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De la vinaigrerie au moulin et à la boulangerie du Courdein.

La propriété du Courdein sur le terrain de laquelle se trouvaient les bâtiments à usage industriel appartenait à Charles de VIGNERAS, avocat, demeurant à Angoulême. Il s’agissait d’un moulin qui a du fonctionner grâce à la chute d’eau de l’étang de La Lande. Il n’y a pas de traces écrites de son existence mais Camille LARCHER dans son ouvrage « Les anciens moulins du pays de Nexon » aux éditions Les Monédières écrit « qu’un moulin de première génération a bien existé sur ce site ».  M. de VIGNERAS a vendu ce bien à Martial Antoine MORTEROL par acte du 17 novembre 1860 chez Me PEYROT notaire à Chalus.

1- La Société anonyme des Distilleries du Limousin (1881 – 1896)

A la mort de Martial Antoine MORTEROL en 1881, son fils Antoine Ernest MORTEROL hérite de la propriété du Courdein. Il en fait apport à la Société anonyme des Distilleries du Limousin qui a été constituée suivant acte reçu par Me Thézard, notaire à Limoges, le 30 Juin 1887.

Cette société a été dissoute par délibération de l’assemblée générale des actionnaires en date 21 octobre 1889 à Limoges qui a nommé Me COUTY comme liquidateur. Celui-ci a fait publier cette dissolution dans le Courrier du centre.

« Le Courrier du Centre » du 10 novembre 1889.

La Société générale des distilleries agricoles de France dont le siège était à Paris au 51 de la rue de la Chaussée d’Antin puis au 5 rue de Provence a fait l’acquisition de la propriété au terme d’un acte du 7 novembre 1893. Cette acquisition a eu lieu au prix de 16 000 francs. Moins de deux ans plus tard cette société a été admise au bénéfice de la liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de la Seine du 12 juin 1895 et dissoute par l’assemblée générale des actionnaires tenue à Paris le 24 aout 1895.

2- La propriété de Henry DELATY (1896 – 1923)

Une vente aux enchères a été organisée pour les biens ainsi désignés : « Divers immeubles situés au Courdein, commune de Nexon, autrefois à usage de distillerie et de vinaigrerie consistant en divers bâtiments, celliers, hangars atelier magasins bureaux, un hectare environ de terrain avoisinant les bâtiments suivant bornes plantées contradictoirement avec Monsieur MORTEROL, un étang de trente ares environs ensemble tous les objets mobiliers, immeubles par destination autrefois à l’usage de la distillerie qui se tenait encore dans le dit immeuble à titre de matériel fixe ou roulant sans aucune exception ni réserve. »

Une première enchère, avec mise à prix à 10 000 francs, le 8 février 1896 avait été infructueuse. Une seconde a eu lieu le 9 avril 1896 au cours de laquelle Henry DELATY, plombier demeurant à Nexon a, pendant que les bougies brûlaient, élevé le prix principal à 7000 francs et lorsque toutes les bougies ont été éteintes il a été déclaré adjudicataire de la Société générale des distilleries agricoles de France.

Henri DELATY qui écrit son prénom parfois Henry avec un y et d’autre fois Henri avec un i était un artisan inventif ce qui lui a valu de nombreuses récompenses dans diverses expositions et en particulier la croix de chevalier du Mérite agricole qui lui a été remise à l’Exposition d’Angoulême par M. le ministre des colonies le 13 mai 1893.

Cette distinction honorifique est la juste récompense des inventions de notre compatriote, pour le progrès de l’industrie, du commerce et de l’agriculture, et pour lesquelles il avait obtenu de nombreuses récompenses dans les diverses expositions.

Monsieur DELATY n’a sans doute pas développé l’activité de distillerie et il a cherché à louer les locaux comme on le constate sur cette annonce publiée dans le Courrier du Centre le 25 mai 1905.

Le Courrier du Centre 25 mai 1905

On ne trouve pas beaucoup de traces de la vinaigrerie, si ce n’est une carte postale éditée par M. LABIDOIRE, avec comme légende « Sous-bois près de l’Etang de la Vinaigrerie ». Au travers des arbres on distingue l’étang, bien mieux visible sur une autre carte postale, plus ancienne, éditée par CHAMPEAU-TERRASSON.

Cet étang est antérieur à 1829 car il figure sur la carte de CASSINI. Il n’a pas changé sinon qu’il ne sert plus à alimenter la turbine. Son ouverture sur la chaussé n’a été conservée qu’à titre de souvenir.

L’ouverture de la turbine, aujourd’hui désaffectée.

A quel moment un moulin et une boulangerie ont remplacé la vinaigrerie ?

3- La minoterie des frères SEGURE (1923 – 1935)

Dans l’acte de vente du 30 avril 1923 par M. DELATY aux frères SEGURE la désignation des biens est ainsi rédigée : « Une usine dite du Courdein comprenant une maison d’habitation avec grenier et fournil, étables, hangar avec appartement servant de bureau, un chai, un bâtiment servant de cave, un groupe de bâtiment ayant servi de distillerie avec grande cheminée et roue hydraulique, un étang, jardins et prés le tout pour une contenance de un hectare et vingt-neuf ares et un centiare environ ».

Pour la première fois il fait état d’un fournil mais on ne trouve pas, à cette date, de boulangerie située au Courdein dans les commerces à Nexon.

Par contre ce sont les frères SEGURE qui ont transformé la distillerie en minoterie et lui ont redonné l’activité qu’elle avait avant 1887. Les deux frères Pierre et Henri SEGURE étaient tous les deux minotiers à Saint Yrieix. Ils ont acheté la propriété en indivision pour moitié entre eux au prix de 50 000 francs payables en 10 ans avec un taux d’intérêt de 5%. Ils ont équipé leur moulin de matériel moderne, ils ont abandonné la turbine à eau et utilisé l’électricité faisant de leur moulin un des plus moderne et des plus important des environs.

4 – La boulangerie et la minoterie GIRARDY (1935 – 1945)

En 1935 les frères SEGURE vendent leur propriété à M. Georges GIRARDY. L’acte signé chez Me A. GARRAUD, notaire à Nexon, spécifie dans la désignation des biens : « Deux petites maisons d’habitation, toits, écuries, remises. Un corps de bâtiment dans lequel existent trois fours de boulanger et un garage. Un groupe de bâtiments dans lequel est exploité un moulin à farine, garage avec quai, hangar, autres dépendances diverses. Cour, jardins, terre, bruyère, étang et taillis pour une contenance de un hectare cinquante-sept ares quarante et un centiare. » La vente est effectuée pour le prix de 70 000 francs payables en quatre ans au taux de 5,5%.

On constate dans ce descriptif que la boulangerie arrive avant le moulin. Elle comporte trois fours ce qui fait d’elle une importante boulangerie. Ce n’est pas étonnant car M. GIRARDY est boulanger. C’est ce qu’indique sa fiche militaire. Minotier a été rajouté après qu’il a acheté le moulin du Courdein.

Livret militaire de Georges GIRARDY

Cette fiche est intéressante car elle retrace son parcours. Au moment du recensement il est boulanger à la Geneytouse. Il est incorporé le 18 avril 1917, il a presque 19 ans. Il est donné comme « disparu au combat de Tilloloy dans la Somme le 28 mars 1918 ». Le 27 mars les allemands ont lancé une offensive vers Montdidier et prennent plusieurs villages dont Tilloloy. M. GIRARDY est « rapatrié à Limoges le 11 décembre 1918. Libéré le 6 mai 1920 il se retire à La Geneytouse ou il est boulanger.

En mars 1926 il a un accident de voiture en effectuant sa tournée comme le relate Le Populaire du 24 décembre 1926.

Le Populaire du Centre 24 décembre 1926.

En 1931 il part à Issy les Moulineaux ou il reste jusqu’en 1935, puis il revient à Saint Denis des Murs ou il reste quelques mois avant d’acheter la boulangerie du Courdein.

Livret militaire de G. GIRARDY

Bien que boulanger, M. GIRARDY ne néglige pas le moulin, d’autant plus qu’il bénéficie d’un droit de moudre de 10 579 quintaux de blé, ce qui en fait un moulin important dans la région. En effet depuis l’arrêté du 8 juin 1937 pris pour lutter contre la surproduction de farine, chaque moulin dispose d’un plafond d’activité, appelé « contingent », qui ne peut être dépassé.

Attestation du contingent autorisé

Un ouvrier minotier qui loge sur place s’occupe du moulin. Le papier à entête est établi au nom de la minoterie ainsi que les étiquettes pour l’expédition.

Pendant la deuxième guerre mondiale la famille GIRARDY se déclare prête à accueillir des jeunes enfants réfugiés.

En 1945, Georges GIRARDY vend son affaire. Mon grand-père, Arthur NYS, meunier de profession avait quitté le moulin familial en Belgique et il exploitait une ferme dans le Cher. La nostalgie du moulin était forte aussi quand son fils Lothaire a été libéré après presque 5 ans de captivité, Arthur a souhaité reprendre son métier de minotier. Leur recherche d’un moulin les amène à Nexon. Ils sont séduits par le site et le potentiel d’activité, un moulin et une boulangerie cela fait du travail pour deux ! Son fils Lothaire, mon père, n’est pas boulanger mais malgré ses 26 ans il était hors de question de discuter les propositions du père. Elles étaient claires : je m’occupe tu moulin et toi de la boulangerie. Tu n’auras qu’à apprendre sur le tas.

La décision est prise, et le 31 octobre 1945 l’acte de session du moulin et de la boulangerie est signé chez Maître GARRAUD, notaire à Nexon.

5 – Minoterie-Boulangerie NYS et fils (1945-1972)

Mon grand-père, Arthur NYS, son épouse Marguerite et leur fils Lothaire s’installent au Courdein en novembre 1945. Arthur retrouve avec bonheur son métier de meunier et son fils commence, sans enthousiasme, son apprentissage de la boulangerie. Il rencontre vite une jeune fille de Nexon, Andrée MALARDEAU. Ils se marient le 27 juillet 1946 et comme dans les belles histoires, ils auront beaucoup d’enfants !

La famille habite dans la vieille maison ou naîtront les trois premiers enfants de la famille.

La maison en 1948. Je suis sur les marches.
Quelques personnes viennent chercher du pain mais l’essentiel est vendu en tournée.

Au moulin mon grand-père travaille avec un ouvrier, Raoul VOISIN qui était déjà employé par M. GIRARDY. Puis ce sera Léon ADAM.

Présentant que la famille allait grandir mon grand père a fait construire une nouvelle maison sur la boulangerie. la vieille maison servait de grenier, de cave, de débarras…

La boulangerie…

Mon père doit s’occuper le la boulangerie. Ce n’est pas son métier. Il est agriculteur et travailler la nuit ne lui convient pas. Il va cependant passer des nuits à la boulangerie afin de connaitre le métier auprès d’un ouvrier boulanger qualifié, un brigadier, d’abord Adrien FRUGIER, puis Léon DUREISSEIX … Mais mon père va s’attacher à organiser les tournées pour porter le pain à domicile. Il n’y a pas de magasin et toute la production est vendue à la porte des clients. La fourgonnette passait trois fois par semaine dans le bourg de Nexon et dans celui de La Meyze et deux fois par semaine dans les campagnes de Saint-Hilaire les Places à l’Aiguille, de Rilhac Lastours à Saint Maurice les Brousses. Une tournée moyenne, celle de La Meyze durait 3h30, le livreur parcourait 33 km et emportait 30 mêlées de 2 kg, 120 pains d’un kilo dont quelques un sans sel, certains étaient dits « tournés », les autres « lamés », et 25 baguettes. A cela s’ajoutaient des biscottes, des gâteaux secs et plus tard des tartes. Mais il y avait aussi de la farine, du son …

Le pain tourné est une spécialité courante du Limousin, en particulier de la Haute-Vienne. Il doit son nom à sa forme de torsade. on appelle encore « pains tordus » ou « pain rond ». Sa croûte dorée est croquante et épaisse, ce qui lui assure une conservation assez longue. Sa mie est très alvéolée. Le pain lamé est également appelé « pain plat »

Il n’était pas rare de livrer 5 mêlées, voire plus, dans certaines fermes. Le pain a été la base de l’alimentation dans les campagnes. En 1900 chaque français consommait en moyenne 900 grammes de pain par jour. En 1950 la consommation était tombée à 350 grammes et elle n’a pas cessé de baisser passant à 200 grammes en 1970 et 120 grammes en 2016.

Les paysans qui produisaient du blé sur leurs terres pratiquaient presque tous l’échange blé-pain. Cet échange était un droit qui mettait en relation le paysan producteur de blé, le meunier et le boulanger. En pratique l’agriculteur livrait son blé chez le meunier de son choix qui le transformait en farine et la livrait chez un boulanger désigné par l’agriculteur.

Ayant passé mon permis poids lourd je vais chercher le blé dans les fermes…
Arrivé au moulin déchargement avec mon ami Patrice

Pour livrer la farine au boulanger le meunier devait, en partant du moulin, rédiger un acquit pour le transport des farines panifiables en indiquant le jour et l’heure de départ du moulin, le boulanger destinataire, le moyen de transport, la durée du transport, la nature des marchandises et leur poids.

Ces deux acquits du 1er septembre 1944, concernent dix sacs de dix quintaux de farine que sont venus chercher les deux boulangers du bourg de Nexon, MM. ANDRIEUX et BESSE, tous les deux en voiture hippomobile. Le premier est parti à 15h15 et le second à 15h30 pour une durée de transport d’une heure. Le transport de farine était très contrôlé et les gendarmes vérifiaient fréquemment que ce document était bien en possession du conducteur du véhicule transportant la farine.

Dans le cas du Courdein, la boulangerie et le moulin appartenant à la même personne, les relations étaient plus simples. Les sacs de farine traversaient la cour mais un acquit devait cependant être rédigé.

Avec l’échange, pour chaque sac de blé de 80 kg rendu au moulin l’agriculteur recevait, au début des années 1960, 30 bons pour une mêlée de 2 kg ou 60 bons pour un pain d’un kilo. L’augmentation régulière des coûts, tant pour le meunier que pour le boulanger, a conduit d’abord à une baisse du poids du pain car les pouvoirs publics ne voulaient pas que le prix du pain augmente afin de préserver le pouvoir d’achat des consommateurs. Ainsi la mêlées est progressivement passée de 2 kg à 1,7 kg, le pain de 1 kg à 700 puis 600 grammes. En même temps le paysan ne recevait plus 30 bons mais 29 puis 28.  

L’augmentation des coûts de transport touchait d’autant plus les boulangers qu’ils vendaient une part importante de leur production en tournée, pour la boulangerie du Courdein c’était l’intégralité.

Le syndicat des boulangers a proposé de faire payer ce service en majorant de 3 centimes le prix de la mêlée et de 2 centimes celui du petit pain. Cette décision syndicale a été entérinée lors d’une réunion organisée à Nexon le 8 décembre 1963 pour les boulangers de Nexon et des environs. Les quatre boulangers de Nexon, BARBE, BARNABET, NYS et TEXEROT étaient présents.

Le 25 juillet 1967, le Syndicat des boulangers, arguant de l’augmentation des taxes, décidait de réduire le poids de pain fourni. Les représentants agricoles et les boulangers ne purent pas s’entendre et l’échange blé-pain fut supprimé. Mais avec amertume les agriculteurs constatèrent qu’en achetant leur pain ils n’obtenaient que 16 pains pour le prix d’un sac de blé !

le Populaire 6 aout 1967

La Fédération des syndicats d’exploitants de la Haute-Vienne et d’autres organisations agricoles décidèrent de créer leur propre boulangerie sous forme coopérative. Deux ont vu le jour, l’une la Boulangerie Coopérative de la Valoine (BOCOVAL) à Limoges, dans la zone industrielle de Magré, l’autre la Société Coopérative Briance-Breuilh à Magnac-Bourg.

La BOCOVAL ouvre un magasin à Nexon, rue Victor Hugo. Cela se traduit par une diminution sensible de l’activité de la boulangerie du Courdein.

Mon frère Daniel qui a choisi le métier de boulanger, après un apprentissage chez BARBE à Nexon, vient travailler au Courdein ou il prendra la responsabilité de la fabrication du pain. Il y a deux fours, le plus utilisé un four a vapeur à deux étages et un vieux four à chauffe directe, pour un usage moins fréquent.

Michel Buisson devant le four à vapeur en 1963
Mon frère Daniel en 1967 défournant des mêlées cuites dans le vieux four.

En 1968 Daniel effectue son service militaire et c’est Maurice BAZERT qui le remplace.

Revenu de l’armée Daniel reprend sa place jusqu’en aout 1972. Il part alors à Paris pour suivre sa future femme, mes parents décident alors de fermer la boulangerie.

Le moulin…

Le moulin, quant à lui, a fonctionné avec mon grand-père Arthur aidé de Léon ADAM et de mon père. Pendant les années d’après-guerre il fallait bien être trois pour en assurer la bonne marche. Après cinq années de guerre la France manquait de tout, en particulier de céréales. Elle en importait des Etats-Unis, du Canada mais aussi d’URSS. Tous les mois ou presque un wagon de céréale, blé ou maïs, arrivait en gare de Nexon. Il fallait le décharger, moudre les céréales et expédier la farine, toujours par wagon vers le Midi ou le Nord de la France.

Sur la lettre de l’Agence Générale de Navigation annonçant l’envoi d’un wagon de 150 sacs de maïs on peut lire que ses sacs sont arrivés sur le cargo Thimoni et qu’un autre bateau est attendu le lendemain, toujours en provenance d’Amérique puis un autre venant de Tunisie.

livraison de 150 sacs de maïs en provenance des Etats-Unis déchargés au port de Sète.

Le commerce du blé et celui de la farine ont toujours été étroitement contrôlés par les pouvoirs publics. Dans l’Ancien Régime l’objectif était d’éviter les famines, au XXème siècle c’était pour garantir un juste prix du blé pour les agriculteurs et maintenir le pouvoir d’achat des consommateurs en fixant le prix du pain. Le débat a toujours existé entre les partisans de la liberté du commerce et ceux qui prônent son contrôle. Le contrôle redevient la règle avec le gouvernement de Léon Blum qui, pour lutter contre la surproduction de farine, crée en juin 1936 l’Office du Blé. Il deviendra l’Office National Interprofessionnel des Céréales (ONIC) par la loi du 17 novembre 1940.

Pour lutter contre les excédents une partie du blé est « dénaturée ». ce blé est alors utilisé pour l’alimentation des animaux.

Les politiques interventionnistes se traduisent toujours par des taxes à payer, des limitations dans les productions. Il en résulte des contrôles pour en vérifier la bonne application. Le fait d’exercer à la fois sur le même lieu les métiers de minotier et de boulanger incitait l’administration a effectuer de fréquents contrôles. Combien de fois étant enfants avons-nous vu « débarquer » des contrôleurs arrivants avec deux voitures, l’une par la route, l’autre par le chemin du moulin, entrant dans toutes les pièces de notre maison pour vérifier qu’il n’y ait pas de sacs de farine entreposés…C’était presque caricatural !

Pendant les années 1950 le moulin continue à produire de la farine pour les besoins locaux mais aussi pour des expéditions dans toute la France. On expédie également du blé, comme on le constate sur le récépissé d’une expédition de 250 sacs de blé à la Coopérative agricole de Puiseaux dans le Loiret le 19 décembre 1958.

Le début des années 1960 sont celles d’une vie intense. Nous sommes 7 enfants et avec nos parents nous sommes toujours 9 à table. Souvent un des boulangers est nourri et logé. Il y a de quoi nourrir tout ce monde, non seulement avec le pain mais dans la cour du moulin courent des poules, des canards, des dindes. Le pigeonnier compte plusieurs couples de pigeons, la vache nous garantit le lait et le jardin les légumes.  

Au début des années 1960, mon plus jeune frère dans la cour du moulin.

Après la mort de ma grand-mère en décembre 1958 Arthur a été moins présent et en aout 1959 il est parti habiter à Nexon chez Marie BITAUD qu’il a épousée. Léon ADAM assure seul la marche du moulin dont l’activité s’est réduite du fait de la concurrence des grands moulins de Paris, de Pantin, de Corbeil…Il n’y a plus d’expéditions par wagon entiers loin du Limousin. Les seuls clients sont les boulangers, les pâtissiers et quelques charcutiers dont plusieurs de Limoges. Le principal acheteur, la boulangerie du Courdein ayant cessé son activité le moulin tourne au ralenti.

Une très forte baisse d’activité à partir du 2ème semestre 1972.

On est loin des 10 579 quintaux autorisés. Il faut arrêter la production et vendre le contingent. Mais le nombre des acheteurs se réduit car le nombre de minotiers diminue.

Cette baisse s’inscrit dans un vaste mouvement séculaire. Au début du XIXe siècle la France a compté près de 100 000 moulins, mais avec la diffusion de la machine à vapeur, les petits moulins vont rapidement disparaitre si bien qu’au début du XXe siècle on ne compte plus que 30 000 minoteries. La chute va s’accélérer et le nombre de moulins tombe à 1 200 en 1985 et à moins de 300 en 2019.

Finalement le contingent est vendu à la coopérative du moulin de Batardeau à Auxerre et l’activité de minoterie cesse au 1er janvier 1974.

6- Le Courdein après la fermeture du moulin et de la boulangerie (1974 – 2019)

La vie continue aussi active. Les enfants ont grandis, ils sont devenus parents et souvent le dimanche la salle à manger retrouve les grandes tablées des années 1960.

Peu à peu le lierre envahi les murs, la toiture prend l’eau… Mon père démonte toutes les machines du moulin et les fours de la boulangerie.

Mais il y moins de mouvements, la nature s’impose, l’herbe pousse dans la cour, le lierre grimpe après les murs, mon père démonte les machines dans le moulin et les fours dans la boulangerie.

Le 31 janvier 1997 mon père est victime d’un AVC qui le laisse hémiplégique. Pendant presque 10 ans il consacrera son énergie à garder le maximum d’autonomie. Il décède le 18 septembre 2007. Ma mère vivra seule dans ce domaine qui a connu une intense activité. Elle ne voulait pas entendre parler de maison de retraite, elle était heureuse au Courdein avec ses chats, sa petite chienne, l’âne Bambou et les ponettes et surtout ses fleurs.

La vieille maison et les fleurs qu’entretenait maman.

Elle a vécu 70 ans au Courdein et elle est partie le 6 septembre 2015.

Nous avons gardé la propriété, nous avons pris soin de notre âne Bambou et du poney Pompon mais il a fallu nous rendre à l’évidence, nous ne pouvions pas laisser sans vie cette propriété. Nous avons décidé de vendre.

Le 6 juillet 2019 nous avons vendu la propriété du Courdein.

7 – Le 6 juillet 2019 une nouvelle vie commence au Courdein…

Constatant le mauvais état du bâtiment qui abritait le moulin les nouveaux propriétaires ont décidé de le faire écraser. J’ai pu assister à ce travail impressionnant par la facilité avec laquelle la puissante pelle mécanique arrachait les pans de murs, créant un trou béant qui laissait apparaître ce qui avait été les entrailles du moulin. A chaque mouvement les vieilles pierres mêlées aux poutres centenaires s’effondraient. Et à la fin, comme par pudeur, c’est caché par un immense nuage de poussière que les derniers pans ont été arasés.

Je n’ai pas éprouvé de tristesse à voir disparaître ce témoin de ma jeunesse. Les souvenirs sont gravés dans ma mémoire, l’odeur de la farine fraîchement moulue, le bruit des cylindres et surtout celui du planchistère, les 80 kilos des sacs de blé qui semblaient légers à nos épaules de 18 ans, un peu moins les 100 kg des sacs de farine, que Léon s’amusait à faire « bon poids » quand nous les prenions sur le dos pour aller du moulin à la boulangerie, le pain chaud qui sort du four…

Autrefois, il y avait un moulin ….

Une fois partis tous les murs l’espace semble réduit. Il est difficile d’imaginer qu’un imposant moulin s’élevait à cet endroit. Seule la mémoire en garde le souvenir et ce blog est le moyen de la faire vivre.

Une nouvelle vie va se développer au Courdein et nous souhaitons aux nouveaux propriétaires d’y trouver le même bonheur que celui que nous avons connu.

La rue Gambetta, ancienne rue du Nord. Le côté pair de 22 à 26.

N° 22 : Le bâtiment fait l’angle de la Rue Gambetta avec l’impasse Gay-Lussac.

N°22 Rue Gambetta

Le magasin qui donne sur la rue, bordé par une galerie en bois, a été occupé par l’épicerie LAGORCE. Puis ce fut le bureau de tabac tenu par M. Robespierre CADIN qui était chef de la Clique nexonnaise. Après le départ à la retraite de M. CADIN à la fin de l’année 1984, il y eu des occupations épisodiques et maintenant le magasin n’est plus utilisé.

L’épicerie Lagorce, Pâques 1964
La rue Gambetta vers le bourg en 1943

N° 24 : l’immeuble a été construit après la première guerre mondiale ; Sur les cartes postales anciennes il y a un grand jardin entre la maison à l’angle de la rue Gay Lussac et celle à l’angle de la rue Lafontaine

Il n’y a pas de construction entre les numéros 26 et 22 actuels mais un mur avec un jardin en contre-bas.

