Terminons les courriers adressés à Annelies par des artistes reconnus.
3- Les sculpteurs, peintres…
Marc CHAGALL est un peintre et graveur né le 7 juillet 1887 en Biélorussie (alors Empire russe), naturalisé français en 1937 et mort le 28 mars 1985 à Saint-Paul-de-Vence où il est enterré. Outre la peinture et la gravure il a réalisé de la sculpture et de la céramique…
Parti aux Etats-Unis pendant la Deuxième guerre mondiale afin d’échaper aux arrestations de Juifs il rentre en France en 1948 et s’installe à Vence. Il y rencontre Annelise et son mari, Vincent de CROZALS.
En 1951 CHAGALL lui adresse une carte postale qui reproduit une de ses oeuvres.
Cette année 1951 ils sont photographiés chez CHAGALL et il leur dédicace un ouvrage qui lui est consacré.
Annelies et son mari Vincent étaient amis avec Henri LAURENS, sculpteur, peintre, dessinateur… Il était né le 18 février 1885 à Paris où il est mort le 5 mai 1954 alors qu’il n’avait que 59 ans. Il avait été amputé d’une jambe en 1909 à la suite de la tuberculose. Très grand sculpteur il a travaillé avec Vincent de CROZALS.
Une photo les montre ensemble en 1951.
Une lettre d’Henri est adressée au couple le 16 fevrier 1954, moins de trois mois avant son décès.
Après le décès de son mari, Marthe LAURENS entreprend d’écrire sa biogaraphie. Vincent CAZALS lui confie des photos. Marthe leur écrit pour leur donner des nouvelles et parle des photos qu’elle voudrait integrer dans la biographie de son mari. Les lettres qu’elle écrit ne sont pas datées mais son postérieures au décès de son mari.
Une dernière lettre figure dans la donation, celle d’Henry MOORE (1898-1986), célèbre sculpteur britannique.
Je terminerai cette serie consacrée à Annelies par les documents qu’elle a donné à Nexon.
Après les lettres de MATISSE le leg comportait des lettres de DUBUFFET.
Jean DUBUFET ( 1901-1985) est né dans une famille aisée de négociants en vin du Havre. Après son Bac, peu attiré par les études, il se disperse entre la littérature, la musique et les voyages tout en revenant travailler avec son père. Ce n’est qu’au cours de la Deuxième Guerre Mondiale qu’il décide de se consacrer totalement à la peinture. Il manifeste une volonté « anti-culturelle » et qualifie ses oeuvres d' »Art brut ». Il acquiert une certaine notoriété et en 1955 il part s’installer à Vence. C’est là qu’il va se lier d’amitié avec Annelies et son mari.
Dans les lettres qui s’échelonnent de 1967 à 1976 on remarque l’évolution de DUBUFFET vers la sculpture, les oeuvres volumineuses et aussi son mauvais caractère. On note aussi la séparation d’Annelies avec Vincent de CROZALS puis sa rencontre avec Andrée SABKOWSKI
2 – Les lettres de Jean DUBUFFET
La première lettre donne le ton ! DUBUFFET l’invite à continuer à peindre sans s’interdire quoi que ce soit…
La date de la lettre suivante n’est pas précise, 1957 ou 1958 . Elle montre qu’il a visité le galeriste qui expose Annelies. Et il annonce sa visite avec son épouse…
La lettre suivante est adressée à Vincent de CROZALS qui lui a offert une statuette ce qui incite DUBUFFET à se lancer dans la sculpture. Il lui demande comment le voyage à Paris de son épouse c’est passé.
Une lettre pour souhaiter une bonne année …
Cette lettre est illustrée d’un dessin caractéristique de l’évolution de DUBUFFET avec ses travaux sur « L’Hourloupe » commencés en 1962, ensemble d’huiles sur toile, de dessins, d’assemblages, de sculptures, de constructions, avec trois couleurs et des rayures : rouge, bleu et blanc. Ici il n’y a pas de bleu mais du vert, sans doute parce qu’il n’avait pas de stylo bleu sous la main…
Le lendemain une invitation à diner pour le couple…
L’épouse de DUBUFFET est dépréssive et il ne supporte pas cette situation.
Lettre non datée mais de 1966 ou 1967 dans laquelle il explique qu’il a mauvais caractère , qu’il est un « notoire mauvais-coucheur ». Il passe presque tout son temps dans son atelier « absorbé à chercher mon chemin dans le labyrinthe de L’Hourloupe ».
