Si l’on connaît la grande rafle du Vel’ d’Hiv’ » des 16 et 17 juillet 1942 on oublie qu’il y en a eu avant et surtout après.
Ces rafles avaient pour but de livrer à l’Allemagne les juifs pour lesquels Hitler et ceux qui mettaient en œuvre ses idées voulaient réaliser « la solution finale ».
Le 11 juin 1942, une conférence qui réunit à Berlin tous les services des affaires juives de la Gestapo dans les pays occupés, décide de prendre des mesures rapides et efficaces pour y arriver. Pour cela la France devait livrer 100 000 Juifs des deux sexes.
- La politique anti juive du Reich et de Vichy
La législation antisémite mise en place le 27 septembre 1940 par les allemands dans la zone occupée conduit à un recensement de 170 000 juifs dont 150 000 pour l’agglomération parisienne. En zone libre le recensement exigé par le Reich et réalisé par les fonctionnaires de Vichy dénombre 140 000 personnes juives.
Depuis le 3 octobre 1940, date à laquelle la loi portant statut des Juif a été promulguée, la notion de « race juive » est proclamée et en fait des citoyens éliminés des fonctions électives et de la fonction publique. Le 4 octobre 1940, une nouvelle loi permet aux préfets de procéder à l’internement des « étrangers de race juive ». Le 7 octobre les Juifs d’Algérie, français depuis le décret Crémieux de 1870, sont déchus de leur nationalité et soumis à un régime d’exclusion. Ainsi le camp de Nexon va recevoir ses premiers internés.
En mars 1941 est créé à Vichy, le “Commissariat Général aux Questions Juives” (C.G.Q.J.), véritable ministère des affaires juives et en novembre l’“Union Générale des Israélites de France” (U.G.I.F.) rassemble en une seule organisation toutes les œuvres juives de France afin de mieux les contrôler.
En juin 1941 le statut des juifs devient plus sévère et leur interdit l’exercice des professions libérales et commerciales ainsi que les fonctions dans l’enseignement supérieur. En juillet ils sont dépossédé de toutes leurs entreprises et de leurs biens meubles et immeubles. Ils ne peuvent pratiquement plus voyager, sortir de leur domicile entre 20 heures et 6 heures, posséder une radio, une bicyclette, un téléphone. Il n’ont pas le droit d’entrer dans un jardin public, dans un théâtre, un cinéma, une piscine, des bains-douches, de changer de résidence. Leurs pièces d’identité sont marquées du tampon “Juif”. En zone occupée, à partir du 29 mai 1942, dès l’âge de 6 ans, ils doivent porter une étoile jaune avec le mot “Juif”.
2. La rafle du Vélodrome d’Hiver
Dès le 27 mars 1942, un premier convoi quitte la France pour Auschwitz suivi de quatre autres en juin emportant 4 000 hommes raflés en 1941.
Après l’accord du 11 juin 1942 à Berlin, Dannecker, représentant d’Adolf Eichmann à Paris ,qui avait proposé pour la France la déportation de 100.000 Juifs de 16 à 40 ans doit, dès le 15 juin, réviser son quota à la baisse et le réduire à 40.000 Juifs en trois mois à partir de la mi-juillet.
A partir du 16 juin, Bousquet, secrétaire général de la police du régime de Vichy sous le gouvernement de Pierre LAVAL, consent à livrer 10.000 Juifs apatrides de la zone libre. Les négociations butent sur le concours de la police française en zone occupée pour arrêter 30.000 Juifs dans cette zone, dont 22.000 dans l’agglomération parisienne et parmi eux 40 % de ressortissants français.
Le 2 juillet, Bousquet et Knochen, responsable de la Gestapo, tombent d’accord pour que les Juifs soient arrêtés uniquement par la police française, mais seuls les Juifs apatrides seront arrêtés.
Le 4 juillet, Laval entérine l’accord Bousquet-Knochen.
Le 15 juillet, Bousquet donne au préfet de police le feu vert pour la grande rafle. Il n’a pas voulu qu’elle ait lieu de 14 juillet ! Elle va être effectuée à partir du fichier juif constitué dès l’automne 1940.