M. DUFROIS, sabotier fait construire une grande maison en deux parties semblables. A droite c’est son magasin et son habitation. Son gendre M. CHENAVIER y habite également avec sa fille Andrée, une camarade de Madame le docteur FORGERON lorsqu’elle était jeune fille et habitait chez ses parents, M. et Mme VIGNERON.

L’imposant immeuble du n° 24 avec ses deux magasins en 1984

La partie gauche était louée d’abord à M. LAMARCHE qui tenait une épicerie primeur puis à M. LAGORCE qui y transporta son épicerie. La caisse d’épargne y ouvrit son agence avant de la transférer au 2 place de la République.

Puis les deux magasins ont été réunis et une construction a été ajoutée sur la droite. Il y a un bar-tabac-journaux, L’EDEN, tenu par M. Jean-Yves FAYEMENDI jusqu’en mai 2005. Messieurs Rémy et Richard DIDIER lui ont succédé puis M. Richard DIDIER seul.

L’Eden au numéro 24. On remarque les modifications de la façade
Un agrandissement a permis de réaliser un vaste espace commercial Bar, Presse, Tabac…

A la fin de l’année 2018, L’EDEN a été repris par M.et Mme MASSY, propriétaires du restaurant situé 17 avenue Charles de Gaulle.

Un jardin en contre bas sépare l’Eden de l’immeuble du n°26.

N° 26 : le bel immeuble construit à la fin du 19ème siècle abritait la Poste jusqu’à la construction de la nouvelle poste, place de la République, autre fois le champ de foire.

Deux cartes postales, l’une éditée en 1908 par l’Hirondelle, plus haut dans le texte, montre tout le personnel devant la porte, les facteurs en uniforme et une femme portant un barbichet. La seconde, sans nom d’éditeur, date de la même époque mais avec un plan plus large elle permet d’apprécier à la fois les dimensions de l’immeuble et la perspective vers le centre du bourg.

A l’exception du personnel, absent sur cette carte postale, les deux clichés sont identiques et datent de 1907

Après le déménagement de la poste c’est la librairie -journaux de madame GRAMAGNAT qui s’y est installée. Puis ce fut Madame SENAMAUD et maintenant il n’y a plus de commerce.

Le 26 de la rue Gambetta en 1942
Les traces de la vitrine sont encore visibles à gauche de la porte

La fille d’un nexonnais, Antoine Félix GIZARDIN, patronne du magasin de chaussures « A la Grâce de Dieu ».

M. Louis Félix BERTRAND est né le 18 mai 1824 à Saint-Ciers-sur-Bonnieure en Charente de parents cultivateurs.  Marchand de chaussures à Périgueux il épouse 11 janvier 1854 à Mansle (Charente) Marguerite « Elise » PIRET. L’année suivante il ouvre à Limoges un magasin de chaussures à Limoges, place Saint-Martial, à l’angle de la rue Pont-Hérisson, la rue du Clocher n’était pas encore percée. Il le nomme « A la Grâce de Dieu ».

On remarque sur cette carte postale que la rue Jean Jaurès n’est encore réalisée. La photo est prise de la Place saint Martial, future rue Jean Jaurès à la fin de la guerre en 1919.

L’idée d’utiliser des chromos pour faire de la publicité est venue d’Aristide Boucicaut, propriétaire des grands magasins parisiens, « Au Bon Marché ». En 1850, tous les jeudis, il donnait personnellement aux enfants venus avec leur mère, une image. Ainsi ils étaient incités à revenir au magasin le jeudi suivant pour avoir une autre image.

Il va rapidement être imité et dans toutes les grandes villes des commerçants se mirent à distribuer des images au verso desquelles se trouvait leur publicité. M. BERTRAND a utilisé cette méthode pour faire connaitre ses produits et leur prix.

Chromo « Berlin – Le palais Royal » avec au verso quelques tarifs des articles du magasin « A LA GRACE DE DIEU » F. BERTRAND toujours situé Place St Martial à Limoges

Avant d’utiliser la Presse, lue par petit nombre des clients des magasins qui cherchent à avoir une large clientèle, les commerçants vont avoir recours à d’autres supports. En particulier des pièces de monnaies « privées », les jetons de nécessité, crées pendant les périodes de crise et les jetons de transport.

Une trentaine de compagnies de tramways électriques ont émis des jetons de transport : Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg … et Limoges. La ville de Limoges a confié la concession des transports par tramway à MM. Grammont et Faye le 13 février 1897. Ils créèrent la Compagnie des Tramways Electriques de Limoges (T.E.L.). L’exploitation débuta avec cinq lignes de 12 km au total, avec une trentaine de motrices Grammont.

La compagnie a émis des jetons de transport d’une valeur de 10 centimes.  L’originalité est que sur l’autre face il y avait de la publicité, à l’époque on disait « réclame ». Pour les pièces en aluminium c’était soit l’Atelier de construction Grammont, soit la pharmacie Brunot et pour la pièce en laiton, les chaussures Bertrand.

De son mariage Louis Félix Bertrand aura cinq enfants trois garçons et deux filles. Les garçons vont tous embrasser des carrières qui les éloigneront du commerce de chaussures.

L’ainé, Pierre BERTRAND (1855 – 1902), sera magistrat et après avoir commencé sa carrière comme substitut à Tulle il la terminera comme Avocat général près la Cour d’Appel de Douai. Ulric « Joseph » Pierre BERTRAND (1870 – 1926), ingénieur des Arts et manufactures, créera une entreprise de papiers peints à Paris. Louis Marie Henri BERTRAND (1878 – 1915), Saint Cyrien est morts pour la France le 15 octobre 1915. Il était capitaine. Les trois fils ont été décorés de la Légion d’Honneur.

Angèle Marie BERTRAND, née à Périgueux le 7 avril 1860 épouse un négociant, Jean Paul ROBIN et ils s’installent à Agen. Marie Berthe BERTRAND (Elisabeth Bertrand), née le 25 septembre 1864 épouse le 31 mars 1883 à Limoges, « Antoine » Félix Frédéric GIZARDIN, né à Nexon.

Les GIZARDIN sont une vieille famille nexonnaise. Mathurin GIZARDIN (1692 – 1762) était notaire comme son fils Nicolas. Ce dernier a eu six enfants, certains sont restés à Nexon comme Gabriel (1789- 1866) cafetier place de l’église ; d’autres comme Léonard, né en 1771, s’installa à Vialotte sur la commune de Saint Hilaire les Places où il fut adjoint au maire.

La maison des GIZARDIN à Saint Hilaire les Places

Antoine est né le 5 septembre 1849 au bourg de Nexon ou son père possède une auberge.

Lorsqu’Antoine épouse Berthe BERTRAND son père est décédé et c’est sa mère qui fait part du mariage de son fils.

Celui-ci a lieu à Limoges où il est célébré par Marcelin BECHADE, adjoint au maire de Limoges.

Les témoins pour le marié sont Albert THOMAS docteur en médecine âgé de 26 ans demeurant à Nexon et Ferdinand GIZARDIN, propriétaire âgé de 40 ans demeurant aussi à Nexon. Pour la mariée son frère Pierre, substitut du procureur à Tours, âgé de 28 ans et Gustave GENEIX, agent d’assurance, âgé de 30 ans et demeurant à Limoges.

L’acte de mariage précise qu’Antoine est « sans profession » ce qui est étonnant pour un garçon de 34 ans. Son épouse à 15 ans de moins que lui et elle aussi est « sans profession ».

Antoine ne va pas rester longtemps sans avoir un métier. Il ouvre un magasin de chaussure place Saint Michel et il cherche à louer l’hôtel que possède ses parents à Nexon.

Le Courrier du Centre des 18 avril et 2 mai 1886

Le magasin qu’il ouvre va prendre comme nom « A Saint Michel ». On voit ici la ressemblance qu’il y a avec le magasin de ses beaux parents : « A la Grâce de Dieu ». Il va faire de la publicité dans la presse, en particulier dans Le Courrier du Centre, adaptant son message à la période de l’année : Noel, Chasse…

Lors de la Foire de la saint Loup, est une foire créée en l’honneur de Loup, évêque de Limoges, qui existe depuis le XIV e siècle. Elle est devenue progressivement la plus importante foire de Limoges et du Limousin. Généralement organisée le 22 mai, elle a lieu maintenant le dernier weekend de mai. L’activité des commerces est fortemnt liée au temps qu’il fait au moment de la foire.

On constate que même lorsque le temps n’est pas clément, le magasin de chaussure d’Antoine GIZARDIN réalise de bonnes affaires. c’est ce qui se passe en 1898. Le journaliste du Courrier du Centre qui fait le reportage constate que malgré le mauvais temps M. GIZARDIN est l’un des rares commerçnts à avoir fait de meilleures affaires qu’en 1897.

Le Courrier du Centre 25 mai 1898

Moins d’un an après le mariage d’Antoine et Berthe, le 10 janvier 1884 naît une petite fille que les parents appellent Agnès. Elle sera le seul enfant du couple GIZARDIN. On peut supposer qu’elle a eu l’éducation classique des jeunes filles de la bourgeoisie limousine. S’il fallait une preuve on la trouverait dans la cérémonie religieuse de son mariage avec Pierre Paul LATHELIZE, fabricant de chaussures. La cérémonie civile a lieu à la mairie de Limoges le 19 juillet 1904.

On peut remarquer la belle signature de Pierre Paul ce qui permet d’imaginer qu’il avait le même sens de l’esthétique pour dessiner ses modèles de chaussures.

La cérémonie religieuse à lieu le lendemain en l’église Saint Michel. Les deux familles faisaient partie de la bourgeoisie commerçante de Limoges et Le Courrier du Centre ainsi que le magazine Limoges illustré en rendent compte signalant les prestations de la chanteuse Louise RUBEN, du violoniste Léon FURELAUD, de l’organiste PERMANN ….

Le Courrier du Centre 21 juillet 1904
Limoges illustré 1er aout 1904

De ce mariage naitront trois enfants : Maurice LATHELIZE (1905-1981), André LATHELIZE (1908 – x) et Joseph LATHELIZE (1913-1987).

Assez rapidement Paul LATHELIZE va prendre les rênes du magasin. Le nom de BERTRAND disparait et celui de LATHELIZE lui est progressivement substitué.

Paul développe l’affaire en recourant à la publicité. Avant 1914 on pouvait lire sur un dépliant « Chaussures pour hommes cousues mains à 14,95 F pour le modèle Derby en veau suiffé ou 22 F pour le modèle Alpin en veau blanc double semelle ou à 15,95 F les bottines en chevreau glacé ». Le magasin se définissait comme « maison de premier ordre, la plus ancienne de la région ».

En 1911 les deux noms, BERTRAND et LATHELIZE figurent sur les documents. Paul LATHELIZE précise qu’il est le petit-fils du fondateur.

Après la guerre seul le nom de LATHELIZE apparaît.

Publicité pour la saison 1934

En 1943 le style des chaussures a changé. le magasin met en avant une création des chaussures HEYRAUD.

Magazine « Notre Province 1943 »

dans les années 1960 les devantures des magasins vont changer de style. La rue du clocher est une des plus commerçante de Limoges et l’enseigne « A la grâce de Dieu » est toujours la même. Elle n’a pas changé depuis plus de 100 ans.

Aujourd’hui le magasin « ELLES » a laissé la place à un fast-food mais en face c’est toujours un commerce de chaussure et si l’enseigne a changé la façade au premier étage conserve le nom d’origine …

La rue Gambetta, ancienne rue du Nord. Le côté pair de 16 à 20 bis.

La rue du Nord vers 1905

Au numéro 16 il y avait un bureau de tabac. Il a d’abord été tenu par M. PRUNY puis par M. LABIDOIRE. Tous les deux ont édité ou fait retirer des cartes postales. M. Pierre LABIDOIRE était blessé de guerre. Amputé d’une jambe il marchait péniblement avec un pilon et une grande béquille en bois. Les buralistes occupaient des « emplois réservés ».

Outre le tabac avec de nombreuses variétés à chiquer et à priser, ils vendaient les timbres quittances et les timbres pour les vélos. En effet on ne pouvait rouler à bicyclette, y compris les enfants, qu’en payant une vignette annuelle de circulation à fixer sur le cadre du vélo.

L’origine de la plaque de vélo française est la loi du 28 avril 1893. Cette plaque a été émise sans discontinuer de 1893 à 1958. Les modèles changeaient chaque année, a l’exception des années 1900-1907. Les plaques émises annuellement étaient tour à tour en laiton jaune pour les années paires et en métal blanc pour les années impaires.

En 1942, la plaque fut imprimée sur du carton comme fac-similé de la plaque en métal. En 1943, la plaque de vélo a été émise sous la forme d’un timbre.

A partir de 1949, le timbre sera remplacé par un formulaire nominatif qui gardera le nom de « plaque de vélo ». Toujours vendu dans les bureaux de tabac il sera émis en cinq couleurs différentes. Puis ce sera une vignette. Le dernier formulaire a été émis pour l’année 1959, un arrêté ministériel du 30 décembre 1958 ayant supprimé l’impôt français sur les vélocipèdes.

Monsieur LABIDOIRE était assis à son comptoir caisse et, dans l’autre moitié de la boutique, Mme LABIDOIRE tenait un bar. M. LABIDOIRE était secrétaire de la fanfare.

M. LABIDOIRE est décédé dans sa 55 ème année au début du mois de février 1947.


Le Populaire, Mardi 4 Février 1947

Cette carte postale, prise sous le même angle que celle de 1905 a été éditée par M. LABIDOIRE.

On remarque que maintenant, juste avant la guerre de 1939-1945, les trottoirs sont faits, les façades ont changé et on commence à voir des automobiles et des motos.

Après M. LABIDOIRE, pendant plusieurs années M. MORTALLIE y avait son magasin d’appareillage électriques et électroménager puis il l’a transféré au 20 bis quand M. PERRIARD a pris sa retraite.

Publicité de 1965

Une boulangerie l’a remplacé, d’abord tenue par M. BOUCHER pendant quelques mois puis M. Michel BARNABET a transféré dans la rue Gambetta sa boulangerie qui était rue Pasteur, à quelques mètres de la boulangerie BARBE.

Après la retraite de Michel BARNABET la boulangerie sera reprise par MM. Christian TANTY, Firmin BOUCHET puis Jérôme et Julie LECONTE.


En 2014 Jérôme et Julie LECONTE continuent l’exploitation de la boulangerie dont ils font refaire la vitrine.

Au numéro 18 il y avait un hôtel, l’hôtel du Commerce. Au début des années 1900 M. PRUGNY en est le propriétaire puis c’est Prosper LAPLAUD qui l’exploite en même temps qu’il est sellier-bourrelier.

Puis dans les années 1920 l’hôtel du Commerce est tenu par François GOURINCHAS.

 Il exploite en même temps une épicerie au nom du « Planteur de Caïffa ». A chaque achat on reçoit un « ticket prime » qui par la suite se transforme en cadeaux. M. GOURINCHAS faisait des tournées dans la campagne en fourgonnette. Elle fonctionnait au gazogène pendant la guerre de 1939-1945.

Il y avait trois filles dans la famille GOURINCHAS, Thérèse était couturière et avait son atelier, au fond à droite, les deux autres s’occupaient de l’hôtel et du bar. Elles resteront célibataires.

Le commerce est tenu ensuite par M. VERGONZANE qui, au début des années 1960, vend son affaire à Monsieur Pierre MAPAS qui arrive d’Issoudun. Il tient à la fois une épicerie, une buvette et une mercerie. L’épicerie était à l’enseigne du Disque bleue. C’était une société familiale de grossiste en épicerie intégrant des détaillants, dirigée par Charles et Jean Valentin, fondée à Limoges en 1954. En 1968 le groupe Disque bleu deviendra DB et ouvrira le premier super marché à Limoges, rue Wagner. En 1989, le Groupe Disque Bleu associé à Euromarché se composait de 7 hypermarchés et de 60 supermarchés localisés dans le Centre et le Sud-Ouest.

L’essor fulgurant de la grande distribution que l’on constate alors mets à mal une grande partie du monde des petits commerçants. Déjà au milieu des années 1950, emmené par Pierre POUJADE (1920-2003), l’Union des commerçants et des artisans (UDCA) secouait le pays. A la fin des années 1960, une autre personnalité, Gérard NICOUD fonde le Comité d’information et de défense (CID) et s’associe à l’Union nationale d’action des travailleurs indépendants pour protéger les commerçants et artisans en s’opposant à l’État et aux magasins de grandes surfaces. Le 27 décembre 1973, Jean Royer (1920-2011) maire de Tours et ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat, fera voter une loi réglementant l’urbanisme commercial. L’activité des épiciers traditionnel diminue et M. MAPAS le ressent. Il cessera son activité le 31 mars 1991.

Depuis il n’y a plus de commerce au numéro 18 et l’immeuble a été transformé en appartements.

Au numéro 18 il n’y a plus de boutique.

Au numéro 20 il y avait un commerce de grains, semences et produits du sol tenu par la famille de Marcel ALIPHAT.

Après 1945, M. Claude REALLE a développé une activité de matériaux de construction tout en conservant la vente de graines fourragères et potagères et de produits du sol.

Son fils Robert a continué ces activités en y ajoutant le commerce des engrais.

M. REALLE a par la suite développé une entreprise de transport au n° 30 de cette rue.

Ensuite c’est Alain FAVARD qui continue le commerce de grains et engrais avant de la transformer en boutique de fleurs..

Pendant quelque temps Martine PRADEAU a dispensé des cours de yoga au numéro 20 puis au 20 bis de ce fait il n’y a plus ni commerce ni activité de service dans l’immeuble du numéro 20.

Au numéro 20 bis il n’y avait au début des années 1900 qu’un bâtiment sans étage qui servait de remise.

Après la guerre, Monsieur PERRIARD a fait construire un immeuble de deux étages. Au rez de chaussée il y avait un magasin ou étaient exposés les chaudières et les équipements pour salles de bain qu’installait M. PERRIARD. Avant cela le magasin se trouvait juste en face, route de la barrière devenue rue gay-Lussac, comme on le voit sur cette photo prise le 8 mai 1945. Henri PERRIARD travaillait avec ses trois fils, Georges, Henri et Pierre.

En 1945, le 8 mai…
Il n’y a plus de commerce au numéro 20, et au 20 bis c’est un salon de coiffure

Juliette PERRIARD a épousé René Pradeau qui a travaillé dans l’entreprise de son beau-père. Elle habite toujours au 20 bis de la rue Gambetta.

La famille PERRIARD ayant pris sa retraite, M. MORTALLIE a occupé le magasin. Il a par la suite été transformé en boutique de vêtements de sport puis en salon de coiffure, aujourd’hui à l’enseigne « Connivence ».

Les MAZEAUD, une famille d’éminents juristes présente à Nexon (La Vigne), depuis 1835

Un peu d’étymologie

Mazaud, Mazeau, Mazeaud… A l’origine, il y a le verbe latin manere qui signifie demeurer, rester. Toujours en latin la demeure va devenir le nom commun « mansio » puis « mansion » en vieux-français. Ce mot se transforma en « maison » en français.  Mais dans certaines langues locales, Provençal, Occitan … la racine originelle « mans » va se fixer en « mas ».

A partir de la vont se créer des diminutif pour désigner un petit mas : Mazeau, Mazeaux, Mazeaud mais aussi Mazo, Mazou, Mazel, Mazet ou Mazoyer et Mazelier pour désigner les habitants du mas. L’une des formes les plus répandues est Mazères, lieu de plusieurs maisons, hameau…

La Mazaurie est une copie avec agglutination de l’occitan « mas âou ri » lequel est la transposition du latin mansus ad rivum, « la métairie, la ferme, le mas près du ruisseau ».

Naissance de la lignée des MAZEAUD de La Vigne

La lignée des MAZEAUD naît en 1772 avec François MAZEAUD. Il est propriétaire à Saint Yrieix. Il a épousé Catherine VERGNIAUD, fille du frère du célèbre orateur des Girondins, né à Limoges 1753. François a plusieurs enfants dont Alexandre Léonard MAZEAUD, né en 1802, décédé en 1852. Comme son père il possédait des propriétés agricoles autour de St Yrieix et vendait à Limoges le foin qu’elles produisaient.

Alexandre MAZEAUD (1802-1852)

Le premier août 1831 Alexandre Léonard MAZEAUD reçoit, de la part de Louis Philippe 1er Roi des Français, «la médaille » en faveur de ceux qui se sont distingués par leur dévouement à la cause de la liberté dans la révolution de juillet 1830.

Médaille juillet 1830

L’achat du domaine de La Vigne

En 1835, il épouse Marie Abriat LAFOREST (1806 – 1880) dont le père est aussi propriétaire à Saint Yrieix. Alexandre venait d’acheter la propriété de La Vigne située sur la commune de Nexon. Cette propriété faisait partie des biens du Sieur Charles de DAVID, baron des Étangs, maire de Nexon de 1824 à 1830.  Rencontrant de graves difficultés financières, il était poursuivi par son marchand de vin en gros, Guillaume LAUDINAT, qui a demandé la saisie des biens et leur vente à son profit. Elle eut lieu à l’audience des criées du tribunal de Saint Yrieix, le 17 septembre 1834, ouverte sur la mise à prix de 10 000 francs.

Les Annales de la Haute-Vienne du 5 septembre 1834

Alexandre Léonard, aura plusieurs enfants parmi lesquels Camille (1836-1894) qui épouse Marie Le BERTHON de BONNEMIE et Henri Alexandre MAZEAUD, né à Saint Yrieix le 19 novembre 1837, décédé à Douai le 30 octobre 1899.

Cette famille avait une aisance financière qui permettait à leurs enfants de faire des études, principalement en Droit, à Bordeaux ou à Paris. A partir de cette génération, les MAZEAUD quittent définitivement l’habit de « gentleman farmer » pour celui de Juriste.

Henri MAZEAUD obtient son diplôme de Docteur en Droit à Paris le 17 août 1863. Il effectuera une brillante carrière dans la magistrature.  Magistrat sincèrement républicain, il est nommé substitut du procureur général à Limoges le 12 septembre 1870. En 1877 il est nommé avocat général à Rennes et le 11 février 1879 il est promu procureur général à Besançon. Le 5 septembre 1883 il devient premier président de la Cour d’Appel de Douai.


Henri MAZEAUD, premier président de la Cour d’Appel de Douai.

La construction de la maison de maitre.

Henri aime la propriété de La Vigne que son père a achetée. Il y vient en vacances avec sa femme, Marguerite Rosalie David qu’il a épousée le 3 février 1873. Ils logent dans une petite maison, sans grand confort, dans la cour de la ferme. Le couple, très attaché à cette campagne limousine, décide de s’y installer pour leur retraite. Pour cela il décide de faire construire une maison de maître avec parc et jardin potager, le tout doté d’un système pour disposer d’eau à volonté.

L’emplacement de la maison est choisi sur la pente qui descend plein sud avec une vue panoramique sur le vieux moulin de la Mazaurie. Les coteaux étaient sans doute jadis plantés de vignes, d’où le nom actuel, La Vigne.

Les fondations de la maison nécessitent une centaine de tombereaux de pierre qui sont livrés en juin 1888 et à la fin de l’année 1890, les principaux travaux sont terminés.

Pour mener à bien tous ces travaux, Henri MAZEAUD, qui est à Douai, a pris un maître d’œuvre, Charles LEMOYNE de St Yrieix avec lequel il échange une volumineuse correspondance. Mais Henri compte également sur la vigilance de son frère Camille, qui, résidant à Saint Yrieix, surveiller le chantier.

Henri meurt brutalement le 30 octobre 1899 et ne verra pas sa propriété complètement achevée avec les jardins, les allées… C’est son épouse, Marguerite, secondée par son fils unique Félix, qui mettra la dernière main à cet ouvrage. La Vigne ne sera donc pas habitée tout au long de l’année comme l’avaient prévu Henri et Marguerite MAZEAUD, mais deviendra une maison de vacances, utilisée chaque année par les enfants, petits-enfants, cousins…

Le Mémorial Artésien, 24 octobre 1899
Le Courrier du Centre 27 octobre 1899

Félix prend La Vigne en main.

Félix MAZEAUD, fils unique de Henri et Marguerite, né le 24 septembre 1875 à Limoges, est décédé à Nexon le 22 septembre 1954.

Après ses études de droit à la Faculté de Lille Félix MAZEAUD devient avocat à Amiens, puis comme son père, il va embrasser la carrière de la magistrature. Celle-ci l’emmènera d’abord en Bretagne où le 6 mars 1900 il est substitut à Lannion ; le 15 avril 1902, substitut à Rennes ; le 16 juillet 1904, procureur à Ploërmel ; le 28 novembre 1905, procureur à Pontivy ; le 30 mai 1908, procureur à Quimper. Le 12 mai 1912, il est nommé substitut du procureur général près la Cour d’appel de Lyon, puis à Amiens ou il est 1er président de la cour d’appel.

Le Temps 22 février 1932

Procureur de la République à Lyon pour finir à Paris d’abord Conseiller à la Cour de Cassation en 1936 puis président de la Chambre des requêtes de cette Cour en juin 1941.  Il a été nommé chevalier de la Légion d’honneur le 29 juillet 1925.

