Archives de catégorie : Histoire

Journal de Thérèse de Nexon du 12 juin au 3 septembre 1944

I – Le mois de juin 1944

Thérèse de Nexon est née le 1er octobre 1890 au chateau de la Chevrière près d’Azay le Rideau (Indre et Loire) que son père, Auguste de NEXON louait. Il s’était marié avec Gertrude HAINGUERLOT dont les parents possédaient le domaine de Villandry. Ils eurent deux enfants, MAURICE (1884 – 1967) et Alice ( 1885 – 1970). Son épouse décéda en 1886 alors qu’elle n’avait que 26 ans.

Auguste de NEXON épousa en seconde noces, Gertrude RICARDO, une amie de son épouse. De ce mariage vont naitre six enfants. Thérèse est la première. Suivront Robert (1892- 1967), Jeanne (1895 -1973), Georges (1900 – 1973), Marguerite (1901 – 1926) et Claire (1903 -2000). Désireux de posseder son chateau, Auguste décide de faire construire le chateau de la Garde à Nexon. Georges est le premier à naitre à la Garde.

En 1944, Thérèse qui a 54 ans est célibataire. Ele est infirmière à Limoges. Elle est souvent à  la Garde. Sa mère est décédée en 1941 et c’est son frère Georges qui est l’héritier du château. Il est marié depuis 1927 avec Anne Cesbron Lavau et ils ont quatre enfants : Ferréol, Marie Amélie, Philippe et Anne.

Il n’y a plus les grandes tablées du début de siècle, ni les nombreux domestiques. L’année 1944 est difficile. L’armée Allemande a perdu de sa puissance, les Alliés ont débarqué ejn Normadie le 6 juin, les Russes progresses sur le front de l’EST et la Résistance est de plus en plus forte.

Le Journal de Thérèse montre la vie d’une famille très liée pendant cette période dont les différents évènements sont relatés.

Début du Journal

Dimanche 12 juin 1944

Séparée de mes sœurs, de Robert, de la plupart de mes neveux et nièces, sans pouvoir communiquer avec eux au cours des événements actuels, j’ai eu la pensée de tenir une sorte de journal, où je consignerai les événements au jour le jour, et qui pourra les intéresser lorsque nous aurons le bonheur d’être de nouveau réunis. J’ai donc pris ce cahier à couverture verte, couleur d’espérance ! L’espérance de nous retrouver tous sains et saufs, et je souhaite de tout cœur n’avoir pas à le remplir jusqu’au bout…

Ce même Vendredi, j’ai pu aller à Limoges comme d’habitude. Il y avait beaucoup de troupes dans la ville et on voyait circuler des blindés. Ce même jour a paru une ordonnance défendant à toutes autos de circuler, sauf des voitures pour le ravitaillement et le service médical en ville mais pas à la campagne. A partir du Samedi 10, couvre-feu de 21 heures à 6 heures. Malheur aux gens qui auront besoin d’aller à Limoges pour une opération… Le téléphone rural est supprimé depuis le jour du débarquement. Le télégraphe, supprimé aussi.

Samedi soir, tard dans la nuit, nous avons entendu un grand tumulte au camp qui a duré environ une heure. Nous avons su le lendemain qu’une cinquantaine de détenus s’étaient évadés. C’était un coup monté, à l’instigation et sous les ordres, dit-on, d’un capitaine de gendarmerie interne au camp, qui avait déjà été un an à Evaux-les-Bains. A un signal donné, les conjurés (qui étaient, paraît-il, en possession de grenades) se sont jetés sur les gardes, les ont désarmés, et ont pris la clef des champs (il paraît qu’un camion attendait certains d’entre eux ?), non sans avoir emporté les dossiers et les cartes d’alimentation. Naturellement, il y a eu à la suite de cette histoire une enquête de la police (Milice) ; c’est le chef de camp, M. D’Armancourt (qui n’était pas au camp puisqu’il couchait chez lui à Champagnac), qui paraît devoir être le bouc émissaire car il a été emmené à Limoges hier soir. Sa femme est venue toute triste nous conter cela ce matin, nous l’avons consolée de notre mieux.