Les personnes interpellées n’ont le droit de prendre qu’une couverture, un pull, une paire de chaussures et deux chemises. Les directives précisent que « les opérations doivent être effectuées avec le maximum de rapidité, sans paroles inutiles et sans aucun commentaire ».
Le 16 juillet à 4 heures du matin l’opération commence. Il y a peu de photos de la rafle elle même car elle a eu lieu dans le secret et à commencé très tôt. Par contre pour celle du 14 mai 1941 a été largement photographiée par un photographe allemand, Harry Croner, d’ une unité de la Wehrmacht chargée de l’endoctrinement, présent dans le gymnase Japy (11e arrondissement), le principal centre réquisitionné pour cette opération. A la fin de 1941, il est radié quand ses supérieurs découvrent que son père est juif. Il reprendra son métier de photographe en 1946. Les planches contacts de l’opération du 14 mai 1941 avaient disparu de la circulation jusqu’à l’automne 2020. Un brocanteur qui les avait achetées puis oubliées les montre à des spécialistes de la Shoas qui parmi elles reconnaissent une centaine de clichés de la rafle du 14 mai 1941. Entre mai 1941 et juillet 1942 il n’y a pas de différence dans la méthode, aussi j’utilise quelques cliché du 14 mai 1941 pour montrer le calme des juifs interpellés qui discutent avec les gendarmes et qui embrassent leurs femmes avant de partir pour un voyage dont ils ne reviendront pas.
Les quelques photos de la rafle du Vel d’hiv sont toutes réalisées à l’extérieur. On montre parfois une photo de l’intérieur mais elle a été réalisée à l’automne 1944, lorsqu’ y ont été enfermés des hommes et des femmes suspects de collaboration.
La seule photo connue de la rafle réalisée prise par un photojournaliste de Paris-Midi et censurée par les Allemands à l’époque est une photo d’extérieur :
L’opération conduira à l’arrestation de 13 152 Juifs : 4 115 enfants, 5 919 femmes et 3 118 hommes. Après leur arrestation, une partie d’entre eux est emmenée par autobus au camp de Drancy. L’autre partie, 8 160 personnes : 4 115 enfants, 2 916 femmes et 1 129 hommes est envoyée au Vélodrome d’Hiver où elles resteront pendant cinq jours, sans nourriture, avec un seul point d’eau et dans une chaleur étouffante … Ils rejoindront Drancy, les camps de Beaune la Rolande et Pithiviers et finalement Auschwitz.
Le vélodrome a été démoli en 1959 pour laisser place à des immeubles. Il n’y a pas de manifestations, un pan de l’histoire disparait. L’événement reste dans la conscience populaire sans image jusqu’en 1967 avec la publication du livre de Claude Lévy et Paul Tillard, le premier consacré à la rafle ( La grande rafle du Vél’ d’Hiv’ chez Robert Laffont)
3- Les rafles du 26 août 1942
Elles surviennent six semaines après celle du Vel d’Hiv et ont lieu dans toute la zone non occupée.
Elles s’inscrivent dans la lignée de l’accord du 2 juillet 1942 entre Carl Oberg, chef de la SS en France et René Bousquet, secrétaire général de la Police à Vichy.
L’accord protège les Juifs de nationalité française sur tout le territoire et les autorités de Vichy s’engagent à livrer 40 000 juifs : 10 000 Juifs étrangers de la zone libre et 30 000 de la région parisienne.
Le 5 août 1942 tous les préfets régionaux reçoivent une lettre confidentielle des services de René Bousquet, secrétaire général de la police, qui définit les juifs à arrêter et à transporter en zone occupée « avant le 15 septembre » : leur nationalité, leur date d’entrée sur le territoire français (1er janvier 1936), la liste des exemptés (« vieillards de plus de 60 ans », femmes « en état de grossesse », « enfants de moins de 16 ans non accompagnés », entre autres).