Félix MAZEAUD, président de la Chambre des requêtes de la Cour de Cassation

Très éloigné de La Vigne par son métier, Félix MAZEAUD va malgré tout s’occuper très activement de cette propriété qu’il adore et apporter à cette maison du 19ème siècle le confort du 20ème naissant. Mais, surtout, il va planter beaucoup d’arbres ; des chênes, des tilleuls, des hêtres, des douglas, et beaucoup d’espèces fruitières. Il fait entretenir les châtaigneraies avec soin par les métayers. Il faisait participer ses enfants et petits-enfants à ces plantations et attribuait à chacun d’eux un arbre qui devenait sa propriété personnelle.

Avant la guerre de 1914-1918 à La Vigne

A La Vigne, Félix MAZEAUD était loin de la rigueur et de la solennité des Palais de Justice il aimait la vie et les plaisirs simples de la campagne, par exemple la pêche aux écrevisses. C’était une fête à laquelle participaient les enfants, les oncles. La préparation était déjà une cérémonie avec la mise en état des balances, la découpe des boyaux de lapin, la distribution de bâtons à chaque participant en prévision des vipères. Et puis c’était la descente vers les ruisseaux, en procession. A l’arrivée chacun avait son emplacement et deux ou trois balances à surveiller ; En une après-midi c’est une soixantaine d’écrevisses qui étaient prises aux pièges. Le lendemain, c’était un autre cérémonial, une grande serviette autour du cou, débute la lente dégustation pour laquelle chaque étape dure une éternité pour celui qui n’aime pas ces crustacés : chaque écrevisse est décortiquée, suçotée avec délectation jusqu’à la dernière miette.

Le 14 juin 1899, à Amiens, Félix MAZEAUD épousait Alice de ROUSSEN, née en 1879. Elle décédera en 1964.

Le Figaro, 22 juin 1899

Ils auront cinq enfants : Henri et Léon, les jumeaux nés en 1900, que seuls les membres de la famille pouvaient distinguer, Jean né en 1904, Pierre né en 1908 et Marguerite en 1916.

Félix Mazeaud décède à La Vigne le 22 Septembre 1954, âgé de 78 ans. Lors de la rentrée solennelle de la Cour de Cassation en Octobre 1955 un hommage lui sera rendu dont on lira le texte en annexe.

Henri MAZEAUD, l’héritier de La Vigne.

Henri MAZEAUD naît le 7 mars 1900 à Limoges. Il décède le 23 octobre 1993 à Paris, à l’âge de 93 ans. Il avait un jumeau, Léon (1900 – 1970), deux autres frères, Pierre (1907 – 1959) et Jean (1904 – ), et une sœur, Marguerite.

Bien avant sa mort, son père, Félix MAZEAUD, avait soigneusement préparé les modalités de sa succession. Dans ce partage, Henri recevait La Vigne. Il n’attend donc pas le décès de son père pour prendre en main la propriété et commencer d’importants travaux dans lesquels il englouti une grande partie de ses revenus.

Il épouse Paule MASSE (1907-1947), fille de Jean Masse et Jeanne DELACOUR, à Corbie, chef-lieu de canton dans la Somme.

Ils ont quatre enfants : Jean (Mai 1926 – Juillet 1926), Marie (1929 -1970), Jacques (1930 -), Frédéric, (1939 – ).

Henri et Léon, font leurs études de droit à Paris jusqu’au doctorat qu’Henri obtient en 1921. En 1926, reçu major au concours d’agrégation des universités, Henry est nommé à la Faculté de Droit de Lille ou il est promu Professeur en 1930. Parallèlement il occupe un poste à Varsovie de 1931 à 1939, où il se rend chaque année pendant un semestre. Il devient directeur de l’Institut Français puis Chef de la Mission Universitaire française en Pologne. En 1939 il est accueilli comme Professeur à l’Université de Paris ou il restera jusqu’à sa retraite.

Henri MAZEAUD, jeune professeur de Droit

En 1939 il est mobilisé et affecté dans l’administration militaire ou il s’ennuie. Il demande alors d’être transféré dans la brigade polonaise comme sous-lieutenant et participe brillamment à la Campagne de Norvège début 1940. Démobilisé, il retrouve sa chaire à Paris. Auprès de ses étudiants il prône la lutte contre l’occupant, puis entre dans la Résistance, devient le chef du mouvement Alliance pour la Picardie et Le Nord-Pas-de-Calais. Les actions qu’il mène lui vaudront de recevoir la médaille de la Résistance et d’être officier de la Légion d’Honneur. En 1944 il s’engage avec le grade de capitaine dans la première division blindée polonaise. La paix assurée, il retourne à Paris. En annexe on lira le témoignage de Roland DUMAS qui bénéficia de l’aide d’Henri MAZEAUD pour obtenir des faux-papiers.

Henri Mazeaud est un personnage de légende dans l’univers du droit privé à la fois par le nombre et la qualité de ses publications et la qualité de ses cours mais aussi pour son parcours non universitaire. Mais on ne peut pas parler d’un MAZEAUD sans évoquer les autres, surtout en droit privé. Léon MAZEAUD était, comme Henri, professeur à l’université de Paris. Engagé dans la résistance il est arrêté à Paris et déporté à Buchenwald. Lorsqu’il en revint, il fonda le mouvement l’Union des déportés dont il devint le président et participa à la création du Rassemblement du Peuple Français (RPF). Jean MAZEAUD, leur plus jeune frère n’était pas universitaire mais magistrat, carrière qu’il termina comme conseiller à la Cour de Cassation.

Les frères ne faisaient souvent qu’un lorsqu’ils publiaient. Leur premier ouvrage fut le « Traité théorique et pratique de la responsabilité » rédigé par Henri et Léon MAZEAUD à partir de 1931. Ils seront rejoints par André TUNC puis Jean MAZEAUD.

L’ouvrage le plus magistral est celui publié par les trois frères Henri, Léon et Jean « Les Leçons de droit civil » publié en 1955 en quatre tomes. Ces leçons constituent à la fois un manuel, grâce aux importants résumés qui précèdent chaque leçon, et un traité, grâce aux développements, notes et lectures qui les complètent. Cet ouvrage a été réédité pour la douzième fois en 2000 par Sabine MAZEAUD-LEVENEUR, petite fille de Léon et son mari, Laurent LEVENEUR.

Dans cette saga on ne peut pas oublier Pierre MAZEAUD, fils de Jean MAZEAUD, qui est né le 24 août 1929 à Lyon. Docteur en droit, juriste, il entame une carrière politique qui le mènera dans différents cabinets ministériels avant qu’il soit nommé Secrétaire d’Etat chargé de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs de 1973 à 1976. Député des Hauts de seine de 1968 à 1973 puis député de la Savoie de 1988 à 1998. Membre du Conseil constitutionnel en 1998, il en est le Président de 2004 à 2007.

Alpiniste reconnu, il a dirigé la première expédition française qui a escaladé le mont Everest en 1978 et a atteint lui-même le sommet.

Comme tous les MAZEAUD il a souvent passé des vacances à La Vigne. La proximité de Limoges l’a conduit en 1965 à être candidat aux municipales à la mairie de Limoges ou il est battu par Louis Longequeue.

Pierre MAZEAUD, le jour de sa réception à l’Académie

Henri MAZEAUD est élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques le 10 février 1969 dans la section Législation, droit public et jurisprudence. En annexe on lira le discours de réception prononcé par Alain BARRERE, doyen de la Faculté de droit de Paris.

Henri MAZEAUD en habit d’académicien

Comme son père et son grand-père, Henri MAZEAUD est, par son travail, très éloigné de la propriété de La Vigne. Elle ne sera occupée que pendant les vacances. Mais comme eux il va y consacrer une partie de ses revenus. Il va, petit à petit, acheter des terres et des bois pour que La Vigne présente un ensemble cohérent, sans parcelles incluses dans son périmètre. Mais s’il ne réussit pas à acquérir l’étang de la Forêt, lieu des baignades estivales de tous les vacanciers à La Vigne, en 1971 il va pouvoir enfin ajouter au patrimoine familial le moulin de la Mazaurie, convoité depuis plusieurs générations avec les terres qui l’entourent. Ce moulin appartenait à Emile PRADEAU, fils de l’ancien meunier, qui était greffier à Senlis.  Après avoir tout d’abord consentit à le louer il finit par le céder. L’achat fut réalisé avec des fonds provenant de tous les enfants d’Henri et à leurs noms.

Vue vers le moulin de La Mazaurie depuis la terrasse de La Vigne

Les bâtiments bénéficient eux aussi de nombreux travaux d’amélioration afin d’assurer aux résidents un confort conforme à l’époque et rendre la maison habitable en toutes saisons : WC, chauffage central, toitures, allées, …

La maison en 2018

Henri MAZEAUD décède le 23 octobre 1993 à Paris, à l’âge de 93 ans.

C’est Jacques MAZEAUD l’un des quatre enfants d’Henri qui reprend La Vigne en indivision avec son fils Denis. La Vigne reste une demeure de vacances. Jacques n’a pas embrassé la carrière juridique et s’est orienté vers un métier technique, celui de la reprographie. Il a réalisé pratiquement toute sa carrière chez Kodak. Il a épousé Chantal DAURIAC et ils ont eu trois enfants dont Denis, né en 1956, professeur de droit à l’université Panthéon-Assas.  

 A la retraite Jacques s’installe à Limoges. Il vient presque tous les jours à La Vigne et chaque été le domaine résonne des cris joyeux des enfants qui retrouvent les gestes de leurs ancêtres.

ANNEXES

L’arrivée de l’électricité et du téléphone à La Vigne

En 1929 une modeste ligne électrique arrive jusqu’à La Vigne, juste suffisante pour l’éclairage de la maison. Avant cette date, la lampe à pétrole était reine pour les pièces principales, secondée par les bougies. La puissance ne permet d’installer qu’une ampoule dans chaque pièce et rarement une prise.

Par la suite la puissance installée permis d’alimenter un minimum d’appareils électriques et d’améliorer l’éclairage et en 2000-2001 une installation moderne et aux normes a été réalisée.

Jusqu’en 1953, il n’y avait pas de téléphone à La Vigne. Pour téléphoner, il fallait courir à Valette, lieu le plus proche où se trouvait un appareil accessible au public, dans la maison de la famille DEZON. Le télégramme palliait souvent ce manque de communication, il était porté jusqu’à La Vigne, en vélo, par des Nexonnais de bonne volonté.

En 1954 la santé de Félix MAZEAUD déclinant sérieusement, il devenait indispensable de disposer d’un moyen de communication rapide. Son fils Henri fit de nombreuses démarches et obtint, courant 1954, un branchement sur Nexon, via Saint Hilaire les Places, avec le numéro 17. En 1965 un grand progrès a lieu avec un branchement direct sur Nexon, avec le numéro 117, pour devenir aujourd’hui le 05 55 58 11 17.

Hommage au Président Félix Mazeaud, lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de Cassation le 3 octobre1955.

« Monsieur le premier président Mazeaud a laissé à la Cour de cassation un grand souvenir.

Je n’ai eu l’honneur de le rencontrer qu’une seule fois, alors que, déjà à la retraite, il venait au Tribunal de la Seine assister à la remise de la croix de la Légion d’honneur à son fils, notre collègue Jean Mazeaud.

Il avait conservé ce regard aigu, qui avait dû, en dépit de sa bonté, intimider tant de jeunes magistrats. Je le fus pour ma part, frappé par une réserve et une discrétion qui n’excluaient cependant pas une irrésistible impression d’autorité.

Né à Limoges, en 1875, lauréat de la Faculté de Lille, monsieur Mazeaud est entré dans la magistrature en 1900 ; et nous pouvons penser que s’il a choisi d’être juge, c’est dans un libre mouvement vers une activité toute dominée par la morale.

Tout de suite, il s’est imposé par des qualités exceptionnelles : « Grand travailleur, magistrat remarquable par son savoir, son intelligence et la finesse de son esprit ». Telle est l’appréciation des chefs de Cour sur le jeune magistrat qui avait devant lui le plus bel avenir.

Après quatre ans passés en Bretagne, à Lannion, à Rennes, à Quimper enfin où il succède, comme procureur, à monsieur Le March’hadour, dont nous n’avons pas perdu le souvenir, il est nommé, en 1908, substitut du Procureur Général, à Lyon. Il a trente-trois ans.

C’est dans ce grand ressort, où déjà il a su donner toute sa mesure, que le surprend le conflit de 1914. Il part comme commissaire du Gouvernement dans un Conseil de guerre. Il exerce ses fonctions sur le Front, il y reçoit la Croix de guerre et, lorsque les chefs de la Cour de Lyon le présentent en vue de sa nomination au poste d’avocat général, ils rappellent les services qu’il a rendus dans ces juridictions militaires et les épreuves auxquelles il y a été soumis, ils ajoutent qu’elles sont un nouveau titre et non des moindres à l’avancement qu’il mérite.

Cet avancement, monsieur Mazeaud l’obtiendra bientôt : avocat général, puis chef du Parquet de la seconde ville de France, il a à connaître des affaires les plus importantes, et fait apprécier son tact et sa fermeté, aussi est-il placé, en 1927, à la tête du Parquet général d’Amiens. Pendant dix ans, monsieur Mazeaud exercera les plus hautes fonctions judiciaires de cette Cour, dont il deviendra premier président, en 1930.

Et c’est ainsi qu’une nouvelle carrière s’ouvre devant lui, celle de magistrat du Siège qu’il commence par les sommets. Il y sera vraiment lui-même, je veux dire : un grand juriste.

Sa réputation, déjà, s’est étendue au-delà des frontières ; il avait été appelé, en 1925, à, faire, en Pologne, une série de conférences sur l’institution du jury en France, qui contribuèrent au prestige de notre pays.

A Amiens, le premier président Mazeaud imprimera à la jurisprudence la marque de sa forte personnalité, notamment en ce qui concerne la protection de la famille ; mais c’est surtout en matière de responsabilité qu’il va prendre parti sur de nombreuses questions que le développement de la science et de la technique rend à la fois nouvelles et fréquentes.

Aussi ces questions deviennent-elles sa spécialité lorsqu’il vient siéger, à partir de 1956, à votre Cour.

La responsabilité civile, nous savons tous combien le nom de Mazeaud est attaché à ce domaine, si important en droit moderne. Eh bien ! messieurs, la plupart des arrêts rendus alors en cette matière, et qui vont orienter la jurisprudence, sont le résultat de ses travaux.

C’est ainsi qu’il sera appelé à occuper un des premiers postes de la magistrature française : la présidence de la chambre des requêtes lui est bientôt confiée.

Pendant cinq ans d’un labeur écrasant, il préside cette assemblée qui, déjà sous l’Ancien Régime, réglait le rythme des affaires au Conseil des parties, et dont la disparition s’est fait sentir dans l’afflux des causes civiles et commerciales toujours plus nombreuses.

C’est là qu’il rend le premier arrêt formel sur le calcul de l’indemnité d’après la valeur du dommage au jour où la décision est rendue. C’est là qu’il affirme encore une fois son attachement à un certain idéal moral et social qui a été celui de toute sa vie.

C’est que, dans toute l’acception du terme, monsieur le premier président Mazeaud a été ce que l’on appelait jadis, un grand libéral.

Un grand libéral, c’est un homme qui, dans le libre jeu de sa propre personnalité, garde un respect profond de la personne et de la dignité humaine.

Un grand libéral, monsieur le premier président Mazeaud l’a été avec sérénité, mais aussi avec courage. Aux jours sombres de l’occupation, il a refusé d’accepter ce que d’aucuns appelaient l’ordre et qui n’était que la cristallisation d’un affreux désordre.

Ses trois fils s’étaient jetés dans la résistance active, où ils ont fait partie du groupe « Alliance ». En avril 1944, Léon Mazeaud est arrêté alors qu’il transmettait par radio des renseignements sur les aérodromes ennemis. Il ne rentrera qu’en 1945, après avoir subi le martyre des camps allemands.

Cette déportation, elle avait été pour le président Mazeaud, un coup terrible, il le supporta avec le courage de l’homme fort : en mai 1944, alors que son fils venait de tomber aux mains des Allemands, il avait refusé, sous la menace du revolver, de saluer un drapeau de la milice.

Père des professeurs Henri et Léon Mazeaud, et de notre collègue, le conseiller Jean Mazeaud, il était lui-même fils de magistrat. Dans ce foyer, qui était vraiment la maison des juges, il vivait avec simplicité et noblesse. Imprégné de culture classique, il appartenait à une génération où l’on lisait encore le latin.

Aimant les livres et la musique, ses seules distractions étaient d’aller au concert ou de lire à ses enfants, le soir, les grands classiques ; il adorait Racine.

Les vacances, cependant, le ramenaient à la montagne, car l’équilibre de sa nature avait permis à cet homme de cabinet d’être aussi un sportif : ne l’a-t-on pas vu, à soixante ans, se briser une jambe en faisant du ski.

Aussi, dans la retraite, il est resté un grand serviteur. Lui qui s’était dévoué à notre vieille amicale, dont il fut président, avant la création de l’Union fédérale, il se consacra désormais à la Commission supérieure des dommages de guerre, tout en continuant à donner son concours à l’association Capitant et à rédiger pour le Sirey des notes nombreuses et remarquées.

Et puis, l’hiver dernier, à la suite d’un refroidissement, il s’est alité. Quelques jours après, il s’est éteint dans son sommeil, avec calme et sans souffrance.

Il avait gardé jusqu’au bout cette sérénité qui est la marque d’une certaine qualité d’âme. Un grand magistrat et un grand Français nous avait quittés pour toujours.

A madame Félix Mazeaud, aux professeurs Léon et Henri Mazeaud, à notre collègue Jean Mazeaud, nous adressons nos condoléances les plus émues.

Témoignage de Roland DUMAS

Roland Dumas, Le Fil et la Pelote : Mémoires – Plon -1996

La deuxième personne à laquelle je me suis adressé était le professeur Henri Mazeaud, professeur de droit civil chargé de la première année de licence a la faculté de Paris. Ils étaient deux frères jumeaux, Henri et Léon. Leur ressemblance était telle qu’on les prenait l’un pour l’autre. ]’avais entendu dire que Henri Mazeaud émaillait ses cours de propos favorables à la Résistance. Il fallait du courage pour parler de la sorte dans un amphithéâtre ouvert au public, devant un parterre d’étudiants dont les appartenances étaient diverses, au début de l’année 1944. Me prévalant de ma situation universitaire, je lui rendis visite à la fin d’un de ses cours. C’était un homme grand, mince, l’air grave. Il ne souriait jamais. Il me conseilla de ne plus mettre les pieds à la faculté de droit, imaginant que mon « affaire » de Lyon m’avait suivi et avait laissé des traces et que le premier travail de la police serait de me rechercher place du Panthéon.

Quand je lui dis que j’étais sans papiers d’identité, il m’adressa au greffier en chef de la faculté avec lequel il entretenait les meilleures relations et qui s’occupait du travail administratif, en particulier des inscriptions. Je compris par la suite qu’il était lui-même engagé dans la Résistance. Bonacorssi était connu de tous les étudiants. Il me reçut dans son bureau, ferma les portes, me donna rendez-vous pour le lendemain. Il me remit une fausse carte d’identité. J’étais désormais Robert Faure, né à Bourges. J’avais en même temps une panoplie de papiers d’inscription à la faculté sous ce nom.

Henri Mazeaud me reçut chez lui, rue Lesueur, pour me présenter à un chef de commando de la région parisienne avec lequel je repris mes activités. Interdit de séjour à la faculté de droit, je me rendis dans un établissement où je n’étais pas connu : l’Institut des études hispaniques, rue Gay-Lussac, ou j’avais, à tout hasard, pris une inscription qui n’avait pas eu de suite. Le directeur en était Marcel Bataillon. Je connaissais Marcel Bataillon, professeur d’espagnol à la Sorbonne, de réputation. Il avait fait partie du Comité des antifascistes des années trente.

Candidat pour le compte du Front populaire en Algérie, il avait reçu l’appui d’André Malraux, venu faire campagne pour lui car la réunion publique n’était pas son fort.

De ces quatre années de grande vadrouille, je gardai la « blessure singulière » qui ne se referme jamais, selon le mot du poète, mais aussi le souvenir exaltant de gens simples et généreux, de trois professeurs d’université qui, sans le savoir, s’étaient relayés pour m’aider à franchir la partie du chemin qui fut la plus difficile pour moi. Tous trois, Henri Mazeaud, Marcel Bataillon, Charles Cestre, moururent très âgés. Je me suis toujours plu à croire que la beauté de l’âme est pour quelque chose dans la longévité du corps.

Réception de Henri Mazeaud à l’Académie vendredi 23 janvier 1970

Allocution de M. le Doyen Alain Barrère

Monsieur le Président,

Messieurs les Membres de l’Institut,

Mon cher collègue,

Mesdames, Messieurs,

En accueillant parmi les siens un professeur de notre Faculté, l’Académie des Sciences Morales et Politiques a tenu à rendre hommage à son talent, à sa compétence et à la grande part qu’il a prise au développement des disciplines juridiques.

En même temps, elle permet à notre Maison de recevoir, en cette occasion, de nombreuses personnalités qui, à des titres divers, se réclament de préoccupations identiques aux siennes. Mais aussi se rassemblent ceux qui, lui ayant apporté en un moment de leur vie leur propre activité, n’ont pas cessé de lui appartenir. A tous ces amis que le Doyen de la Faculté accueille avec joie, je tiens à dire merci. Vous me permettrez aussi d’adresser à Monsieur le Président René Cassin, professeur honoraire de la Faculté, Prix Nobel de la Paix, l’expression de nos sentiments d’admiration et de respectueux attachement.

C’est sans nul doute, Monsieur et cher Collègue, dans l’atmosphère familiale qu’a pu naître et se confirmer votre vocation de juriste, puisque aussi bien les hommes de droit vous ont toujours entouré et vous entourent : votre grand-père fut un haut magistrat, votre père était Premier Président honoraire de la Cour de cassation, où l’un de vos frères siège comme Conseiller, alors que l’autre est à vos côtés dans notre Faculté.

Cette vocation s’est affirmée bien vite en vous, puisque, à 19 ans, vous obteniez à Lyon votre licence et que deux thèses remarquées vous valaient, deux ans plus tard, le grade de docteur. Votre orientation paraît, dès cette date, précisée : vous vous orientez vers la préparation de l’agrégation de droit privé. Vous faites vos premières leçons en 1924, à la Faculté de Droit de Lille qui vient de vous offrir une charge de cours. Déjà votre jeune enseignement connaît ses premiers succès ; ils ne tardent pas à mériter la consécration : elle vous est donnée par la place de premier qui vous échoit à la sortie du concours de 1926. Vous revenez ainsi agrégé à la Faculté de Lille qui a vu vos débuts de professeur.

Commence alors une carrière scientifique, épanouissement des promesses que renferment vos thèses de doctorat et qui se poursuivra, qui se poursuit encore, sans retours, ni défaillance. Il ne m’appartient pas d’en retracer les étapes et les œuvres marquantes ; ceci sera fait par une compétence plus autorisée que la mienne, mais je puis dire que l’enseignement et la recherche sont toujours demeurés en vous étroitement associés.

C’est dans cette atmosphère de travail que votre carrière se déroule. En 1930 vous êtes nommé professeur titulaire à Lille ; vous y demeurez en tout quatorze années, trop brèves assurément pour le souhait de vos collègues et de vos étudiants. Mais Paris vous appelle.

Notre Faculté vous confie en 1938 la charge du cours d’enregistrement et, dès le 1″ janvier 1939, vous occupez un poste d’agrégé.

Mais, entre-temps, votre notoriété scientifique a déjà attiré sur vous l’attention des juristes étrangers. On vous demande en Pologne et, conscient de l’importance du rayonnement intellectuel de la France à l’étranger, vous acceptez le poste de professeur qui vous est offert par l’Université de Varsovie, où vous devenez bientôt Directeur de l’Institut français, puis Chef de la Mission Universitaire française en Pologne.

Vous me permettrez d’évoquer un nom : celui du collègue qui fut alors appelé de Toulouse à Paris pour vous suppléer pendant votre séjour polonais. Je dois personnellement beaucoup trop au professeur Jean Plassard, pour ne pas profiter de l’occasion qui m’est ainsi offerte d’évoquer son nom. Mais, pour lui, comme pour vous, la guerre allait interrompre la carrière universitaire.

Vous êtes appelé par la mobilisation en septembre 1939 et versé dans l’administration militaire. Mais votre ardeur ne peut se satisfaire de ce poste et vous demandez votre affectation dans une unité combattante. On se souvient alors de votre récent séjour en Pologne, de la réussite qui a marqué vos efforts, comme vous-même sans doute voulez témoigner de votre amitié pour la nation qui vous a accueilli. Aussi êtes-vous demandé dès le mois d’octobre par la Mission militaire franco-polonaise.

Toutefois, ceci ne saurait vous suffire ; et lorsque se prépare l’expédition de Norvège, vous voulez être affecté à la Brigade polonaise qui va se diriger vers le nord de l’Europe. Vous êtes alors nommé sous-lieutenant. Puis après avoir demandé votre mutation dans l’infanterie et avoir été affecté au détachement français qui part pour la Norvège, vous participez à la campagne de Narvik, où votre bravoure est signalée par une élogieuse citation à l’ordre de la Division.

