J’ai traité ce sujet en 2016 mais le 150e anniversaire de cette guerre est l’occasion de revenir sur cette guerre oubliée. L’article de 2016 est ici : https://etsinexonmetaitconte.fr/wp-admin/post.php?post=1433&action=edit
je ne vais pas revenir sur cette guerre décrétée dans la plus parfaite impréparation et dont les conséquences ont été couteuses. Si l’on peut considérer que la défaite de Sedan le 2 septembre 1870 a permis le retour de la République il ne faut pas oublier les conséquences économiques du fait des morts et des blessés, des réparations versées aux vainqueurs et de l’amputation d’une partie du territoire. C’est souvent ce dernier point que l’on retient mais s’il est important il ne faut pas oublier les autres.
La guerre Franco-Allemande s’est déroulée du 19 juillet 1870 au 26 janvier 1871. La capitulation de NAPOLEON après sa défaite à Sedan le 2 septembre 1870 entraine des milliers de prisonniers, la chute de l’Empire et la proclamation de la République le 4 septembre 1870. Le gouvernement de Défense nationale ne baisse pas les bras et tente de repousser l’invasion. mais les armées de la Défense nationale qui sont formées ne renversent pas la situation et Paris se rend le 28 janvier 1871, un armistice est conclu et le 26 février 1871 une Convention de paix est signée. Le 1er mars les Allemands entrent dans Paris et descendent les Champs Elysées.
La victoire a accéléré l’unification territoriale et nationale allemande avec la proclamation de l’Empire allemand le 18 janvier 1871. Guillaume Ier, roi de Prusse devient empereur ce que Napoléon III voulait éviter en déclenchant la guerre.
Thiers a été nommé chef du pouvoir exécutif par la nouvelle Assemblée nationale afin de pouvoir négocier le traité de Paix mais Paris n’accepte pas cette décision prise par une assemblée à dominante monarchiste et pacifiste. L’insurrection populaire éclate et donne naissance à la Commune sévèrement réprimée par Thiers . Le traité de paix de Francfort est signé le 10 mai 1871 et ratifié le 18 mai par l’Assemblée nationale.
La France cède l’Alsace et la Moselle et doit payer de lourdes indemnités de guerre, 5 milliards de francs, avant mars 1874. Pour ce faire Thiers lève deux emprunts et peut effectuer la totalité du paiement le 16 septembre 1873 . Les troupes allemandes qui occupaient encore 21 départements quittent alors la France. Les alsaciens et mosellans qui avaient jusqu’à octobre 1872 pour choisir entre la France ou l’Empire allemand sont 30 000 à avoir choisi de demeurer français.
La sévère défaite et la perte de l’Alsace-Moselle font naitre un esprit de revanche qui va être entretenu dans les écoles, dans la presse et lors des manifestations mémorielles jusqu’en 1914. Cela entraine une haine de l’Allemand même si les gouvernements conservent la ligne politique de Gambetta : « Y penser toujours, n’en parler jamais ».
138 000 jeunes soldats ont été tués lors de cette guerre. Des monuments ont été érigés à leur mémoire sur les lieux de combat et en dehors des champs de bataille.
Pascal Plas, Directeur de l’Institut international de la recherche sur la conflictualité de l’Université de Limoges a étudié les monuments commémoratifs de cette guerre concernant la Haute-Vienne: https://www.unilim.fr/iirco/2020/10/28/la-memoire-de-1870/
On connait le Monument aux Mobiles de la Haute-Vienne érigé à l’angle de l’avenue du général de Gaulle et du cours Jourdan mais on en a souvent oublié la signification. Mais on ne connait pas celui qui a été élevé dès 1873 à Lumeau en Eure et Loir, à la mémoire des jeunes soldats tués le 2 décembre 1870 lors des sanglants combats dans cette morne plaine de Beauce.
Pour retrouver les souvenirs de cette guerre oubliée allez avant le 17 janvier 2020 visiter l’exposition réalisée par les archives municipales à Limoges.
La garde nationale à Nexon en 1870
A Nexon il ne semble pas y avoir eu de plaque mémorielle, sans doute parce qu’il a peu de victimes. S’il y a eu qu’un faible nombre de victimes les nexonnais ont été mobilisés pour la garde nationale.
Napoléon III la déclare le 19 juillet 1870. Et quelques jours après M. GIZARDIN, marchand de vin à Nexon, offre gratuitement des boissons aux militaires qui passent par la gare de Nexon.