Le 10 août, le préfet Lemoine tient dans son cabinet de Limoges une conférence où il fait part des mesures envisagées prochainement par le gouvernement à l’égard de certaines catégories d’Israélites. Dans un courrier qu’il adresse aux préfets, il rappelle les dispositions prises : Pour effectuer le ramassage, le groupement et la conduite des israélites au centre régional de Nexon (Haute-Vienne), vous pourrez faire appel au concours des divers services de police et de gendarmerie de votre département qui, sous votre autorité, seront chargés de procéder à ces opérations. En ce qui concerne les groupes mobiles de réserve, je vous serais obligé de bien vouloir me faire connaître, dès que possible, le nombre de gardiens qui vous seraient nécessaires pour effectuer les opérations précitées. En effet je dois maintenir dans chaque groupe mobile un effectif de réserve destiné, le cas échéant, à assurer le maintien de l’ordre public. …
Pour le département de la Haute-Vienne le préfet adresse ses instructions détaillées aux services de police et de gendarmerie :
À l’issue de la conférence du 10 août 1942, le préfet Lemoine a remis une note résumant les instructions données par le contrôleur général de la Police nationale dans laquelle il est précisé que les israélites doivent être assemblés dans un camp régional d’où l’on fera partir un train complet.
Le camp de Nexon, après transfert des internés qui y séjournent vers le camp de Saint-Paul-d’Eyjeaux, a été désigné comme camp régional avec une capacité de 800 personnes au maximum. Il est prévu des camps primitifs où pourront être acheminés les israélites le jour du ramassage. En Haute-Vienne, il est envisagé de créer un centre provisoire à Saint-Germain-Les-Belles où pourront être logées environ 300 personnes. Mais compte tenu du nombre des personnes interpellées il ne sera pas utilisé. Les départements de la région doivent étudier la possibilité d’organiser un centre, notamment en Corrèze, en Dordogne et dans l’Indre, pour procéder à des décentralisations dans chaque département. Les israélites groupés dans ces centres seront ensuite dirigés vers Nexon au fur et à mesure des départs.
Dès que les listes seront prêtes, les services de police et de gendarmerie devront procéder à une prospection discrète pour s’assurer si les intéressés sont bien toujours domiciliés à l’endroit désigné.
Les embarquements pour la zone occupée se feront de nuit. Un service d’ordre de surveillance accompagnera les convois. Pour le moment il est prévu que les trains de départ seront dirigés vers Chalon-sur-Saône. Un service d’ordre important devra assister à l’embarquement. Dans chaque gare se trouvant sur le trajet, il sera placé un service discret susceptible d’être immédiatement renforcé. Dans les dernières gares avant la ligne de démarcation, la surveillance devra être particulièrement stricte.
Le 19 août 1942, un télégramme du préfet régional annonce la date de l’opération : « Vous informe que mesures d’arrestations et regroupements prévus par dépêche du 5 août auront lieu mercredi 26 août, heure fixée par contrôleur Surville STOP tenir cette date rigoureusement secrète. »
A cette même date les dérogations qui étaient au nombre de 11 sont ramenées à 6. Ainsi sont exemptés les parents d’un enfant de moins de deux ans au lieu de cinq ans comme précédemment.
Le 26 août 1942, le « plan de ramassage » est déclenché sur l’ensemble de la zone non occupée. Pour la Région de Limoges, 9 préfectures ou sous préfectures vont être concernées : Loches (Indre et Loire), Châteauroux (Indre), Saint Amand Montrond (Cher), Montmorillon (Vienne), Guéret (Creuse), Confolens (Charente), Limoges (Haute-Vienne), Périgueux (Dordogne) et Tulle (Corrèze). 5 centres de pré ciblage sont retenus : le camp de Douadic dans l’Indre pour le Nord de la Région, Boussac pour la Creuse, Auchères et Egletons pour la Corrèze, Saint Pardoux la Rivière et le château du Roc, au Change en Dordogne.
La carte de Guy Perlier dans son ouvrage La Rafle aux Edition « Les Monédières » en 2012 montre les liens entre ces différentes villes et Nexon, lieu de rassemblement final.
Les recensements des juifs effectués en 1941 dénombraient 6 270 juifs étrangers dans la région. Trois départements en réunissaient 80% : La Dordogne 2 265, la Haute–Vienne 1600 et la Corrèze 1 165.
La Creuse ne comptait que 534 Juifs d’origine étrangère. C’était le département de la région qui en comptait le moins. Beaucoup sont arrivés dans ce département par hasard. Ils n’ont pas eu de grandes difficultés pour se loger et après quelques mois de présence ils se pensaient à l’abris. Pourtant ce ne fut pas le cas pour 91 d’entre eux. Parmi eux se trouvait le jeune Henri Wolff. Il fut l’un des rares à revenir vivant. Il a raconté souvent, et sur de nombreux médias, son histoire.
