Journal de Thérèse de Nexon du 12 juin au 3 septembre 1944

I – Le mois de juin 1944

Thérèse de Nexon est née le 1er octobre 1890 au chateau de la Chevrière près d’Azay le Rideau (Indre et Loire) que son père, Auguste de NEXON louait. Il s’était marié avec Gertrude HAINGUERLOT dont les parents possédaient le domaine de Villandry. Ils eurent deux enfants, MAURICE (1884 – 1967) et Alice ( 1885 – 1970). Son épouse décéda en 1886 alors qu’elle n’avait que 26 ans.

Auguste de NEXON épousa en seconde noces, Gertrude RICARDO, une amie de son épouse. De ce mariage vont naitre six enfants. Thérèse est la première. Suivront Robert (1892- 1967), Jeanne (1895 -1973), Georges (1900 – 1973), Marguerite (1901 – 1926) et Claire (1903 -2000). Désireux de posseder son chateau, Auguste décide de faire construire le chateau de la Garde à Nexon. Georges est le premier à naitre à la Garde.

En 1944, Thérèse qui a 54 ans est célibataire. Ele est infirmière à Limoges. Elle est souvent à  la Garde. Sa mère est décédée en 1941 et c’est son frère Georges qui est l’héritier du château. Il est marié depuis 1927 avec Anne Cesbron Lavau et ils ont quatre enfants : Ferréol, Marie Amélie, Philippe et Anne.

Il n’y a plus les grandes tablées du début de siècle, ni les nombreux domestiques. L’année 1944 est difficile. L’armée Allemande a perdu de sa puissance, les Alliés ont débarqué ejn Normadie le 6 juin, les Russes progresses sur le front de l’EST et la Résistance est de plus en plus forte.

Le Journal de Thérèse montre la vie d’une famille très liée pendant cette période dont les différents évènements sont relatés.

Début du Journal

Dimanche 12 juin 1944

Séparée de mes sœurs, de Robert, de la plupart de mes neveux et nièces, sans pouvoir communiquer avec eux au cours des événements actuels, j’ai eu la pensée de tenir une sorte de journal, où je consignerai les événements au jour le jour, et qui pourra les intéresser lorsque nous aurons le bonheur d’être de nouveau réunis. J’ai donc pris ce cahier à couverture verte, couleur d’espérance ! L’espérance de nous retrouver tous sains et saufs, et je souhaite de tout cœur n’avoir pas à le remplir jusqu’au bout…

Ce même Vendredi, j’ai pu aller à Limoges comme d’habitude. Il y avait beaucoup de troupes dans la ville et on voyait circuler des blindés. Ce même jour a paru une ordonnance défendant à toutes autos de circuler, sauf des voitures pour le ravitaillement et le service médical en ville mais pas à la campagne. A partir du Samedi 10, couvre-feu de 21 heures à 6 heures. Malheur aux gens qui auront besoin d’aller à Limoges pour une opération… Le téléphone rural est supprimé depuis le jour du débarquement. Le télégraphe, supprimé aussi.

Samedi soir, tard dans la nuit, nous avons entendu un grand tumulte au camp qui a duré environ une heure. Nous avons su le lendemain qu’une cinquantaine de détenus s’étaient évadés. C’était un coup monté, à l’instigation et sous les ordres, dit-on, d’un capitaine de gendarmerie interne au camp, qui avait déjà été un an à Evaux-les-Bains. A un signal donné, les conjurés (qui étaient, paraît-il, en possession de grenades) se sont jetés sur les gardes, les ont désarmés, et ont pris la clef des champs (il paraît qu’un camion attendait certains d’entre eux ?), non sans avoir emporté les dossiers et les cartes d’alimentation. Naturellement, il y a eu à la suite de cette histoire une enquête de la police (Milice) ; c’est le chef de camp, M. D’Armancourt (qui n’était pas au camp puisqu’il couchait chez lui à Champagnac), qui paraît devoir être le bouc émissaire car il a été emmené à Limoges hier soir. Sa femme est venue toute triste nous conter cela ce matin, nous l’avons consolée de notre mieux.

Hier soir, la Radio Suisse a annoncé que « les points stratégiques de Toulouse, Limoges et Tarbes étaient aux mains des partisans ». Si ce n’est pas plus vrai pour les 2 autres villes que pour Limoges ! …

On raconte dans le pays que Tulle, Brive et Guéret sont aux mains du « maquis », mais que les Allemands réagissent fortement.