Hier soir, la Radio Suisse a annoncé que « les points stratégiques de Toulouse, Limoges et Tarbes étaient aux mains des partisans ». Si ce n’est pas plus vrai pour les 2 autres villes que pour Limoges ! …

On raconte dans le pays que Tulle, Brive et Guéret sont aux mains du « maquis », mais que les Allemands réagissent fortement.

Peu de trains partent de Limoges et la plupart ne vont pas loin. Sur la ligne de Périgueux on ne dépasse par Bussière-Galant. Sur celle de St Yrieix, on s’arrête à Varetz. La ligne de Brive s’arrête à Saint Germain les Belles.

Ce matin, les journaux de Limoges n’ont pas paru, ou du moins ne nous sont pas parvenus, mais j’ai reçu la « Croix » qui est imprimée à Limoges et paraît le soir.

Depuis avant-hier nous sommes, avec quelques autres départements, sous l’administration allemande. Hier, les blindés allemands ont circulé dans Nexon et aux alentours, ils ont fait quelques inquisitions puis sont repartis. Ils avaient établi des barrages où on arrêtait les gens, j’étais partie pour aller à Vêpres mais n’ai pu passer. Actuellement, Nexon est gardé par des hommes de la Garde à cheval, ils ont établi des « chicanes” pour empêcher les voitures de passer, aux deux extrémités du bourg.

(Ci-après commentaire rajouté par Mme. Alice Vigneron sur les événements du 11 Juin :

« Permettez-moi, chère Mademoiselle, de compléter votre récit de ce dimanche 11 Juin 1944 et, en même temps, de vous expliquer pourquoi un barrage allemand vous a empêchée d’assister aux Vêpres.

Le samedi 11 Juin, vers 21 heures, avec des voisins, nous sommes montés aux Rochilles car, dans la journée, il nous avait été signalé qu’un monstrueux incendie s’apercevait de cet endroit, c’était malheureusement vrai ! une énorme fumée s’élevait en direction du nord-ouest. Ce n’est que dans la semaine suivante que nous avons appris l’horrible massacre d’Oradour-sur-Glane.

Or, ce même samedi, vous relatez, Mademoiselle, les évasions du camp, votre voisin. Et il va se passer le déroulement suivant cette affaire : la milicienne Marcelle F…, habitante du bourg, téléphone à la Kommandantur de Limoges pour la mettre au courant. Et le dimanche après-midi, les Allemands se dirigent sur Nexon pour faire subir, par vengeance, à cette localité le même sort qu’à Oradour-sur-Glane. Or, ce dimanche-là, ne l’oublions pas, avaient lieu a l’église, les Vêpres de la Communion Solennelle. La cohorte ennemie, arrivée à la Plaine, obligeait Mr. Léon Bragard de marcher à pied, jusqu’à Nexon pour servir d’orage et ne pouvoir avertir quiconque (cet homme, plus très jeune, se ressentira hélas ! de cette fatigue). Arrivés au bourg, les soldats laissaient emplir l’église mais bloquaient toutes les issues, les rues, les ruelles, les impasses : M. Estier, le père de Mme Duroux, voulant s’enfuir vers son pré, fut ramené à sa demeure avec un fusil dans le dos ; Jean Guyot voulant, avec son enfant, franchir le ”sautadou » du pré de La Planche fut menace d’être fusillé.

Avec mon père, mon mari et ma fille nous étions tranquillement installés, dans une pièce au sous-sol pour écouter la radio sans imaginer ce qui se passait au dehors. Or précisément dans ma rue, un allemand frappait à notre porte. Bobette notre Ténériffe aboyait, mais nous pensions que c’était des gamins qui faisaient ce bruit et toujours, à cause de la radio, nous ignorions l’affolement général, les coups de feu tirés en l’air et sur les trottoirs.

