A la fin de ma conférence sur les 400 ans du château de Nexon une dame est venue m’apporter une photo et m’a expliqué que c’était la prison du camp de Nexon dans laquelle elle a vécu du début de l’année 1951 à juin 1956 avec ses parents et sa sœur. Etant née en 1950 elle n’a que des souvenirs d’enfants mais avec sa sœur plus âgées de 3 ans elles ont réalisé un plan pour montrer comment elles vivaient.
Par décision du Ministre de l’Intérieur du 21 juin 1945 les camps d’internement ont été supprimés et les 98 internés qui y séjournaient encore ont été transférés au camp de Poitiers. Parmi eux il y avait 82 hommes et 16 femmes, 58 étaient condamnés pour du « marché noir », 39 pour des motifs politiques et 1 pour des faits de droit commun.
Bien que vide d’internés à partir du 18 aout le camp était encore occupé, ce qui donna lieu à une polémique ! En effet le directeur occupait toujours sont logement et il disposait de 2 chauffeurs. Du personnel s’occupait de l’entretien et du gardiennage ce qui faisait un total de 25 personnes. Pendant plus de 10 mois ces personnes s’occupaient d’un camp sans aucun interné. La presse s’est émue de cette situation, a interpellé le Ministre des Armées, Edmond MICHELET mais le camp ne relevait pas de sa compétence. Le Ministre de l’Intérieur fit la même réponse et finalement les journalistes apprirent que le camp relevait du Ministre de la Justice …
Le camp libéré de tout personnel, le Ministère n’a plus versé de loyer au propriétaire du terrain, Madame Jeanne de LAUSUN, sœur de Georges de Nexon. Des baraquements ont été vendus et une famille fut autorisée à loger dans la prison en contrepartie de l’entretien du terrain du camp.
Une première famille y a vécu de 1947 à 1951.Ces premiers occupants avaient fait percer une fenêtre dans le couloir et selon les dire du maçon ce fut avec beaucoup de difficulté car « les murs étaient très ferraillés ». Une seconde famille, les parents de Mme B.G., y sont arrivés au début de l’année 1951. Son père qui avait été prisonnier et venait d’être embauché à la SNCF, n’avait pas de moyen de locomotion et de ce fait la proximité de la gare le satisfaisait. Il s’y est installé avec son épouse et ses deux jeunes filles âgées de 4 et 1 ans. Ces premiers occupants avaient fait percer une fenêtre dans le couloir et selon les dire du maçon ce fut avec beaucoup de difficulté car « les murs étaient très ferraillés ».
« Sur la photo, à gauche, on distingue le château d’eau. Derrière, le long de la clôture avec des barbelés en hauteur, nous nous souvenons du mirador en mauvais état qui devait permettre de voir loin et notamment la gare et ses environs.
En dessous du château d’eau, une cave qui nous paraissait très grande avait été creusée sous terre. Elle pouvait contenir un important stock de nourriture. Elle était très fraîche même en été. On y accédait par un escalier. Proche de cette cave et en descendant vers la prison, un lavoir creusé à même le sol ne manquait jamais d’eau. »
Le plan du logement réalisé par Mme B.G. et sa sœur :
Un plan du camp avec la prison colorisée permet de visualiser ce qui est décrit.
« À l’époque, ne subsistaient que les baraquements de gauche délabrés, et encore pas tous. Nous n’y pénétrions que rarement, souvent à l’insu de nos parents. Ceux-ci ne voulaient pas que nous y allions, non seulement à cause de leur vétusté mais sûrement à cause des images que ces bâtiments pouvaient leur renvoyer. »
Quelques mois avant une autre personne m’a écrit pour me signaler que ses grands-parents y avaient habité pendant quelques années à partir de mai 57. Elle m’a entouré les baraques qui existaient encore quand ils y vivaient.
En 1959 Mme de LAUSUN, sœur de Georges de NEXON a obtenu l’autorisation de réaliser un lotissement sur sur le terrain ou avait été construit le camp. Ce qui restait des constructions a été démoli à l’exception du château d’eau et d’un garage qui était à l’extérieur du camp.
Le château d’eau en 2015 et en 2022.
le garage :