Peu de trains partent de Limoges et la plupart ne vont pas loin. Sur la ligne de Périgueux on ne dépasse par Bussière-Galant. Sur celle de St Yrieix, on s’arrête à Varetz. La ligne de Brive s’arrête à Saint Germain les Belles.

Ce matin, les journaux de Limoges n’ont pas paru, ou du moins ne nous sont pas parvenus, mais j’ai reçu la « Croix » qui est imprimée à Limoges et paraît le soir.

Depuis avant-hier nous sommes, avec quelques autres départements, sous l’administration allemande. Hier, les blindés allemands ont circulé dans Nexon et aux alentours, ils ont fait quelques inquisitions puis sont repartis. Ils avaient établi des barrages où on arrêtait les gens, j’étais partie pour aller à Vêpres mais n’ai pu passer. Actuellement, Nexon est gardé par des hommes de la Garde à cheval, ils ont établi des « chicanes” pour empêcher les voitures de passer, aux deux extrémités du bourg.

(Ci-après commentaire rajouté par Mme. Alice Vigneron sur les événements du 11 Juin :

« Permettez-moi, chère Mademoiselle, de compléter votre récit de ce dimanche 11 Juin 1944 et, en même temps, de vous expliquer pourquoi un barrage allemand vous a empêchée d’assister aux Vêpres.

Le samedi 11 Juin, vers 21 heures, avec des voisins, nous sommes montés aux Rochilles car, dans la journée, il nous avait été signalé qu’un monstrueux incendie s’apercevait de cet endroit, c’était malheureusement vrai ! une énorme fumée s’élevait en direction du nord-ouest. Ce n’est que dans la semaine suivante que nous avons appris l’horrible massacre d’Oradour-sur-Glane.

Or, ce même samedi, vous relatez, Mademoiselle, les évasions du camp, votre voisin. Et il va se passer le déroulement suivant cette affaire : la milicienne Marcelle F…, habitante du bourg, téléphone à la Kommandantur de Limoges pour la mettre au courant. Et le dimanche après-midi, les Allemands se dirigent sur Nexon pour faire subir, par vengeance, à cette localité le même sort qu’à Oradour-sur-Glane. Or, ce dimanche-là, ne l’oublions pas, avaient lieu a l’église, les Vêpres de la Communion Solennelle. La cohorte ennemie, arrivée à la Plaine, obligeait Mr. Léon Bragard de marcher à pied, jusqu’à Nexon pour servir d’orage et ne pouvoir avertir quiconque (cet homme, plus très jeune, se ressentira hélas ! de cette fatigue). Arrivés au bourg, les soldats laissaient emplir l’église mais bloquaient toutes les issues, les rues, les ruelles, les impasses : M. Estier, le père de Mme Duroux, voulant s’enfuir vers son pré, fut ramené à sa demeure avec un fusil dans le dos ; Jean Guyot voulant, avec son enfant, franchir le ”sautadou » du pré de La Planche fut menace d’être fusillé.

Avec mon père, mon mari et ma fille nous étions tranquillement installés, dans une pièce au sous-sol pour écouter la radio sans imaginer ce qui se passait au dehors. Or précisément dans ma rue, un allemand frappait à notre porte. Bobette notre Ténériffe aboyait, mais nous pensions que c’était des gamins qui faisaient ce bruit et toujours, à cause de la radio, nous ignorions l’affolement général, les coups de feu tirés en l’air et sur les trottoirs.

Comme vous l’avez écrit, Mademoiselle Thérèse, Nexon était sous la surveillance d’une quarantaine, je crois, de soldats à cheval. Le Commandant de cette Garde, cantonnée à côté du groupe scolaire des Rochilles, vient aborder l’officier supérieur allemand et lui dit :  » Si vous voulez la guerre, nous allons combattre ; vous avez 150 hommes, moi, j’en ai 300 ! « 

Et voilà comment un officier français, dont j’ignore le nom, a chassé l’ennemi et sauvé toute la population et toutes les demeures de Nexon.

