Un peu d’histoire
Le 13 juillet 1870, le chancelier Bismarck intercepte et remanie, en lui donnant un caractère offensant, une dépêche que le roi de Prusse Guillaume avait rédigé depuis Ems les Bains, son lieu de villégiature, pour Napoléon III, Empereur des Français. Cette dépêche est diffusée à toutes les ambassades et à la presse. Le contenu de la « dépêche d’Ems » est rapidement connu en France. L’opinion publique et la presse sont largement favorables à la guerre contre la Prusse. Napoléon III la déclare le 19 juillet 1870.
Malheureusement, malgré les affirmations du maréchal Lebœuf, major-général de l’armée puis chef du 3ème corps, déclarant « Nous sommes prêts et archiprêts. La guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats », les troupes françaises sont peu préparées à un conflit de cette envergure. Elles sont mal équipées, ont des chefs peu compétents, un Empereur malade… Emile Zola en rend parfaitement compte dans La Débâcle, le 19ème volume des Rougon-Macquart, publié en 1892. « C’était un dénuement extraordinaire, les magasins de Belfort qui devaient tout fournir, étaient vides : ni tentes, ni marmites, ni ceintures de flanelle, ni cantines médicales, ni forges, ni entraves à chevaux. Pas un infirmier et pas un ouvrier d’administration. Au dernier moment, on venait de s’apercevoir que trente mille pièces de rechange manquaient, indispensables au service des fusils… les effectifs partout incomplets, les 430000 hommes se réduisant à 230000 au plus ; les généraux se jalousant, bien décidés, chacun à gagner son bâton de maréchal, sans porter aide au voisin… »
Les mouvements des 3 armées françaises en rouge . Celles des Allemands en vert.
Le 12 août le maréchal Bazaine prend le commandement de l’armée du Rhin. Si les premiers combats se traduisent par un succès tactique français la supériorité prussienne s’affirme rapidement. Le 18 août les troupes de Bazaine sont battues à la bataille de Gravelotte-/Saint-Privat. Les tirs d’obus étaient si intenses que l’on disait « Ça tombe comme à Gravelotte » pour parler d’une pluie particulièrement violente. Bazaine se replie sur Metz ; les prussiens en commencent le siège.
Le 30 août 1870, à Beaumont, au Sud Est de Sedan, les soldats du 5e corps d’armée français sont surpris dans leur campement par les soldats prussiens de l’armée de la Meuse commandée par le Prince royal de Saxe. Deux mille hommes sont tués, dont le colonel du 5e cuirassiers, M. de Coutenson, deux mille sont faits prisonniers et quarante-deux canons sont pris. Les Prussiens perdent 3 500 soldats.
La bataille de Beaumont- 30 août 1870
Le 1er septembre l’armée de la Meuse et la Troisième Armée Prussienne du Feld-Marschall von Moltke, accompagné par le Kaiser et le Chancelier Otto von Bismarck, firent jonction et encerclèrent les 120 000 hommes des 1er, 5e, 7e et 12e corps d’armées qui se regroupaient à Sedan sous le commandement de Mac-Mahon.
La bataille est violente, les obus tombent sur la ville faisant des ravages parmi les troupes. Les soldats sont épuisés et les généraux regroupés autour de l’Empereur à la sous-préfecture lui disent que la lutte est devenue sans espoir. Napoléon III donne l’ordre de hisser le drapeau blanc sur la citadelle pour demander un armistice.
Le roi de Prusse qui observait la bataille depuis Frénois qui domine la Meuse et la ville de Sedan voisines exige une capitulation sans condition.
Le 2 septembre à 10 heures 30, l’empereur est conduit à Frénois, commune intégrée à Sedan depuis 1965.
L’Empereur napoléon III, prisonnier, est conduit à Frénois.
Une heure plus tard, les généraux en chef des deux camps signent l’acte de reddition de l’armée française, en présence de Napoléon III et du roi de Prusse. Tandis que l’Empereur est emmené est Allemagne pour y être interné, environ 80 000 hommes sont conduits sur la presqu’île d’Iges et parqués pratiquement sans abris et sans vivres. Beaucoup de soldats vont mourir de faim ou de maladies, tant les conditions sont épouvantables.
Napoléon III remettant son épée à Guillaume Ier. Gravure américaine anonyme de 1871.
Les conséquences de la défaite de Sedan
Le 4 septembre, malgré l’opposition du corps législatif et sous la pression des Parisiens, Léon Gambetta annonce la déchéance de l’empereur et proclame la République. Un gouvernement de défense nationale est instauré, composé de 11 députés de Paris. Le gouvernement refuse la défaite et reconstitue une armée mais dès le 20 septembre, Paris est encerclé.
La proclamation de la République signée du seul Gambetta.