Au début des combat la garde nationale n’avait été mobilisée que dans le Nord mais devant l’évolution des combats dès le début du mois d’aout une réorganisation générale de la Garde est mise en œuvre.
le 11 aout le général De BREMOND DARS commandant la 21e division militaire procède aux nominations des officiers. Les 2 bataillons de la Haute-Vienne sont constitués de 8 compagnies chacun. Le 1er bataillon est sous les ordres du commandant PINELLI et le 2e bataillon est sous les ordres du chef de bataillon DUCHAN. Sa 8e compagnie qui est constituée par les soldats provenant des cantons de Nexon et Saint Germain les Belles est commandée par le capitaine TAVEAU de la VIGERIE. La 8e compagnie à deux pelotons commandés par le lieutenant de NEXON et le sous lieutenant CHAMBRELANT. Le général rappelle aux officiers qu’ils doivent s’équiper et s’armer à leurs frais.
Vient ensuite la nomination des sous officiers. Voici ceux de la 8e compagnie.
Tous les soldats doivent se rendre à Limoges le samedi 20 aout et se présenter à 2 heures à la caserne de cavalerie.
Le 2e bataillon a été organisé à partir du 17 aout par le capitaine DUVAL qui sera promu Chef de bataillon.
Dans son rapport sur le régiment de la Haute-Vienne qu’il commandait, le lieutenant colonel Joseph Marie PINELLI écrit qu’au 19 aout « il n’existait ni effets d’Habillement, ni équipement, ni armement, ni même linge et chaussures indispensable, la plupart de nos mobiles n’ayant que des sabots aux pieds » (Rapport au Ministre sur la campagne 1870-1871 page 9)
Le 4 septembre 1870 c’est en pleine instruction des jeunes soldats qu’arrive la nouvelle du désastre de sedan et la proclamation de la République. le nouveau Gouvernement va donner une impulsion pour l’équipement de la Garde Nationale: vareuse, képis, sacs en toile en forme de gibecière, chemise, pain mais aussi fusils modèle 1842. des dessins réalisés par Léon Wendling, artilleur pendant le siège de Belfort donne une idée de l’équipement de certains soldats dont ceux de la Haute-Vienne ne devaient pas différer grandement !
Le 22 septembre 1870 le 2e quitte Limoges pour Nevers ou il arrive le lendemain. Mais la 8e compagnie est encore à son cantonnement de Saint-Yrieix et Chalus. Les hommes en partent pour la gare de Nexon où ils arrivent le 23 septembre à 10h. Ils embarquent pour Limoges puis rejoignent Nevers. La mission des hommes est de se rendre à Gien et de défendre les ponts de la Loire afin d’en interdire le franchissement aux Prussiens.
Le 1er octobre les deux bataillons de la Haute-Vienne sont réunis pour former le Régiment de la Haute-Vienne avec le numéro 71, il sera connu sous le nom du 71e mobile et le commandement est confié au commandant PINELLI qui est promu lieutenant colonel. Ce faisant le nombre de soldat est réduit à 1200 hommes par bataillon et le nombre des compagnies tombe à 7; les 8e compagnies des deux bataillons sont renvoyées au dépôt à Limoges. Elles n’y restent que 2 jours et sont renvoyées à Montargis. le régiment rejoint alors la Loire à Briare puis il se dirige vers Bourges. Le 71e Mobile qui fait partie du la 3e Division du 16e Corps a le général CHANZY comme chef.
Le 23 octobre le 71e régiment de Mobiles est porté à trois bataillons. Les 8e compagnies retournent une nouvelle fois à Limoges au dépôt. Le régiment, sans nexonnais, participe aux combats de la Loire et le 2 décembre livrent une bataille sanglante à Lumeau qui fait partie du champ de bataille de Loigny-Lumeau-Poupry, impliquant près de 40 000 soldats de l’armée de la Loire et 35 000 soldats des troupes bavaroises et prussiennes. 9000 soldats furent tués, parmi eux au moins 200 soldats du 71e. Ce fut une des plus sanglante bataille menée pour la défense de la Loire.
Le 9 décembre, ce qui reste du 71ème mobile est attaqué à Chambord par des soldats d’un régiment de la Hesse. Une centaine de Français sont faits prisonniers, le lieutenant colonel PINELLI est blessé. Les autres rentrent à Limoges. Le voyage en train dure deux jours et deux nuits. Ils ne reçoivent pas l’accueil un accueil chaleureux car on pensait qu’ils n’avaient pas voulu se battre?
Mais très vite le courage des jeunes volontaires qui composaient le 71e est reconnu ainsi que celui des habitants des zones de combat qui ont secouru les blessés. Aussi c’est très rapidement qu’une souscription est lancée pour construire un monument en l’honneur des centaines de morts de la Haute-Vienne lors de cette bataille autours de Lumeau et pour remercier les habitants pour le soutien qu’ils ont apportés aux blessés.
La plupart des cartes de cette bataille sont allemandes, ce qui confirme les dire du colonel PINELLI lorsqu’il se plaignait de n’avoir pas de carte d’Etat Major des lieux où ils devaient se rendre.