Cela méritait que je vous le dise. « 

Mardi 13 Juin 1944

Aujourd’hui le ménage Soucy est venu déjeuner. Il y avait eu un malentendu et nous ne les attendions que pour goûter, mais nous avons été bien contents de les voir. Nous avons eu, en plus, pour goûter Mme. de Lesterps venue parle train et repartie à bicyclette, les La Giclais et Yvonne Morterol. Naturellement, on ne parle guère que des événements, peut-être y-a-t-il moins de divergences de vues qu’auparavant, et on ne se hasarde pas trop à prophétiser !

Ce matin j’ai reçu un coup de téléphone de la Croix-Rouge, on me demandait d’aller à Saint Yrieix où on installe un chirurgien en permanence pour les gens qui ne peuvent plus aller se faire opérer à Limoges. J’avais accepté, mais cet après-midi, contre ordre. Le chirurgien pense qu’il n’aura pas assez de travail pour nécessiter ma présence et on fera appel à moi en cas de nécessité seulement

Nous avons eu d’assez bonnes nouvelles de Mr. d’Armancourt, il est interné dans une caserne à Limoges et on espère qu’il n’aura pas trop d’ennuis. Ferréol s’entend très bien avec Jeannine d’Armancourt qui a 17 ans et qui est ravie de trouver quelqu’un ayant à peu près son âge. Ils sont allés à l’étang ensemble et ont fait du bateau.

Ce matin nous avons eu le « Courrier » d’hier, j’ai aussi reçu une lettre (insignifiante) de Paris datée du 5 et portant le timbre de Drancy le 8. Reçu aussi un journal des 6. 7. et 8, venant de Lyon. Donc le courrier passe un peu, peut-être finirons-nous par avoir des nouvelles des uns ou des autres ?

Nous avons 2 sections de G.M.R. venus pour la garde du camp qui logent dans le garage et dans le grenier de l’écurie. Ils sont du Dauphiné et semblent de braves gens. Ils intéressent beaucoup Anne qui ne les appelle que les « Français ».

Jeudi 15 Juin 1944

Géo et Anne-Renée sont allés hier à Limoges en voiture à cheval. Bien leur en a pris, car il n’y avait pas de train pour revenir le soir. A Limoges, on ne parlait que de l’horrible catastrophe d’Oradour-sur- Glane : tout un village incendie, avec sa population, hommes, femmes et enfants, brûlée vive…. Quand verrons-nous la fin de ces horreurs ?

Ce matin on a vu passer deux groupes d’avions et nous avons entendu un bruit lointain de bombardement. D’après la radio de ce soir, Bordeaux et Angoulême auraient été bombardées.

Je suis allée au camp cet après-midi ; J’ai pu voir pendant quelques minutes Mme. de Falvelly qui y est internée je ne sais trop pourquoi. Je la connaissais un peu pour l’avoir rencontrée deux ou trois fois dans des mariages et des enterrements, c’est une aimable originale, mais elle me fait vraiment pitié car elle a été arrêtée avec simplement un petit sac à main et n’a rien, c’est dur à son âge car elle n’est pas jeune. Elle est d’ailleurs très courageuse et m’a seulement demandé de lui procurer une paire de bas, les siens étant en loques. C’est tout ce que je peux faire, car la police du camp est très sévère depuis l’évasion de l’autre nuit.

Ferréol va tous les après-midi à la Sélive où il travaille chez les Penot qui le font dîner. Il y retrouve Hubert d’Armancourt qui y est embauché.

Lundi 19 juin 1944

Je viens de passer 3 jours à Limoges : partie Vendredi, je comptais rentrer ici Samedi, mais, arrivée à la gare à 14 heures … point de train, ni ce soir-là, ni le lendemain. Force me fut de rester à Limoges jusqu’à ce matin.

Vendredi soir je suis allée à la cérémonie qui avait lieu à la Cathédrale pour la fête du Sacré-Cœur. Il y avait beaucoup de monde, et j’étais avec le groupe de l’U.C.S.S. (Union catholique des services de santé) à qui on avait réservé une chapelle latérale. Mgr. Rastouil a consacré son diocèse au Sacré-Cœur, et a dirigé les chants et les acclamations et incantations pendant la procession. Chacun priait avec ferveur pour soi, pour notre malheureux pays, et il y avait des larmes dans tous les yeux. Monseigneur a aussi brièvement évoqué la tragédie d’Oradour-sur-Glane, qui est le sujet de toutes les conversations, et a fait prier pour les victimes. Samedi matin, je suis allée à l’inauguration de la Croix-Rouge à l’Hôtel de Ville. Il y avait là toutes les autorités : Préfet régional, préfet délégué, maire, etc. mais l’atmosphère est lourde…On construit des fortins à tous les carrefours, cela donne à la ville un aspect sinistre.