Annelies n’est pas séparée de Vincent mais il fréquente Hannelore qu’il épousera en 1972. Lili ( Emilie CARLU) l’épouse de DUBUFFET est toujours souffrante tandis qu’il est très occupé par les problèmes techniques que posent ses créations…
En 1969 DUBUFFET va moins souvent à Vence car, pour sa santé, son épouse a besoin de vivre près de Tubersent dans la Pas de Calais ou elle est née, près des plages du Touquet à quelques kilomètres.
Annelies est seule et DUBBUFET lui dit qu’il aime la familiarité de ses lettres alors qu’il trouve le respect détestable. Une belle interrogation sur le bonheur : que veut dire « heureux » ?
DUBUFFET ne va plus à Vence, il a vendu sa villa. Annelies est avec une amie, Andrée SABKOWSKY, et DUBUFFET en est heureux.
DUBUFFET donne l’adresse à Cannes d’une artiste avec laquelle il lui conseille d’entrer en relation.
DUBUFFET lui parle de sa collection d’oeuvres « Art Brut » qui est maintenant à Lausanne, agassé par les tracasseries de l’administration française pour créer son musée à Paris. Il lui demande des nouvelles d’Andrée. Il espère qu’elle « se tire d’affaire » car l’art n’est pas très rémunérateur !
Il n’y a pas de lettres postérieures à celle-ci. les relations se sont peut-etre distendues avec DUBUFFET ?
Dans un chapitre précédent j’ai montré comment Annelise NELCK avait servi de modèle à MATISSE. En 1945, la guerre terminée MATISSE passe beaucoup de temps à Paris pour les expositions qui reprennent. Annelises n’est plus modèle mais devient artiste.
Elle a fait voir ses dessins à MATISSE qui lui expliqué ce qu’il fallait qu’elle travaille. Il lui en a montré les défauts mais il a perçu ses capacités et il lui a donné des conseils. « Cherchez les directions : c’est l’orientation, l’élan des lignes et des formes qui entrainent l’esprit dans un sens plutôt que dans un autre ». Elle choisi les plantes pour commencer à mettre en pratique ses conseils. Elle a compris que dans un dessin il fallait se mettre à la place du spectateur et lui transmettre un message. Et sans cesse il corrigeait et elle gommait tandis qu’il répétait » Il n’y a pas d’excuses dans le travail ».
Après le dessin elle passe à la couleur. Elle appris comment « faire chanter les gris, les rendre chauds ou froids par une pointe de couleur pure, exalter les les contrastes… »
Lorsqu’elle gagna le prix dans une exposition « Jeunes Peintres Méditerranéens » Matisse lui remis une enveloppe contenant un billet sur laquelle étaient dessinés trois verres à pieds encadrés par ces mots » Pour arroser le prix ».
C’est en fréquentant les artistes de la galerie qu’ elle rencontra Vincent de CROZALS. Elle le présenta à MATISSE et plus tard il lui demanda de poser pour lui servir de modèle pour le Christ de la chapelle du rosaire à Vence.
Elle épouse Vincent de CROZALS en 1947. Ils resteront mariés pendant 20 ans. Tandis qu’elle peint sous le nom d’ANATOLE son mari s’oriente vers la sculpture.
Après une période de sculptures en terre cuite et en bois, Crozals crée des sculptures en aluminium ainsi qu’en fer forgé galvanisé qui suscitent un grand intérêt.
Jean Vincent de Crozals est engagé par Marc CHAGALL de 1950 à 1951 à Vence pour la réalisation de divers travaux de céramiques, puis il travaillera avec Jean DUBUFFET. Il acquiert une plus grande notoriété que son épouse.
Annelies NELCK resta en contact avec Henri MATISSE jusqu’à sa mort en 1953. Elle lui rendait visite régulièrement à l’hôtel Régina de Nice. Elle sera également toujours en contact avec Lydia DELECTORSKAYA, sa secrétaire russe et surtout confidente de MATISSE.
Après son divorce d’avec Annelies, de CROZALs s’installe en Allemagne en 1974 tout en gardant sa maison à Vence où il décédera en 2009.
La carrière artistique d’ANATOLE n’a pas été rectiligne. Après la mort de MATISSE son style change et elle essaye divers techniques. Elle fait du vitrail, de la poterie, de la tapisserie puis de la scrulpture . Elle expose régulièrement avec Jean DUBUFFET dont elle est devenue l’assistante, Henri LAURENS et Pierre BONNARD.
A Vence elle est appréciée par tous les artistes et les galeristes qui admirent sa culture, louent son exigence et sa gentillesse. Elle ne se laisse pas influencer par les modes et reste fidèle à ses principes.