Malgré cela le gouvernement décide de rester dans Paris mais il crée une délégation gouvernementale dirigée par Adolphe Crémieux, ministre de la Justice, qui s’installe à Tours le 12 septembre 1870. Sa mission est de coordonner les actions en province pour tenter de vaincre l’ennemi.
Le siège de Paris se déroula du 17 septembre 1870 au 26 janvier 1871, date de la signature de l’armistice. Le seul moyen, alors, de transmettre, entre Paris et la province, des informations était l’utilisation de pigeons voyageurs.
A Tours il fallait un homme fort pour diriger la délégation. Le 7 octobre, sollicité par ses collègues Gambetta, quitte Paris en ballon monté et rejoint Tours le 9 octobre.
Gambetta tente d’organiser la résistance depuis Tours. Mais la capitulation le 19 octobre du maréchal Bazaine livrant aux Prussiens près de 180 000 soldats, 1 660 canons et 278 000 fusils est une trahison qui permet aux armées prussiennes de marcher vers Orléans.
Un fort mouvement patriotique se développe, touchant tous les milieux politiques allant des Vendéens royalistes aux Chemises rouges de Garibaldi. Il permit la reconstitution de trois armées : l’Armée du Nord, l’Armée de la Loire et l’Armée de l’Est. Une quatrième armée, l’Armée des Vosges était formée majoritairement de soldats étrangers s’étant mis au service de la France. Ces quatre armées combattirent sur différents fronts :
La première armée de la Loire commença par remporter quelques victoires comme celle de Coulmiers, à l’ouest d’Orléans, le 9 novembre mais elle fut ensuite battue le 2 décembre à Loigny et le 8 décembre près d’Orléans. L’armée allemande attaqua alors la deuxième armée de la Loire, confiée au général Chanzy, qui fut battue le 11 janvier au Mans. L’armée de la Loire se replia alors derrière la Mayenne.
L’Armée du Nord, dirigée par le général Bourbaki puis par le général Faidherbe, se battit à Amiens, à Péronne et à Bapaume avant de battre en retraite dans les places fortes de Cambrai et Lille. Cette Armée n’a pas pu intervenir sur Paris mais son action a permis aux départements du Nord et du Pas-de-Calais de ne pas être envahis
L’armée de l’Est, commandée par le général Bourbaki, commence par remporter une victoire à Villersexel mais échoue dans sa tentative de libérer Belfort assiégée. Bourbaki tente de se suicider et il est remplacé le 26 janvier 1871 par le général Clinchant, qui, encerclé par les Allemands, n’eut d’autres ressources que de négocier sa reddition. Les soldats français sont désarmés en Suisse, le 1er février 1871, ce qui provoqua la disparition de l’Armée de l’Est.
Giuseppe Garibaldi, général républicain italien, se met à la disposition du gouvernement de la Défense nationale et débarque le 7 octobre à Marseille mais aucun officier supérieur français n’accepte d’être sous ses ordres. Gambetta lui confie le commandement de tous les corps francs de la zone des Vosges, de Strasbourg à Paris et une brigade de gardes mobiles. Avec les volontaires étrangers (polonais, hongrois, espagnols, américains et, surtout, italiens) il dispose de moins de 4 000 hommes mal armés, mal équipés pour passer l’hiver.
Malgré cela, le 19 novembre, son fils Ricciotti GARIBALDI à la tête d’un corps franc de 800 hommes inflige une défaite aux Prussiens à Châtillon-sur-Seine. Le 17 décembre, les Prussiens, informés de l’arrivée des troupes du général BOURBAKI évacuent Dijon qu’ils occupaient. Garibaldi sortit victorieux des attaques menées par les Prussiens.
Le 8 décembre 1870, la Délégation du Gouvernement de la Défense nationale de Tours est transférée à Bordeaux.
Ce qui restait des armées françaises tente de résister mais, très affaiblies, elles sont vaincues. Aussi le 20 janvier 1871, le gouvernement de la Défense nationale se résout à la capitulation. Le 22 janvier, des Parisiens excédés par la faim et les bombardements réclamèrent l’élection d’une commune. Pressé d’en finir, le 26 janvier le gouvernement signe un armistice. Il ne concernait pas les opérations militaires dans l’Est de la France car les négociations sur le futur tracé de la frontière franco-allemande n’avaient pas encore abouti. L’armistice général intervint le 15 février 1871. L’ordre fut alors donné à la place fortifiée de Belfort de se rendre, ce qu’elle fit, le 18 février, l’ennemi lui rendant les honneurs de la guerre.
Conformément aux clauses de l’armistice, une Assemblée nationale est élue au suffrage universel le 8 février. Cette Assemblée est majoritairement monarchiste et favorable à la paix. Elle investit le 19 février un gouvernement dirigé par Adolphe THIERS.