L’armistice vous ramène en France par un détour à Casablanca et vous allez pouvoir reprendre votre place à la Faculté de Paris, pour enseigner. désormais votre matière de prédilection : le droit civil.

Vous y êtes bientôt nommé professeur sans chaire, puis professeur titulaire, à la suite d’un vote du Conseil qui fait sur votre nom l’unanimité des votants, lesquels sont, à l’époque, au nombre, qui nous laisse aujourd’hui songeurs, de 22.

Mais le hasard des attributions de chaires, au gré des vacances de cette époque troublée, vous a réservé ses malices. Puis-je me permettre de relever que la fiction administrative fait alors de vous un professeur d’économie politique ? Mais tout rentre bientôt dans l’ordre, dans l’ordre du droit et de la raison, puisque vous êtes bientôt muté de la chaire d’économie et législation industrielle dans celle de droit civil que vous ne quitterez plus.

Allez-vous demeurer calmement à dispenser vos cours et à commenter les arrêts, alors que la France est encore aux prises avec les malheurs de la guerre ?

Vous n’avez pas tardé, du haut de votre chaire, à préciser à vos étudiants vos sentiments sur le devoir de continuer la lutte. Mais ce serait mal vous connaître qu’imaginer qu’il vous serait possible de rester inactif.

Vous entrez dans la résistance où vous êtes bientôt chef de secteur au réseau Alliance, ayant sous votre autorité la direction du secteur Somme-Oise-Seine-Inférieure et celle du secteur Nord-Pas-de-Calais que vous avez entièrement reconstitué à la veille de la Libération. Faut-il dire que vous procédez de votre appartement parisien à des émissions de radio clandestines, participez à la rédaction et à la diffusion de la presse de la Résistance, que vous procurez aux étudiants désireux d’échapper au service du travail obligatoire les papiers qui leur sont nécessaires ? La croix d’officier de la Légion d’honneur, une citation à l’ordre de l’armée et la rosette de la Résistance viendront consacrer l’importance de votre action, car vous vous êtes engagé au mois d’octobre 1944 à la 1re division blindée polonaise et vous avez fait les campagnes de Hollande et d’Allemagne.

La paix revenue, vous reprenez place à la Faculté ; vous continuez l’œuvre un moment interrompue pour des tâches plus immédiates et autrement exigeantes.

Votre maîtrise scientifique va s’affirmer avec une autorité reconnue, même par ceux qui ne partagent pas vos opinions ; elle sera invoquée dans les travaux de vos collègues, dans les controverses juridiques, comme dans les conseils et les congrès.

L’étranger veut bénéficier de votre savoir. Commencent alors ces nombreux périples qui vous mèneront en Belgique, en Suisse, au Canada, en Amérique Latine, en Afrique du Nord, en Afrique Noire, en Asie, en Océanie. Honorant votre compétence et consacrant votre œuvre, les titres de docteur honoris causa vous sont conférés par les Universités de Liège et de Montréal, vous êtes nommé à des grades importants dans les ordres étrangers, alors que vous étiez déjà chevalier de la Légion d’Honneur depuis 1938, officier depuis 1948 et Commandeur des Palmes Académiques en 1961.

Il ne me revient le soin ni de parler de votre œuvre scientifique, ni de votre emprise sur vos collègues. ni de la formation donnée à vos élèves. Il me reste à dire qu’une nouvelle consécration vous attendait : celle que l’Institut de France vient de vous accorder. Là encore, il m’appartient de m’effacer devant plus autorisé que moi. Mais, par contre, me revient le soin de vous dire que ce n’est pas sans fierté que la Faculté voit encore un de ses membres accueilli par l’Illustre Compagnie. Notre Maison cède-t-elle à un sentiment égoïste en pensant qu’à travers ses professeurs, c’est aussi ce qu’elle représente qui est honoré et l’importance de sa mission qui est reconnue ?

Comme nous vous félicitons de l’hommage rendu à votre science et à votre talent, nous nous félicitons nous-mêmes de l’honneur qui rejaillit sur notre Faculté !

Il n’est pas né à Nexon mais il y était attaché, l’acteur Roland LESAFFRE (1927 – 2009)

Roland LESAFFRE n’est pas né à Nexon, il n’y a vécu que quelques mois lorsqu’il avait 13 ans mais il a toujours gardé un très fort attachement à cette commune. Quand, dans les années 1950, il a commencé à tourner des films avec les vedettes de l’époque, Jean GABIN, ARLETTY, Michèle MORGAN, Simone SIGNORET …, les nexonnais suivaient avec attention sa carrière.

Au mois d’août, quand il était dans la fermette qu’il avait acheté en 1965 au Mazaubert sur la commune de Pageas, il venait assister aux spectacles et aux expositions du Cirque. En témoigne cette lettre, illustrée d’un dessin de Béoc le représentant, qu’il adresse aux organisateurs. Il ne manque pas de leur demander, comme il le fait dans toutes ses lettres, de demander de serrer la main « à son pote René Rebière » qu’il avait connu lors de son séjour de jeunesse à Nexon.

 

Sur un dessin d’Albert ROCH dit Béoc, dessinateur belge. 

Raconter la vie de Roland LESAFFRE nécessiterait que j’y consacre des dizaines de pages. Je vais me contenter de rappeler sa jeunesse en insistant sur son passage à Nexon et les témoignages qu’il a donnés lors de ses visites aux soirées du Cirque.

I- La jeunesse de Roland LESAFFRE.

Roland LESAFFRE est né le 26 juin 1927 à Clermont-Ferrand. Son père, d’origine belge, servait dans l’armée, sa mère était blanchisseuse. Ses parents se sont désintéressés de lui de bonne heure et il fut placé en nourrice.

Il considère que son enfance n’a pas été très heureuse et n’en parle jamais. Il l’explique dans MATAF, son livre biographique : « Quand je dis : « Je ne me rappelle pas », c’est que, vraiment je ne me rappelle pas. Je n’ai pas de souvenirs d’enfance. » (Page 18).

Ses souvenirs partent de sa douzième année. Il dit être allé au camp de Jeunesse à Feytiat ou il calait les roues des avions, balayait la cour… Mais il n’y a pas de Chantier de Jeunesse à Feytiat et les allemands n’y avaient pas d’avions en 1941 ! Il dit qu’étant une forte tête et très indiscipliné il a été envoyé en camp disciplinaire à Rochechouart. Or je ne trouve aucune trace de ce camp ou chantier de Jeunesse !

En réalité il est à Nexon. Son père est gardien au camp mais il ne veut pas en parler. M. FAYE, l’un des gardiens note à plusieurs occasions le nom de LESAFFRE sur les carnets qu’il tenait (Carnets montrés par sa nièce par alliance de Josette DUGOT).

Le 13 mai 1944, M. Lesaffre va à Limoges.

Pourtant il aime Nexon. Dans plusieurs des interviews qu’il a donnés il dit que c’est à Nexon qu’il a appris le sport, et on en a la preuve grâce à sa licence à l’Association Sportive Nexonnaise pour l’année 1941, il a alors 14 ans.

Il pratique l’athlétisme, en particulier la course, 100 m, 200 m et 400 m, distances ou il brillera lorsqu’il sera dans la Marine. Il a été sélectionné pour les championnats de la Haute-Vienne en minimes …

Il débute la boxe à 15 ans. Où ? Il dit que c’est à Rochechouart ou il serait allé en camps de Jeunesse disciplinaire à cause de son fort caractère. Il a continué à Brive.

D’après son autobiographie il a rejoint cette ville après avoir obtenu de bons résultats scolaires afin d’entrer dans une école industrielle des Compagnons de France. Il y pratique beaucoup le sport ce qui lui donne une certaine liberté. Un soir de 1943 on prévient les élèves que les Allemands vont venir pour les embarquer. On les invite à partir dans plusieurs directions. Avec un camarade ils marchent dans la nuit à travers bois jusqu’à ce qu’ils soient interceptés par des maquisards. Ils sont conduits au cantonnement d’Adolphe PONTHIEU, alias Dodo. Ils son acceptés mais du fait de leur jeune âge, à peine 16 ans, il est affecté au groupe « As de trèfle ». Il continue à pratiquer du sport mais surtout il découvre la vie au grand air, la vie dans les bois, la fraternité. Il participe à des actions commandos et à la Libération de Brive il reçoit son certificat de maquisard.

Il monte dans le premier train en partance. Il va vers la Côte d’Azur. Dans le compartiment un Monsieur engage la conversation. Il va à Toulon, lui parle de la Marine. Il le suit, passe une journée chez lui et se présente pour s’engager à l’Ecole des Fusiliers Marins. Il signe son engagement le 20 octobre 1944 et se retrouve à l’Ecole des Fusiliers Marins à Siroco, une île près d’Alger. Il apprend à faire la guerre, la devise de l’Ecole est « Tuer sans être tué » amis il apprend surtout à obéir. La discipline est dure, les exercices nombreux, la vie spartiate…

Il avait comme second maître, c’est-à-dire sergent, un certain MONCORGÉ. Il ne le connait que sous ce nom mais il apprend vite qu’il est acteur et connu sous le nom de Jean GABIN. A 39 ans, alors qu’il était sous contrat avec la Fox et vivait à Los Angeles avec Marlène DIETRICH, il quitte les Etats Unis et en avril 1943 s’engage dans les Forces Navales Françaises Libres…

C’est par le sport qu’il devient très proche de son chef. Il représente la Marine en boxe, gagne le 200 et le 400 mètres. Il s’entraine avec Marcel CERDAN, futur champion du monde, qui était simple matelot à la base maritime d’Alger ; il courre avec Alain MIMOUN, futur champion Olympique du Marathon…MONCORGE va avec lui à la salle de boxe, paye le casse-croûte, lui demande de porter des lettres à « sa femme » qui loge à l’hôtel. Il ne sait pas que c’est Marlène DIETRICH, il ne l’apprendra qu’en 1950 lorsqu’il assiste à une projection de L’Ange bleu.

Il embarque pour l’Indochine sur le bateau amiral, l’Emile Bertin, commandé par l’amiral Thierry d’ARGENLIEU. Il y connait les combats dans la jungle contre les Japonais et les plaisirs du sport et de l’amour pendant les permissions à Saïgon. Sa conduite lui vaudra la Croix de Guerre.

Puis c’est la Chine à bord du Suffren. Blessé, miné par le paludisme il est rapatrié à Toulon au début de l’année 1947. Après sa convalescence il est affecté à la base de Toussus le Noble ou il suit les cours pour devenir moniteur de sport. Il s’entraine à la boxe au Racing et en athlétisme au Bataillon de Joinville. Grace à Daniel GUERIN, écrivain, fils de grand bourgeois il découvre Saint Germain des Près, les nuits chaudes, les artistes, en particulier Léonor FINI mais aussi la littérature, et l’art dramatique. Ses titres de champion militaire en boxe, recordman du 200 mètres, champion militaire du 400 mètres, décoré de la médaille militaire du sport par le général de LATTRE de TASSIGNY, lui servent de passeport et lui procurent le respect de tous.

Un jour un photographe l’invite sur un plateau pour voir un tournage. Il s’agit du film de Marcel Carné, La Marie du Port, avec Jean GABIN. Sa vie bascule ? Il suit les cours de Maurice ESCANDE au théâtre Daunou mais rate l’entré au Conservatoire.

Il est démobilisé en septembre 1949. Il est engagé pour des petits rôles par Jean GREMILLON, Marcel CARNÉ … Il n’a plus besoin d’être moniteur de sport. Il peut vivre du cinéma…

Sa grande chance lui est donnée dans « L’air de Paris », où il incarne un boxeur, aux côtés de Jean GABIN et sous la direction de Marcel CARNÉ, ses deux parrains. Le film remporte de nombreuses récompenses. Roland, lui, est lauréat du prix populiste du cinéma français. Sa carrière est, dès lors, lancée.

                Jean Gabin, Roland Lesaffre

Jean Carné, Jean Gabin et Roland Lesaffre

II – Marcel LESAFFRE et le cirque à Nexon

Depuis 1965 Roland LESAFFRE possède une fermette en plein milieu des bois, au bord d’un étang au Mazaubert à Pageas.

Le Populaire, 5 aout 1971

Dès qu’Annie FRATELLINI installe son Ecole du Cirque à Nexon il en sera un fidèle spectateur. En effet il se considère comme un saltimbanque et c’est donc naturellement qu’il est devenu l’ami d’Annie et de Pierre ETAIX, ses voisins de la rue de Caulaincourt, cette rue de Montmartre ou des peintres comme MODIGLIANI, TOULOUSE-LAUTREC, RENOIR … eurent un atelier.

Le 4 aout 1991 Roland  LESAFFRE ne peut être présent à Nexon. Il adresse un télégramme à Annie FRATELLINI et Pierre ETAIX et le même jour il écrit à René REBIERE.

Télégramme remis par téléphone le 4 aout 1991 à 18 h 32.

Les lettres de Roland LESAFFRE sont étonnantes. Elles comportent toutes sa photo du 10 juillet 1986, jour  ou il a reçu la Légion d’Honneur à titre militaire. La liste de ses décorations est impressionnante, il en est fier mais il sait aussi qu’il ne les a pas gagnées seul, ses camarades de combat étaient à ses côtés.

Lettre du 4 aout 1991

Le 30 aout 1992 c’est à Marc DELHIAT qu’il adresse une lettre de remerciement pour l’accueil qui lui a été réservé lors de son passage à Nexon. C’est le même papier qu’il utilise mais ici il annote la liste des décorations « Ces décorations …ce sont mes camarades morts à 20 ans qui les méritaient ».

Lettre du 30 aout 1992

Depuis 1977 Marcel CARNÉ ne tourne plus, la nouvelle vague du cinéma a pris la place mais l’amitié de Roland est indéfectible.

Marcel âgé, il a 20 ans de plus que Roland…

Le 31 octobre 1996 Marcel décède, Roland est son légataire universel.

En Juillet 1997 il est venu visiter l’exposition de sculptures et de dessins de Philippe ARNAULT « Les équilibristes » et il signe le livre d’or :

Dédicace au Livre d’Or, juillet 1997

Mais cette année-là son cœur est triste car, dans la nuit du 1er au 2 juillet 1997, son amie Annie a tiré sa révérence et s’en est allée. Il lui rendra un vibrant hommage le vendredi le vendredi 1er aout en coupant le ruban inaugural du Festival et en lisant la belle préface qu’elle avait écrite pour le livre de RAMUZ, Le Cirque.

« Pour bien parler du cirque

il faut être poète.

Parce que seuls les poètes savent

voir

ce qui échappe à la réalité.

Seuls les poètes ont raison.

Je me souhaite quelquefois d’échapper

au quotidien

pour avoir enfin le droit de rêver…

Comme les poètes.

Ce métier qu’est le cirque

– car c’est un métier –

est rude.

C’est pourtant parce qu’il est rude

qu’il en devient plus grand.

Un sacerdoce,

plus encore qu’une vocation.

Ceux qui le pratiquent

ne s’en rendent pas toujours compte.

Heureusement. C’est ce qui fait leur

humilité :

c’est dans ce rond

Perfection

que l’on gagne son paradis.

Acrobate

ou clown.

Survie.

Le clown c’est le poète en action

écrivait Henry Miller.

Si le clown vit,

travaille en poète,

le poète seul sait le décrire,

Et peut rêver autour du cirque.

Même s’il n’est pas un clown…

Le clown sauta si haut, si haut

qu’il creva le plafond de toiles

Au son du cor et du tambour,

Et, le cœur dévoré d’amour,

Alla rouler dans les étoiles,

écrivait aussi Théodore de Banville.

Voilà, le mot amour est prononcé.

N’est-ce pas d’amour dont il est

question

quand on est clown,

un vrai ?

La passion dévore.

L’amour sonne plus doux.

C’est aussi d’amour dont parle surtout

Ramuz,

quand il écrit Le Cirque.

Et puis de naissance, enfin de

renaissance ou de métamorphose.

“- Miss Anabella -… Ici on est déjà

plus grande qu’on était dans la vie

de tous les jours, comme elle voit

quand elle se regarde, et le miroir

descend du plafond au plancher.

Elle s’y dédouble tout entière, née

d’elle-même, elle existe deux fois ;…

N’est-ce pas ce même miracle que

celui

qui consiste pour le clown

à se revêtir,

à se maquiller…

Pour oublier

et n’être plus qu’un clown-mystère

sans fin.

Dédoublement ou effacement…

pour renaître plus vrai.

“ … Elle n’a plus été que musique…

s’envolant, retombant… Elle monte,

elle redescend… elle avait crevé la

toile et elle avait fui par le trou… »

Les dernières paroles de mon père :

“ Ferme la toile. »

Elle ne s’est pas fermée.

Il a pu ainsi s’envoler,

Comme je voudrais le faire le

moment venu.

Mais à chaque fois que j’entre dans

ce rond de terre

et de sciure,

N’est-ce pas ce que je fais ?

Si un jour je n’avais plus la sensation

du mystère “ sacré »

alors, oui, je m’envolerais. »

Annie Fratellini

La vie continue pour Roland. Il tourne encore des films et des téléfilms. Il gère sa société d’achat de films, il vient souvent à Pageas…


Roland LESAFFRE dans son bureau en 1981

Le 3 Février 2009 Roland LESAFFRE décède au petit matin, à Paris à l’âge de 81 ans. Il est enterré avec son ami Marcel Carné, au cimetière Saint Vincent sur la rue Caulaincourt moins connu que le cimetière de Montmartre. Ils font tombe commune pour l’amitié indestructible qui unissait Marcel et Roland soit éternelle.

La tombe de Marcel Carné et de Roland Lesaffre 

 

Nous invitons tous ceux qui voudraient le connaître un peu plus de lire son autobiographie Mataf, matelot en argot, publiée en 1991 chez Pygmalion devenue depuis 2003 un département de Flammarion.

 

Et pour ceux qui n’auront pas le temps de lire MATAF quelques photos, des interviews et sa filmographie.

 

Repères Biographiques

Né le 26 juin 1927 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Décédé à Paris le 03 février 2009.

7 mai 1956/4 avril 1962 – Marié à l’actrice japonaise Yoko Tani.

                                                                     

 

Sa jeunesse

1941/ 1943 – Nexon, Feytiat, Rochechouart, « Compagnons de France ».

1943/1944 – Maquis de Corrèze, à l’As de Trèfle sous les ordres de Hervé Vaujourd, René Jugie et Georges Guingouin, à l’âge de 16 ans.

1944/ 1949 – Cinq ans de Fusiliers Marins. Quartier Maître Fusiliers. Second Maître de Réserve.

Campagnes Militaires :

– Débarquement de France, Algérie, Indochine, Philippines, Pacifique.

– Deux ans sur le croiseur Emile Bertin au P.C. de Commandement de l’Amiral Auboyneau et Thierry d’Argenlieu.

– Un an sur le croiseur Suffren.

– Débarquement en Indochine au Cap St Jacques et Plaine des Joncs.

– Libération de Saigon contre les Japonais, 1945.

– Campagne du Tonkin aux côtés du Général Leclerc, 1946.

1945 – Ala fin de la guerre, après la bombe d’Hiroshima, reste encore un an avec le croiseur Emile Bertin à aider à rapatrier les Français de la Chine Centrale et de la Chine du Nord.

Décorations officielles

1986 – Légion d’Honneur à titre militaire n° 377 CV 86.

Remise de la Légion d’Honneur le 10 juillet 1986, de gauche à droite : Yoko Tani, Claude Autan-Lara, commandant Paul-Louis Weiller, Marcel Carné, Roland Lesaffre, le réalisateur Jean Delannoy.

1989 – Officier Ordre National du Mérite n° 2554 C 89 remise à Paris par le Président de la République François Mitterrand à L’Elysée.

Décoré par le Président Mitterrand- avril 1989

1983 – Officier Ordre des Arts et Lettres.

1986 – Croix de guerre avec citations, 1939/ 1945 + Croix de guerre des moins de 20 ans + Carte des Combattants des moins de 20 ans, n° 4443 + Diplôme Médaille du Combattant des moins de 20 ans, n° 005861.

1943 / 44 – Maquis de Corrèze et Limousin. Décorations et Diplôme des Anciens de l’Armée secrète. (Combat-A-S-Mur-Réseaux) Roland Lesaffre, n°539.

Barrettes :

– Libération, Méditerranée, Indochine, Algérie, engagé volontaire

– Extrême-Orient.

– Croix du Pacifique de Mac Arthur, décernée aux Fusiliers Marins de Leclerc.

– Médaille des blessés, « Les Eléphants ».

– Port de la Fourragère Rouge gagnée par la Section de l’Ecole des Fusiliers Marins commandée par Monsieur l’Officier des Equipages Magadur.

1946 – Champion militaire (boxe) et champion des Jeux Interalliés en 1945 (Rome).

1945/46/47 – Champion de Boxe de la Marine.

1948/49 – Finaliste des Championnats d’Europe Militaire Athlétisme au 400 m. plat.

22.9.49 – Quitte la Marine après avoir été sélectionné en 1948 pour les Jeux Olympiques de Wembley, au relais 4 x 400 m. Détenteur du record du 200 m. et 400 m. de la Marine, en athlétisme.

22.9.49 – La Marine Nationale décerne un Certificat de Conduite exemplaire pendant le temps que Roland Lesaffre est resté sous les drapeaux. Monsieur le Ministre de la Marine, Louis Jacquinot, à titre personnel, lui décerne une lettre en remerciant le Fusilier Marin Roland Lesaffre pour son courage et sa dignité d’homme, en lui souhaitant : « La marine vous remercie, Fusilier LESAFFRE. Bonne et longue route. »

1956 – Office National République Française. Carte du Combattant n° 648308 – N° dossier : 110984.

1968 – Croix du Combattant de l’Europe de la Confédération Européenne des Combattants. N° 1-39.

1986 – Croix de Guerre et Valeur Militaire – Association Nationale n° 4442.

1987 – (1939/ 1945) Croix Internationale des Anciens Combattants Alliés ROLAND LESAFFRE – n° 87087.

1987 – Diplôme d’Honneur et Palme de Vermeil de l’Encouragement Public n° 87259.

1987 – Diplôme d’Honneur de Porte-Drapeau par la République Française.

1988 – Médaille d’Or de l’Elite Française. N° 149/88.

1988 – Chevalier du Mérite International par le Gouvernement Australien. Réf. n°1161.

1988 – Diplôme d’Honneur – Mérite Or – Résistance des Volontaires 39-45. T.O.E. – A.F.N.

1989 – Médaille Association Nationale des Combattants Volontaires de la Résistance. N° 5269

1990 – Diplôme Royal Vétérans du Roi Albert 1er de Belgique. N° 5097.

1990 – Diplôme et Médaille d’Or Nationale Association Franco-Britannique. N° 15609/4312.

15 Mai 1991 – Diplôme et Médaille. Ligue Nationale des Vétérans du Roi Léopold III de Belgique. N° 1559103.

1994 – Diplôme et Médaille du Roi Baudouin (Belgique).

 

Décorations et distinctions honorifiques

1948 – Médaille du Général Leclerc de Hautecloque.

1949 – Médaille du Général de Lattre de Tassigny, décernée à titre de Champion Militaire du 400 m. plat.

1950/ 1991 – Membre du Conseil d’Administration des Comédiens Combattants.

1967 – Commandeur de l’Académie Européenne des Arts.

1968 – Chevalier de l’Académie des Arts.

1968 – Commandeur du Mérite Culturel et Philanthropique de France.

1969 – Etoile et Mérite Civique pour le Prestige National et Médaille des Bénévoles.

1969 – Commandeur du Mérite Scientifique.

1974 – Médaille de la Ville de Paris.

1975 – Chancelier du Mérite Culturel et Philanthropique de France.

1975 – Chevalier Ordre des Arts et Lettres.

1975 – Membre d’Honneur de la Cinémathèque Française.

1977 – Médaille d’Or Hors Concours de l’Académie Internationale de Lutèce.

1977 – Médaille d’Or de la Ville de Nice, par Jacques Médecin.

1982 – Médaille d’Or de la Ville de St Michel-sur-Orge (Essonne).

1960/1983 – Membre de la Commission de Contrôle des Comédiens Combattants.

1983 – Coupe d’Or du Cinéma, Académie Internationale de Lutèce.

1983 – Médaille d’argent de la Ville du Perreux-sur-Marne par Monsieur Michel Giraud, Maire des Maires.

1984 – Médaille d’0r de la Ville de Romans (Drôme), décernée par Monsieur Georges Fillioud, Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre.

1985 – Médaille du Mérite du Patrimoine National Cinématographique.

1986 – Diplôme d’honneur – Union Nationale des Combattants.

1987 – Diplôme – Association des Anciens Cols Bleus.

1985/1991 – Membre de l’Amicale de Neuengamme et de ses Kommandos. Présidente : Madame Renée Aubry.

1988 – Diplôme et Médaille de Vermeil de la Courtoisie Européenne.

1989 – Médaille d’Or de la Ville de Nevers, remise par Pierre Bérégovoy.

1989 – Voyage officiel au Japon – Praemium Impériale à la Cour Impériale TOKYO avec tous les Chefs d’Etats du Monde.

