés à l’étang ensemble et ont fait du bateau.

Ce matin nous avons eu le « Courrier » d’hier, j’ai aussi reçu une lettre (insignifiante) de Paris datée du 5 et portant le timbre de Drancy le 8. Reçu aussi un journal des 6. 7. et 8, venant de Lyon. Donc le courrier passe un peu, peut-être finirons-nous par avoir des nouvelles des uns ou des autres ?

Nous avons 2 sections de G.M.R. venus pour la garde du camp qui logent dans le garage et dans le grenier de l’écurie. Ils sont du Dauphiné et semblent de braves gens. Ils intéressent beaucoup Anne qui ne les appelle que les « Français ».

Jeudi 15 Juin 1944

Géo et Anne-Renée sont allés hier à Limoges en voiture à cheval. Bien leur en a pris, car il n’y avait pas de train pour revenir le soir. A Limoges, on ne parlait que de l’horrible catastrophe d’Oradour-sur- Glane : tout un village incendie, avec sa population, hommes, femmes et enfants, brûlée vive…. Quand verrons-nous la fin de ces horreurs ?

Ce matin on a vu passer deux groupes d’avions et nous avons entendu un bruit lointain de bombardement. D’après la radio de ce soir, Bordeaux et Angoulême auraient été bombardées.

Je suis allée au camp cet après-midi ; J’ai pu voir pendant quelques minutes Mme. de Falvelly qui y est internée je ne sais trop pourquoi. Je la connaissais un peu pour l’avoir rencontrée deux ou trois fois dans des mariages et des enterrements, c’est une aimable originale, mais elle me fait vraiment pitié car elle a été arrêtée avec simplement un petit sac à main et n’a rien, c’est dur à son âge car elle n’est pas jeune. Elle est d’ailleurs très courageuse et m’a seulement demandé de lui procurer une paire de bas, les siens étant en loques. C’est tout ce que je peux faire, car la police du camp est très sévère depuis l’évasion de l’autre nuit.

Ferréol va tous les après-midi à la Sélive où il travaille chez les Penot qui le font dîner. Il y retrouve Hubert d’Armancourt qui y est embauché.

Lundi 19 juin 1944

Je viens de passer 3 jours à Limoges : partie Vendredi, je comptais rentrer ici Samedi, mais, arrivée à la gare à 14 heures … point de train, ni ce soir-là, ni le lendemain. Force me fut de rester à Limoges jusqu’à ce matin.

Vendredi soir je suis allée à la cérémonie qui avait lieu à la Cathédrale pour la fête du Sacré-Cœur. Il y avait beaucoup de monde, et j’étais avec le groupe de l’U.C.S.S. (Union catholique des services de santé) à qui on avait réservé une chapelle latérale. Mgr. Rastouil a consacré son diocèse au Sacré-Cœur, et a dirigé les chants et les acclamations et incantations pendant la procession. Chacun priait avec ferveur pour soi, pour notre malheureux pays, et il y avait des larmes dans tous les yeux. Monseigneur a aussi brièvement évoqué la tragédie d’Oradour-sur-Glane, qui est le sujet de toutes les conversations, et a fait prier pour les victimes. Samedi matin, je suis allée à l’inauguration de la Croix-Rouge à l’Hôtel de Ville. Il y avait là toutes les autorités : Préfet régional, préfet délégué, maire, etc. mais l’atmosphère est lourde…On construit des fortins à tous les carrefours, cela donne à la ville un aspect sinistre.

La Croix-Rouge m’a demandé d’aller à Magnac-Laval pour relever 2 infirmières qui y sont allées en « équipe chirurgicale“. Mais comme Annie Gérard qui revient de l’hôpital de St. Junien n’y a rien fait du tout, je n’ai pas envie de faire un voyage inutile à Magnac, au risque d’être bloquée dans le Nord du département, ce qui est d’ailleurs peut-être arrivé aux infirmières en question dont on est sans nouvelles.

Dans la nuit de Samedi à Dimanche, j’ai été réveillée par un grand tintamarre de camions qui avançaient, reculaient, tournaient sous ma fenêtre, vers 4 heures du matin. Le lendemain matin, j’ai appris qu’on avait décidé de fermer le camp de Nexon et qu’on l’avait transporté avec armes et bagages, au Cirque Municipal qui est en face de chez moi, pendant la nuit.

Au cours de ma journée dominicale, j’ai déjeuné chez les Jabet, et dîné avec Mme. d’Elloy. Celle-ci m’a beaucoup parlé d’un sien cousin qui est dans la Milice, et comme je discutais un peu avec elle, à ce sujet, elle me disait : ” Ah ! comme je voudrais vous faire rencontrer mon cousin I » Après dîner, comme elle me raccompagnait chez moi, nous avons rencontré ledit cousin qui a fait quelques pas avec nous. J’en ai profité pour lui parler de Mme. de F. Il paraît qu’elle se serait mise dans un mauvais cas en favorisant des parachutistes. J’ai demandé au moins quelques adoucissements à sa captivité, j’espère les avoir obtenus.