La France dut céder à l’Allemagne, l’Alsace, française depuis les traités de Westphalie de 1648 et de Ryswick de 1697, les territoires annexés par Louis XIV dont Strasbourg en 1681, ainsi que Metz, française depuis le siège de 1552, soit tout ou partie de cinq départements de l’Alsace et de la Lorraine. Elle dut également payer une indemnité de guerre de 5 milliards de franc-or. Les troupes allemandes occupèrent une partie de la France, jusqu’à ce que le total du tribut soit versé en septembre 1873.
L’annexion devait concerner le Territoire de Belfort, mais étant donné la bravoure des troupes françaises du colonel Denfert-Rochereau lors du siège de Belfort, ce territoire resta à la France en contrepartie d’autres territoires lorrains.
La garde mobile
Sous le Second Empire, le fonctionnement de l’armée reposait sur la conscription. Le Service militaire s’effectuait selon un tirage au sort. Ceux qui avaient tiré les « mauvais numéros » étaient incorporés pour 7 ans de service dans l’armée active. Ceux qui avaient tiré les bons numéros allaient rejoindre la Garde mobile.
Le maréchal Niel, ministre de la guerre reforme l’armée par la loi du 1er février 1868 qui institue la Garde mobile. Elle formait une masse de réserve d’environ 600 000 hommes. En théorie, celle-ci devait permettre au gouvernement de multiplier par deux les effectifs de son armée mise sur le pied en cas de guerre. Mais l’application pratique de ce principe se révélait difficile, en raison en particulier de la nécessité de fournir régulièrement une formation militaire à toutes ces formations civiles.
Lorsque la Guerre franco-allemande éclate une loi du 17 juillet 1870 appelle la garde nationale mobile à l’activité la Garde mobile. Mais celle-ci ne parvient pas à s’organiser. Les Mobiles étaient médiocrement armés et entraînés. Les unités manquaient souvent de cohésion et d’instruction ; Or, deux mois après la défaite, les combats avaient englouti les 9/10e de l’armée régulière. La Garde mobile se trouvait alors représenter à elle seule l’essentiel des forces armées françaises.
Un décret impérial du 7 août appelle tous les hommes de 30 à 40 ans à faire partie de la garde nationale sédentaire puis la loi du 12 août 1870, prescrit dans son article premier « La garde nationale est rétablie dans tous les départements » et dans son deuxième article « Il sera procédé immédiatement à sa réorganisation, conformément aux dispositions de la loi des 8 avril, 22 mai et 13 juin 1851 ». Le 18 août, une autre loi incorpore dans la garde mobile 40 000 jeunes gens des classes de 65 et 66 qui n’avaient aucun service militaire et dont l’inscription n’avait pas été exigée après la promulgation de la loi de 1868. Le 29 septembre la délégation du gouvernement de la défense nationale décrète que : « Les préfets organiseront immédiatement en compagnies de gardes nationaux mobilisés :
1° Tous les volontaires qui n’appartiennent ni à l’armée régulière, ni à la garde nationale mobile,
2° Tous les français de 21 à 40 ans, n’ayant pas de famille à charge.
C’est avec cette ultime ressource que la Nation, devenue républicaine, opposa à l’envahisseur une résistance militaire prolongée durant six mois. Le courage, l’abnégation, l’héroïsme, en dépit de leur impréparation à la guerre, sont à mettre au crédit de ces unités que l’on qualifierait de « paramilitaires »
Les formations de Mobiles disparurent après le conflit pour faire place à des unités composées de réservistes, formés et encadrés par le Service des Armées.
La garde mobile en Haute-Vienne et à Nexon
La Haute-Vienne compte 2 bataillons. Ils sont mis sur pied dès le 17 août 1870. Ils sont réunis le 1er octobre pour former un régiment qui prit le nom de régiment de la Haute-Vienne avec le n° 71 dans l’arme de la garde mobile.
Dans son rapport adressé au Ministre de la Guerre le colonel PINELLI, décrit, jour par jour, la marche des bataillons puis du régiment depuis le 17 août jusqu’au 9 décembre, date à laquelle il est blessé. C’est un rapport très critique qui va au-delà de la description factuelle des événements.
Le rapport du colonel PINELLI
Dès les premières lignes il écrit « Malheureusement rien n’était prêt pour cette organisation ; il n’existait ni effets d’habillement, ni équipement, ni armement, ni même le linge et chaussure indispensables, la plupart de nos mobiles n’ayant que des sabots aux pieds, d’autres de mauvais souliers éculés, et presque tous qu’une chemise usée. »
Dès le 23 Septembre les 8 compagnies du 1er bataillon font route vers Limoges soit à pied, soit par le train. Ainsi la 8e compagnie s’est mise en route de Saint-Yrieix et Châlus vers Nexon pour prendre le train vers Limoges. Dès le lendemain les 2 bataillons sont envoyés à Nevers puis Gien. Peu à peu les hommes sont équipés et entraînés pour faire face à l’ennemi prussien qui s’approche de la Loire.