 

Hommages et divers

1979 – Fondateur du Musée Cinématographique de Marcel Carné à Boston, sous l’égide de Mesdames Reagan, Kennedy, Housen.

1981 – Invité par le Gouvernement américain et les Universités : Hommages BOSTON, NEW YORK, MAISON BLANCHE

1984 – Désigné comme porte-drapeau des Comédiens Combattants sous la Présidence du Président de la République François Mitterrand, pour le 40e anniversaire du débarquement allié en Normandie, en présence de la Reine d’Angleterre et de Ronald Reagan – 6 juin 1984-.

Plus toutes cérémonies officielles jusqu’en 1989.

 

Carrière Artistique

1950 – élève de Maurice Escande et Beatrice Dussane. Prépare le Conservatoire, se présente, malheureusement est recalé. Ses années de guerre comptent pour la limite d’âge ; il se représente et devient l’élève, durant un an, de Maurice ESCANDE.

1950/51 – Joue de nombreuses pièces au théâtre : Compagnie Jean Le Poulain, Compagnie Marcel Herrand et Jean Marchat. Théâtre des Mathurins. En outre : « BARABBAS » de Michel de Ghelderode, « PHILIPPE ROI » de Goudal, « LE RETOUR DE L’ENFANT PRODIGUE » de Gide, du Claudel, etc.

1950 – Au cinéma, commence sa carrière avec « JULIETTE ou LA CLEF DES SONGES » de Marcel Carné.

Plusieurs Grands Prix d’Interprétation :

1953 – VENISE + BELGIQUE + BERLIN pour « THERESE RAQUIN », de Marcel Carné.

1954 – AMERIQUE pour « L’AIR DE PARIS », de Marcel Carné.

1954 – Prix Populiste d’interprétation pour « L’AIR DE PARIS ».

1966 – JAPON pour « LA JEUNESSE AUX PIEDS NUS », de Taniguchi.

 

 

Filmographie de Roland Lesaffre

1949 – LA MARIE DU PORT, de Marcel Carné, avec Jean Gabin, Nicole Courcel, Carette, Roland Lesaffre, Blanchette Brunoy. Primé à Cannes, 1949.

1950 – L’ETRANGE MADAME X, de Jean Grémillon, avec Michèle Morgan, Henri Vidal, Maurice Escande, Roland Alexandre et Roland Lesaffre.

1950 – JULIETTE OU LA CLE DES SONGES, de Marcel Camé, avec Gérard Philipe, Suzanne Cloutier, Yves Robert, Jean-Roger Caussimon et Roland Lesaffre. Primé à Cannes, 1950.

1951 – NOUS SOMMES TOUS DES ASSASSIN5, de André Cayatte, avec Raymond Pellegrin, Mouloudji, Roland Lesaffre et Balpêtré. Primé à Cannes, 1951.

1951 – CASQUE D’OR, de Jacques Becker, avec Simone Signoret, Serge Reggiani, Claude Dauphin, Roland Lesaffre, Raymond Bussières.

1952 – L’AMOUR D’UNE FEMME, de Jean Grémillon, avec Micheline Presle, Massimo Girotti, Roland Lesaffre, Julien Carette, Gaby Morlay et Marc Cassot. Primé à San Sebastian.

1952 – THERESE RAQUIN, de Marcel Carné, avec Simone Signoret, Raf Vallone, Roland Lesaffre, Jacques Duby, Sylvie, Maria-Pia Casilio. Grand Prix Venise 1953. Roland Lesaffre, Prix de Belgique + Prix interprétation 1953 (+ Meilleur film étranger Hollywood 1954). Prix interprétation Festival San Sébastien et Taormina.

1952 – PARIS EST TOUJOURS PARIS, de Luciano Emmer, avec Aldo Fabrizzi et Roland Lesaffre.

1953 – L’AIR DE PARIS, de Marcel Carné, avec Arletty, Jean Gabin, Roland Lesaffre, Marie Daêms, Folco Lulli, Maria-Pia Casilio, Jean Parédès, Simone Paris et Ave Ninchi .

1953 – QUAND TU LIRAS CETTE LETTRE, de Jean-Pierre Melville, avec Juliette Greco, Philippe Lemaire, Roland Lesaffre, Daniel Cauchy.

1954 – TO CATCH A THIEF (LA MAIN AU COLLET), d’Alfred Hitchcock, avec Grace Kelly, Cary Grant, Roland Lesaffre, Charles Vanel, Brigitte Auber et Georgette Anys. Meilleur film Hollywood 1955.

1954 – NAVIGATION MARCHANDE, documentaire de Georges Franju, avec Roland Lesaffre.

1955 – SI PARIS M’ETAIT CONTE, de Sacha Guitry, avec Michèle Morgan, Jean Marais, Roland Lesaffre, etc.

1956 – CRIME ET CI-IATIMENT, de Georges Lampin, avec Jean Gabin, Marina Vlady, Robert Hossein, Bernard Blier, Roland Lesaffre, René Havard et Albert Rémi.

1956 – SOUPÇONS, de Pierre Billon, avec Roland Lesaffre, Anne Vernon, Frank Villard, Dora Doli.

1956 – LA JEUNESSE AUX PIEDS NUS, de Taniguchi (Tokyo), avec Roland Lesaffre, Yoko Tani et Tatouya Nakadar. Meilleur film au Japon en1957.

1956 – LA LOI DES RUES, de Ralph Habib, avec Raymond Pellegrin, Sylvana Pampanini, Roland Lesaffre, Jean-Louis Trintignant, Lino Ventura.

1957 – MEFIEZ-VOUS FILLETTES, de Yves Allégret, avec Robert Hossein, Antonella Lualdi, Roland Lesaffre, Pierre Mandy, Gérard Oury et Jacqueline Porel.

1957 – FILOUS et Cie, de Tony Saytor, avec Roland Lesaffre, Sophie Desmarets, Marie Daèms, Jean Parédès.

1957 – LA BONNE TISANE, de Hervé Bromberger, avec Raymond Pellegrin, Roland Lesaffre, Madeleine Robinson, Bernard Blier, Estella Blain, Jacques Fabbri et Henri Vilbert.

1958 – LES TRICHEURS, de Marcel Carné, avec Roland Lesaffre, Pascale Petit, Jacques Charrier, Laurent Terzieff, Jean-Paul Belmondo, Andréa Parizy et Dany Saval. Grand Prix du Cinéma 1958 + Prix du meilleur film français 1958 et 5 Grands Prix Internationaux.

1958 – PARIS C’EST L’AMOUR, de Walter Kapps, avec Roland Lesaffre, Armand Mestral, Danièle Godet.

1959 – LE 7e JOUR de St MALO, de Paul Mesnier, avec Roland Lesaffre, Annie Andrea, Alan Scott, René Kolldhéhoff et Servilange.

1960 – TERRAIN VAGUE, de Marcel Carné, avec Roland Lesaffre, Danièle Gaubert, Denise Vernac, Georges Wilson et Dominique Davray.

1960 – SURPRISE-PARTIE CHEZ Mme AZAIS, film TV d’André Leroux, avec Roland Lesaffre et Dinan.

1960 – LA FETE ESPAGNOLE, de Jean-Jacques Vierne, avec Roland Lesaffre, Peter Van Eyck, Daliah Lavi et Anne-Marie Coffinet.

1961 – LES MENTEURS, d’Edmond-T. Grévllle, avec Dawn Adams, Jean Servais, Francis Blanche, Roland Lesaffre, Claude Brasseur et Anne-Marie Coffinet.

1961 – LA FILLE DES TARTARES, de Remigio Del Grosso, avec Roland Lesaffre, Yoko Tani, Akim Tamiroff, Ettore Manni. Masque d’Argent, Rome 1962.

1962 – L’ACCIDENT, d’Edmond -T. Gréville, avec Roland Lesaffre, Magali Noêl, Georges Rivière, Danick Patisson.

1962 – DU MOURON POUR LES PETITS OISEAUX, de Marcel Carné, avec Dany Saval, Paul Meurisse, Roland Lesaffre, Suzy Delair, Jean Richard, Jeanne Fusier-Gir, Suzanne Gabriello, Dany Logan et Robert Dalban.

1963 – LE BLUFFEUR, de Sergio Gobbi, avec Roland Lesaffre, Dany Carrel, Paul Guers, Félix Marten.

1963 – LES PARIAS DE LA GLOIRE, d’Henri Decoin, avec Curd Jurgens, Roland Lesaffre, Folco Lulli, Maurice Ronet et Germain Cobos.

1964 – PERIL AU PARADIS, d’Edmond-T. Gréville, avec Roland Desaffre, Armand Mestral, Dario Moreno et Sophie Hardy.

1964 – L’ETRANGE AUTO-STOPPEUSE, de Jean Darcy et Raoul André, avec Roland Lesaffre, Sophie Hardy, Georges Marchai.

1964 – LE TUEUR A GAGES, Téléfilm de Rene Lucot et Frederic Dard, avec Roland Lesaffre, Eddie Constantine, Philippe Clay.

1965 – TROIS CHAMBRES A MANHATTAN de Marcel Carné, avec Annie Girardot, Maurice Ronet, Roland Lesaffre, Otto E. Hasse, Gabriele Ferzetti, Geneviève Page et Robert de Niro. Prix Venise 1966.

1965 – LES SURVIVANTS, de Dominique Genée – Boileau-Narcejac (Films TV), avec Roland Lesaffre, Frédéric de Pasquale, Catherine Diamant.

1965 – L’OR DU DUC, de Jacques Baratier, avec Danielle Darrieux, Claude Rich, Pierre Brasseur, Roland Lesaffre, Jacques Dufilho

1965 – PAS DE PANIQUE, de Sergio Gobbi, avec Pierre Brasseur, Roland Lesaffre, Alain Barrière, Pierre Massirni.

1966 – 2 + 5 MISSIONE HYDRA, de Pietro Franciscí, avec Eleonora Ruffo, Kirk Morris, Roland Lesaffre et Anthony Freeman.

1966 – ALLO POLICE ! de Dominique Genée (Film TV), avec Roland Lesaffre, Guy Tréjean, Georgette Anys.

1967 – LES JEUNES LOUPS, de Marcel Carné, avec Roland Lesaffre, Haydie Politoff, Christian Hay, Yves Beneyton et Bernard Dhéran.

1967 – LE BAL DES VOYOUS, de Jean-Claude Dague et Jacques Robin, avec Roland Lesaffre, Jean-Claude Bercq, Michel Le Royer, Dona Michèle.

1968 – LES ENFANTS DE CAIN, de René Jolivet, avec Roland Lesaffre, Hans Meyer et Nancy Holloway.

1968 – TRAQUENARDS, de Jean-François Davy, avec Roland Lesaffre, Anna Gaël et Hans Meyer.

1968 – MAITRES CHIENS, de Christian-Jaque, avec Paule Noëlle, Pierre Rousseau et Roland Lesaffre.

1968 – CONTES DU CHAT PERCHE, d’Arien Papazian – Marcel Aymé. (TV) avec Roland Lesaffre et Françoise Arnaud.

1969 – LE BOURGEOIS GENTIL’MEC, de Raoul André, avec Francis Blanche, Jean Lefèvre, Annie Cordy, Darry-Cowl, Roland Lesaffre et Georges Géret.

1969 – LOVE LIFE IN LUXEMBOURG, de Frank Apprédéris, avec Roland Lesaffre, Véra Belmont, Pierre Schneider, Sabine Sur.

1969 – KISS, de Jean Le Vitte, avec Roland Lesaffre, Christine Fersen, Rellys.

1970 – MADAME ETES-VOUS LIBRE ? de Jean-Paul Le Chanois. (TV) avec Roland Lesaffre, Denise Fabre, Michel Coluche, Yves Vincent et Nicole Garcia.

1970 – LES COUPS POUR RIEN, de Pierre Lambert, avec Roland Lesaffre, Pierre Brice, Yanti Sommer.

1970 – LE MUR DE L’ATLANTIQUE, de Marcel Camus, avec Bourvil, Peter Mac Enery, Sophie Desmarets, Jean Poiret, Roland Lesaffre et René Kolldéhoff.

1971 – LES ASSASSINS DE L’ORDRE, de Marcel Camé, avec Jacques Brel, Catherine Rouvel, Roland Lesaffre, Charles Denner, Michel Lonsdale, Didier Haudepin et Françoise Giret.

1972 – EUGENE SUE, de Jacques Nahum. (TV) avec Roland Lesaffre, Bernard Verley, Claudine Coster.

1973 – SIX HOMMES MORTS, de Jacques Nahum, (TV), avec Roland Lesaffre, Jacques Duby, Pierre Vernier, Roger Van Hool.

1973 – LA MERVEILLEUSE VISITE, de Marcel Carné, avec Roland Lesaffre, Gilles Kohler, Mary Marquet, Deborah Berger, Tania Busselier, Jacques Debary, Lucien Barjon et Jean-Pierre Castaldi.

1974 – LE QUAI DE L’ETRANGLEUR, de Boramy Tioulong. (TV) avec Roland Lesaffre, Daniel Gélin, Jean-Paul Zehnacker et Tania Busselier.

1975 – IL FAUT VIVRE DANGEREUSEMENT, de Claude Makovski, avec Annie Girardot, Sydne-Rome, Claude Brasseur, Roland Lesaffre, Mylène Demongeot et Roger Blin.

1976 – LA BIBLE, Collaboration au Documentaire Long Métrage « LA BIBLE », avec Marcel Carné, auprès du Vatican et des Eglises de Sicile et Sardaigne, en tant que Directeur de Production.

1977 – LE CASQUE, de Robert Legrand. Film de prestige S.N.C.F. – Roland Lesaffre.

1977 – LA POUPEE de PLOUBALAY, de Daniel Martineau. (TV) avec Roland Lesaffre, Louis Lyonnel, Germaine Delbat.

1977 – LA VIE de ROLAND LESAFFRE, SPORT et CINEMA, de Jean-Daniel Christophe – FR3.

1979 – OPERATION TRAFICS (Sainte Famille), de Christian-Jaque (TV), avec Guy Marchand, France Dougnac, Roland Lesaffre, Bernard La Jarrige, Jean Martinelli, Madeleine Barbulée.

1979 – LA VIE A BELLES DENTS ou CARNE, L’HOMME à LA CAMERA, de Christian-Jaque, avec Roland Lesaffre, Arletty, Yves Montand, Jean-Louis Barrault. (Film retraçant toute la vie artistique de Marcel Carné.)

1980 – AU BOUT DU CHEMIN, Téléfilm de Daniel Martineau, avec Roland Lesaffre, Serge Moati, Claude Jade, Tania Busselier, Robert Benoist.

1980 – MON AMIE SOCIA, Téléfilm de Daniel Martineau, roman de Joseph Joffo, avec Roland Lesaffre, Valérie Pascale, Danick Patisson.

1980 – ARCH OF TRIUMPH, de Daniel Mann (Américain) (Inachevé), avec Suzanne Pleshette, Maximilian Schell, Trevor Howard, Roland Lesaffre.

1981 – ULTIMATUM, Téléfilm de Georges Farrel, avec Marcel Bozzuffi, Pierre Massimi, Roland Lesaffre, Louis Velte, Chantal Nobel.

1981 – SALUT, J’ARRIVE, de Gérard Poteau, avec Michel Galabru, Pierre Vernier, Christiane Kruger, Roland Lesaffre.

1983 – VENISE ATTENDRA, de Daniel Martineau. (TV) avec Roland Lesaffre, Raymond Pellegrin, Tania Busselier, Daniel Colas, Daniel Russo, Fernand Guiot.

1987 – BERNADETTE, de Jean Delannoy, avec Sidney Penny, Roland Lesaffre, Jean-Marc Bory, Michèle Simonnet, Bernard Dhéran, Arlette Didier.

1987 – LE JARDIN d’ALICE, de Charles Tible (Court métrage), avec Roland Lesaffre, Maka Kotto, Henri Marteau.

1988 – ETERNELLE PRISON, de Medhi Nassradine Haddaoui (Court métrage), avec Roland Lesaffre, Charlotte Very.

1988 – PAUVRE PETIT GARÇON, de Allan Wisniewski (Court métrage), avec Roland Lesaffre.

1988 – LE RETOUR d’ARSENE LUPIN, de Philippe Condroyer (TV), avec Roland Lesaffre, Jacques Boudet, François Dunoyer, Sophie Baijac.

1989 – LA PASSION de BERNADETFE, de Jean Delannoy, avec Sidney Penny, Emmanuelle Riva, Roland Lesaffre, Georges Wilson., Tania Busselier, Malka Ribowska.

1990 – L’EMPIRE DU MILIEU, de Georges Barrier (TV), avec Roland Lesaffre, François Bourcier, Laure Sabardin, Stéphane Bierry.

1990 – DAMES GALANTES, de Jean-Charles Tacchella, avec Richard Bohringer, Isabella Rossellini, Marianne Basler, Marie-Christine Barrault, Laura Betti, Robin Renucci et Roland Lesaffre.

1990 – EDOUARD ET SES FILLES, de Michel Lang (TV), avec Pierre Mondy, Sydne Rome, Laurence Badie, Sophie Carle, Vanessa Guedj, Nathalie Mazéas et Roland Lesaffre.

1990 – LA JAVA BLEUE, de François Rossini (TV), avec Jacqueline Danno, Roland Lesaffre, Philippe Dormoy.

1990 – NOCE, de Didier Decoin, Film européen de prestige du nucléaire, avec Karin Alf, Roland Lesaffre, Pierre Londiche.

1992 – MOUCHE, de Marcel Camé. Nouvelle de Guy de Maupassant. Film européen. Avec Virginie Ledoyen, Roland Lesaffre, Wadeck Stanczak, Patrick Mille, Luca Vellani, Gédéon Burkhard.

1994 – LA BORE DE DIAMANTS, de Nicolas Ribowski (TV) « Les Nouveaux Exploits d’Arsène Lupin » de Maurice Leblanc. Avec François Dunoyer, Roland Lesaffre, Paul Le Person, Michèle Laroque etc….

 

 

 

Roland Lesaffre : 15 ans de Cinéma par Georges Lange, Jeunesse Cinéma- Hors-série 1er trimestre 1963

La vie de Roland Lesaffre mériterait d’inspirer le scénario d’un film. Il a connu mille aventures dans divers pays du monde. Il a côtoyé tout ce qui compte dans le cinéma. Il a tourné dans plus de 50 productions. Aussi ses confidences sont-elles pleines d’intérêt. Notre envoyé spécial Georges Lange les a recueillies pour vous. Vous verrez, c’est du vrai cinéma… A vous de juger.

Plantons le décors

Roland LESAFFRE occupe deux appartements ; dans l’un il vit ; dans l’autre il a installé ses bureaux. Ils sont situés tous les deux au dernier étage de maisons mitoyennes de la rue Caulaincourt, sur les pentes de Montmartre. De là-haut, on découvre tout PARIS.

Dans le salon, on remarque une porte monumentale, en bois sculpté, sur laquelle est gravée une curieuse inscription : « Ni moy sen toy, ni toy sen moy ».

– Cette porte, je l’ai achetée à TAORMINA, dans un couvent de Sicile. Je n’ai pas l’explication de cette curieuse orthographe, dit Roland LESAFFRE.

Une imposante bibliothèque munie de portes massives dépassant soixante kilos chacune, monte jusqu’au plafond.

– Elle a été construite par Eugène FASQUELLE, l’éditeur de ZOLA, pour y ranger les œuvres du célèbre romancier.

Bien d’autres objets sollicitent l’attention : une torche du Palais des Doges de VENISE, des tableaux modernes, un piano, un aquarium immense contenant les poissons les plus rares, une très grande volière où chantent des oiseaux extraordinaires… des poupées et une quantité incroyable de menus objets ravissants.

– J’ai rapporté beaucoup de souvenirs du JAPON et de tous les autres pays où j’ai eu l’occasion d’aller.

Les bureaux se trouvent dans la maison voisine. Il faut descendre dans la rue et reprendre l’ascenseur pour s’y rendre. Pourquoi des bureaux ? Parce que Roland LESAFFRE n’est pas uniquement comédien ; il vend également des films dans tous les pays du monde.

 

 

 

LESAFFRE mesure 1 rn 75, et pèse 68 kg. Il a les cheveux châtain foncé et les yeux marron clair. Ses signes particuliers sont très nombreux mais on peut se contenter de citer un tatouage représentant une tête de mort, sur une jambe. Il n’est pas possible d’en savoir davantage…

Moi, je voulais apprendre un métier et l’on me faisait faire surtout du jardinage. J’avais horreur de cela. Alors, un jour, pour me venger, j’ai planté des poireaux à l’envers. J’ai fait plusieurs camps, dont ceux de Feytiat et Brive la Gaillarde. A Feytiat, je me suis révolté parce qu’on me faisait caler les roues des avions Allemands (c’était un camp d’aviation.) Considéré comme un insurgé, j’ai été envoyé dans un camp disciplinaire où il y avait beaucoup de gars comme moi, abandonnés dans la vie ou dont la famille avait été déportée en Allemagne. Ensuite, j’ai été envoyé à Brive la Gaillarde. Nous commencions à huit heures du matin, nous apprenions le dessin industriel, la forge, la menuiserie. J’ai travaillé avec enthousiasme pendant un an et demi et j’allais passer mon C.A.P. (j’avais choisi la menuiserie) lorsque les Allemands sont arrivés. Je suis parti dans le maquis.

-Comment viviez-vous ?

– Oh, à la dure. Nous avions un sac de couchage et une couverture. Réveillés à six heures nous allions casser la glace à la rivière pour nous laver. Ensuite, il y avait la montée des couleurs. Le drapeau français était hissé en haut d’un mat et l’un de nous criait : « A moi, compagnons ! » Et nous répondions : « FRANCE » ! Au moment de la soupe, il y avait une chanson qui disait : « Si la soupe a du bon, le travail aussi. Merci ». Aussitôt après ce « merci » chacun enfournait sa soupe.

– Quel genre de blagues faisiez-vous avec vos camarades ?

– Nous allions surtout dévaliser les vergers et nous rentrions les vêtements bourrés de pommes.

– Et le sport ?

– Nous faisions du Cross. Dans les Minimes, j’avais été sélectionné pour les championnats de la Haute-Vienne et j’étais arrivé troisième. Puis, ce furent les championnats inter-régionaux et enfin ma sélection pour le National. J’avais demandé et obtenu une permission pour aller à Paris, mais l’argent du voyage me manquait ! Arrivé à la gare, j’ai acheté seulement un ticket de quai et montai dans le train. Dans le compartiment j’ai expliqué ma situation à mes voisin et me suis caché sous la banquette quand le contrôleur est passé. A la gare de Lyon, j’ai pris mes jambes à mon cou et je suis passé dans la cohue. Le lendemain, j’étais au départ du National. Je suis arrivé dans les premiers et mon nom a été imprimé dans les journaux !

– Comment êtes-vous revenu au Camp ?

– En voyageant de la même façon. Comme je n’avais pas les moyens de coucher à l’hôtel, j’avais passé la nuit dans un square. Quand on connut les circonstances de mon voyage, on me punit en m’envoyant ramasser les blés dans une ferme. Mais à mon retour de la ferme, on me donna un poste à mon goût, celui d’aide-moniteur d’éducation physique.

– Par la suite, vous deviez vous distinguer dans divers sports… Voulez-vous citer quelques-uns de vos titres ?

– J ‘ai été finaliste d’Europe de boxe, champion et recordman de la marine des 100 et 400 m plats. Je suis allé aux Jeux Olympiques pour les 400 m plats, j’ai été classé 5ème dans les militaires en 1948, aux Jeux du Monde, toujours sur les 400 m plats… Mais c’est surtout la boxe, qui m’a apporté les plus grandes joies et qui a eu une importance décisive sur ma carrière.

Je prends le maquis

Roland LESAFFRE n’avait que treize ans lorsqu’il connut, après les camps de jeunesse, le dramatique épisode du maquis.

– Les Allemands étaient venus au camp, un matin de bonne heure, pour nous chercher mais nous étions déjà partis ! Lorsque nous avons rejoint les combattants maquisards, en raison de mon âge, on m’a affecté au ravitaillement en munitions, c’est-â-dire que je portais les munitions destinées aux fusils-mitrailleurs.

– Vous avez dû connaitre des heures… mouvementées ?

– Oui. Je me rappelle notamment ma première mission : il s’agissait d’attaquer un convoi allemand d’une quinzaine de camions. La guerre me faisait jusqu’alors un peu l’effet d’une série d’aventures comparables à celles que je lisais dans les journaux illustrés. Bref, voilà que ça pétarade dans tous les coins et que je vois des gars tomber. Les Allemands cherchaient à se protéger en sautant dans les fossés. Soudain le garçon pour lequel je portais des munitions ouvrit la bouche et se mit à crier. Puis, il ne cria plus. Il était mort. A un autre moment, je vis un Allemand debout comme moi. Il me mit en joue et à l’instant où il allait tirer, il tomba, mort. Je me suis sauvé mais dans une mauvaise direction et je me suis trouvé nez à nez avec un Allemand qui, me voyant soudain, me montra son brassard de la Croix Rouge en bredouillant des mots qui, dans sa langue, devaient signifier « Non, non pas moi ! Il faut que je soigne les blessés ». Or je n’avais aucune arme et je n’étais qu’un gamin de treize ans. Je me suis agenouillé à côté de lui et il m’a pris dans ses bras pour me protéger. Quand ce fut terminé, il a été fait prisonnier par mes compagnons et, avant de partir, il m’a embrassé. Je ne l’ai jamais revu.