Nous avons à présent le couvre-feu de 9 heures du soir à 6 heures. Aussi, à Limoges, à 9 heures, les rues se vident et le silence se fait comme par enchantement. Ce matin, je suis sortie à 6 heures pour aller prendre mon train de 6 h 30…lequel est parti à 7 h 40. J’ai eu la surprise d’avoir comme compagnon de voyage le P. de Dainville, notre cousin, qui venait de Ste. Foy la Grande (Gironde). Pour revenir, il avait fait 23 kilomètres à pied, passant la Dordogne en barque parce qu’on avait fait sauter les ponts, pour aller prendre le train à Bergerac. De Périgueux, il est allé à Coutras, d’où il n’a pu aller plus loin parce que la gare d’Angoulême était bombardée. Il est donc revenu à Périgueux, puis a pu aller à Brive d’où il est venu à Limoges après un transbordement à Saint Germain les Belles. Il m’a raconté des histoires sur la proclamation à Ste. Foy la Grande de la 4ème République…laquelle s’est évanouie à l’annonce de l’approche des Allemands. Mais on avait fait sauter les ponts et les voies autour de la ville, qui commençait à manquer de ravitaillement

En arrivant ici, j’ai trouvé une lettre de Claire qui m’a un peu rassurée, bien que d’après ce que je comprends, la vie soit peu agréable à Chabanais en ce moment. Une lettre aussi de Marie-Amélie qui se dispose à passer ses vacances au pensionnat, car les religieuses, avec raison, ne veulent laisser partir leurs élèves que si les parents viennent les chercher. Pas de nouvelles de Paris ni de Toulouse.

Vendredi 23 Juin 1944

Les lettres commencent à arriver de divers côtés ; la SNCF et les PTT font des prodiges : alors, un beau jour, toutes les lettres d’une même région apparaissent. Hier, Anne-Renée a reçu des nouvelles de sa mère, lui envoyant une lettre d’Odette, du 21 Avril, adressée à Jehannette sa cousine. A cette date, il semble qu’Henry faisait encore l’instruction des jeunes. Maurice a reçu une lettre de Robert du 15. Il paraît que le ravitaillement de Paris qui se faisait beaucoup par la Normandie et la Bretagne, est naturellement très déficient. Bernard qui a terminé ses examens n’a pas pu partir, ni Elsie. Robert qui a quelques provisions les en fera profiter. Il annonce la mort de Georges du Breuil tué par un bombardement sur la route en allant au haras du Pin, région très bombardée. Le pauvre garçon avait été très grièvement blessé pendant la guerre.

Ce matin, courrier de la région de Toulouse. Lettre de Jeanne, partie le 12, cela fait bien plaisir quand-même. Elle est inquiète de Bernard et aussi de Gertrude qui reste à Bordeaux pour le moment. Deux lettres de Philippe, d’avant le débarquement.

Nous n’avons presque plus de trains avec Limoges, et on peut rarement y aller et revenir le même jour. Il y a tous les jours un train vers 11 heures, et certains jours à 19 heures. Pour revenir, un train à 6 h 30 et un autre à 9 heures. A Limoges, des tas de mesures restreignent la circulation, je suis contente de n’avoir pas besoin d’y aller cette semaine.

Nous avons, pour un mois ? un Mr. Pellereau, professeur de mathématiques, qui vient pour faire travailler Ferréol. Malheureusement celui-ci est souffrant, il a dû prendre froid en travaillant à la Sélive.

Il n’y a plus à Nexon ni gardes, ni gendarmes, ni police d’aucune sorte. Le couvre-feu est maintenant de 22 h 30 à 5 h 30.

Lundi 26 juin 1944

Dans la nuit de Vendredi à Samedi, on a entendu un bruit assez rapproché (pas moi, je dormais profondément), et le lendemain matin, nous avons appris que Limoges avait été bombardé. J’ai eu des détails par Mlle. Lavisse qui y était. Les bombes ont été jetées sur la gare de Puy-Imbert (où il y avait, paraît-il, un train de poudre ?) et sur l’Arsenal. Une maison a été incendiée – par une fusée croit-on – du côté de la place Jourdan. Il y a peu de victimes, on parle de 6 morts et quelques blessés. Les flammes et les fusées éclairent comme en plein jour. Mlle. L. s’est réfugiée dans une des tranchées du Champ de Juillet, la nuit était froide et il y avait des enfants grelottants, mais impossible de sortir des tranchées avant la fin de l’alerte, sous peine de recevoir des coups de fusil.

Samedi, Jacques de la Bastide est venu déjeuner. Il voit beaucoup de gens divers et sait toujours beaucoup de choses. Il nous a dit que Régine de Tristan avait reçu 6 fois des visites de pillards, qui emportent chaque fois quelque chose. Une fois, c’était 14 couvertures. Une autre fois, Jacques y était avec sa femme et on a mangé le déjeuner qui était préparé pour eux, avec quelques autres provisions.

Jacques reste optimiste pour l’avenir malgré les divisions de notre pauvre pays. Il dit qu’il faudra bien « que les morceaux se recollent un jour ».

Le Père Moureu qui arrivait de Limoges, a aussi déjeuné avec nous. Il continue à Limoges son apostolat d’aumônier du camp de Nexon, dont les pensionnaires sont maintenant à la caserne du Séminaire, où ils sont beaucoup moins bien qu’ici. Mr. d’Armancourt est toujours interné.

Hier Dimanche, comme nous sortions de la Messe vers 8 h 30, nous avons vu passer au-dessus de nous plus de 400 avions en vagues successives, se dirigeant vers le Sud…Nous avons su ensuite par la Radio qu’Avignon, Arles, Toulouse, Sète et quelques petites localités ont été bombardées. La veille, Versailles a reçu un violent bombardement, on parle de 225 morts. Nous attendons avec impatience des nouvelles de Mme. Cesbron Lavau.