Le colonel PINELLI note que le 6 octobre « Les deux bataillons partent à pied, un peu avant minuit, pour Beaune-la-Rolande…Les habitants, qui étaient loin de nous attendre, furent surpris de cette entrée inopinée dans leur petite localité, et nous accueillirent tous avec des transports de joie. Nos mobiles eurent à boire, à manger, et furent traités en enfants gâtés par tous ces braves gens à qui les Prussiens devaient, peu de temps après, faire payer bien cher le patriotisme, en les massacrant en partie, et en incendiant leurs maisons. »
Des espions rodent dans les campagnes, ceux qui sont pris sont fusillés.
Pendant le mois d’octobre le régiment se déplace le long de la Loire, Montargis, Briare puis Bourges. C’est dans cette ville que le colonel rencontre le général CHANZY qui commandait la 3e division du 16e corps en formation. A la suite de cette rencontre il écrit « dans la conversation que nous eûmes ensemble, il me parut très entendu et fort capable de commander des troupes devant l’ennemi. Après cet entretien, je dis à mes officiers que nous avions enfin un général, et que nous devions nous estimer heureux d’être dans sa division. »
On mesure ici la sévérité du jugement porté sur les autres généraux !
Le 26 octobre le colonel PINELLI écrit « Si, au lieu de nous lancer au hasard sur toutes les routes du département du Loiret, on nous eût donné le temps de nous habiller, nous équiper, nous munir de tout ce dont nous avions besoin ; si on nous eût permis de nous instruire, nous discipliner, faire quelquefois des marches militaires, nous exercer au tir à la cible, il est évident qu’on aurait pu tirer de la mobile des résultats bien plus satisfaisants que ceux obtenus de ces jeunes gens pleins de patriotisme, remplis de bonne volonté, mais marchant à l’aventure et manquant presque de tout. »
Au début du mois de Novembre l’ennemi est proche et le jeu du chat et de la souris continue. Le régiment est à la Mothe-Beuvron puis Orléans.
Le 14 Novembre le régiment se porte sur Saint-Péravy-Ia-Colombe, à cinq lieues d’Orléans ; le colonel écrit « En entrant dans ce petit bourg, je ne savais où aller nous n’avions avec nous aucun chef de brigade… Je rencontrai un général, je l’accostai et le priai de me dire où il fallait me caser avec mon régiment : « Je n’ai rien à vous ordonner, me répondit-il, je commande la cavalerie, et le reste ne me regarde pas. ». Un officier d’état-major vint m’apporter l’ordre d’aller camper dans un champ de blé dont l’herbe était déjà haute. Je m’y installai, à regret. C’était la première fois que nous foulions aux pieds la future récolte : nous devions plus tard nous y habituer, car, à dater de ce jour, nous avons dévasté tous les pays parcourus par nous, et cela par le fait seul de notre passage ou de notre séjour sur des terrains cultivés et ensemencés. Les environs étaient couverts de ruines faites par l’ennemi. Dans notre trajet d’Orléans à Saint-Péravy-la-Colombe, nous eûmes occasion de constater les dégâts résultant du passage des Bavarois. Des maisons abandonnées, à moitié ouvertes et pillées ; d’autres endommagées par des projectiles. — Par-ci par-là, des tombes encore fraîches et des chevaux tués. Partout la tristesse, la désolation et la misère. »
Le 19 Novembre on distribue des souliers à ceux qui en ont besoin ; mais ils sont trop petits !
Le 1er Décembre le régiment arrive à Sougy, où il campe. On entend les canons a quelques kilomètres et le soir la lueur des obus et les incendies allumés par l’ennemi donnent l’impression que l’horizon était en feu.
Le 2 Décembre marche vers Terminiers. Le régiment s’approche de plus en plus des lignes ennemies. La division forme une ligne de bataille avec à l’aile droite le 40e de marche, à l’aile gauche le 8e régiment de mobiles (Charente-Inférieure), et au centre le 71e de mobiles (Haute-Vienne). L’artillerie marchait en avant de la ligne de bataille, et le tout était couvert de tirailleurs.