Le jeune Roland LESAFFRE avait quinze ans quand il réussit à rejoindre, en Algérie, les forces du Général LECLERC. Il voulut s’engager mais on commença par lui faire passer des examens…

– Il y eut des épreuves de dissertations, de géographie, d’algèbre… et l’on refoulait sur les fusiliers-marins ceux qui avaient les notes les plus basses, tandis que les autres devenaient matelots d’équipage. Ces examens se déroulèrent dans des conditions que je n’oublierai jamais ! On m’avait placé à côté d’un grand garçon très maigre qui avait ses deux bachots et préparait une licence. Comme ma page restait blanche et que je regardais machinalement ce que mon voisin faisait, il me passa sa copie. C’était la dissertation ; mais il me passa aussi les problèmes et tout le reste. Au moment de l’oral, je me débrouillai tant bien que mal et j’obtins la moyenne ! Et j’entendis appeler « LESAFFRE, Instruction 6, Ecole des Pilotes ». Après trois mois dans cette école, on s’est aperçu que j’étais assez cancre et l’on n’a pas insisté. On m’a dirigé sur l’Ecole des Fusiliers-Marins, à Siroco où régnait une discipline de fer. C’est là qu’il m’arriva de faire une fameuse connaissance.

Je rencontre Gabin

Le quartier-maître de la chambrée où était le jeune LESAFFRE s’appelait MONCORGE. Et ce MONCORGE n’était autre que Jean GABIN.

– D’abord, explique LESAFFRE., je ne savais pas qui était ce MONCORGE. Alors les copains m’ont dit : « GABIN, voyons ! Pépé-le-Moko ».

– Était-il sévère ?

– Oui, mais pas méchant. Un jour, comme je ne marchais pas au pas, il me l’a fait remarquer : « Et le pas, alors ? ». Je me suis insurgé, bêtement : « Ah ! ce qu’il peut être embêtant, le Pépé ! ». « Qu’est-ce que vous dites ? Je vais vous mettre sur le rapport, moi. Vous aurez de mes nouvelles ! ». Mais les mois ont passé et GABIN ne mit jamais sa menace à exécution.

L’entraînement continuait avec des marches de nuit, des parachutages, etc… C’était exténuant. Je ne pesais plus que quarante kilos. Puis, un jour, on s’est aperçu que j’étais doué pour la boxe. Toute les compagnies avaient leurs championnats de boxe, de natation, de course. Je me suis engagé dans diverses épreuves et j’ai gagné une course, le saut en hauteur, le décathlon, un match de boxe.

– Etiez-vous, de ce fait, exempt de corvées ?

– Oui. Pour moi, plus de marches épuisantes de nuit, plus d’exercices de tir… Et, à la salle de boxe j’ai retrouvé…

– GABIN !

– Parfaitement. Mais quelqu’un d’autre aussi : Marcel CERDAN, le fameux bombardier marocain, l’homme qui devait devenir un très grand champion et finir de façon si dramatique… Et plus tard, nous devions être réunis, GABIN et moi, grâce à la boxe, dans le film « L’AIR de PARIS ».

– Citez-nous des anecdotes concernant GABIN et CERDAN.

– Le vrai GABIN, pour moi, c’était le monsieur qui était debout à six heures et qui, en short et chandail, courait et sautait pendant des heures, qui mangeait avec les hommes de troupe, qui s’entraînait chaque jour à la salle de boxe.

– Quel écart d’âge aviez-vous ?

– J ‘avais dix-sept ans et il devait en avoir dans les quarante… Quel chic bonhomme ! Quand je n’avais pas le sou, à la cantine, il me payait un casse-croûte. Pourtant, il avait un caractère bougon, renfrogné et voulait se faire respecter. Par exemple, si on se baignait dans un endroit interdit, il arrivait furieux et criait « Espèces de vauriens, je vous mets sur la peau de bouc ! ». La peau de bouc, c’était le rapport. Mais les jours passaient et l’on ne voyait rien venir. Quant à CERDAN, qui était matelot d’équipage, il s’entrainait souvent dans une salle d’Alger où j’allais aussi. Un jour, on me dit de boxer contre un Américain appartenant à l’équipage d’un bateau arrivé la veille. Le gars fort de son avantage au poids, me sonne, me balance dans les cordes et m’ouvre l’arcade sourcilière. CERDAN avait assisté au combat. « Tu es fatigué ? » me demanda-t-il. « Oui, dis-je, j’ai l’arcade et la lèvre fendue et je combats après-demain ». « Ne t’inquiète pas, reprit-il, je vais lui régler son compte ». Il prend mon adversaire et pan ! en l’air. Un deuxième arrive… pan ! en l’air. Et un troisième arrive et fonce sur CERDAN en tenant sa garde. Or, CERDAN était un gars très gentil ; si vous vouliez boxer, il boxait mais si vous vouliez jouer au tueur sur un ring, il ne l’admettait pas. Alors, il a frappé et allongé l’américain qui est resté plusieurs minutes inconscient.

Ensuite, pendant six mois, le matelot LESAFFRE suivit les cours de moniteur d’éducation physique. GABIN était rentré en FRANCE, CERDAN était parti pour les championnats d’Europe. La France était libérée.

– Alors, je participai à la libération d’Alger, aux opérations des Hauts-Plateaux, de Sétif, Kerrata, Bougie. Il me restait encore cinq ans à passer dans la marine. Je voulais voyager, embarquer… voir du pays. On formait un détachement de volontaires pour terminer la guerre d’Indochine et du Pacifique. Alors je me suis présenté…

La Grande aventure

C’était au début de 1945 ; Roland LESAFFRE avait dix-huit ans. Embarqué sur L’Emile Bertin, comme fusilier marin et moniteur d’éducation physique, il passa quartier-maitre.

– Nous commençâmes par débarquer à Saïgon, puis nous nous enfonçâmes dans la jungle… Et cela a duré sept mois. Nous étions six-cents au débarquement de la baie d’Along, en 1944, et, le soir-même, il y eut près de six-cents morts. Le même drame s’est reproduit un an plus tard à la baie de Tourane.

– Quelle est l’action la plus héroïque à laquelle vous avez participé ?

– Je préfère ne pas répondre à cette question… Pour moi, il n’y eut rien de tellement héroïque… Foncer pour enlever un piton de mitrailleuse, ce n’est pas de l’héroïsme, c’est de la folie… Une fois, oui, j’ai fait un combat de boxe héroïque parce que l’honneur de la Marine Française était en jeu. On m’appelait KID CHAMPION. J’étais opposé à un Anglais pour les championnats du Pacifique. Grand tralala avec drapeaux, Marseillaise et les Hymnes anglais et américain. Et tout-à-coup quelque chose s’est déclenché en moi, je me suis senti Français l Et quand le combat fut commencé, mes supporters criaient : « Vas-y, FRANCE… vas-y KID ! ». J’ai fini par gagner par abandon et je me suis retrouvé recevant l’accolade des amiraux et de tous les gradés. Oui, ce jour-là, j’ai fait quelque chose d’héroïque pour la FRANCE.

Si l’on demande à Roland LESAFFRE de citer quelques-unes des dix-sept décorations qui constellèrent sa poitrine, il hausse les épaules et admet qu’il en est une qu’il porte discrètement sur ses vestons : La Médaille de Moniteur de Joinville. Mais il a encore : les décorations de la Méditerranée, du Cambodge, de l’Afrique du Nord, la fourragère rouge des survivants du commando Emile-Bertin etc… Il a reçu la première à dix-sept ans !

Roland LESAFFRE finit par rentrer en France, en passant par la Chine et la Russie, rapatrié par le Suffren tandis que l’Emile Bertin continuait son tour du monde.

L’inespéré arrive

– Un jour, j’appris qu’ESCANDE allait faire passer des auditions pour Marcel CARNE qui préparait un film : JULIETTE ou la CLEF des SONGES. J’ai dit à ESCANDE : « CARNE, je le connais, j’ai travaillé avec lui et mon ami GABIN ». Il m’a regardé en souriant puis m’a dit : « Alors, tu as peut-être ta chance… Viens aux auditions ». Le lendemain, j’étais sur place de bonne heure, CARNE était dans la salle, entouré de quelques personnes. Il assistait aux auditions sans mot dire. Quand une vingtaine d’élèves furent passés sur la scène, j’insistai pour auditionner. J’ai donné une tirade de « Mithridate ». Ce fut une catastrophe. Tout le monde jacassait, on ne me prêtait pas la moindre attention. Puis, quand ESCANDE m’eut dit poliment : « Merci, mon petit, c’est très bien » je lui demandai : « Je voudrais passer autre chose ». Pris au dépourvu, il me regarda en soupirant : « Ce n’est pas très long ? ». « Non, non ». Et je récitai un poème de Camille François : Mon Chien. Je le terminai avec des larmes dans les yeux et descendis de la scène. Alors, l’inespéré arriva : Marcel CARNE m’a appelé et m’a tendu une carte de visite en me disant : « Passez au bureau de la production de Sacha GORDINE, pour des essais ».

Deux semaines passèrent… Les essais eurent lieu et, à cette occasion Roland LESAFFRE faisait la connaissance d’une toute jeune fille qui dansait alors dans un ballet de Léonor FINI ; elle avait un minois de chat sauvage et s’appelait Leslie CARON. Sur le plateau, il y avait un personnage qu’on ne connaissait pas non plus, qui assistait aux essais. C’était Gene KELLY.

Quand il vit les bouts de film de la danseuse, il la demanda à CARNE pour en faire la vedette de son film « Un américain à PARIS ».

– Mais, vos essais ?

– J’attendis en vain des nouvelles de la production. Alors, au bout d’un mois, n’y tenant plus, je téléphonai à Marcel CARNE. Il me répondit alors que je ne jouerais pas le rôle principal du film qui serait tenu par Gérard PHILIPPE, mais un rôle de légionnaire. Ce fut mon premier rôle marquant au cinéma.

1950… Roland LESAFFRE a vingt-trois ans. Il est devenu un acteur. Pendant toute sa carrière il tournera avec les plus grands metteurs en scène : CAYATTE, BECKER, CARNE, HITCHCOCK etc. … et avec les artistes les plus en vue.

Comment je travaille mes rôles

Dans « L’ETRANGE MADAME X », Roland LESAFFRE joua le rôle d’un barman. Il était entouré de Michèle MORGAN, Henri VIDAL et Roland ALEXANDRE. Le metteur en scène GREMILLON voulait faire vrai et, comme une scène du film se déroulait dans un petit café restaurant du Faubourg saint Antoine…

– Pour bien entrer dans la peau de mon personnage, j’ai pensé que je devais effectuer un stage de garçon de café. En effet, je ne voulais pas risquer d’être critiqué parce que je n’aurais pas su porter un plateau ou verser un apéritif. J’allai chez MANIERE, rue Caulaincourt, tout à côté de mon domicile et expliquai au patron de quoi il s’agissait. Comme je n’étais pas encore connu comme acteur, je ne risquai pas d’être découvert ! Or, il arriva une aventure amusante en ce sens que le chef des garçons du bar fut jaloux de moi. Pour hériter de mes pourboires, il m’envoyait toujours à la cuisine ou à la cave. Le dernier jour, j’ai offert le champagne à tout le monde et le garçon en question a donc appris pour quelle raison j’étais là. Il n’a rien dit mais il m’a adressé une lettre merveilleuse pour s’excuser de son attitude et me remercier de la leçon que je lui avais donnée.

– Avez-vous fait d’autres stages pour la préparation de certains rôles ?

– Oui, dès l’année suivante, en 1951. Aux côtés de Raymond PELLEGRIN et MOULOUDJI, je tournai, sous la direction d’André CAYATTE dans NOUS SOMMES TOUS DES ASSASSINS, qui devait obtenir le Grand Prix à Venise. Mon rôle était celui du coiffeur de la prison. Donc, il fallait que je sache tenir ciseaux, peigne et tondeuse… Je travaillai pendant trois semaines dans une école de coiffure. Je mangeais à la cantine avec les autres et le soir j’étais de corvée pour balayer.

CASQUE D’OR de Jacques BECKER a permis également à Roland LESAFFRE de faire une apparition marquante, en compagnie d’artistes exceptionnels : Simone SIGNORET, Serge REGGIANI, Claude DAUPHIN.

– Puis, ce fut l’année 1952 et je tournai L’AMOUR d’une FEMME de GREMILLON, avec Massimo SERATO, Micheline PRESLES, Gaby MORLAY et CARETTE, Marc CASSOT… J ‘étais un gardien de phare, ancien marin. Pendant trois mois, nous avons vécu à OUESSANT, mais je suis parti avant les autres car j’étais attendu pour un autre film qui devait faire parler de lui et de moi : Thérèse Raquin. GREMILLON est venu m’accompagner sous la pluie battante, jusqu’à l’un des bateaux qui n’avaient pu accoster de la journée entière à cause de la tempête.

Et il m’a dit : « Tu vas tourner avec CARNE… Pars confiant. Je te souhaite d’être meilleur encore qu’avec moi ».

 

Après avoir refusé quatre films, Roland LESAFFRE signa un contrat pour LA MAIN AU COLLET d’HITCHCOCK, avec Grace KELLY, Cary GRANT, Charles VANEL, Brigitte AUBER…

– HITCHCOCK me téléphona lui-même et me demanda de venir le voir. Nous avons parlé… Je lui ai fait remarquer que mon anglais était très défectueux et il m’a dit : « C’est sans importance. Je vous ai vu à l’écran, vous avez du talent ». J ‘ai signé un contrat magnifique, se montant à plusieurs millions. Alors, j’ai peut-être perdu un peu la tête. J’ai invité quantité de gens à dîner, j’ai habillé des copains, je croyais que je tenais la fortune et qu’elle était inépuisable. Mais il faut bien comprendre que c’était pour moi une revanche contre toute la vie que j’avais eue jusqu’alors, surtout pendant ma jeunesse… J’ai été jalousé, je me suis découvert des ennemis… N’en parlons plus, puisque tout cela c’est du passé.

– Alors, parlez-nous de l’Amérique et d’HITCHCOCK.

– J’ai dépensé beaucoup d’argent à HOLLYWOOD car je voulais tout connaître… De ce fait, je ne dormais guère, j’allais au Dancing, à la boxe, et je me couchais à des heures impossibles. De ce fait, j’arrivais en retard au Studio. Alors, un jour, HITCHCOCK m’interpella : « Hé ! la Butte Montmartre, quand on dit huit heures-et-demi, ce n’est pas neuf heures ! Comment dit-on en Français ? ». Je lui répondis « L’heure c’est l’heure. Avant l’heure c’est pas l’heure et après l’heure, c’est plus l’heure non plus ! ». Le lendemain je trouvais dans ma loge un grand écriteau portant cette phrase. HITCHCOCK l’y avait fait placer bien en évidence.

1958 avait vu l’avènement de la nouvelle vague. Les anciens, acteurs et metteurs en scène ne travaillaient plus… Comme tant d’autres, Roland LESAFFRE dut tenir tête à cette marée. Quelques rôles se succédèrent dans : PARIS, c’est l’AMOUR, Le SEPTIEME JOUR de SAINT MALO. Puis, brusquement, sans transition, en 1959, ce fut pour lui un des sommets de sa carrière avec l’un de ses meilleurs rôles, celui de BIG CHIEF de TERRAIN VAGUE (Marcel CARNE).

….

Fin de l’article

 

L’AIR DE PARIS 1954

https://moncinemaamoi.blog/2016/06/05/lair-de-paris-marcel-carne-1954/

 

A l’automne 1953, le nouveau film de Marcel Carné, Thérèse Raquin, reçoit un excellent accueil. C’est donc avec confiance que le réalisateur se lance avec le scénariste Jacques Viot dans un nouveau projet : l’histoire d’un entraîneur de boxe qui jette son dévolu sur un jeune ouvrier pour en faire son poulain. Carné est à l’époque un passionné de boxe et, comme il l’expliquera dans son autobiographie, l’arrière-plan social d’une telle intrigue lui plaît également: « Ce qui m’intéressait – en plus de l’atmosphère particulière du milieu – c’était d’évoquer l’existence courageuse des jeunes amateurs qui, ayant à peine achevé le travail souvent pénible de la journée, se précipitent dans une salle d’entraînement pour « mettre les gants » et combattre de tout leur cœur, dans le seul espoir de monter un jour sur le ring… ». Malheureusement, les producteurs de l’époque voient les choses d’un autre œil, estimant que les films sur la boxe n’intéressent pas le public. Après moult refus, Carné finit tout de même par signer avec Robert Dorfmann, heureux producteur de Jeux interdits et de Touchez pas au grisbi, qui se trouve être lui aussi un grand amateur de boxe.

L’histoire

Propriétaires à Paris dans le quartier de Grenelle d’une salle d’entraînement de boxe, le couple Victor (Jean Gabin) et Blanche (Arletty), n’envisagent pas le même avenir : Lui veut continuer à organiser des combats, Elle rêve d’une retraite au soleil sur la Côte d’Azur. Victor croit en l’avenir d’André Ménard (Roland Lesaffre) qu’il a recueilli chez eux, il l’encourage et le forme ; mais « paumé », le jeune homme délaisse vite l’entraînement par amour pour Corinne (Marie Daëms), joli et volage mannequin qui, selon Victor, le détourne de son destin de champion ; Victor finira par le ramener sur le chemin du sport.

Retrouvailles

Pour Carné, il est évident que le rôle de Le Garrec, l’entraîneur, revient à Jean Gabin, avec qui il a déjà tourné trois films. De son côté, Gabin se déclare rapidement partant – et le restera, même après avoir découvert la nouvelle version du scénario écrite par Carné et Jacques Sigurd, qui a entre-temps remplacé Jacques Viot. Le tandem a en effet développé considérablement le rôle du jeune boxeur, le dotant notamment d’une histoire d’amour, ce qui relègue quasiment le rôle de Gabin au second plan. Bien qu’il n’apprécie qu’à moitié ces modifications, l’acteur respecte sa parole. Il sera donc à l’écran l’entraîneur de Roland Lesaffre, ancien compagnon d’armes (ils se sont croisés à Alger pendant la guerre) qui vient grâce à Gabin – de jouer dans deux films de Carné. Le réalisateur a en fait eu des doutes sur les capacités de Lesaffre à tenir un rôle aussi important, mais le jeune homme est un ancien champion de boxe, ce qui le rendra crédible pour les scènes de combat… Fidèle, Carné engage pour le rôle de Blanche Le Garrec son amie Arletty, réunissant ainsi, quinze ans après, le couple du Jour se lève. Quant au personnage de Corinne, il le destine à Agnès Delahaie, qui n’est autre que « Madame Robert Dorfmann », Mais, découvrant qu’une récente dispute a opposé la jeune femme à l’épouse du coproducteur italien engagé dans le film, Carné doit faire appel in extremis, à la veille du tournage, à Marie Daëms…

Si Arletty se réjouit de partager l’affiche avec Gabin, elle est beaucoup moins emballée par le film : « Trop conventionnel, dit-elle. Pas assez équivoque. On ne voyait pas qu’il avait un look pour Lesaffre. Carné n’a pas voulu. Il aurait dû le faire jouer en plus « pédoque » [homosexuel].» Évidemment, aidé de son dialoguiste Jacques Sigurd (Dédée d’Anvers d’Yves Allégret), Carné a écrit tout spécialement le rôle du jeune champion pour son « protégé » Roland Lesaffre, auquel il réserve, les meilleures scènes.

– Dis donc, c’est plus mon histoire, c’est celle de Lesaffre, maugrée Gabin après lecture du scénario dialogué.

– Mais comme tu dis, à ton âge tu ne veux plus jouer les godants [amoureux], rétorque Carné.

Au terme de quelques-uns de ces échanges verbaux, dans un réel souci d’apaisement mais surtout parce qu’il connaît parfaitement « son » Gabin, Carné lui offre de discuter d’éventuels changements de texte en sa faveur :

– Non, non… J’ai signé, je jouerai ce qui est écrit, répond-il, l’air buté.

Sur le plateau, il n’adresse pratiquement plus la parole à Lesaffre ; celui-ci se révèle être, selon des témoins, « un sacré cabochard » : il estime être la vedette du film, ce que confirme le réalisateur. « Carné me disait que j’en faisais trop et que je lui « cachais » sa vedette ! » révèle Gabin. Quant à la presse toujours en perpétuel conflit avec le monstre sacré, elle désigne ouvertement Lesaffre comme son remplaçant : « Il y a dans le personnage de Lesaffre quelque chose de Gabin jeune, du Gabin de Gueule d’amour et de Pépé le Moko. Lesaffre me fait songer à la réplique musicale de Gabin en plusieurs octaves plus aiguës … », écrit le critique André Bazin.

 

Sur le ring

L’atmosphère des salles de boxe a-t-elle déteint sur l’équipe du film ? Toujours est-il que des tiraillements se produiront tout au long du tournage. D’une part entre CARNE et GABIN, ce dernier reprochant au réalisateur – non sans raison – de continuer à privilégier par sa mise en scène le personnage de LESAFFRE. Les relations entre l’acteur et son ancien « copain de régiment » s’en trouvent du même coup refroidies, d’autant que LESAFFRE ne joue pas exactement la carte de l’humilité. À en croire CARNE, après le succès inattendu de sa prestation dans THERESE RAQUIN et sa brève collaboration avec HITCHCOCK pour TO CATCH A THIEF (LA MAIN AU COLLET), la tête du comédien a quelque peu « enflé », et il regimbe souvent aux indications de son metteur en scène. Des frictions qui viennent s’ajouter à la complexité des scènes de matches, tournées avec de vrais professionnels : LESAFFRE affronte ainsi Séraphin FERRER, champion d’Europe de l’époque. Un combat dont il se tire honorablement, mais qui le laisse épuisé pour le reste du tournage. Malgré ces multiples difficultés, CARNE sera au final satisfait par le film. En partie sans doute parce que l’histoire de Le Garrec et du jeune André dépeint au fond sa propre relation avec Roland LESAFFRE, aspirant comédien qu’il a pris sous son aile, et qui fera grâce à lui une honnête carrière.

 

Fin

 

Roland Lesaffre – la fidélité dans le talent par Joe van COTTOM, Ciné Revue 1981.

http://www.marcel-carne.com/la-bande-a-carne/roland-lesaffre/1981-roland-lesaffre-la-fidelite-dans-le-talent-cine-revue/

 

www.youtube.com/watch?v=p88wbyG-Ssg

 

Ils sont nés à Nexon, ils ont réalisé une belle carrière : Joseph ROIG, un as de l’aviation en 1914-18 et un pionnier de l’Aéropostale (1889-1983)

A Nexon on ne connait pas ou peu Joseph ROIG. Pourtant il est né à Nexon et ce fut un as de l’aviation en 1914-1918 et un pionnier de l’aérospatiale. Il est vrai qu’il n’y a vécu que sa petite enfance. En effet son père qui était gendarme à cheval a passé moins de dix ans Nexon. Il est arrivé dans la commune en 1882 et sa première fille, Thérèse, y est née le 11 avril 1883 ; une autre fille, Berthe, est née le 11 avril 1887 et Joseph est venu au monde le 27 juillet 1889.

De 1902 à 1907, il est enfant de troupe à l’Ecole Militaire Préparatoire de l’Artillerie et du Génie, à Billom, dans la banlieue de Clermont – Ferrand. Cette école, créée en 1886 a fermé ses portes en 1963.

Le 29 juillet 1907, il s’engage pour cinq ans dans l’Artillerie. Il est affecté au 36ème régiment d’artillerie de campagne (RAC) puis au 19ème RAC. Il entre le 1er octobre 1911 à l’Ecole militaire de l’Artillerie à Versailles. Le 1er octobre 1912 il est nommé sous-lieutenant au 13ème Régiment d’Artillerie à Nîmes.

Le 24 septembre 1912 à Billom, Puy-de-Dôme, il épouse Marcelle MOSNIER (1890-1964). Une fille, Madeleine Marie naîtra en 1914. Après le décès de son épouse il se remarie le 21 décembre 1965, à Tours, avec Anny FLORENTIN.

Un as de l’aviation en 1914-1918.

Le 25 septembre 1914 il passe à l’aéronautique militaire comme observateur. Après sa formation il est affecté à l’escadrille C 13 ou il restera jusqu’au 19 mars 1916.

Le travail de l’observateur est essentiel pour guider le tir des batteries françaises. Une fois le tir commencé, Joseph ROIG tapote sur son manipulateur pour aider les artilleurs à régler leur tir : deux traits, deux points, deux traits deux points…, « réglé en direction ». Quelques instants plus tard, un obus tombe sur la batterie allemande. Joseph ROIG continue. Un trait, un point, un trait, un point… « réglé en portée ». Au sol, les canons se mettent à tirer en même temps. (voir en annexe l’article de Patrice HERREYRE dans le Populaire du Centre 24 avril 2016)

ROIG, à gauche, en compagnie d’un pilote de l’escadrille C13 

En février 1915 il est décoré de la Croix de Guerre avec une citation à l’ordre de l’armée et le 7 juillet 1915 il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur. Il a 26 ans.