Voici quelques illustrations de son talent.
Quelques dessins à l’encre de chine sur papier en 1972:
Des peintures
L’orateur
Une tapisserie
Le moustachu
Des sculptures
Le cheval
Bunker mobile
En 2011 elle s’installe à Nexon dans la maison qu’a acquise son amie Andrée SABKOWSKY. Je parlerai plus tard des 3 années qu’elle y a passées.
Pour réaliser ces articles j’ai beaucoup utilisé « L’Olivier du rêve » l’ouvrage qu’A. NELCK a publié à compte d’auteur en 1999, difficile à trouver et souvent à des prix dissuasifs … mais en cherchant on trouve des bouquinistes qui pratiquent des prix raisonnables. Elle y raconte sa jeunesse en Hollande, son arrivée à Vence ou son père a acheté un terrain et y a installé une caravane de sa fabrication, le culot avec lequel elle a forcé la porte de la villa d’Henri MATISSE…
Annelies NELCK, puisque c’est d’elle dont il s’agit, est arrivée à Nexon avec Andrée SABKOWSKI qui avait acheté la maison du 20 avenue Victor Hugo. Annelies est décédée le 22 aout 2014 et son amie Andrée le 20 octobre 2023. Elle a fait donnation des oeuvres d’Annelies à la commune et a légué sa maison à une oeuvre.
Je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer l’une ou l’autre de ces deux femmes et je ne suis pas le seul à Nexon. Mais si des lecteurs de ce blog les ont rencontrés je serai très heureux d’en parler avec eux. J’ai lu les corresponaces léguées à commune, de nombreux articles écrits sur Anne NELCK et surtout la biographie qu’elle a écrite sur la première partie de sa vie. Ce livre, édité à compte d’auteur en 1999, raconte les premières années de sa vie, sa rencrontre avec MATISSE, l’apprentissage dont elle bénéficie à ses côtés, les rencontres qu’elle fait grace à lui, CROZALS qui deviendra son mari posait pour le Christ de la chapelle de Vence. On trouve ce livre en occasion sur Internet et un résumé illustré sur le site bibliophile Heurtebise : http://bibliophileheurtebise.com/2022/01/souvenirs-du-dernier-modele-de-matisse.un-livre-l-olivier-du-reve.html
Annelies NELCK est née à Nice le 26 juillet 1925. D’une famille très ouverte sur les arts et la culture, plutot contestatrice, elle avait un père qui passa sa vie à construire des carrosseries d’automobile préfigurant nos camping-cars. Ayant bénéficié d’un héritage il acheta un grand terrain près de Vence. En 1938 Annelies parti en Hollande dans sa famille maternelle. Elle y appris la musique dans l’école de musique de son oncle, rencontra un jeune violoncelliste et eu un fils. La guerre frappa durement les Pays Bas et Annelies rentra à Vence en 1943 ou naquis son fils Serge. Pour vivre elle faisait des dessins et des gravures mais avait du mal à les vendre. Ayant appris qu’un peintre de renom était venu à Vence, c’est avec culot qu’elle alla frapper à sa porte. D’abord éconduite elle revint et fut reçue par MATISSE à qui elle présenta ses dessins. Une amitié va naître qui dura jusqu’à la mort du Maître le 3 novembre 1954 à Nice.
I Anelies NELCK modèle de MATISSE.
Elle décrit les séances de pose d’abord pour le dessin au fusin entreposées de poses ou elle boit un thé avec la fidèle Lydiâ. Puis le passage du fusain au dessin au trait (crayon, encre de chine, plume, pinceau. Une interessante reflexion sur la question de la ressemblance du portrait à son modèle. La ressemblance n’est pas la similitude, » elle n’était pas académique, ni photographique ou caricaturale » (page 21). S’y ajoute l’expression et le cadre.
Annelies par MATISSE aout 44
La première peinture faite avec Annelies en 1944 était : Tulipes Jaunes, Fond Violet . Elle explique le lien de Matisse avec la couleur, la réalité lui « servait seulement de tremplin, après qu’il eût choisi ce qui pouvait lui etre utile » (page 29). Dans cette toile domine le contraste entre le jaune et le violet et le trait noir épais contribue à valoriser les masses de couleur en les isolant.
Le deuxième tableau est Annelies, tuliples et anémones. Ici le blanc domine et le fond bleu est éclairci par un graphisme géométrique.
Le 3eme tableau s’intitule Liseuse à la table jaune. Il se traduit dans un contraste bleu-jaune. Le trait, plus fin, efleure les formes.