La Croix-Rouge m’a demandé d’aller à Magnac-Laval pour relever 2 infirmières qui y sont allées en « équipe chirurgicale“. Mais comme Annie Gérard qui revient de l’hôpital de St. Junien n’y a rien fait du tout, je n’ai pas envie de faire un voyage inutile à Magnac, au risque d’être bloquée dans le Nord du département, ce qui est d’ailleurs peut-être arrivé aux infirmières en question dont on est sans nouvelles.

Dans la nuit de Samedi à Dimanche, j’ai été réveillée par un grand tintamarre de camions qui avançaient, reculaient, tournaient sous ma fenêtre, vers 4 heures du matin. Le lendemain matin, j’ai appris qu’on avait décidé de fermer le camp de Nexon et qu’on l’avait transporté avec armes et bagages, au Cirque Municipal qui est en face de chez moi, pendant la nuit.

Au cours de ma journée dominicale, j’ai déjeuné chez les Jabet, et dîné avec Mme. d’Elloy. Celle-ci m’a beaucoup parlé d’un sien cousin qui est dans la Milice, et comme je discutais un peu avec elle, à ce sujet, elle me disait : ” Ah ! comme je voudrais vous faire rencontrer mon cousin I » Après dîner, comme elle me raccompagnait chez moi, nous avons rencontré ledit cousin qui a fait quelques pas avec nous. J’en ai profité pour lui parler de Mme. de F. Il paraît qu’elle se serait mise dans un mauvais cas en favorisant des parachutistes. J’ai demandé au moins quelques adoucissements à sa captivité, j’espère les avoir obtenus.

Nous avons à présent le couvre-feu de 9 heures du soir à 6 heures. Aussi, à Limoges, à 9 heures, les rues se vident et le silence se fait comme par enchantement. Ce matin, je suis sortie à 6 heures pour aller prendre mon train de 6 h 30…lequel est parti à 7 h 40. J’ai eu la surprise d’avoir comme compagnon de voyage le P. de Dainville, notre cousin, qui venait de Ste. Foy la Grande (Gironde). Pour revenir, il avait fait 23 kilomètres à pied, passant la Dordogne en barque parce qu’on avait fait sauter les ponts, pour aller prendre le train à Bergerac. De Périgueux, il est allé à Coutras, d’où il n’a pu aller plus loin parce que la gare d’Angoulême était bombardée. Il est donc revenu à Périgueux, puis a pu aller à Brive d’où il est venu à Limoges après un transbordement à Saint Germain les Belles. Il m’a raconté des histoires sur la proclamation à Ste. Foy la Grande de la 4ème République…laquelle s’est évanouie à l’annonce de l’approche des Allemands. Mais on avait fait sauter les ponts et les voies autour de la ville, qui commençait à manquer de ravitaillement

En arrivant ici, j’ai trouvé une lettre de Claire qui m’a un peu rassurée, bien que d’après ce que je comprends, la vie soit peu agréable à Chabanais en ce moment. Une lettre aussi de Marie-Amélie qui se dispose à passer ses vacances au pensionnat, car les religieuses, avec raison, ne veulent laisser partir leurs élèves que si les parents viennent les chercher. Pas de nouvelles de Paris ni de Toulouse.

Vendredi 23 Juin 1944

Les lettres commencent à arriver de divers côtés ; la SNCF et les PTT font des prodiges : alors, un beau jour, toutes les lettres d’une même région apparaissent. Hier, Anne-Renée a reçu des nouvelles de sa mère, lui envoyant une lettre d’Odette, du 21 Avril, adressée à Jehannette sa cousine. A cette date, il semble qu’Henry faisait encore l’instruction des jeunes. Maurice a reçu une lettre de Robert du 15. Il paraît que le ravitaillement de Paris qui se faisait beaucoup par la Normandie et la Bretagne, est naturellement très déficient. Bernard qui a terminé ses examens n’a pas pu partir, ni Elsie. Robert qui a quelques provisions les en fera profiter. Il annonce la mort de Georges du Breuil tué par un bombardement sur la route en allant au haras du Pin, région très bombardée. Le pauvre garçon avait été très grièvement blessé pendant la guerre.