Henri Wolff était un jeune belge de 14 ans lorsqu’il arrive avec ses parents aux Combes, un village d’une quinzaine d’habitations sur la commune de Saint-Hilaire-le-Château. Il découvre » un havre de paix et de chaleur « . Le recensement de juin 1941 le rappelle à la réalité. » Un jour le secrétaire de mairie est venu : « Je dois recenser tous les juifs du canton et vous avez à remplir ce questionnaire ». » La mère d’Henry s’étonne : » Nous n’avons jamais dit que nous étions juifs. « . Le secrétaire de mairie : » Moi, je le sais ! Vous ne voulez pas remplir le questionnaire ? Je le ferai. » Son père est envoyé dans un Groupements de travailleurs étrangers (G.T.E.), sur le plateau de Millevaches pour extraire de la tourbe tandis que sa mère et lui travaillent à la ferme aux Combes. Tous les deux sont obligés de pointer à la gendarmerie où ils sont traités avec suspicion. Le vélo d’Henri est régulièrement inspecté, car les résistants utilisent souvent ce moyen pour convoyer leurs tracts.
Le 26 août 1942, cinq gendarmes se présentent, à quatre heures du matin, à leur domicile. Ils leur laissent un quart d’heure pour faire leurs bagages. L’un d’eux gifle Henri qui n’est pas assez rapide. Il gardera toute sa vie le souvenir de cette gifle. Ils sont d’abord regroupés à Boussac, dans une cartoucherie désaffectée puis convoyés au camp de Nexon, en fin de journée. Henri est arrivé à Nexon avec sa mère et il y retrouve son père. Il décrit le camp ainsi » Six cents à huit cents prisonniers parqués dans une douzaine de baraques, vingt-quatre latrines … soixante robinets situés sur le terre-plein du camp et trois douches. «
Henri Wolff poursuit : » Nous avons reçu aussi la visite d’un fonctionnaire de Vichy qui nous assura que nous serions convenablement traités, envoyés en Allemagne ou en Pologne et serions astreints au travail de la terre. » Il continue : » Nous sommes restés un jour et une nuit à Nexon et ce fut le départ pour Drancy. A la ligne de démarcation, nous attendait la Feldgendarmerie allemande, prenant le relais de la gendarmerie française. Une journée à Drancy et le départ vers l’enfer. Le convoi n° 26 partit le 29 août et arriva à Auschwitz le 2 septembre 1942. Le voyage dura quatre jours et trois nuits, entassés, une centaine par wagon à bestiaux. Dans un coin, deux seaux : l’un servant de tinette, l’autre contenant de l’eau. La chaleur y était infernale. Sur les » 957 juifs du convoi n° 26, 918 ont été gazés. » Parmi eux, la mère d’Henry Wolff et probablement son père. Il sera l’un des 39 survivants de ce convoi.
Au total en Creuse, 90 personnes furent arrêtées le 26 août 1942 dont une quinzaine d’enfants. Regroupées à La Souterraine, Dun, Châtelus-Malvaleix, Bonnat et Guéret, elles sont ensuite conduites vers Boussac. Lors du criblage 39 personnes n’ont pas été retenus car elles remplissaient l’une des six conditions d’exemption comme ces deux familles, avec quatre enfants, dont les pères, d’origine allemande, s’étaient engagés en septembre 1939 dans les rangs de l’armée française. De Boussac 44 personnes sont dirigés vers le camp de Nexon.
En Corrèze la rafle a été réalisée en 2 fois. D’abord dès le 18 août 1942, 59 Juifs qui appartenaient aux différents groupements de travailleurs étrangers ( 101, 405, 651,653,665,881) sont regroupés au camp d’Auchères sur la commune de Rosiers d’Egletons. Le 23 août, ils se rendent à pieds du camp à la gare d’Egletons et parcourent les 4 kms en chantant selon le Rabbin Deutsch.
De là ils rejoignent Lyon et leurs wagons seront rattachés au convoi n°5 à destination de Drancy. Le nombre des wagons n’étant pas suffisant, un convoi de 33 personnes rejoindra Nexon par la route le 27 août.