Samedi, on a vu un camion contenant 6 hommes armés du “maquis” traverser Nexon. C’est, je crois, la 1ère fois qu’on les y voit en plein jour.

Nous avons appris ce matin qu’un des avions passés hier matin s’était décharge d’un chapelet de bombes à une dizaine de kilomètres d’ici : près d’un petit village appelé Freyssinet[1]. Chose curieuse, cela n’a pas fait beaucoup de bruit ici. Fort heureusement, les bombes sont tombées dans un pré qui est profondément labouré et dans un étang, et n’ont fait de mal à personne.

A Limoges, il y avait des bombes à retardement que nous avons entendu exploser jusque dans l’après-midi (et plusieurs jours après).


[1] Commune de saint Priest Ligoure

Une réunion des anciens de l’école de Nexon nés pendant les années 1945-1950.

Le temps passe et avant que nous soyons tous trop vieux, avec françois MARCELAUD, depuis plusieurs années nous voulions organiser cette réunion. Le COVID est passé par là, mais depuis le mois de mai nous avons repris les photos de classes déjà réunies, nous avons constitué des listes et à une dizaine nous avons cherché les noms que nous étions susceptibles de contacter. Nous avons réunis une centaine de noms et nous avons fixé une date pour une rencontre. Chacun avait un certain nombre de personnes à contacter et nous pensons réunir environ cinquante anciens et leurs conjoints. Ce sera le point de départ de réunions que nous souhaitons au moins annuelles.

Voici la fiche d’invitation qui vous permettra de vous manifester si vous le souhaitez, même si vous ne pouvez pas participer à  cette première réunion.

Vous pouvez me contacter par ce blog par un commentaire.

Jean François NYS

Vendredi 13 septembre 14h : La mise en place.

Mes conférences à venir

Sur trois sujets variés dont j’ai un peu parlé sur mon blog mais que je n’ai pas développé :

  • Oradour pour lequel j’ai raconté l’histoire d’une jeune fille de Nexon devenue institutric et qui a été massacrée à Oradour avec tous ses élèves, son mari et sa mère : madame BRUNET
  • La Résistance pas encore traitée mais ma documentation se développe. je suis toujours à la recherche de témoignages sur les ressistants à Nexon. J’ai mis une photo de résistants prise à Nexon mais elle n’a pas suscité de commentaires.
  • Les bals, un des premiers sujets que j’ai traité et qui m’a valu de nombreux commentaires très riches. Je cherche toujours des photos de René Louit et de son orchestre et des photos de bals à Nexon

Les conférences

  • le 7 septembre à Oradour sur Glane:
  • Le vendredi 27 septembre à Cussac à 10 heures. Le sujet portera uniquement sur la Résistance dans le Sud-Ouest de la Haute-Vienne

Le Samedi 12 octobre à 15 heures à saint Hilaires les Places : Les bals dans le Sud-Ouest de la Haute Vienne.

Les affiches ne sont pas encore réalisées.

Le 17 aout 1944, 28 jeunes maquisards sont massacrés par les soldats allemands entre Moissac et Jourgnac. Les 5 jeunes massacrés à le Chaume verte sur la commune de Jourgnac ont reçu un vibrant hommage à Nexon et l’un d’eux y a été inhumé.

C’est de ces cinq jeunes dont je parlerai plus particulièrement à l’occasion de l’hommage patriotique qui leur a été rendu à Nexon le 19 aout 1944 et le 18 aout 2024 à Jourgnac pour le 80ème anniversaire de ce triste évènement.

Replaçons cette journée du 17 aout 1944 dans le contexte de l’époque. Depuis le débarquement réussi du 6 juin 1944 en Normandie, le rapport des forces entre les Allemands et les Alliés a progressivement changé. Un nombre de plus en plus important de jeunes s’engagent dans la résistance. Les parachutages sont plus nombreux qui apportent à chaque fois des armes, des munitions, des postes de radio … et même de l’argent. En même temps le commandement des maquis va s’unifier. En Haute-Vienne le 25 juin 1944 Georges GUINGOUIN est nommé à la tête des maquis FTP et le 15 aout 1944 il devient chef de tous les maquisards de la Haute-Vienne sous la bannière des FFI.

Le Colonnel G. GUINGOUIN

Dès le début du mois d’août la décision est prise d’encercler la ville de Limoges. Les allemands ne contrôlent plus qu’une zone de 10 km autour d’elle. A partir du 12 août 1944 alors que les premiers signes d’un départ imminent des troupes allemandes et de leurs collaborateurs se précisaient, plusieurs maquis de la Haute-Vienne sur ordre du commandant départemental des FTP, Georges GUINGOUIN, vinrent s’établir autour de Limoges. La libération de la ville semblant proche.

Ces maquis s’installèrent à partir de la nuit du 13 au 14 août, dans les communes périphériques de Limoges, répartis en quatre secteurs : A pour l’est ; B pour le Sud avec deux bataillons de 900 hommes sous les ordres du commandant NELSON et la mission de bloquer les routes nationales 20 et 21 vers Toulouse ; C pour l’ouest avec quatre bataillons de 2050 hommes dirigés par le commandant BERNARD avec mission de contrôler la route d’Angoulême et le secteur C,  au Nord, avec trois bataillons de 1500 hommes pour contrôler les axes de Paris et Poitiers.

Les événement du 17 août 1944

Le 15 août, la 2408ème compagnie FTP placée sous les ordres du lieutenant Robert MARTY, alias Nitchevo, quitte Gorre en camion pour rejoindre Solignac, au sud de Limoges. Pendant la nuit l’un des groupes gagna le secteur du château de Plaisance sur la commune de Feytiat où il prit position.