Le combat commence alors que les troupes françaises sont fatiguées par des marches nocturnes à travers champs qui en plus entrainaient la perte des fourgons qui portaient les bagages… Les fantassins tombent sous les balles et les éclats d’obus. Baïonnette au bout du canon le colonel ordonne une marche en avant, au pas redoublé, et au cri de Vive la République ! Il écrit « Ce fut un moment sublime, officiers et soldats étaient électrisés : et, comme l’ouragan, nous eussions tout renversé sur notre passage si on nous avait opposé de la résistance. Nous parcourûmes ainsi environ deux cent mètres sans recevoir aucun projectile, les canonniers ennemis n’ayant pas eu le temps de pointer. Ce mouvement, exécuté d’une manière résolue, causa une telle panique parmi les Bavarois qui étaient à Lumeau, qu’ils l’abandonnaient déjà pour se porter sur la hauteur. » Après cet acte héroïque le régiment bat en retraite.
Il ne m’a jamais été possible de connaître, d’une manière certaine, les pertes subies au cours de cette journée mais le nombre total des hommes mis hors de combat est évalué à 600 environ, le 71e mobile, pour sa part a eu à déplorer la mort de plus de deux cents hommes.
Le 3 Décembre le régiment arrive à Boulay et le 4 reçoit l’ordre de battre en retraite vers Beaugency à travers champs poursuivis par l’ennemi.
Le 7 Décembre la 3e division se met en marche sur Blois pour se rendre ensuite dans le parc de Chambord afin de procéder à sa réorganisation.
Tout en marchant le colonel pressent une catastrophe prochaine car les bruits de canons le laissent penser que l’ennemi était maître des deux rives de la Loire. Les habitants des villages traversés paraissaient étonnés de cette marche sur Chambord ; Le colonel fit part de ses appréhensions aux officiers supérieurs. Il était qu’ils seraient cernés pendant la nuit, et que le lendemain ils se trouveraient dans la triste alternative de se faire tuer ou de se rendre. C’est dans cette disposition d’esprit que le régiment entre dans le parc vers six heures du soir. Le colonel PINELLI attend des ordres qui ne viennent pas lorsqu’il entend un grand bruit de paroles, au milieu desquelles il distingue « Rendez-vous ! ». Une fusillade éclate alors qu’il fait nuit. Le colonel est blessé aux jambes et alors qu’il se dirigeait vers le château il est fait prisonnier. Plusieurs autres officiers et une centaine d’hommes sont également faits prisonniers et dirigés vers l’Allemagne. Ceux qui n’ont pas été tués ou faits prisonniers fuient.
Ce qui restait du régiment n’ayant pas été pris dans le piège de Chambord sont regroupés aux ordres de M. de Couronnel, prit le commandement du régiment par privilège d’âge et se rendit à Tours puis à Limoges.
Pendant ce temps le colonel PINELLI est soigné à Chambord en attendant que son état de santé lui permette de prendre la route de l’Allemagne. La nuit du 19 décembre avec l’aide de son beau-frère, médecin à Limoges, que l’on avait fait venir pour le soigner, il s’évade, déguisé en paysan. Il arrive à Limoges le 28 au matin.
Il ignorait que le 71e y était aussi. Il fut surpris d’apprendre que le retour du régiment avait été mal accueilli, les gens pensant que les soldats n’avaient pas voulu se battre. Les nouvelles étaient contradictoires et souvent absurdes. Personne ne connaissait la réalité des combats et la bravoure des hommes. Et pourtant les pertes avaient été importantes.
Le 31 décembre, le régiment est renvoyé vers le Mans où certains contractent la petite vérole. Il faut à nouveau progresser dans la neige, alterner marches et retraites, se contenter pour manger de graisse étalée sur des tranches de pain, jusqu’au 29 janvier où les hommes apprennent l’armistice à Laval avant de regagner enfin leurs foyers.
En conclusion de son rapport le colonel écrivait : « On s’est demandé souvent d’où provenaient nos désastres. Je ne veux pas répéter ce qui a été chanté sur tous les tons, pour mettre en relief les causes évidentes de nos malheurs : 1° fautes commises par le gouvernement de l’empereur, en déclarant, d’un cœur léger, mais en assumant sur lui la plus lourde des responsabilités, une guerre d’autant plus insensée, que nous ne pouvions disposer que d’une armée de 280,000 hommes pour la mettre en présence de toute l’Allemagne nous opposant simultanément 1,200,000 hommes instruits, exercés, préparés de longue main à une lutte attendue et désirée ; 2° notre imprévoyance, en laissant envahir notre pays, depuis une trentaine d’années, par des myriades d’Allemands, qui avaient pour mission de s’initier dans le secret de nos affaires le plus intimes, en étudier le mécanisme, en faire ressortir nos défauts et nos faiblesses, et tout cela au profit futur de leur mère patrie ; 3° impéritie de nos généraux en chef, dont les dispositions prises sur la frontière, à l’ouverture des hostilités, présentaient une ligne de bataille trop étendue, et dont, par conséquent, tous les points étaient faibles et vulnérables ; 4° enfin l’inaction de notre flotte, sur laquelle il était permis de compter pour faire, le long des côtes de la mer du Nord et de la Baltique, une diversion paraissant indispensable aux mouvements offensifs qui se dessinaient sur les-bords du Rhin. »
Mais il ajoute également « Non, la lutte n’était pas possible en présence de la France démoralisée, dont les habitants préféraient, en général, tout souffrir, tout endurer, même les plus grandes humiliations, que de courir le risque de perdre la vie; elle n’était pas possible, je l’avoue sincèrement, en voyant nos armées improvisées découragées par tant de batailles perdues, et si peu confiantes dans le talent et l’expérience de certains de leurs chefs ; elle n’était pas possible enfin, avec l’indiscipline qui se manifestait à peu près partout, avec l’absence de ce lien de solidarité dans les fractions constituées qu’on a toujours appelé l’esprit de corps, et surtout avec le développement de cet instinct de conservation que notre luxe, notre bien-être et l’habitude du confort ont porté au point de nous faire perdre toutes les qualités viriles et les vertus mâles qui rendent invincibles les peuples accoutumés à regarder la mort en face et à la mépriser.