 

« A pris part, depuis la fin du mois de septembre, à de nombreuses reconnaissances exécutées sous le feu de plus en plus violent des batteries ennemies. S’est fait remarquer par la sûreté des renseignements recueillis, ainsi que par sa grande habilité à diriger les réglages de tir. »

Citation à l’ordre de l’armée au Lieutenant Joseph ROIG, observateur de l’escadrille C 13

Le 19 mars 1916 il obtient son Brevet de pilote militaire avec le numéro 3033. Il devient alors Pilote de l’escadrille C 13 ou il restera jusqu’au 1er octobre 1916. Au cours de cette période il obtient une nouvelle citation à l’ordre de l’armée :

« Officier d’élite et observateur de premier ordre, continue à se distinguer par le succès avec lequel il s’acquitte de toutes ses missions, déployant sans relâche ses qualités d’audace et d’habileté. Le 2 février 1916, a exécuté avec un plein rendement un vol d’une durée de quatre heures quarante minutes, le 23 juin, attaqué par deux avions de chasse ennemis, les a contraints à la retraite afin de poursuivre l’exécution des réglages dont il était chargé. Coutumier des faits, montre en toutes circonstances un sentiment du devoir et un esprit de dévouement au-dessus de tout éloge. »ROIG, à gauche, en compagnie d’un pilote de l’escadrille C13 en octobre 1916

Il est promu Commandant de l’escadrille C 224 du 1er octobre 1916 au 19 septembre 1917. Il est nommé Capitaine à titre temporaire, le 16 février 1917. Il part à l’Ecole militaire de Fontainebleau du 19 septembre 1917 au 13 mars 1918 et à son retour il est nommé Commandant de l’escadrille SALMSON 58. Cette escadrille est équipée de Salmson 2A2, appareils dont Pierre-Georges LATECOERE avait obtenu un contrat de fabrication en sous-traitance.

Cet avion était un biplan biplace monomoteur construit en bois entoilé. Sa propulsion était assurée par un moteur en étoile Salmson de 230 chevaux. Il disposait d’une mitrailleuse synchronisée Vickers de calibre 7.7mm et de deux mitrailleuses Lewis de même calibre installées en position arrière sur affût annulaire mobile. Deux appareils photos installés à l’arrière du fuselage étaient déclenchés par le copilote. Construit à plus de 3200 exemplaires le Salmson 2A2 est incontestablement un des grands succès aéronautiques français de la Première Guerre mondiale.

Un Salmson

 Il est détaché au 37ème régiment d’aviation, en date du 25 mars 1919

Il cesse son congé sans solde, le 25 mai 1925 pour être réaffecté au 37ème régiment d’aviation. Il est nommé lieutenant-colonel, le 2 septembre 1939.

En 1919, il devient chef de la 1ère Section du personnel du 4e Bureau de la Direction Aéronautique du Ministère de la Guerre. C’est là qu’un jour d’été 1919 il fait une rencontre déterminante. « Nous sommes à la fin de l’été 1919, racontera-t-il dans ses souvenirs, dans le bureau que j’occupais au ministère de la Guerre. Le planton introduisit un visiteur : Pierre-Georges LATECOERE. » Le fondateur des lignes aériennes qui portent son nom demande un petit service à l’officier, celui de différer de quelques jours la prise de fonction dans l’armée de l’air de MORAGLIA, alors chef d’aéroplace à Malaga, en attendant l’arrivée de son successeur, un certain Didier DAURAT.

En 1926, il revient à l’armée de l’Air où il commande successivement les bases de Fez, Alger-Maison-Blanche, Istres et Casablanca avant d’être mis en congé du personnel navigant en 1940.

Un pionnier de l’Aéropostale.

La 1ère guerre mondiale à peine finie, les journaux français s’interrogent : “Que vont devenir nos pilotes ?” Certains vont trouver un métier inattendu : facteur livrant par voie aérienne le courrier de France vers son récent protectorat : le Maroc.

Pierre-Georges LATECOERE, industriel reconverti dans la construction d’avions, a ce projet fou. Pour prouver qu’il ne rêve pas il effectue, le 8 mars 1919, un vol Toulouse-Rabat. A l’atterrissage, sur la piste, l’attend le résident général, le Maréchal LYAUTEY. LATECOERE a un cadeau pour lui : un exemplaire du journal Le Temps, daté de la veille. C’est un exploit à une époque où une lettre, postée à Paris, met une dizaine de jours pour arriver à Casablanca. Pour parachever sa démonstration il a amené un bouquet de violettes cueilli à Toulouse qu’il offre à Madame la Maréchale. Convaincu, LYAUTEY lui accorde une subvention de 1 million de francs et une exclusivité du transport du courrier vers la France.

En juillet 1919, LATECOERE engage le pilote Didier DAURAT. Il signe un contrat d’exploitation de la ligne Toulouse-Rabat.

En septembre 1919, sept mois à peine après le vol inaugural de Latécoère, les postiers de l’air acheminent de façon régulière le courrier entre la France et Casablanca. Mais leur employeur voit déjà plus loin. Latécoère veut relier Paris à Dakar, et au-delà, délivrer le courrier jusqu’en Amérique du Sud. Ses avions doivent pour cela traverser le Maroc.

Deux ans plus tard, Latécoère se souviendra de cette première rencontre et proposera, par l’intermédiaire de Beppo de MASSIMI, à Joseph ROIG de rejoindre son équipe au Maroc. Mis en disponibilité de l’armée il se lance dans l’aventure.

  • La ligne Casablanca-Dakar.

Ainsi en janvier 1921, Joseph ROIG est chef de service des Lignes Aériennes Latécoère Maroc.

Grâce à son action auprès du Maréchal LYAUTEY et des services de la Résidence Générale au Maroc, et à ses relations avec le gouverneur de la Mauritanie, il donne une impulsion décisive aux Lignes Aériennes Latécoère.

L’idée de LATECOERE, un peu folle, est de transporter par avion le courrier de Paris en Amérique du sud. La première étape est de créer une ligne jusqu’à Dakar, en passant par des terrains qui deviendront célèbres : Cap Juby, Villa Cisneros, Port Etienne… C’est Joseph ROIG qui se charge de défricher le terrain et crée de toutes pièces les infrastructures qu’utiliseront plus tard SAINT-EXUPERY ou MERMOZ.

Pour cela Joseph ROIG va effectuer le reconnaissance du tronçon Casablanca-Dakar en faisant du cabotage sur une goélette « La Frasquita ».

Une partie du parcours traverse le Rio de Oro et le désert mauritanien sous contrôle espagnol. C’est un tronçon de 1.500 kilomètres à haut risque, du fait des difficultés à contrôler efficacement cette immense étendue de désert qui, des frontières du sud marocain aux frontières de l’Afrique Occidentale Française, est en réalité contrôlée par des tribus Maures. Il installe les futurs aérodromes de Cap Juby, Villa Cisneros, et Port-Etienne, avec mise en place du ravitaillement en essence et huile.

Du 3 mai au 5 mai 1923, chef de mission du premier courrier postal aérien Casablanca-Dakar, Jean ROIG effectue la liaison avec trois Breguet 14 avec les pilotes Louis DELRIEU, Robert CUEILLE et Victor HAMM, les mécaniciens LEFROIT et BONNORT et un passager M. G. LOUIS de la  » Vigie Marocaine « .

 

Le départ des trois Breguet 

Au retour du raid Casa-Dakar-Casa, J. ROIG, chef de mission, prend sa fille dans les bras.

La ligne Casablanca-Dakar est inaugurée officiellement le 1er juin 1925 par les pilotes Georges DROUIN et Emile LECRIVAIN. Un an et demi plus tard, elle faisait ses premières victimes. Deux pilotes meurent abattus par des membres de tribus du Rio de Oro, tandis qu’un troisième est fait prisonnier. Blessé par balles, criblé de coups de couteaux, le pilote-otage “préfère mettre fin à ses souffrances en buvant d’un trait la teinture d’iode et l’acide phénique qu’il portait en deux flacons sur lui. Ses ravisseurs le crurent mort et l’abandonnèrent dans le désert. Récupéré par une mission de sauvetage, il s’éteignit dix jours plus tard dans un hôpital de Casablanca, l’intestin perforé par les substances chimiques qu’il avait absorbé”, raconte Joseph KESSEL dans “Vent de Sable”.

 

  • La ligne Natal – Buenos Aires – Rio de Janeiro

En 1924 Pierre-Georges LATECOERE envoie le capitaine Joseph ROIG puis le prince Charles MURAT assisté de Marcel PORTRAIT, tous deux administrateurs de la CGEA (ex lignes Aériennes Latécoère), en Amérique du Sud, par bateau, avec des Breguet XIV. Il n’est pas encore question de traverser l’Atlantique en avion. Une fois arrivés au port les avions sont débarqués et les vols de reconnaissance sont accomplis en se posant sur les plages, d’abord au sud vers Montevideo et Buenos Aires puis au nord vers Recife, avec des fortunes diverses.

Si le courrier entre Dakar et Natal, ville la plus à l’Est du Brésil, est transporté par bateau l’idée de LATECOERE est de reconnaître la liaison aérienne qui doit permettre l’acheminement du courrier vers Rio, Buenos Aires ou Montevideo. Encore une fois, c’est Joseph ROIG qui se charge de cette opération périlleuse, en janvier 1925.

Joseph ROIG en 1925

Pour préparer la liaison Rio de Janeiro-Buenos Aires il est aidé par le héros national argentin Vicente ALMANDOS ALMONACID, as de l’aviation en France pendant la guerre. En effet ALMANDOS ALMONACID s’était engagé dans la Légion étrangère en 1914 et, pilote remarquable, il a obtenu la médaille militaire, la croix de guerre et la Légion d’honneur. Le contact entre deux as de l’aviation ne pouvait qu’être fraternel et leur collaboration a facilité les contacts de Joseph ROIG pour l’élaboration de la ligne aérienne Natal – Buenos Aires puis la ligne Rio – Buenos Aire. Sa notoriété en Argentine lui permettra de faire recevoir son ami ROIG par le Président ALVEAR.

Le 14 janvier 1925, chef de mission du premier courrier aérien Rio de Janeiro-Buenos Aires, il effectue la liaison avec trois Breguet XIV et avec les pilotes Paul VACHET, Victor HAMM, Etienne LAFAY et les mécaniciens CHEVALIER, ESTIVAL et GAUTHIER.

14 janvier 1925 – Reconnaissance de l’itinéraire Rio – Buenos Aires

Mars 1925 Brésil

Le parcours n’était pas sans risque ! ROIG était à bord du Breguet piloté par VACHET lorsqu’il s’est retourné au décollage de Bahia.

 

Au cours de son passage aux lignes aériennes Latécoère, Jean ROIG a joué un rôle déterminant dans la création de la liaison aérienne française entre la France et l’Amérique du Sud, et a servi avec un dévouement total M. P.G. Latécoère qui lui avait fait entièrement confiance. La mission rentre en France en juillet 1926 laissant à Rio Paul VACHET et ses avions. Les autorisations vont arriver l’année suivante et le courrier partira de Paris pour Buenos Aires avec une traversée en bateau jusqu’à ce que MERMOZ réussisse la traversée de l’Atlantique de l’Atlantique entre Dakar et Natal les 12 et 13 mai 1930.

Rentré en France, Joseph ROIG réintègre l’armée de l’Air où il commande successivement les bases de Fez, Alger-Maison-Blanche, Istres et Casablanca.

Nommé lieutenant-colonel, le 2 septembre 1939 il est mis en congé du personnel navigant en 1940.

Mort en 1984, il est enterré à Corbère (Pyrénées-Orientales)

La suite sans Joseph ROIG

Le 11 avril 1927, la propriété de la Compagnie Générale d’Entreprises Aéronautiques passe pour 93% de Pierre Georges LATECOERE à Marcel BOUILLOUX-LAFONT. Elle prendra le 20 septembre suivant la nouvelle raison sociale de Compagnie Générale Aéropostale

Octobre 1927 : SAINT-EXUPERY devient chef d’aéroplace à Cap Juby

Novembre 1927 : Inauguration de la ligne Natal – Rio – Buenos Aires par PIVOT et VACHET sur Laté 25.

1er Mars 1928 : Premier service postal France – Amérique du Sud (la traversée se faisant par aviso)

12-13 mai 1930 : Première traversée commerciale de l’Atlantique sud entre Saint-Louis du Sénégal et Natal par MERMOZ, DABRY et GIMIE sur Latécoère 28.3 (Comte-de-La-Vaulx).

13 – 20 juin 1930 : Henri GUILLAUMET, pris dans une tempête de neige dans la Cordillère des Andes, fait un atterrissage forcé à la Laguna Diamante et capote. Indemne, il marche en direction de l’Argentine pendant 5 jours et 4 nuits et est recueilli par une villageoise.

31 mai 1933 : La Société Centrale pour l’Exploitation des Lignes Aériennes (SCELA) qui regroupe Air Orient, la CIDNA, Farman et Air Union, rachète l’Aéropostale.

7 octobre 1933 : la SCELA devient Air France

On oublie aujourd’hui à quel point la mise en place des lignes aériennes dans le monde mettait en jeu des intérêts nationaux, de plus, dans le contexte de l’immédiat après-guerre. La deuxième mission ROIG fut décidée entre Pierre-Georges Latécoère et le sous-secrétaire d’Etat à l’aviation civile, LAURENT-EYNAC, sur la base du rapport rédigé en octobre 1924 par Joseph ROIG, qui recommandait de procéder à une deuxième mission, cette fois de façon opérationnelle, avec des avions.

Le prince MURAT, de la famille impériale de Napoléon, est sollicité au Maroc, où il est président de l’Aéro-club du Maroc ; son nom et son titre seront précieux pour transformer les contacts pris par ROIG en autorisations officielles. C’est donc, au-delà de son entreprise, le prestige de la France à l’étranger que vont représenter les émissaires de la société Latécoère lors de la deuxième mission de reconnaissance, fin novembre 1924.

 

http://postale.free.fr/aeropostale/roig/good/Roig_Joseph-Pour_que_passe_le_courrier.html#yacht

http://www.latecoere.com/web/latecoere.php?lang=fr&art=36

Quelques articles du FIGARO relatant le développement de l’Aéropostale.

Le Figaro, 22 janvier 1924. La liaison aérienne France-Maroc

L’administration de la compagnie Latécoère, qui exploite les lignes aériennes reliant le Maroc à la France et à l’Algérie, vient de publier quelques chiffres relatifs à qui vient de s’écouler.

Rappelons d’abord les étapes de sa remarquable progression ;

L’ouverture de la ligne eut lieu le 1er septembre 1919, avec deux courriers par semaine jusqu’à Rabat. Au 14 juillet 1920 on passait à deux courriers par semaine jusqu’à Casablanca. Au 1er janvier 1921 : trois courriers par semaine. 1er avril 1921 quatre courriers par semaine. 1er août 1922 courrier quotidien. 1er octobre 1922 ouverture de la ligne Casa-Fez-Oran. 1er janvier 1923 ouverture de l’escale de Tanger. 1er mai 1923 ouverture de la ligne Casa-Dakar par le raid de la mission Roig.

Voici maintenant les résultats de l’exploitation en 1923.

2 910 619 lettres transportées en 1923, représentant un poids de 62 835 kilos. Il convient de noter que dans ce total la part du courrier expédié par le Maroc en France qui représente 1 410 052 lettres, est supérieur à celui expédié par la France au Maroc, qui est de 1 294 219 lettres.

Passagers transportés 1 279, aucun accident de personne. Kilomètres parcourus par les courriers réguliers 1 511 240 kilomètres. Raid Casa-Dakar (mission Roig par trois avions) 16,590 kilomètres. Le nombre de lettres transportées en décembre 1923 dépasse les 300 000 (319 477 lettres).

Ajoutons que ces chiffres postent à 3 747 000 kilomètres le parcours effectués par les avions Latécoère depuis la fondation de la ligne, ce qui représente un peu plus de 93 fois le tour du monde. On voit les progrès réalisés, tant pour la périodicité des voyages et leur rendement commercial que pour l’amélioration de la sécurité. J. F.

Le Figaro, 19 février 1925. Les prouesses de l’aviation française. Le raid des trois avions de Rio-de-Janeiro à Buenos-Aires

Le grand événement français, ce fut l’atterrissement le 14 janvier, 17h20, à l’aérodrome militaire argentin du «Palomar», des avions de la Compagnie Latécoère, qui viennent de réaliser avec une exactitude presque mathématique et une incomparable maestria, le difficile programme de route que le capitaine Roig, organisateur du voyage, leur avait tracé.

Une distance de 2.350 kilomètres, à travers des terrains de composition géologique très diverse, sous des climats différents et des conditions météorologiques variables sépare Rio-de-Janeiro de Buenos-Aires. Nos excellents appareils Breguet dirigés par nos habiles pilotes Vachet, Lafay et Hamm, l’ont franchie avec une régularité et une aisance vraiment impressionnantes, en six étapes et en deux jours, comme le commandant de l’expédition l’avait prévu et fixé. Seul, l’avion dirigé par le pilote Hamm est resté momentanément en panne, avant l’étape de Montevideo, non par suite d’accident, mais parce qu’on n’a pu remplacer sur-le-champ une roue de l’avion en mauvais état sans le concours de laquelle il n’a pu prendre son vol en même temps que ses camarades. La roue réparée, il arrivera le lendemain à Palomar.

Les aviateurs sont partis hier, à 4 heures du matin, de Rio-de-Janeiro ; ils sont arrivés à 8h5 à San-Pablo, après avoir lutté constamment contre vent debout ; repartis à 10h15, ils arrivèrent à Florianópolis à 12h.40, avec une vitesse de 130 kilomètres à l’heure. Ils ne poussèrent pas plus loin ce jour-là. Ce matin, ils reprennent leur vol, de Florianópolis, à 4 heures, par un fort brouillard qui, s’épaississant, les oblige à s’arrêter un moment ce qui ne les empêche pas d’atteindre Porto-Alegre à 6h30, et Pelotas à 9h30, où Hamm doit rester. Décollant à 11h, Vachet et Lafay descendent à 15h30, à Montevideo puis, une heure plus tard, ils côtoient le Rio de la Plata jusqu’en face de la Colonia, pour piquer vers le Palomar où ils atterrissent à 17h20.

L’impression produite par ce vol magnifique est considérable, non seulement aux yeux des hommes de métier, mais aux yeux du public qu’il réconcilie avec l’idée que l’aviation peut devenir un moyen pratique de translation, en cessant d’être une folle aventure. On retrouve cette impression réconfortante qu’avait déjà répandue la célèbre mission française, commandée par le colonel Précardin, qui, pendant six mois suivis, exécuta, chaque jour, à Buenos-Aires des vols de ̃ toutes sortes, avec des passagers amateurs sans que le moindre incident soit venu interrompre leur enseignement de l’air, ni diminuer l’absolue confiance qu’ils étaient arrivé à inspirer.

Le Figaro 6 Mars 1925. Le raid des aviateurs de la mission Latécoère.

Buenos-Aires est, une fois encore, remplie de la France, de son esprit et de sa cause. Elle vient d’accueillir les aviateurs de la mission Latécoère qui couvrit en deux jours de vol la distance qui sépare la capitale du Brésil de la capitale argentine en inaugurant le courrier aérien entre les deux pays.

Le capitaine Roig, chef de la mission, a expliqué avec précision la portée de l’entreprise destinée à nous relier à l’Europe et à l’Amérique du Nord par des communications qui s’effectueraient normalement en un peu plus d’une semaine. La ligne pourrait s’appeler Toulouse-Buenos-Aires avec escales à Perpignan, Barcelone, Alicante, Malaga, Tanger, Casablanca, Mogador, Agadir, Cabo July, Villa Cisneros, Port Etienne, Saint-Louis, Dakar, Natal, Recife, Bahia, Rio, Santos et Montevideo, et son extension se calcule suivant le capitaine Roig à douze mille, quatre cents, kilomètres.

Buenos-Aires. Il a reçu une correspondance envoyée la veille de Rio-de-Janeiro alors que les vapeurs la conduisent régulièrement en cinq jours. Les pilotes de la mission française ont été l’objet de manifestations enthousiastes de la part de leurs compatriotes résidant parmi nous, du peuple et de nos autorités. Le président de Alvear les a reçus à la maison du gouvernement.

 

Le Figaro 27 mars 1925. Les prouesses des aviateurs français.

Mais nous oublions volontiers ces petites misères momentanées pour nous réjouir des bonnes nouvelles qui nous arrivent.

̃L’Argentine est profondément impressionnée, par les prouesses répétées de nos aviateurs français, tant sur le continent américain que sur celui de l’Afrique. A peine l’enthousiasme soulevé par le vol du capitaine Roig de Rio de Janeiro à Buenos-Aires en deux jours, s’est-il calmé, que le câble nous apprend la magnifique randonnée du capitaine Lemaître et de son compagnon Arrachart, de Paris à Dakar, à peine interrompu à Cisneros par un incident, sans gravité et sans conséquence. Ces raids surprenants ont d’autant plus d’attrait qu’aucune réclame tapageuse ne vient par avance en enfler l’importance pour en atténuer ensuite l’échec. On les apprend presque en même temps qu’ils se réalisent, et l’heure de l’émotion se confond avec celle des applaudissements.  Jamais on n’avait vu réaliser des choses aussi extraordinaires avec autant de simplicité et de modestie. Nos grands aviateurs sont les excellents artisans du bon renom de la France et de sa gloire, ils sont aussi les bons artisans de la conquête de l’air, en démontrant que l’avion entre des mains habiles et mené d’un cœur résolu, devient rapidement un coursier docile.

Il y a cent ans, Français et Allemands s’affrontaient dans une lutte à mort pour Verdun

Le Populaire, 24 avril 2016

Juillet 1916. La bataille fait rage sur la rive droite de la Meuse. Sur la rive gauche, après les terribles combats de mai et juin pour le Mort-Homme et la Cote 304, le front s’est stabilisé. Mais le secteur n’est pas calme pour autant. À l’escadrille C13, qui est chargée du secteur, les vols succèdent aux vols.

Le grondement sourd qui vient du nord-est ne laisse guère de doute. Une nouvelle offensive allemande est en préparation sur la rive droite de la Meuse. Sur le terrain d’aviation de Brocourt-en-Argonne, les hommes de l’escadrille C13 ne s’en soucient guère. Ils volent au profit des unités du XV e corps, qui tient la ligne entre Avocourt et la Cote 304. Ce secteur, le plus occidental du front de Verdun sur la rive gauche de la Meuse, a été l’objet de terribles combats au mois de mai et juin. Mais, en ce 10 juillet, les Allemands ont décidé de faire porter leurs efforts sur la rive droite.

La zone d’Avocourt n’est pas pour autant calme. Les duels d’artillerie sont quotidiens. Les pilotes et les observateurs de la C13 volent tous les jours pour effectuer du réglage d’artillerie, leur mission principale.

En milieu d’après-midi, Robert de Louvencourt et Joseph Roig s’approchent de leur Caudron G4. Pendant que les mécaniciens préparent les moteurs et vérifient l’armement de bord, les deux lieutenants enfilent leur épaisse combinaison fourrée par-dessus leur uniforme.

Robert de Louvencourt, malgré ses trente-six ans, est un jeune pilote. Il n’est à la C13 que depuis le mois de février. En revanche, Joseph Roig, né à Nexon le 29 juillet 1889, est un observateur expérimenté, entré dans l’aéronautique militaire en septembre 1914. C’est aussi un soldat courageux qui vient d’obtenir sa troisième citation à l’ordre de l’Armée pour sa conduite lors d’une mission qui a failli mal tourner.

L’avion d’observation est hautement vulnérable

Les deux premières missions de la journée sont rentrées. Un autre équipage est parti en reconnaissance depuis une vingtaine de minutes. Robert de Louvencourt et Joseph Roig sont le quatrième équipage de la C13 à prendre l’air. Ils vont tenter de repérer des batteries d’artillerie allemandes dans le secteur de la Cote 304.

Le frêle bimoteur décolle à 17 h 10 et met cap au nord. Après une petite dizaine de kilomètres de vol, l’appareil est au-dessus des premières lignes allemandes. Joseph Roig se penche vers son appareil TSF et tape le signal convenu, trois longs traits qui signifient « je peux observer » (*). Quelques kilomètres en arrière, deux batteries de 120 mm long se préparent à ouvrir le feu.

L’équipage français repère rapidement deux positions de tir allemandes. Des fumées de départs de coups sont nettement visibles sur l’une d’elles. Immédiatement, Joseph Roig demande le tir des batteries françaises.

Technique rodée

La technique est rodée. Quelques obus sont envoyés isolément. Dans l’avion, l’observateur note les impacts et transmet aux batteries, grâce à sa TSF, les corrections à effectuer.

L’avion de Joseph Roig et de Robert de Louvencourt tourne en vue de sa cible. Les obus se rapprochent. Les artilleurs travaillent rapidement. En quelques minutes, ils trouvent le bon azimut. Joseph Roig tapote sur son manipulateur. Deux traits, deux points, deux traits deux points…, « réglé en direction ». Quelques instants plus tard, un obus tombe sur la batterie allemande. Joseph Roig continue. Un trait, un point, un trait, un point… « réglé en portée ». Au sol, les douze tubes de 120 mm se mettent à tirer en même temps. En l’air, Roig et Louvencourt peuvent passer à un autre objectif.