Le 15 août 1944, au soir, une colonne d’Allemands passe au lieu-dit « Plaisance» de Moissac, commune de Feytiat, sur la route de Limoges à Saint-Yrieix. De nombreux consommateurs sont au café au moment où les  Allemands s’y arrêtent à la recherche du maquis. Les clients partent et la famille du patron, M. FAYE, est interrogée par les militaires. Devant la porte se trouve un vélo sur lequel un drapeau tricolore est peint sur le cadre. Les Allemands interrogent la famille pour savoir où se trouvent les résistants. Les allemands déploient une carte et indiquent les points où sont susceptibles de se trouver les maquisards. Mais le patron, Monsieur FAYE, affirme qu’il n’y a pas de maquis dans le coin. Les Allemands consomment, leur chef, un jeune officier S.S. entraîne ses hommes dans des chants et des danses puis ils quittent le café, sans payer leurs consommations. La famille FAYE est soulagée et pense avoir protégé les maquisards cachés dans les environs.

Deux jours plus tard, le 17 août, dans la matinée, un convoi allemand, composé de trois blindés escortés de chenillettes et d’automitrailleuses appartenant au 19ème Régiment de police SS, se dirige vers le sud en direction de Saint-Yrieix-la-Perche par la D 704.

 I -Feytiat-Solignac-Le Vigen

Des hommes de la 2408e compagnie FTP sont postés entre Feytiat et le Vigen à proximité de Bon-Abri, Plaisance et Moissaguet. Lucien MAILLARD, de son vrai nom Joseph-Louis LE POUPON, est à la tête d’un groupe de huit maquisards qui a pris position pour faire barrage aux troupes qui prendraient la route de Saint Yrieix. Ils sont chacun à son poste derrière les chênes, dans l’allée en face du château de Plaisance. Mais contrairement à l’ordre donné, lorsque le convoi allemand arrive à la hauteur de l’allée de chêne, l’un des maquisards ouvre le feu sur le dernier blindé. Le convoi stoppe, les soldats jaillissent des véhicules, ouvrent le feu. Sept maquisards sont abattus. Ils sont affreusement mutilés, ventres ouverts à la baïonnette, têtes écrasées. Tout leur sang s’est répandu sur la chaussée. Louis BUISSON, blessé, fut achevé, puis dépouillé de ses vêtements, de ses chaussures et de son portefeuille. Un seul, Louis CHAUPRADE, réussira à prendre la fuite.

Une quarantaine d’Allemands fouillent les environs, notamment le château de Monsieur de LA MOYNERIE, baïonnette au canon. Pendant ce temps un camion muni d’un drapeau blanc vient chercher les corps des victimes qui seront amenés dans une chapelle ardente installée à Boisseuil.

Une stèle érigée sur la D 704 à hauteur de Moissac comporte 6 noms. Ils ont entre 19 et 32 ans et seulement deux d’entre eux sont originaires de la Haute-Vienne.

Les six dont les noms sont gravés sur la stèle Feytiat-Plaisance :

  • BUISSON Louis, né le 31 mars 1922 à Dournazac (Haute-Vienne), cultivateur,
  • DESBORDES Jacques né le 28 avril 1922 à Angoulême (Charente),
  • DEVAUD Léon né le 25 juillet 1925 à Les Cars (Haute-Vienne), cultivateur,
  • LE POUPON Joseph né le 29 avril 1912 à Gourin (Morbihan), 32 ans, charpentier,
  • LIBOUTET Victorien né le 18 février 1923 à Mainfonds (Charente),
  • RENNER Lucien né le 3 octobre 1922 à Strasbourg (Bas-Rhin).  

Quelques centaines de mètres plus loin, au Bon Abri, de nouveaux maquisards vont être abattus. Parmi eux, Aimé PATAUD dit « Tarzan », âgé de 16 ans. Jean DELAGE qui n’était pas maquisard mais employé de la SNCF fut grièvement blessé par un éclat d’obus allemand. Transporté à l’hôpital de Limoges, il y décéda le 20 août 1944 à 23 heures. Les massacres vont se poursuivre sur la route 704 le long de laquelle ont été postés des maquisards, sans expérience militaire et dotés de simples fusils ou de mitraillettes face aux canons et aux mitrailleuses des allemands.

La stèle élevée au Mas-du-Puy commune du Vigen comporte huit noms. Le plus jeune a 16 ans et le plus âgé 31 ans.  Bien que non maquisard le nom de Jean DELAGE a été inscrit parmi les victimes. On ne trouve pas d’information sur les bases de données en ligne pour trois d’entre eux, sans doute parce qu’il y a eu des erreurs dans la transcription des noms.