Le 26 août, dans toute la Corrèze les gendarmes doivent interpeller les Juifs étrangers recensés et les regrouper à Egletons où l’Ecole Nationale Professionnelle est transformée en camp.
Les prévisions du préfet font état de 210 noms sur liste principale et de 64 en liste complémentaire.
Mais entre les « recensés » et les « ramassés » il y a des écarts. Certains ont fui car des informations leur étaient parvenus. D’autres étaient malades et intransportables. En ajoutant les motifs d’exemptions ce sont 58 Corréziens qui sont arrivés à Nexon.
En Dordogne deux centres sont aménagés à Saint-Pardoux-la-Rivière et dans le château du Roc, au Change, ce dernier une semaine avant le début de la rafle. 329 Juifs auraient dû être arrêtés mais 242 personnes seulement le seront et après les différents criblages 174 partiront de Nexon pour Drancy et 172 seront déportées à Auschwitz.
En Haute-Vienne 102 personnes ont été arrêtées, aucune à Nexon et dans les communes du canton. En effet lors de l’enquête du 3 juin 1941 la mairie de Nexon avait déclaré qu’aucun réfugié israélite ne vivait sur la commune. Il est vrai qu’entre le 1er juin 1941 et le 26 août 1942 certains auraient pu y venir. Je pense que la présence du camp les dissuadait.
Parmi les arrestations autours de Nexon on en note 9 à Chalus : Maurice Blau, son épouse Elsa et sa sœur Bertha; un jeune russe de 25 ans, Willy Grandenz; Meyer Loschner, son épouse Sarah et leur fille Ruth; Sigmund Pommer et son épouse Sarah. Ils seront 7 à être arrêtés à Saint Yrieix, d’autres le seront à Aixe sur Vienne et dans toute la Haute-Vienne.
Parfois c’est toute une famille comme les Jonap, les parents et leurs 3 fille ou les parents Kamelgarn avec leurs 3 enfants. La plupart de ces arrestations concernent des Allemands, des Autrichiens ou des Polonais qui ont fui dès le début de la guerre. Ils sont souvent passés par la Belgique qui était neutre et sont venu en France à partir de juin 1940. Ils passaient par Paris mais ils n’y restaient pas longtemps et cherchaient à gagner la zone libre. Ils sont arrivés à Limoges ou dans sa banlieue d’où ils ont été expulsés au début de l’année 1942; Ils sont allés alors à Chalus, Oradour sur Vayres, Saint Léonard… Quelques-uns ont été pris dès leur arrivée en Haute-Vienne, soit qu’ils aient été arrêté en franchissant la ligne de démarcation avec des faux papiers, soit en arrivant en gare de Limoges où ils ont été dénoncés par un contrôleur.
Au total 680 personnes ont été amenées au camp de Nexon les 27 et 28 août 1942. Leurs documents vont de nouveaux être examinés. En une journée les inspecteurs vont examiner les papiers et libérer ceux qui remplissant les conditions d’exemption. Aux partants on retirera les cartes d’alimentations à tous ceux qui remplissent les conditions pour être retenus.
Après toutes les vérifications 458 personnes ont été embarquées dans le train pour Drancy. Ce sont donc plus de 200 personnes qui ont été libérées parce qu’elles remplissaient les conditions pour ne pas partir.
Les 458 personnes retenus ont quitté le camp dans la soirée et ont pris place dans les wagons : 3 voitures de voyageurs réservées aux femmes, enfants et malades et 27 voitures à bestiaux aménagées. Les bagages étaient dans 4 fourgons à bagages et une voiture était réservée à l’escorte.
Le train a quitté Nexon le 29 août 1942 à 6h55. Il a franchi la ligne de démarcation à Vierzon à 11h31 d’où il est reparti à 12h15. Il est arrivé à Drancy à 18h03.
La plupart sont partis pour Auschwitz très rapidement. Le convoi n°26 avec 307 « raflés » est parti le 31 août et le convoi n°27 est parti le 2 septembre avec 75 « raflés ». La plupart ont été gazés le jour de leur arrivée.
Quelles réactions alors ?