Pendant nos retraites, j’ai vu des milliers de soldats se jeter sur toutes les routes, feignant d’être à la recherche des corps dont ils faisaient partie, mais en réalité marchant invariablement du côté opposé à l’ennemi, sachant que leurs régiments étaient engagés. — Oui, la guerre eût pu se continuer et tourner, à la destruction complète des armées allemandes, si chaque Français avait apporté à l’œuvre de la délivrance son concours le plus actif et le plus dévoué, et si on eût adopté, pour combattre l’ennemi, un système de guerre tout à fait opposé à celui qu’on a eu le malheur de s’entêter à suivre depuis que notre armée permanente avait été enlevée de différentes places fortes pour être transportée en Allemagne, où elle était retenue prisonnière…
On ne peut qu’être surpris par une telle liberté de parole dans un rapport au ministre. Beaucoup des remarques sur le manque de combativité de certains, le choix de la perte de liberté et la soumission à l’ennemi pour avoir la vie sauve auraient pu être formulées après la défaite de 1940.
Après le colonel PINELLI le 71e Mobile a été commandé par le Lt colonel PERIER puis par M. de BEAUMONT avant d’être dissous le 24 mars 1871.
Le comte de Couronnel qui était capitaine au 71 e Mobile a publié un ouvrage pour rendre hommage aux soldats. Dans ce livre, « La garde Mobile de la Haute-Vienne » publié en 1897 il raconte en détail la tragique épopée et confirme les propos du colonel PINELLI.
Le Monument « À la mémoire des enfants de la Haute-Vienne morts pour la défense de la patrie en 1870-1871 ».
On l’ignore souvent mais le monument situé à Limoges, à l’angle de l’avenue du Général-de-Gaulle et du cours Jourdan a été érigé pour honorer la mémoire de tous les mobiles de la Haute-Vienne.
En 1892 un comité se constitue pour honorer les deux bataillons du 71ème Mobiles de la Haute-Vienne morts pour la défense de la patrie. Au mois d’avril, une souscription est ouverte sous le patronage des autorités publiques. Le comité abandonna l’idée d’organiser un concours pour traiter de gré à gré avec le sculpteur Adolphe Martial THABARD né à Limoges en 1831. La première pierre est posée le 25 mai 1895. Les sculptures en bronze sont mises en place au mois d’août 1899. L’inauguration a lieu le 1er octobre 1899 en présence d’Alexandre Millerand ministre du Commerce, des Postes et télégraphes.
Martial Adolphe THABARD est né le 13 novembre 1831 à Limoges, et mort le 2 décembre 1905 à Clamart. Issu d’une famille d’artisans porcelainiers i commence naturellement à travailler dans une fabrique de porcelaine où il débute en 1845 et où il reçoit ses premières leçons de modelage.
Il suit les cours d’anatomie à l’Ecole de médecine et acquiert ainsi une bonne maîtrise du corps humain qu’il mettra en pratique dans les figurines en porcelaine et dans ses statues.
Il entre à l’École des beaux-arts de Paris et à la sortie il part aux Etats-Unis ou il devient modeleur et le ciseleur d’une maison d’orfèvrerie. De retour en France, il s’installe à Paris où il collabore avec les bronziers du Marais, tout en continuant à produire des statuettes pour Limoges.
Il se consacre toute sa vie à la sculpture décorative et obtient de nombreuses commandes de l’État.