Les huit noms inscrits sur la stèle de Puy Mery située sur le côté gauche de la route D 7004 en venant de Limoges dans la descente avant l’embranchement de la route menant au parc zoologie du Reynou :

  • Jacques BARRAGE 18 ans,
  • René BUGEAUD né le 30 juin 1917 à Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne), 27 ans,
  • Jean DELAGE né le 30 janvier 1913 à Flavignac (Haute-Vienne), cantonnier SNCF, 31 ans,
  • Lucien MEILHARD,
  • Aimé PATAUD dit « Tarzan » né le 19 septembre 1928 à Chalus (Haute-Vienne), 16 ans,
  • Marcel THOMAS né le 16 novembre 1921 à Flavignac (Haute-Vienne), 22 ans, cultivateur,
  • Aimé VALADE dit « Nénou » né le 10 septembre 1925 à Bussière-Galant (Haute-Vienne), 18 ans, cultivateur,
  • Pierre CUISINIER, alias Georges, né le 25 février 1923 à Rochechouart,  21 ans.
Bulletin des Amis du musée de la résistance de Limoges n°89-2012

II- Jourgnac – La Chaume Verte

Un groupe de maquisards appartenant à la 2449ème compagnie FTPF (sous-secteur B) avait été placé en position défensive au lieu-dit La Chaume-Verte sur la commune de Jourgnac afin d’assurer la protection du poste de commandement du bataillon FTPF établi à Boissac sur la commune voisine du Vigen attenante à celle de Jourgnac.

Au cours de l’après-midi, l’unité allemande change de direction et quitte la D 704  à Saint Maurice les Brousses. Elle part vers l’Ouest et se dirige vers Jourgnac d’où elle rejoindra Séreilhac. Vers 17h30 la tête de la colonne arrive à la hauteur de La Chaume Verte, à moins d’un kilomètre de Jourgnac. Un groupe de FTP qui traversait à découvert un pré  en contre-bas de la route est surpris par cette arrivée des allemands. Ils n’ont pas le temps de se mettre à l’abris et malgré le courage de Fernand DUDOGNON qui, bien que blessé, continue à tirer avec son fusil mitrailleur jusqu’à l’épuisement de ses munitions, les cinq camarades sont tués. La colonne continue sa route et les corps restent exposés dans le pré.

Ce n’est que le soir que des paysans qui participaient à une batteuse dans le bourg de Jourgnac sont allés les chercher. Les corps étaient mutilés, les yeux crevés, les membres cassés (récit de Denise BONNET à partir de ce que son père lui a raconté). Ils ont été mis dans une charrette et conduits à l’église ou le curé, Pierre ROUGERIE les a accueillis. Les corps étaient tellement mutilés qu’il n’a pas été possible de les identifier. Pour rédiger le certificat de décès le maire les a désignés par la couleur de leurs cheveux, leur taille … et leur surnom de maquisard. Leur véritable nom a été transcrit sur le registre de l’Etat Civil après un jugement du Tribunal d’Instance de Limoges rendu le deux mai 1946.

Deux jours plus tard, malgré la proximité des troupes allemandes, un hommage patriotique fut organisé à Nexon en présence de plusieurs centaines de personnes et de contingents de maquisards. Un ordre de Mission est signé par AMAT Charles, Commandant de la 2453e Cie FTP-FFI bassée à Marval ( Monfréboeuf), en place pour la libération de Limoges. Il ordonne au soldat CHAMBON d’aller à Jourgnac en camion afin de ramener les cinq corps à Nexon pour leur inhumation.

A Nexon, les cinq cercueils sont alignés devant la mairie, à droite des escaliers. Cinq couronnes mortuaires ont  été confectionnées. Deux sont déjà dans les mains de ceux qui vont les porter, les trois autres sont encore sur la terrasse. A gauche une section de maquisards est alignée, derrière eux les enfants des écoles et les pompiers de Nexon dont on aperçoit le drapeau en bas à gauche de la photo. En face les familles et les amis. Entre les deux un camion gazogène attend que les cercueils soient chargés pour les amener au cimetière où ils seront inhumés. De l’autre côté de la route une foule nombreuse regarde.

Le cortège va se mettre en marche. Les enfants des écoles s’avancent en rang et se dirige vers le cimetière.

Le cortège avance, six maquisards sont de part et d’autre du camion qui est suivi par la section de 24 maquisards en arme. Derrière eux les pompiers de Nexon puis les les familles…Les corps furent inhumés provisoirement au cimetière de Nexon.

Le 8 septembre 1944, une nouvelle cérémonie eut lieu au cimetière de Louyat à Limoges à l’occasion du transfert des corps des deux inséparables camarades, Maurice BOISSARD et Lucien COURTIAUD.

Transfert des corps de Lucien COURTIAUD et Maurice BOISSARD à Louyat

Fernand DUDOGNON a été inhumé dans le vieux cimetière de Bussière-Galant, et Roger SAMUEL à Pageas puis transféré à la nécropole de Chasseneuil/Bonnieure.

Le Populaire 28 aout 1944

Seul Raymond LAPOUGE est resté à Nexon.

Au total les combats du 17 août entraînèrent la mort de 28 résistants FTP.

Bien que les allemands n’aient pas subis de pertes ils constatent que la résistance est solidement implantée et ils rentrent à Limoges. Dans le même temps les miliciens organisent leur départ faisant perdre à la garnison de Limoges une partie non négligeable de ses forces. Tout est prêt pour que les FFI qui encerclent la ville la fasse tomber. Elle le fera le 21 août 1944.

La stèle érrigée sur les lieux du massacre

Au début de l’année 1945 une stèle a été érigée sur les lieux du massacre, au bord du CD 11, au lieux dit la Chaume Verte, par M. REDON le maire de Jourgnac élu après la Libération. Elle a été inaugurée au printemps par le préfet Jean CHAINTRON.