A Nexon aucune. Il n’y a pas un mot dans la Presse. A part les personnels du camp personne n’a vu les « raflés ». Ils sont sortis du camp à la nuit tombée. Dans les quelques maisons devant lesquelles ils passaient pour aller à la gare les habitants avaient été priées de fermer leurs volets. Il n’y avait pas de cris car ils ne pensaient pas que ce voyage serait sans retour.
Dans les communes où il y a eu des arrestations s’il n’y a pas eu de manifestations violentes, le mécontentement et la désapprobation étaient visibles. Mais comme toutes les arrestations ont été effectuées par des gendarmes ou des policiers, sans aucune présence de soldats allemands à la différence de ce qui s’était passé à Paris quelques semaines avant, la légalité semblait respectée. Mais la censure veillant il n’y eu aucune photo dans la presse aussi bien de la rafle du Vel d’Hiv que des rafles d’août 1942. Il n’y eu pas de manifestation de désobéissance de la part des fonctionnaires chargés des opérations. Il y eu des fuites et des personnes furent prévenues ce qui explique le nombre d’arrestations inférieures aux prévisions.
On cite le cas du gendarme Honoré Haessler évacué du Bas Rhin et affecté à la brigade de gendarmerie de Solignac de 1941 à 1943. Il s’y installe avec son épouse Marie-Louise et leur fils Pierre. A Solignac plus de 80 juifs sont réfugiés. Chaque fois que cela lui a été possible, il prévenait les familles juives des menaces de rafles ou de l’arrivée des allemands. Ainsi de nombreuses familles ont pu se cacher et éviter l’arrestation. Mais quelques jours avant le 26 aout, quand il prévient la famille Imbert, celle ci ne veut pas fuir car Juda Imbert était malade et son épouse n’a pas voulu l’abandonner. Ils ont été arrêtés avec leur fille Elsa. Tous les trois déportés vers Auschwitz par le convoi n° 27 du 2 septembre 1942, ils sont les seules victimes juives parmi les réfugiés à Solignac, arrêtés le 26 août 1942. Le 3 février 2004, l’Institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné à titre posthume à Honoré Haessler le titre de Juste parmi les Nations. La caserne de Solignac porte le nom de caserne du gendarme Haessler. Il y a eu d’autres fonctionnaires de police qui ont agi ainsi en Limousin comme Jean Cubertafond, policier inspecteur au service des étrangers, lui aussi reconnu Juste parmi les nations.
Si peu de personnes ont réellement vu les rafles elles vont cependant susciter un mouvement qui marque une rupture dans l’opinion. Parmi les éléments marquants il faut rappeler la lettre envoyée le 23 août 1942 par Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, à tous les curés de son diocèse pour qu’elle soit lue le dimanche à la messe. Radio de Londres l’a largement relayée.
Cette lettre n’est en fait que la partie visible d’un réseau d’entraide et de sauvetage, en lien avec les institutions juives et les réseaux de résistance que l’on appelé le « réseau Saliège ». Le conseil national de l’Église réformée de France, que préside le pasteur Boegner, se réunit à Nîmes le 22 septembre 1942 et rédige un texte qui est lu dans tous les temples de France (sauf huit refus) le dimanche 4 octobre. Il exprime sa condamnation des persécutions et appelle les fidèles à la solidarité avec les Juifs. Et Combat dans son numéro d’octobre 1942 s’appuie sur Charles Péguy pour écrire : Les juifs nos frères.
4- L’oubli, puis le temps de la mémoire et de la commémoration.
A la fin de la guerre, comme les camps, les rafles ont été oubliées. Pendant des années on n’en a pas parlé, comme si une chappe de plomb s’était abattue sur ces évènements. Comme tous mes camarades nexonnais nés après la guerre, nos parents ne nous en non jamais parlé, ni nos instituteurs, ni nos professeurs.