L’œuvre est constituée d’une structure en granit, formée de deux socles et d’un obélisque en avant duquel est disposé groupe en bronze du sculpteur Martial THABARD réalisé par le fondeur DURENNE. Le groupe compte cinq personnages : au centre une femme rappelant Marianne personnifie la Haute-Vienne, avec ses sabots et sa coiffe (barbichet). Elle entraîne les soldats au combat dans un mouvement très dynamique. À gauche, un officier et un franc-tireur agenouillé ; à droite, un clairon des Mobiles mourant et un fantassin de ligne. A ses pieds, le blason de Limoges. On peut lire sur le piédestal : « A la mémoire des enfants de la Haute-Vienne morts pour la défense de la patrie en 1870-1871 ».
Le Monument à la mémoire des Mobiles.
On remarque , à droite de la femme, un rouet, signe que la femme est toujours vue sous l’angle « domestique ».
Les conséquences de la défaite
Le 18 janvier 1871, dans la galerie des Glaces du château de Versailles Guillaume Ier de Prusse est proclamé empereur du nouvel Empire allemand. BISMARCK devient chancelier du nouveau Reich. L’Allemagne devient alors un rival économique pour l’Angleterre et les Etats-Unis.
Face à cette nouvelle puissance la France va chercher à prendre sa revanche et à récupérer l’Alsace et la Lorraine.
Jules FERRY écrit quelques semaines après la défaite « sous l’Empire nous ne disions pas beaucoup de bien du militarisme……je vous le demande, en est-il un seul aujourd’hui qui n’ait été converti par les évènements ? ».
GAMBETTA souhaite que l’on mette « partout, à côté de l’instituteur, le gymnaste et le militaire ».
La Ligue française de l’enseignement a pour devise « Pour la Patrie, par le livre et par l’épée ».
Les devoirs envers la patrie sont magnifiés dans une abondante littérature qui en exalte les vertus et dont une grande partie est destinée aux écoliers et lycéens. Un « Manuel de tir à l’usage des écoles primaires, des lycées et des bataillons civiques » avec une préface de Jean circule. Les élèves du primaire auront des fusils de bois à leur disposition.
Une publicité pour des fusils scolaires
Des écoliers dans la cour de leur école, défilent avec des fusils en bois.
Les écoliers défilent à Paris
Dans les classes on rappelle sans cesse que la France est amputée de l’Alsace et de la Lorraine. C’est la ‘Tache noire ».
La Tache noire d’Albert BETTANIER (1851 – 1932)
La scène peinte sur cette toile se déroule dans une salle de classe située vraisemblablement à Paris compte tenu de la carte accrochée au mur du fond. L’instituteur montre avec sa règle les « provinces perdues » sur une carte de France à un élève en uniforme de bataillon scolaire, On distingue dans le fond de la classe un râtelier de fusils et, derrière le bureau du maître, un tambour. Cette ambiance martiale est renforcée par la présence de l’élève habillé en blanc qui porte la croix de la Légion d’honneur, ce qui laisse supposer qu’il fut un héros.
Source : François ROBICHON, « L’annexion de l’Alsace et de la Lorraine », Histoire par l’image [en ligne], consulté le 04 Août 2016. URL : http://www.histoire-image.org/etudes/annexion-alsace-lorraine
Les images d’Épinal relaient le sentiment de revanche avec cette page consacrée à la « Tache Noire »
La mémoire de 1870
La » Guerre de Soixante-dix » et l’image des Prussiens ont marqué la mémoire des Limousins. Pascal PLAS, professeur d’Histoire et Guy MANDON, Inspecteur général de l’Education Nationale, développent les différents aspects de cette mémoire dans le présent dans l’ouvrage publié aux éditions Lavauzelle en 2003.
Pascal PLAS écrit : « cette monumentalité en sommeil de la guerre de 1870 mériterait pourtant d’être tirée de l’oubli et de servir de base ne serait-ce qu’à une « leçon de civisme » sur l’engagement, les Mobiles furent d’une certaine façon les derniers volontaires en arme dans la grande tradition des armées de la Révolution française. »
Les Nexonnais morts au cours des combats
Cinq garçons sont morts du fait de cette guerre. Les plus jeunes ont 23 ans et le plus âgé 33 ans. deux étaient dans la garde Mobile, les 3 autres dans des régiments, les 65e et 68 de ligne. François FENEROL a été blessé à la célèbre bataille de Beaumont. Il est mort 3 semaines plus tard. Pierre DEBORD est mort de la variole à l’hôpital de Châteauroux et François VIGNOLLE est mort à l’hôpital d’Issoudun sans que l’on connaisse la cause. Les deux autres soldats, Pierre LONGEQUEUE et Léonard PERRIER sont morts en captivité.