Les cinq noms ne sont pas dans l’ordre alphabétique :

Fernand DUDOGNON né le 21 mars 1923 à Bussière-Galant (Haute-Vienne), 21 ans,

Maurice BOISSARD né le 30 mars 1924 à Limoges (Haute-Vienne), 20 ans, employé de banque,

Lucien COURTIAUD né le 14 février 1925 à Limoges (Haute-Vienne), 19 ans, étudiant,

Raymond LAPOUGE né le 3 mars 1910 à Angoulême (Charente), 34 ans,

Roger SAMUEL né le 29 octobre 1923 à Magnac-Laval (Haute-Vienne), 20 ans, ouvrier agricole.

Une importante commémorationa eu lieu pour les 50 ans du massacre avec la participation des familles des cinq victimes :

Pour commemorer les 80 ans de ce massacres une première cérémonie a eu lieu le 12 avril 2024. Les enfants de l’école de Jourgnac ont planté un chêne pour rapeller la mémoire du massacre.

Le chêne de la Mémoire

Le dimanche 18 aout 2024 une belle cérémonie eu lieu devant la stèle.

La plaque du « Chêne du souvenir a été dévoilée.Un hommage émouvant a été rendu par Lucien COURTIAUD, neveu qui porte leprénom de son oncle afin de perpétuer sa mémoire. Le proviseur du lycée Turgot était présent pour rappeler le sacrifice des deux amis, Lucien et Maurice, inséparables camarades étudiants dans ce lycée.

Raymond LAPOUGE le seul des cinq victimes a etre resté inhumé à Nexon

Raymond LAPOUGE avait 34 ans. Il avait 4 enfants et son épouse était enceinte d’un cinquième.

Raymond LAPOUGE

Au moment de son inhumation il n’avait pas encore été officiellement identifié. Sa reconnaissance par jugement a été transcrite sur le régistre des décès ou il était décrit par un signalement approximatif, le 24 septembre 1946.

Extrait du régistre de l’Etat Civil de la mairie de Jourgnac
Transcription du jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Limoges

Sa tombe est demeurée longtemps abandonnée. Il semble cependant qu’une personne agée de Nexon venait assez régulièrement y déposer des fleurs.

Mais grace au travail effectué par Josette DUGOT et son époux Jean Claude, alors membres du Souvenir Français, les membres de la famille de Raymond LAPOUGE ont été retrouvés. Sa fille, née en novembre 1944, à peine trois mois après le décès de son père ne venait pas sur la tombe de son père. En effet le second mari de sa mère ne désirait pas que son épouse aille se receuillir à Nexon sur la tombe de son défunt mari.

La fille de Raymond LAPOUGE a permis que le corp de son père soit relevé et la tombe rénovée par le Secour Populaire. Au cours de cette opération la dépouille a été reconnue par la famille grace à la trace d’une ancienne fracture connue d’eux.

La tombe a été refaite et porte la cocarde du Souvenir Français

En 1994, pour les 50 ans du massacre, une cérémonie a été organisée à Nexon avec sa veuve entourée de ses enfants et petits enfants.

Mes remerciements à mon camarade Lucien COURTIAUD, Chirurgien dentiste honoraire, Colonel Honoraire qui m’a fourni de nombreux documents et aux anciens de Souvenir Français de Nexon.

Les Hotels et les restaurants à Nexon

Des lecteurs de mon blog qui venaient à Nexon pour les fêtes de la Toussaint souhaitent me rencontrer. Ils m’ont demandé de leur conseiller un restaurant et un café afin que nous puissions nous rencontrer et discuter. Ma tache fut réduite à sa plus simple expression. Un dimanche a Nexon il n’y a pas de restaurant ouvert. Ils se sont rabattu sur le Moulin de la Gorce. C’est un bon choix mais il est dommage qu’a Nexon il n’y ait pas un restaurant servant des repas pour des familles. Des personnes me parlent encore des Chaumières, fermée depuis plusieurs années mais dont certains sites ne mentionnent pas la fermeture. L’Instant Gourmand à La Plaine était également fermé. Nous devions nous retrouver dans l’après midi pour prendre un café. J’avais donné rendez vous au Noctambule, place Fratellini. Là encore , fermé!

J’ai rêvé des années ou à Nexon il y avait des Hotels, des restaurants et des cafés, ceux que je fréquentais avec mes camarades quand j’étais jeunes, mais c’était une autre époque. J’ai donc effectué un petit tour dans l’histoire pour retrouver l’offre dont disposait la commune pour satisfaire les besoins de restaurations pour ceux qui souhaitaient se retrouver autours d’une bonne table, prendre un verre avec des amis ou passer une nuit dans un lit confortable.

Jusqu’à la fin du 19ème siècle on voyageait principalement en voiture à Cheval. Il fallait faire des haltes pour reposer les chevaux. Pour les longs trajets le voyageur devait trouver un gite pour lui et une écurie pour son cheval. Cette fonction était assurée par les auberges. Elles servaient un repas simple et peu couteux. Le repas était obligatoire d’où l’inscription « Qui dort dine ».

L’arrivée du chemin de fer a entrainé la création d’auberges et d’hôtels autours des gares. La ligne Limoges Périgueux a été mise en service le 26 août 1861. Le premier hôtel a été rapidement créée par Fulbert LAFFARET. Lors du recensements de 1886 la profession d’hôtelier n’est pas employé et c’est encore d’aubergiste

Recensement 1886 ADHV

Pourtant M. LAFFARET apparait comme propriétaire de l’hôtel qu’il met en location, dans l’annonce du Courrier du Centre le 13 février 1877

13 février 1877

Les affaires de M. LAFFARET n’ont pas du être florissantes puisqu’en 1880 il est déclaré en faillite.