Ce matin, courrier de la région de Toulouse. Lettre de Jeanne, partie le 12, cela fait bien plaisir quand-même. Elle est inquiète de Bernard et aussi de Gertrude qui reste à Bordeaux pour le moment. Deux lettres de Philippe, d’avant le débarquement.

Nous n’avons presque plus de trains avec Limoges, et on peut rarement y aller et revenir le même jour. Il y a tous les jours un train vers 11 heures, et certains jours à 19 heures. Pour revenir, un train à 6 h 30 et un autre à 9 heures. A Limoges, des tas de mesures restreignent la circulation, je suis contente de n’avoir pas besoin d’y aller cette semaine.

Nous avons, pour un mois ? un Mr. Pellereau, professeur de mathématiques, qui vient pour faire travailler Ferréol. Malheureusement celui-ci est souffrant, il a dû prendre froid en travaillant à la Sélive.

Il n’y a plus à Nexon ni gardes, ni gendarmes, ni police d’aucune sorte. Le couvre-feu est maintenant de 22 h 30 à 5 h 30.

Lundi 26 juin 1944

Dans la nuit de Vendredi à Samedi, on a entendu un bruit assez rapproché (pas moi, je dormais profondément), et le lendemain matin, nous avons appris que Limoges avait été bombardé. J’ai eu des détails par Mlle. Lavisse qui y était. Les bombes ont été jetées sur la gare de Puy-Imbert (où il y avait, paraît-il, un train de poudre ?) et sur l’Arsenal. Une maison a été incendiée – par une fusée croit-on – du côté de la place Jourdan. Il y a peu de victimes, on parle de 6 morts et quelques blessés. Les flammes et les fusées éclairent comme en plein jour. Mlle. L. s’est réfugiée dans une des tranchées du Champ de Juillet, la nuit était froide et il y avait des enfants grelottants, mais impossible de sortir des tranchées avant la fin de l’alerte, sous peine de recevoir des coups de fusil.

Samedi, Jacques de la Bastide est venu déjeuner. Il voit beaucoup de gens divers et sait toujours beaucoup de choses. Il nous a dit que Régine de Tristan avait reçu 6 fois des visites de pillards, qui emportent chaque fois quelque chose. Une fois, c’était 14 couvertures. Une autre fois, Jacques y était avec sa femme et on a mangé le déjeuner qui était préparé pour eux, avec quelques autres provisions.

Jacques reste optimiste pour l’avenir malgré les divisions de notre pauvre pays. Il dit qu’il faudra bien « que les morceaux se recollent un jour ».

Le Père Moureu qui arrivait de Limoges, a aussi déjeuné avec nous. Il continue à Limoges son apostolat d’aumônier du camp de Nexon, dont les pensionnaires sont maintenant à la caserne du Séminaire, où ils sont beaucoup moins bien qu’ici. Mr. d’Armancourt est toujours interné.

Hier Dimanche, comme nous sortions de la Messe vers 8 h 30, nous avons vu passer au-dessus de nous plus de 400 avions en vagues successives, se dirigeant vers le Sud…Nous avons su ensuite par la Radio qu’Avignon, Arles, Toulouse, Sète et quelques petites localités ont été bombardées. La veille, Versailles a reçu un violent bombardement, on parle de 225 morts. Nous attendons avec impatience des nouvelles de Mme. Cesbron Lavau.

Samedi, on a vu un camion contenant 6 hommes armés du “maquis” traverser Nexon. C’est, je crois, la 1ère fois qu’on les y voit en plein jour.

Nous avons appris ce matin qu’un des avions passés hier matin s’était décharge d’un chapelet de bombes à une dizaine de kilomètres d’ici : près d’un petit village appelé Freyssinet[1]. Chose curieuse, cela n’a pas fait beaucoup de bruit ici. Fort heureusement, les bombes sont tombées dans un pré qui est profondément labouré et dans un étang, et n’ont fait de mal à personne.

A Limoges, il y avait des bombes à retardement que nous avons entendu exploser jusque dans l’après-midi (et plusieurs jours après).


[1] Commune de saint Priest Ligoure

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