Dans ces moments, l’avion d’observation est hautement vulnérable. Il est évidemment la cible des tirs venus du sol. Il peut aussi être la proie d’un avion de chasse profitant de la moindre attention de l’observateur occupé à régler un tir.

Le Caudron G4 de la C13 n’a pas cette malchance. L’aviation allemande est elle aussi concentrée sur l’offensive qui se déclenche sur la rive droite de la Meuse. Du coup, le ciel de la rive gauche est moins dangereux pour les avions français.

Roig et Louvencourt continuent à survoler la ligne de front. Ils repèrent rapidement une autre batterie allemande qui entre en action. Le manège recommence. Trait long, trait long, … « Je peux observer ». Deux traits, deux points, deux traits, deux points, … « Réglé en direction ». Un trait, un point, un trait, un point, … « Réglé en portée ».

Voilà plus d’une heure et demie que les deux hommes sont en l’air. Le carburant s’épuise. Il est temps de rentrer au bercail.

Le Caudron G4 se pose sur la piste de Brocourt à 19 h 10. Avant de se reposer, Joseph Roig et Robert de Louvencourt vont faire le compte rendu de leur mission. Outre les deux réglages de tir qu’ils ont effectué, ils ont découvert deux autres batteries allemandes. Elles sont notées sur la carte. Elles seront « traitées » lors d’un vol ultérieur.

(*) Les appareils d’observation et de réglage d’artillerie étaient équipés de postes TSF, pour émettre seulement. Ils communiquaient avec les batteries d’artillerie dont ils réglaient le tir, selon un code dérivé de l’alphabet morse.

Patrice Herreyre

 

 

 

Nés à Nexon ils sont morts lors des combats de la Guerre de 1914-1918.

100 ans après la fin de la Première Guerre Mondiale, revenons sur quelques chiffres qui nous rappelleront les drames vécus par les familles qui ont vu mourir leurs enfants dans la fleur de l’âge.

La lecture du Journal le 12 novembre 1918 a envahie de joie les familles qui voyaient enfin la Victoire et la Paix.

117 jeunes garçons nés à Nexon sont morts lors de la Première Guerre Mondiale. Le nom de chacun d’entre eux ne figure pas sur le monument aux morts de Nexon, leur décès ayant été transcrit sur les registres d’une autre commune du fait de leur déménagement depuis leur naissance.

J’ai déjà publié la liste des nexonnais qui figure sur le monument aux morts. Mais tous ne sont pas nés à Nexon. Certains nés à Nexon avaient quitté la commune au moment ou ils ont été mobilisés et inversement d’autres qui n’étaient pas nés à Nexon y résidaient lorsqu’ils sont partis au combat. Ainsi sur les 110 noms transcrits à Nexon, 43 sont nés dans cette commune.

Voici la liste des 63 garçons nés à Nexon, morts ou disparu lors de cette guerre, dont le nom a été transcrit dans une autre commune.

Nés à Nexon et morts à la guerre leur nom figure sur d’autres monuments aux morts.

ADAM   Jean Baptiste, né le 21 octobre 1894 à Nexon, Caporal au 14e RI, décédé le 25 décembre 1918 des suites d’une maladie, inscrit à Limoges.

ASTIER Louis, né le 25 août 1886 à Nexon, soldat au 209e RI, tué à l’ennemi le 26 septembre 1914 à Perthes-lès-Hurlus (Marne) inscrit à St. Hilaire-les- Places.

AUDOIN Jean, né le 7 octobre 1890 à Nexon, Soldat au 1e RCA, Tué à l’ennemi le 12 décembre 1914 à Anzin-St-Aubin (Pas-de-Calais) inscrit à Limoges. Né à Mazerieux de père inconnu

AUTHIER Antoine, né le 9 juin 1870 à Nexon, soldat au 102e RI, décédés des suites de blessures le 6 octobre 1915 à     Sains-en-Gohelle (Pas-de-Calais) inscrit à La Roche-L’Abeille

AUZEMERY Pierre, né le 28 avril 1897 à Nexon, Soldat au 135e RI, décédé suite à des blessures de guerre le 20 août 1918 à l’hôpital complémentaire de Beauvais          (Oise), inscrit à Limoges.

AYMARD Louis, né le 02 octobre 1888 à Nexon, Trompette au 52e RAC, tué à l’ennemi   le 28 août 1914 à Moislains (Somme) inscrit à Limoges.

BEAUDEMOULIN Léonard, né le 17 avril 1892 à Nexon, Sapeur au 2e RG, Tué à l’ennemi le 15 mai 1915 au Bois de la Gruerie (Marne) inscrit à Limoges.

BERGER Ferréol né le 27 mai 1879 à Nexon, Adjudant au 50e RI, tué le 1 juillet 1915 à Nevraumont (Belgique) transcrit à Périgueux.

BONNAUD Léonard, né le 29 juin 1884 à Nexon, soldat au 207e RI, Tué à l’ennemi le 7 janvier, tué le 7 janvier 1916 dans les tranchées d’Agny (Pas-de-Calais) inscrit aux Cars.

BORIE Adrien, né le 17 juin 1895 à Nexon, soldat au 122e RI, décédé d’une maladie en service le 3 novembre 1915 à l’hôpital mixte de Saint-Yrieix, transcrit à St. Yrieix.

BOUBY Martial, né le 1 décembre 1881 à Nexon, soldat au 106e RI, décédé à Grand Rattentout près de Dieue (Meuse) le 13 avril 1915 à la suites de blessures, inscrit à Janailhac.

BOYER Jean, né le 29 juin 1885 à Nexon, soldat au 250e RI, Tué à l’ennemi le 13 octobre 1914 à Nesle (Somme) transcrit à Jourgnac.

BREUIL Louis, né le 06 décembre 1888 à Nexon , Brigadier au 53e RA, Tué à l’ennemi le 10 avril 1917 à Soupir (Aisne), transcrit à Limoges.

CHARRIER Pierre, né le 5 juin 1884 à Nexon, soldat au 7e RI, tué à l’ennemi le 2 avril 1916 à La Harazée (Marne), transcrit à Landouge – Limoges.

CHAUSSE Adrien né le 11 avril 1892, soldat au 172e RI, Tué à l’ennemi le 13 février 1915 à Burnhaupt (Alsace) transcrit à La Meyze.

CHAUSSE Jean Baptiste, né le 29 août 1896 à Nexon, soldat au 65e RI, tué à l’ennemi le 23 juin 1916 à Thiaumont (Meuse) transcrit à La Meyze.

CHEMINAUD Pierre, né le 28 mars 1877 à Nexon, soldat au 95e RIT, décédé suite à des blessures de guerre à Bras (Meuse) le 25 octobre 1915, transcrit à Ladignac.

COUDERT Jules  né le 30 juin 1887 à Nexon, Soldat au 204e RI, tué à l’ennemi le 30 mai 1918 à Villers-la-Fosse (Aisne) transcrit à Limoges.

COULON Etienne, né le 8 aout 1886-09-08 à Nexon, soldat au 263e RI, tué à l’ennemi le 22 octobre 1914 à Rouvroy-en-Santerre (Somme) transcrit à Thiviers (Dordogne).

DELOTTE Antoine, né le 21 septembre 1896 à Nexon, soldat au 363e RI, tué à l’ennemi le 16 avril 1917 à Brimont (Marne) transcrit à Pageas.

DENIS Léonard, né le 25 juillet 1884 à Nexon, Soldat au 207e RI, tué à l’ennemi le 29 avril 1917 à Prosnes  (Marne), transcrit à Limoges.

DESBORDES Marius, né le 26 mai 1898 à Nexon, soldat au 279e RI, tué à l’ennemi le 31 juillet 1918 à Fère-en-Tardenois (Aisne), transcrit à Paris.

DESBORDES Pierre, né le 28 novembre 1881 à Nexon, soldat au 4e RG, Tué à l’ennemi le 4 novembre 1918 à Tielt (Belgique) transcrit à Isle.

DIEUAIDE Gabriel Marcel, né le 8 mai 1894 à Nexon, Soldat au 2e RMZ, tué à l’ennemi le 24 mai 1915 sur le Canal de l’Yser (Belgique) transcrit à Limoges.

DINTRAS Pierre, né le 07 octobre 1899 à Nexon, Soldat au 85e RAL, mort de maladie en service le 24 juillet 1919 à l’hôpital militaire Desgenettes à Lyon (Rhône) transcrit à Limoges.

DURAND Jean Baptiste, né le 21 janvier 1894 à Nexon, soldat au 152e RI, tué à l’ennemi le 22 décembre 1915 à Hartmannswillerkopf  (Alsace), transcrit au Vigen (Haute-Vienne)

DUVERNEIX Martial, né le 13 avril 1891 à Nexon, soldat au 127e RI, tué à l’ennemi le 15 mars 1915 à la ferme Beauséjour à Minaucourt (Marne), transcrit à Janailhac.

FAUCHER Jean, né le 10 mai 1887 à Nexon, soldat au 106e RAL, décédé de ses blessures de guerre le 6 avril 1918 à Rouvroy-les-Merles (ambulance 4/6) dans l’Oise, transcrit à Ladignac.

FAURE Marcel, né le 22 octobre 1888 à Nexon, soldat au 412e RI, tué à l’ennemi le 10 avril 1916 à Marson (Marne), transcrit à La Roche-l’Abeille.

FITTE Jean, né le 28 décembre 1880 à Nexon, Adjudant au 155e RI, décédé de maladie en service le 19 juillet 1918 à l’hôpital mixte de Beauvais (Oise), transcrit à Paris.

FONCHY Jean, né le 3 octobre 1884 à Nexon, soldat au 13e RI, décédé de ses blessures de guerre le 8 avril 1918 dans l’ambulance 5/59 à Royallieu (Oise). Transcrit à St. Hilaire-les-Places

FRAISSE Jean, né le 08 décembre 1895 à Nexon, Soldat au 37e RIC, tué à l’ennemi le 4 octobre 1915 au Camp d’Elberfeld en Champagne (Marne). Transcrit à Limoges.

FRUGIER Edouard Marie né le 24 septembre 1886 à Nexon, Soldat au 213e RA, tué le 3 juin 1918 à La Ferté-Milon (Aisne), transcrit à Limoges. Fils du Dr Frugier.

GIBAUD Martial, né le 5 mars 1893 à Nexon, soldat au 21e RI, disparu le 30 septembre 1914 à Souain (Marne). Transcrit à St. Yrieix la Perche.

GRELONNEAU Jean Baptiste, né le 5 avril 1895 à Nexon, soldat au 83e RI, tué à l’ennemi le 3 aout 1915 à Arras (Pas-de-Calais). Transcrit à Rilhac Lastours.

HELIAS Jules né le 07 mars 1889 à Nexon, Caporal au 63e RI, décédé à la suite d’une chute le 6 septembre 1917 à la station sanitaire de Montlieu (Charente-Inférieure). Transcrit à Limoges.

JOUHAUD Jean, né le 10 septembre 1882 à Nexon, caporal au 42e RI, tué à l’ennemi le 27 mai 1918 à Locre (Belgique). Transcrit à Flavignac.

JOUHAUD Louis, né le    1er janvier 1887 à Nexon, soldat au 91e RI, décédé des suites de ses blessures de guerre le 29 avril 1915 à l’hôpital temporaire n°1 à Verdun (Meuse). Transcrit à Thiviers (Dordogne).

LABORIE Léonard, né le 21 septembre 1890 à Nexon, soldat au 78e RI, tué à l’ennemi à Flirey (Meurthe-et-Moselle) le 14 avril 1915. Transcrit à Limoges.

LAMONERIE Louis, né le 31 mars 1883 à Nexon, soldat au 151e RI. Tué à l’ennemi le 28 janvier 1915 à La Harazée (Marne). Transcrit à Périgueux (Dordogne).

LAVERGNE René, né le 26 mars 1898 à Nexon, soldat au 14e RI. Tué à l’ennemi  le 29 novembre 1917 à Gouvieux (Oise). Transcrit à Les Hurlus (Marne).

LELONG Henri Laurent, né le 6 janvier 1873, soldat au 112e RIT, décédé des suites de ses blessures de guerre le 10 décembre 1916 à Suzanne (ambulance 2/67) dans la Somme. Transcrit à Caen (Calvados).

MASSALOUX François, né le 15 décembre 1888 à Nexon, soldat au 100e RI. Tué à l’ennemi le 13 septembre 1915 à La Harazée (Marne). Transcrit à Tulle (Corrèze).

MATHIEU Jean  Baptiste, né le 9 mars 1881 à Nexon. Soldat au 11e RI. Tué à l’ennemi le 4 aout 1916 à Fleury (Aude). Transcrit à Limoges.

MAUD   Simon, né le 15 aout 1895 à Nexon, soldat au 115e RI. Mort des suites de ses blessures de guerre le 8 mars 1916 à Braux-Sainte-Cohière (Marne). Transcrit à Le Blanc (Indre).

MEINIER Paul, né le 2 avril 1890 à Nexon. Soldat au 134e RA. Décédé d’une maladie en service (Grippe et bronchite) le 7 octobre à 1918-10-07 à hôpital militaire 89 bis de Vizille (Isère). Transcrit à St. Dié (Vosges).

MOUNIER François né le 7 mars 1890 à Nexon, soldat au 78e RI. Mort pour la France le 28 aout 1914 à Raucourt (Ardennes), transcrit à Limoges.

NOUAILHAS Louis, né le 7 octobre 1886 à Nexon. Soldat au 117e RI, tué à l’ennemi le 17 mai 1917 à Moronvilliers (Marne). Transcrit à Burgnac.

PASCAL Henri, né le 26 février 1892 à Nexon, soldat au 78e RI.  Disparu le 28 aout 1914 à Raucourt (Ardennes). Transcrit à             St. Yrieix la Perche.

PATAUD Léonard, né le 22 mai 1882 à Nexon. Soldat au 31e RI. Tué à l’ennemi le 16 mai 1915 à Vauquois (Meuse). Transcrit à Eymoutiers.

PATAUD Pierre, né le 12 avril 1889 à Nexon. Soldat au 78e RI. Tué à l’ennemi le 21 décembre 1914 à Jonchery (Marne). Transcrit à Nedde.

PIQUET Antoine, né le 1er octobre 1893 à Nexon. Caporal au 63e RI. Décédé des suites de ses blessures de guerre le 25 septembre 1915 à Habarcq (Pas-de-Calais). Transcrit à Condat.

PIQUET Antoine, né le 13 avril 1885 à Nexon. Soldat au 151e RI . Tué à l’ennemi le 15 mars 1916 à la Côte du Poivre (Bois d’Haudremont) dans la Meuse. Transcrit à St. Hilaire-les-Places.

PIQUET Martial, né le 2 janvier 1894 à Nexon, soldat au 26e RI. Tué à l’ennemi   le 18 octobre 1915 à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais). Transcrit à St. Hilaire-les-Places.

PLANTADIS Martial, né le 11 aout 1888 à Nexon. Soldat au 7e RI. Tué à l’ennemi le 26 septembre 1914 à Minaucourt (Marne). Transcrit à Beynac         .

PRADEAU Pierre né le 3 aout 1882 à Nexon, soldat au 241e RI. Tué à l’ennemi le 27 juin 1916 à Fleury (Meuse). Transcrit à St. Martin-le-Vieux.

ROCHE Jean, né le 26 avril 1892 à Nexon. Soldat au 138e RI. Disparu le 31 aout 1914 à Terron-sur-Aisne (Ardennes). Transcrit à Burgnac.

TRICARD Guillaume, né le 26 juin 1894 à Nexon. Soldat au 90e RI. Décédé des suites de ses blessures le 27 juin 1915  à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais). Transcrit à La Meyze.

TRICARD Pierre né le 29 mars à Nexon. Soldat au 90e RI. Décédé des suites de ses blessures le 21 décembre 1914 à Zonnebecke             (Belgique). Transcrit à Bosmie.

VALETTE Paul, né le 31 aout 1884 à Nexon, soldat au 138e RI. Tué à l’ennemi le 11 avril 1916 à Thierville (Meuse). Transcrit à Peyrilhac.

VENTAUD François né le 6 février 1875 à Nexon. Soldat au 135e RI. Tué à l’ennemi le 16 avril 1916 à Marre (Meuse). Transcrit à Beynac.

VEYRETOUT François Paul dit Emile, né le 13 mai 1887 à Nexon, soldat au 7e RI. Tué à l’ennemi le 11 juillet 1916 à Souville (Meuse). Transcrit à Levallois-Perret.

VIGNAUD François né le 28 novembre 1893 à Nexon. Soldat au 9e RI. Tué à l’ennemi le 3 aout 1916 à Fleury     (Meuse). Transcrit à Sainte-Livrade (Lot-et-Garonne). Né de père inconnu.

 

Les premiers tués parmi les soldats nés à Nexon :

Le 18 aout 1914 Léon JOUHAUD, âgé de 21 ans, soldat au 21e RI est porté disparu à Russ en Alsace.

Le lendemain, le 19 aout, Louis BRUNERIE, 21 ans, soldat au 21e RI est tué à Hersbach en Alsace.

Le 22 aout, BERGER Ferréol, âgé de 35 ans, soldat au 50e RI trouvait la mort à Névraumont en Belgique.

Le 24 aout, GUYOT Jean, 26 ans, soldat au 211e RI est tué à Etain dans la Meuse.

Le 28 aout six jeunes sont tués : Louis AYMARD, 25 ans, Trompette au 52e à Moislains (Somme) ; Pierre LACORE, 23 ans, soldat au 63e RI, à La Besace (Ardennes) et Jean MATHIEU, 23 ans, soldat au 100e RI au même endroit. François MOUNIER, 24 ans et PASCAL Henri, 22 ans, tous les deux soldats au 78e RI, sont tués à Raucourt dans les Ardennes. Jean PRADEAU, 29 ans, soldat au 263e RI est tué à Rocquigny (Pas-de-Calais).

Le 31 aout Jean ROCHE, le 26 avril 1892, 22 ans, soldat au 138e RI est porté disparu à Terron-sur-Aisne (Ardennes).

Le dernier mort parmi les garçons nés à Nexon

Le dernier mort a été tué le 4 novembre 1918. DESBORDES Pierre qui servait au 4e RG  a été tué en Belgique à Tielt (ambulance 8/6 SP 180) lors de la reconquête lancée à partir de septembre 1918 par le Roi Albert. Il avait reçu du maréchal Foch le commandement du « Groupe d’armées des Flandres » constitué de l’armée belge, de la Deuxième armée britannique, de même taille (10 divisions britanniques + 2 divisions US), ainsi que de deux corps français (6 divisions), en plus d’une cavalerie.

Il y a eu 3 morts en novembre 1918, tous décédés de maladie. Léon LATOUILLE décédé le 19 octobre à Montmirail (ambulance 239) ; Marcel GUYONNAUD décédé le 9 octobre à l’hôpital n°64 à Arcis-sur-Aube (Aube) ; Paul MEINIER, le 7 octobre à l’hôpital militaire 89 bis de Vizille en Isère.

La grippe espagnole a fait des ravages au cours de l’année 1918. La première vague qui sévit au printemps 1918 fut assez peu virulente. Mais la seconde, à l’automne s’avéra particulièrement agressive pour les jeunes adultes. Du fait de la promiscuité, du manque d’hygiène et de l’affaiblissement physique et de leurs nombreux déplacements de nombreux soldats en furent victimes.

Soldats du camp militaire du Kansas aux Etats Unis, région d’où est partie l’épidémie

Des consignes strictes sont données aux habitants pour limiter la propagation de l’épidémie, les manifestations, spectacles…sont interdites.

Le Populaire 28 septembre 1918

Francisque Poulbot (1879 -1946), célèbre dessinateur et illustrateur dont le nom est devenu le synonyme du titi parisien à illustré la crainte qu’engendrait l’épidémie de grippe espagnole.

Carte postale de Poulbot

 

Les plus jeunes enfants de Nexon tués à la guerre

Le plus jeune est René LAVERGNE tué à 19 ans et 8 mois le 29 novembre 1917 au Village des Hurlus, l’un des 5 villages détruit du camp de Suippes.

Suippes: Monument en mémoire des villages disparus de Champagne

Dix jeunes sont morts alors qu’ils avaient juste 20 ans : Léonard BECHADE, Adrien BORIE, Jean Baptiste CHAUSSE, Marius DESBORDES, Pierre DINTRAS, Jean FRAISSE, Jean Baptiste GRELONNEAU, Marcel   GUYONNAUD, Jean Baptiste GUYOT et Pierre TRICARD. Jean Baptiste GUYOT est mort en captivité au Lazaret n°4 à Trèves.

Ainsi sur les 33 jeunes nés en 1898 à Nexon 10 sont morts à 20 ans. On mesure les ravages faits par cette guerre dans les campagnes !

Mais il n’y a pas que des jeunes qui meurent.

Le plus âgé des nexonnais avait 45 ans. Il s’agit d’Antoine AUTHIER qui était né le 9 juin 1870 au village de Montezol. Ayant perdu un frère au service il est dispensé mais il est appelé le 10 novembre 1891 à l’activité au 63e RI. Il est mis en congé le 22 septembre 1892. Il est rappelé à l’activité par décret du 1er aout 1914. Il arrive au corps le 30 mars 1915, passe au 102e Régiment territorial d’infanterie. Il décède le 6 octobre 1915 des suites de ses blessures de guerre.

Henri LELONG est mort à 43 ans et François VENTAUD à 41 ans.

Jean PERRIER est palefrenier. Au Conseil de révision il tire le numéro 44 et il déclaré propre au service. Appelé au 31e RI le 16 novembre 1897 il est réformé temporairement le 19 mai 1899 pour bronchite chronique suspecte. Rappelé à la suite du décret de Mobilisation générale il arrive au corps le 6 aout 1914 et décède le 7 février 1915, à 39 ans des suites d’une fièvre typhoïde.

Registre militaire de Jean PERRIER

Pierre CHEMINAUD et Jean Baptiste LAMONERIE avaient 38 ans et Ferréol BERGER 35 ans.

 

Registre militaire de Jean Baptiste LAMONERIE 

Tous ces hommes étaient des soldats de 2ème classe.

Les batailles meurtrières

La bataille de VERDUN en 1916.

Elle débute le 21 février 1916 et pendant plusieurs mois des combats féroces vont se dérouler autours des forts construits sur les collines au Nord-Est de Verdun. 4 jeunes y trouvent la mort : Pierre PRADEAU le 27 juin à Fleury, François VIGNAUD le 3 aout également à Fleury, Jean Baptiste MATHIEU le 4 aout et le 8 aout Jean Martial MEYNIER lors de la reprise de l’ouvrage de Thiaumont.

Les lieux de la bataille de Verdun. Thiaumont et Fleury dans le cercle rouge.

L’ouvrage de Thiaumont en 1915 et en 1916 après les bombardements incessants des allemands

En 1917 les offensives du général NIVELLE.

En décembre 1916 JOFFRE qui préparait une offensive est remplacé par le général Robert NIVELLE qui jouit d’une grande popularité en raison de ses succès à Verdun. Il reprend le plan de JOFFRE et souhaite percer le front compris entre Soissons et Reims (environ 40 km) avec deux armées ; une troisième doit exploiter la percée vers la Belgique. Le chemin des Dames constitue une partie du secteur d’attaque (25 km).

L’optimisme du généralissime et les préparatifs gigantesques suscitent un immense espoir, au front comme à l’arrière. Cependant, le haut commandement ne tient pas compte des difficultés que représentent le terrain et les défenses en profondeur allemandes.Après une préparation d’artillerie d’une dizaine de jours, les fantassins français attaquent dans l’Aisne le 16 avril à 6 heures du matin. Dès les premières heures, les hommes réalisent que l’offensive est un échec, avec des pertes importantes. Le désastre est amplifié par les insuffisances logistiques et un service de santé dépassé. Interrompue le 20 avril, l’offensive reprend le 4 mai avant d’être abandonnée le 15 mai.

Le 16 avril Antoine DELOTTE est tué, le 23 avril Léonard DENIS et Henri DUVERNEIX tombent.

Interrompue le 20 avril, l’offensive reprend le 4 mai avant d’être abandonnée le 15 mai. Le ministre de la Guerre PAINLEVÉ remplace alors NIVELLE par PÉTAIN.

Les attaques se poursuivent en particulier à l’Est de Reims avec la conquête du massif de Moronvilliers du 17 avril au 20 mai 1917. Louis NOUAILHAS et Jean PATAUD perdent la vie respectivement le 17 et le 20 mai.

Fin de la Guerre

L’armistice est signé dans le wagon spécial du généralissime Foch, au carrefour de Rethondes, au milieu de la forêt de Compiègne, le lundi 11 novembre à 5h15 du matin.

 

Après la signature de l’armistice, au premier plan le maréchal Foch, encadré par les amiraux britanniques Hope et Rosslyn Wemyss.

A 11 heures, dans toute la France, les cloches sonnent à la volée.

Au front, les clairons sonnent le « Cessez-le-Feu », la « Marseillaise » jaillit à pleins poumons des tranchées. Même soulagement en face, dans le camp allemand.