14 mai 1880

Lors des recensements suivants le mot « hôtel » n’apparait toujours pas dans les professions des personnes recensées. En 1891 et en 1896 il n’y a toujours qu’un aubergiste à la gare, Annet DIEUAIDE.

Recensement 1891 ADHV
Recensement de 1896 ADHV

L’Almanach-Annuaire Limousin de 1896 donne une liste de 16 aubergistes, parmi lesquels DIEUAIDE, et 3 cafetiers : AUDEVARD, DESBORDES et PEYRAT.

Annuaire 1896

En 1897 il y a 17 aubergistes. GRANGER a disparu, DELOUIS et PRUGNY se sont installés. Les 3 cafetiers sont toujours présents mais il n’y a pas encore d’hôtel.

Annuaire 1897

En 1901 la liste des aubergistes s’accroit, on en compte alors 21, les 3 cafetiers sont toujours les mêmes; Parmi les aubergistes 3 ont disparu, AYMARD Vve, DELOUIS et DIEUAIDE. Les 7 nouveaux sont BEGOT, BONNET, BREIX, DESBORDES, MOMOT, NOUHAUD Vve, TRUCHASSOU et DUROUX.

Annuaire 1901

Avec le début du XXe l’activité commerciale se développe autours de la gare. Une nouvelle auberge se crée et plus tard un troisième hôtel sera créé. J’ai développé l’histoire de ces hôtels ici : https://etsinexonmetaitconte.fr/wp-admin/post.php?post=7220&action=edit ainsi que ceux du bourg dans un article de ce blog le 20 fevrier 2018 : https://etsinexonmetaitconte.fr/wp-admin/post.php?post=2557&action=edit

Aujourd’hui il n’y a plus d’hotel à Nexon alors qu’on en comptait 7 avant 1940. Il y a pourtant eu des tentatives de créer un hotel de luxe dans le chateau de la Garde en 1986 aprés qu’il a été vendu par la famille de Nexon. mais ce projet n’a pas abouti.

Andrée Anna GIBAUD, épouse BINET, née à Nexon, a été massacrée le 10 aout 1944 à Oradour où elle était directrice de l’école de filles. Avec elle son fils, sa mère et son mari.

Andrée GIBAUD est née le 5 mars 1914 à Nexon. Son père Amédée GIBAUD était platrier à Valette et son épouse, Louise RAGOT, était sans profession. Amédée GIBAUD était né le 2 juin 1884, à La Meyze, et son épouse Louise était née le 5 janvier 1889, elle aussi à La Meyze. Ils s’étaient mariés le 28 octobre 1911 à La Meyze. Au recensement de 1901, Amédée GIBAUD qui avait 16 ans a été recensé à Nexon ou il était apprenti platrier chez Auguste VIACROZE, rue du Nord.

ADHV

La jeune Andrée a du aller à l’école à Nexon et, bonne élève, elle a été reçue au brevet élémentaire en juin 1930 à Limoges. En septembre 1932 elle entre à l’Ecole normale d’institutrices de Limoges et obtient son brevet supérieur en juin 1935 et son certificat d’aptitude professionnelle en novembre 1935.

Andrée Anna Gibaud est notée 13/20 par la Directrice de l’Ecole normale qui indique « Elle a des qualités de douceur, d’amabilité et d’éducation. Elle devra faire une institutrice consciencieuse ». Ces qualités sont celles que ces élèves qui ont échappés au massacre signaleront lorsqu’ils parleront d’elle.

En septembre 1935, elle est à nommée pour un remplacement à l’école de Beaune-les Mines, puis le 1er octobre 1935, à Couzeix pour trois semaines. Ensuite elle va au Palais où elle restera jusqu’en août 1938. Et c’est le 3 octobre 1939 qu’elle est nommée directrice adjointe à Oradour-sur-Glane.

Le 2 juin 1936 à Limoges, elle épouse Jean BINET, agent technique à l’intendance à Limoges.

Il était né le 15 novembre 1910 à Pontgibaud (Puy-de-Dôme), fils de Victor BINET, brigadier de gendarmerie à cheval, et de Marie Lucie MOUTON, son épouse, sans profession.

Le 13 avril 1937, à Limoges, nait leur fils, Jean Pierre.

Andrée BINET à l’école de filles d’Oradour sur Glane

Le 3 octobre 1939, Andrée BINET est nommée directrice adjointe à Oradour-sur-Glane. Depuis le 6 août 1936 le Front populaire a adopté la loi sur l’enseignement primaire présentée par le ministre de l’Education nationale Jean Zay. Elle prolonge la scolarité obligatoire de 13 à 14 ans. Les écoles d’Oradour doivent s’organiser pour accueillir plus d’élèves et surtout plus agés et ce jusqu’au passage du Certificat d’études primaires.

Le 1er septembre 1940 Andrée BINET est nommée directrice de l’école de filles qui compte 3 classes et accueille 108 élèves, soit 36 élèves par classe en moyenne.

Ginette COUTURIER et Andrée GIBAUD

Le 19 décembre 1941, l’inspecteur primaire de Rochechouart inspecte sa classe et visite le logement mis à sa disposition.

Grande section de l’école de filles 1941-42 , Madame Binet au milieu de ses élèves (ANFMO)

Elle est logée dans un appartement de « 4 pièces + cabinet à toilette ». L’inspecteur précise que contrairement à d’autres communes, la directrice n’assure pas la fonction de secrétaire de mairie. Puis l’inspecteur s’attache à comprendre Andrée GIBAUD qui n’a alors que 26 ans. Son mari travaille à Limoges et ils ont un fils de 3 ans 1/2, Jean-Pierre, qui vit à Oradour.