Le monument marque l’emplacement de la charge de la division du général MAURANDY qui tente de prendre Lumeau, sous la mitraille des batteries de la 17e division d’infanterie prussienne du général von TRESKOW au matin du 2 décembre 1870. Il a été très vite réalisé puisque son inauguration était prévue pour le 2 décembre 1893. Cependant parmi les 9000 morts du champ de bataille quelques centaines, ceux des soldats du 71e mobile, devaient être réunis sous le monument mais les autorités sanitaires ont refusé que les corps soient relevés avant 5 ans, soit le 2 décembre 1895. Seule une bénédiction sera donnée le 2 décembre 1873.
Le monument s’élève sur la route de Terminiers à Lumeau, ancienne voie romaine d’Orléans à Chartres, sur un terrain qui a été donné au département de la Haute-Vienne. C’est une pyramide tronquée de huit mètres quarante centimètres de hauteur. Les lignes sont très simples et élégantes. Il a été dessiné par M. Linard, architecte du département de la Haute-Vienne. Le monument porte deux inscriptions gravées en lettres d’or sur des plaques de marbre noir. L’une d’elles, placée sur la pyramide, est ainsi conçue :
La seconde inscription est placée sur le socle. En voici les termes :
Plusieurs ornements en bronze décorent la pyramide. Sur la face principale, une couronne de laurier et de chêne posée sur une console ; sur les faces latérales, de grandes croix latines avec couronnes d’immortelles entrelacées dans les bras des croix ; au-dessus des couronnes d’étoiles. Sur la face postérieure, deux épées brisées, passées dans une couronne d’immortelles. Sur le socle, l’inscription suivante empruntée au livre des Machabées :
MELIUS EST NOS MORI IN BELLO
QUAM VIDERE MALA GENTIS NOSTRAE
« Il vaut mieux pour nous mourir à la guerre que de voir les maux de notre nation »
Aux quatre angles sont placées des bornes avec fleurons, reliées par des chaînes de fer.
La première pierre avait été posée en juin mais il faut croire qu’il n’y avait beaucoup de Limougeaud car c’est un courrier d’un habitant de Lumeau qui en informe la presse dans une lettre publiée par le Courrier du Centre le 26 juin 1873.
Le 2 décembre 1873, pour les 3 ans de la bataille, n’ayant pas pu être inauguré le monument est bénit. La délégation haut viennoise n’est pas aussi importante que l’espéraient les organisateurs. Ils espéraient un train spécial de 400 à 500 personnes mais aucune famille de soldats n’a fait le déplacement, ce qui a surpris les habitants de Lumeau qui s’étaient dévoués pour secourir les soldats. Le train spécial n’a pas pu être réalisé aussi ceux qui ont voulu faire le déplacement ont du se débrouiller par eux même ( Le Courrier du centre du 29 novembre).
Le Courrier du Centre a rendu compte de la cérémonie dans son édition du 5 décembre 1873.
Une carte postale a été éditée pour cette circonstance, on ne voit pas grand monde. Je ne possède pas cette carte postale, je l’ai scannée sur un site de vente en ligne.
Le 2 décembre 1875, l’exhumation étant maintenant possible, MM. LINARD et
PERGUET se sont rendu à Lumeau pour s’acquitter de ce dernier devoir. Ce fut une dure épreuve qui dura de dix heures du matin à onze heures du soir au milieu de la neige qui ne cessa de tomber. Soixante-huit Mobiles furent finalement extraits du sol avec leurs armes et leur équipement. Le transport des corps dans le caveau qui leur était destiné fut difficile et éprouvant pour ceux qui en furent chargés.
Plusieurs cartes postales ont été éditées, certaines avec l’indication de Lumeau, d’autres, plus nombreuses de Loigny la Bataille.
Le 16 décembre 1900 douze anciens combattants de la bataille de Lumeau membres d’un comité de Limoges se rendirent à Lumeau avec leur président, le Comte de Couronnel pour saluer la mémoire de leurs camarades tombés au combat. Avec le temps ce monument a été oublié, ceux construits après la guerre de 1914-1918 ont pris sa place. Il s’est dégradé mais des sursauts de mémoire ont permis qu’il soit rénové et aujourd’hui il s’élève toujours, bien visible sur le bord de la route sur cette vaste plaine de la Beauce.
dans son rapport sur le 71e Mobile pendant la guerre, le lieutenant colonel PINELLI évalue à 641 sous-officiers et soldats tués pendant les combats .
Le Gouvernement de la Défense nationale qui a poursuivit la guerre après l’avènement de la IIIe République, le 4 septembre 1870, n’a pas pu résister à l’ennemi. Les armées allemandes assiègent Paris à partir du 20 septembre 1870. Une partie de la France est occupée. Le 18 janvier, dans la galerie des Glaces du château de Versailles, le chancelier BISMARCK proclame l’unité de Reich allemand avec GUILLAUME 1er de Prusse comme empereur.