C’est au début des années 1970 que les choses ont changé. Des travaux universitaires, des monographies… ont été publiées sur les camps et sur les rafles. D’abord celle du Vel d’Hiv, ce qui a eu pour effet d’occulter les autres. Et maintenant il existe une littérature abondante. Sur ce qui s’est passé dans la Région de Limoges l’ouvrage de Guy Perlier, La Rafle- Août 1942 – Région de Limoges Editions « Les Monédières » en 2012 est très complet. Le site de Fanny Dupuy sur les Réfugiés juifs en Haute-Vienne est riche car la vie de tous les déportés de la Haute-Vienne est retracée : https://www.refugiesjuifs87.fr
Pour la Creuse le livre de Christophe Moreigne – La Mesure J- Points d’Encrage 2022 ne se limite pas à des chiffres et des documents administratifs mais lui aussi fait revivre les personnes déportées
Un travail effectué par les élèves des classes de 1eres S, TEB et TP du lycée Pierre Caraminot d’Egletons en 2018-2019 est un bon résumé de ce qui c’est passé en Corrèze : https://blogsenclasse.fr/19-egletons-caraminot-commemoration/category/avancee-des-travaux-le-travail-dhistoire/larrestation-des-juifs-de-correze-en-aout-1942/
Pour la Dordogne la référence est le travail pionnier de Bernard Reviriego -Les Juifs en Dordogne- 1934.1945- Archives départementales de la Dordogne. Fanlac 2003- 255 p.
Sur la police en général un énorme travail de plus de 1000 pages de Jean-Marc Berlière – Les Polices des temps noirs : France, 1939-1945, Paris, Perrin, 2018, 1357 p.
Les travaux de Serge Klarsfeld sont la référence absolue : Vichy-Auschwitz. Le rôle de Vichy dans la solution finale de la question juive en France, 1942, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1983, 544 p. Mais au-delà de ses publications il y a ses actions. Serge Klarsfeld et de son épouse Beate ont passé leur vie à démasquer les responsables de la Shoah et à faire vivre la mémoire de ces évènements funestes. Par leur travail et leur conviction ils ont amené le président Chirac à commémorer le 53e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv le 16 juillet 1995 en prononçant un discours dans lequel il reconnaît la responsabilité de la France.
A Nexon, le 22 mai 1993, d’anciens internés de Nexon, militants politiques et syndicalistes français, ont fait apposer une plaque à la gare de Nexon : « Ici à Nexon, en 1940, est ouvert un camp d’internement surveillé. De cette gare sont partis en direction de Port-Vendres, en mars 1941, pour être déportés dans des camps en Afrique du Nord, des patriotes résistants antifascistes de toujours qualifiés d’indésirables français et internés par les gouvernements français et de Vichy. Victimes de la répression fasciste, ils furent les premiers à nous montrer le chemin de la Résistance. Plus tard, des juifs, des résistants et des patriotes furent déportés en Allemagne. N’oublions jamais leurs souffrances, leur courage, leur sacrifice. Restons vigilants, souvenez-vous. »
Quelques mois plus tard, le 12 septembre 1993, en présence de Serge Klarsfeld et de Gérard Gobitz, ancien interné et déporté, a été inaugurée une stèle dressée à côté de celle de 1959 à la porte de l’ancien camp, avec une forme inversée, et lui faisant pendant. La plaque porte l’inscription : « Le 29 août 1942, 450 Juifs dont 68 enfants habitant les départements de la région de Limoges, arrêtés à leurs domiciles et rassemblés au camp de Nexon, furent livrés aux nazis par le gouvernement de Vichy et déportés vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Passant, souviens toi »
Une pierre gravée fut également dressée à la gare. Son environnement a évolué avec la temps. D’une simple pierre dressée à l’origine c’est aujourd’hui un vrai espace du souvenir. Des panneaux expliquent le mouvement d’enfermement des années 1940 -1945 avec l’histoire des camps mais aussi de la déportation des juifs vers les camps de la mort. Ce fut un long travail mené par les associations de déportés, espagnols et juifs Polonais, Allemands, Autrichiens, Lettons, Tchèques…Apatrides, pour que l’on n’oublie pas. Le 28 avril 2018 a été inauguré un sentier de la mémoire rappelant l’histoire des 458 juifs déportés de la gare de Nexon vers Drancy la nuit du 29 août 1942.
26 avril 2009, pour la première fois, lors des cérémonies commémoratives de la Journée de la Déportation, les descendants des espagnols républicains, à travers l’Ateneo Republicano du Limousin, étaient présents.
Souhaitons que nous n’ayons pas à revivre des heures aussi cruelles…