Le dernier vétéran de cette guerre, vivant dans le Sud de la France avait été facteur à Nexon. Julien PÉGOURIÉ qui était né le 4 décembre 1849, à Livernon (Lot) de parents agriculteurs est mobilisé dans les chasseurs, à Montauban en Juillet 1870. Il est fait prisonnier lors de la bataille du Mans, à Parigné-l’Evêque le 10 janvier 1871. Avec ses camarades, il est emmené à Berlin ou il arrive le 31 janvier 1871 dans le froid et la neige. Il est interné à Stettin, un peu plus au nord de Berlin. Après plusieurs mois de captivité, la guerre finie, il peut enfin rejoindre la France en bateau depuis Hambourg jusqu’à Cherbourg.
Julien PEGOURIE entre aux PTT comme facteur le 1er décembre 1872. Il est d’abord affecté à Nexon puis il est muté à Limoges. Il part en retraite le 1er décembre 1909. Il décède à 102 ans le 13 avril 1952.
Les décisions du Conseil municipal de Nexon pendant la guerre de 1870
Le 10 septembre 1870 le nouveau conseil municipal est installé. Ont été élus : FAURE, DE NEXON, SIRIEIX, LIMOUSIN Raymond, DECOULHAC, MAZEAUD, COMBROUSE, FRUGIER, CUBERTAFOND, JOUHAUD, MORTEROL, LELONG, FAURE, BARRET, LELONG Laurent, DE VEYRINAS, BRAGARD, CHIROL Simon, LIMOUSIN Maire, GIZARDIN Ferdinand et GRANGER Pierre.
Paulin LIMOUSIN est désigné par le Préfet comme Maire en remplacement de son frère.
Le 17 septembre 1870, le conseil élu par le suffrage universel se réuni et le nouveau Maire Paulin LIMOUSIN prononce une allocution appelant les conseillers à le soutenir dans les moments difficiles que la France traverse.
C’est à ce moment qu’un membre du Conseil, non désigné déclare : « Convoqués pour recevoir ici une communication du préfet et nous occuper de la défense nationale du pays, permettez-moi de vous faire une proposition à laquelle je ne doute pas que M. LIMOUSIN, Maire, ne s’associe également.
Cette proposition est d’adresser à M. le Préfet quelques observations sur une mesure qui nous parait inopportune, sinon dangereuse dans un moment où nous devons tous nous réunir contre l’ennemi commun, l’ETRANGER ».
Le conseil sauf le Maire vote la motion suivante : « Les membres du Conseil élus par le suffrage universel sont profondément humiliés d’apprendre qu’il leur a été donné un Maire pris en dehors de leur conseil. Ne doutant pas que M. le Préfet ne veuille agir dans tous ses actes dans l’intérêt du Pays et du Gouvernement de la défense Nationale qu’il représente, ils croient devoir le prévenir que les renseignements qui lui ont été donnés sont inexacts et complètement contraires aux sentiments patriotiques et populaires de la commune toute entière, jalouse du reste d’user de ses droits légitimes ».
Le 18 septembre le conseil désigne la formation de deux compagnies de Gardes Nationaux et désigne Messieurs QUENTIN et MEGARD comme capitaines.
Le Préfet révoque et dissous le Conseil Municipal. Il désigne la commission suivante pour administrer la commune : LIMOUSIN Paulin, CHAULE, DESMAISON, FAURE, THOMAS, FRUGIER, JOUHAUD, FRUGIER Jean, ancien Maire, QUENTIN horloger, LALEU, SIRIEIX huissier, TARRADE, huissier.
La commission administrative ainsi formée, désigne à nouveau les capitaines officiers et sous-officiers des deux compagnies de gardes Nationaux. Ils s’occupent des effets d’habillement, d’équipement de campement et de solde.
Le 18 novembre la Commission décide que l’instituteur appelé à remplacer M. BESSE soit un laïque, repoussant de toute son énergie tout instituteur congréganiste et demande que POUCHUT remplisse ce poste.
Le 6 avril 1871, le conseil fait droit à la demande de M. FOURNIER, instituteur communal, de prendre des élèves pensionnaires.
Le 30 avril 1871, nouvelles élections municipales. M. de GAY de NEXON obtient le plus de voix. Sont élus également BOUTAUD LACOMBE, COMBROUSE, DECOULHAC, FAURE, LELONG, FRUGIER, BRAGARD, BARRET, LIMOUSIN, VERGNOLLE. LIMOUSIN Henri, MORTEROL, CHIROL, GRANGER, MAZAUD, de VEYRINAS, JOUHAUD, SIRIEIX, GIZARDIN et FAURE.
Le Conseil élit LIMOUSIN Jean Baptiste comme Maire et BOUTAUD LACOMBE comme 1er adjoint et FRUGIER Léonard 2ème adjoint.
Le 18 Juin, FRUGIER donne sa démission d’adjoint. Le Conseil le remplace par COMBROUSE.
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