BISMARCK est au centre en uniforme blanc.
Le gouvernement français décide de capituler et de signer un armistice le 28 janvier 1871. Un mois plus tard, le 26 février, des préliminaires de paix sont signés à Versailles. Ce traité prévoit que l’Alsace-Moselle intègre l’Empire allemand et que les soldats allemands entrent dans Paris. Ils le feront du 1er au 3 mars 1871.
Après la signature du traité de Francfort le 10 mai 1871, les 15 département les plus a l’ouest sont évacués. Les autres le seront au fur et à mesure du versement des indemnités. Les derniers seront libérés en septembre 1873, l’Alsace et la Moselle étant annexés.
A Nexon on compte 5 morts mais aucun d’entre eux est mort au combat. Un est mort des suites de blessures reçue au combat du 30 aout, le soldat FENEROL du 68e de ligne, le garde mobile du 71e François VINOLLE, né à Flavignac mais habitant Nexon est mort à l’hôpital d’Issoudun le 16 novembre, donc avant les combats de Lumeau; deux sont morts en captivité, le soldat Pierre LONGEQUEUE du 68e de ligne et le caporal Léonard PERRIER du 65e de ligne, et un est mort de la variole le 15 fevrier 1871 à l’hôpital de Châteauroux, le garde mobile Pierre DEBORD. Il n’y a donc aucun nexonnais à Lumeau. Aucun de ces soldats n’a eu droit à la mention « Mort pour la France ».
Le registre des décès de Nexon compte un autre mort, Jean PATAUD, soldat au 100e régiment de ligne, né le 24 novembre 1850 à Nexon, est mort à au service des hôpitaux militaires à Périgueux, le 18 novembre 1870 des suites de la variole.
Un autre décès figure à l’Etat Civil de Nexon mais il s’agit d’un inconnu ! Il s’agit d’un inconnu qui a frappé chez M. LACORRE au Plantadis qui a déclaré être garde national . Il lui a donné l’hospitalité et le lendemain matin il l’a trouvé mort. Ce brave garçon a été enterré sans difficultés ce qui nous étonnerait aujourd’hui…
La variole sévissait en France depuis 1869 mais les foyers étaient très localisés et ce sont les gardes mobiles qui ont été les vecteurs de la maladie. Le docteur Lemaistre, médecin à Limoges l’explique dans un rapport » Nous étions évidemment sous l’influence de l’épidémie variolique dès les premiers mois de 1870 ; mais la maladie était encore très modérée. Tout à coup la guerre éclate : immédiatement, concentration de troupes, accumulation de militaires et dans les casernes et à l’hôpital, où existaient déjà quelques cas de variole. Dès lors, création de grands foyers d’infection, qu’on aurait pu, en temps ordinaire, limiter jusqu’à un certain point, mais que la levée des mobiles ne fit qu’augmenter. Cela se comprend facilement quand on songe aux relations incessantes qui s’établirent entre les mobiles et leurs parents : ceux-ci vinrent accompagner leurs enfants, pénétrèrent dans les casernes, l’hôpital, les infirmeries diverses. Par ailleurs, les mobiles eurent des congés pour aller voir leurs parents ; souvent même on les leur envoya en convalescence, et quelquefois non complétement guéris de la variole ». (Lemaistre P., Rapport sur une épidémie de variole qui a régné en 1870 et en 1871 dans la commune de Limoges et tout le département de la Haute-Vienne, Limoges, 1873). La propagation en Allemagne a été le fait des prisonniers. Sur cette question on peut lire l’article de Gérard JORLAND, « La variole et la guerre de 1870 » dans Les Tribunes de la santé 2011/4 (n° 33), pages 25 à 30.
Le dernier vétéran de cette guerre, vivant dans le Sud de la France avait été facteur à Nexon. Julien PÉGOURIÉ qui était né le 4 décembre 1849 à Livernon (Lot) de parents agriculteurs est mobilisé dans les chasseurs, à Montauban en juillet 1870. Il est fait prisonnier lors de la bataille du Mans, à Parigné-l’Evêque le 10 janvier 1871. Avec ses camarades, il est emmené à Berlin ou il arrive le 31 janvier 1871 dans le froid et la neige. Il est interné à Stettin, un peu plus au nord de Berlin. Après plusieurs mois de captivité, la guerre finie, il peut enfin rejoindre la France en bateau depuis Hambourg jusqu’à Cherbourg.
Julien PEGOURIE entre aux PTT comme facteur le 1er décembre 1872. Il est d’abord affecté à Nexon puis il est muté à Limoges. Il part en retraite le 1er décembre 1909. Il décède à 102 ans le 13 avril 1952.
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