Concernant son enseignement il note que la préparation est « régulière et sérieuse. Fiches particulières à chaque enseignement. Tout est prévu, choisi, préparé d’une façon intelligente ». Concernant sa méthode d’enseignement, l’inspecteur écrit : « la maîtresse avec raison rattache ses observations à un nombre limité de points ; plan, construction sérieuse, expressions incorrectes, fautes d’orthographe. Mais il faut éviter de laisser les élèves passifs, la correction collective doit être vivante, tous les enfants doivent y participer. Ce n ‘est pas suffisant de lire les passages contenant les fautes principales, il faut écrire au tableau, soit un alinéa, soit une phrase à mettre d’aplomb soit une proposition lourde obscure. Les élèves sont entraînées à corriger, en marge, les fautes signalées».

L’inspecteur apprécie que les jeunes élèves de Mme Binet « lisent bien, avec expression », qu’elles récitent leur texte d’une « diction lente, accentuée », enfin qu’elles aient « la voix juste et respectent les nuances » dans les exercices de chant auxquels il assiste.

L’inspecteur conclue son rapport en saluant en Mme Binet une institutrice directrice d’école, qui « travaille avec méthode et ordre ; Les résultats obtenus sont satisfaisants».

Le 10 juin 1944, jour du drame.

En ces jours d’anniversaire du 80ème anniversaire du drame je ne reprendrai pas la chronologie des événements. Dans un petit livre de 36 pages, Robert HEBRAS, le dernier survivant du massacre décédé le 11 février 2023, faisait revrire le drame heure par heure. (10 juin 1944 Oradour su Glane- le drame heure par heure par Robert HEBRAS. Les Productions du Pertuis 2001). ce qui est certain c’est que lorsqu’a vers les premiers soldats pénétrèrent dans le bourg, presque personne n’a eu peur, pensant qu’il s’agissait d’un simple controle d’idendité.A 14h30 les soldats ont demandés aux institeurs de faire sortir les enfants et de les amener sur le champ de foire. A l’exception du jeune Roger GODFRIN, personne ne s’aoffait; Mais lui qui avait quitté son village de Charly chassé par les Allemands ne leur faisait pas confiance retenant les paroles de sa mère « Quand tu vois les boches, tu fuis.  » C’est ce qu’il a fait et il fut le seul rescappé parmi tous les élèves.

Andrée BINET, la directrice de l’école des filles n’est pas à son poste. Elle était en arret pour maladie dépuis le début du mois de mai. Son arret se terminait ce soir là et elle devait reprendre ses fonctions le lundi 12 juin. Elle était remplacée par une jeune institutrice agée de 23 ans, Odette COUTY. Elle logeait à l’Hôtel Milord ou elle avit laissé sa bicyclette pour regagner Limoges en fin de journée, son remplacement terminé.

Sa remplaçante suit les consignes des soldats et fait sortir les enfants de sa classe. Les bérets restent accochés aux portemanteaux, les sacs sont abandonnés sur le plancher. Arrivés sur le champ de foire les enfants et les femmes qui avaient été séparées des hommes furent réunis. Ils prirent ensuite la route pour aller vers l’église.

Ce samedi matin, Andrée BINET ne se sent pas bien, elle reste au lit. Sa mère Louise RAGOT, épouse Gibaud, était venue la voir. Son fils Jean Pierre qui avait 7 ans était à l’école. Des soldats l’ont faite lever et c’est en robe de chambre qu’elle a accompagné ses élèves vers l’église.

Ecole des filles

Marguerite ROUFFANCHE, l’unique survivante de l’église, raconte lors du procès de Bordeaux : « Nous avons été conduits à l’église, toujours avec l’escorte de la mitraillette et là, nous avons été enfermés. Après une longue attente, ils ont apporté une caisse qu’ils ont placée sur deux chaises devant la sainte table. De cette caisse se dégageaient des cordons blancs; je ne peux savoir quel engin c’était et au bout de peu de temps, la caisse a éclaté d’un coup très sourd, et il s’est élevé une fumée qui nous a étouffés et on ne voyait plus dans l’église.

A ce moment-là, les gens sont montés pêle-mêle les uns sur les autres, il y avait des familles entières, les enfants des écoles… ». Elle poursuit «…après l’explosion, quand la fumée a été dissipée, les soldats SS sont rentrés dans l’église; à ce moment ils ont mitraillé comme ceci (geste). Après ils ont apporté des fagots et de la paille et ils ont mis le feu, et c’est à ce moment-là que je suis sortie…(…) Je suis monté sur un escabeau, et je me suis lancée par la fenêtre».

Dans l’église, les enfants et leurs institutrices sont restés mêlés les uns aux autres dans un amas de cendres. Jean Pierre devait etre dans les bras de sa mère. Peut-être qu’également Louise RAGOT s’était rapprochée de sa fille et trois générations d’une même famille ont brulé dans cette église. Horible fin pour ces femmes qui furent tuées puis brulées avec leurs enfants.

L’église où les femmes et les enfants ont été massacrés
Déposition de M. PONT inspecteur primaire

Dépot central des archives de la justice militaire (DCAJM) cote 1953_02000 001_01_04_00226 et 00227

Jean BINET fut mitraillé puis brûlé dans l’une des six granges dans lesquelles les hommes furent massacrés.