Comme vous l’avez écrit, Mademoiselle Thérèse, Nexon était sous la surveillance d’une quarantaine, je crois, de soldats à cheval. Le Commandant de cette Garde, cantonnée à côté du groupe scolaire des Rochilles, vient aborder l’officier supérieur allemand et lui dit :  » Si vous voulez la guerre, nous allons combattre ; vous avez 150 hommes, moi, j’en ai 300 ! « 

Et voilà comment un officier français, dont j’ignore le nom, a chassé l’ennemi et sauvé toute la population et toutes les demeures de Nexon.

Cela méritait que je vous le dise. « 

Mardi 13 Juin 1944

Aujourd’hui le ménage Soucy est venu déjeuner. Il y avait eu un malentendu et nous ne les attendions que pour goûter, mais nous avons été bien contents de les voir. Nous avons eu, en plus, pour goûter Mme. de Lesterps venue parle train et repartie à bicyclette, les La Giclais et Yvonne Morterol. Naturellement, on ne parle guère que des événements, peut-être y-a-t-il moins de divergences de vues qu’auparavant, et on ne se hasarde pas trop à prophétiser !

Ce matin j’ai reçu un coup de téléphone de la Croix-Rouge, on me demandait d’aller à Saint Yrieix où on installe un chirurgien en permanence pour les gens qui ne peuvent plus aller se faire opérer à Limoges. J’avais accepté, mais cet après-midi, contre ordre. Le chirurgien pense qu’il n’aura pas assez de travail pour nécessiter ma présence et on fera appel à moi en cas de nécessité seulement

Nous avons eu d’assez bonnes nouvelles de Mr. d’Armancourt, il est interné dans une caserne à Limoges et on espère qu’il n’aura pas trop d’ennuis. Ferréol s’entend très bien avec Jeannine d’Armancourt qui a 17 ans et qui est ravie de trouver quelqu’un ayant à peu près son âge. Ils sont allés à l’étang ensemble et ont fait du bateau.

Ce matin nous avons eu le « Courrier » d’hier, j’ai aussi reçu une lettre (insignifiante) de Paris datée du 5 et portant le timbre de Drancy le 8. Reçu aussi un journal des 6. 7. et 8, venant de Lyon. Donc le courrier passe un peu, peut-être finirons-nous par avoir des nouvelles des uns ou des autres ?

Nous avons 2 sections de G.M.R. venus pour la garde du camp qui logent dans le garage et dans le grenier de l’écurie. Ils sont du Dauphiné et semblent de braves gens. Ils intéressent beaucoup Anne qui ne les appelle que les « Français ».

Jeudi 15 Juin 1944

Géo et Anne-Renée sont allés hier à Limoges en voiture à cheval. Bien leur en a pris, car il n’y avait pas de train pour revenir le soir. A Limoges, on ne parlait que de l’horrible catastrophe d’Oradour-sur- Glane : tout un village incendie, avec sa population, hommes, femmes et enfants, brûlée vive…. Quand verrons-nous la fin de ces horreurs ?

Ce matin on a vu passer deux groupes d’avions et nous avons entendu un bruit lointain de bombardement. D’après la radio de ce soir, Bordeaux et Angoulême auraient été bombardées.

Je suis allée au camp cet après-midi ; J’ai pu voir pendant quelques minutes Mme. de Falvelly qui y est internée je ne sais trop pourquoi. Je la connaissais un peu pour l’avoir rencontrée deux ou trois fois dans des mariages et des enterrements, c’est une aimable originale, mais elle me fait vraiment pitié car elle a été arrêtée avec simplement un petit sac à main et n’a rien, c’est dur à son âge car elle n’est pas jeune. Elle est d’ailleurs très courageuse et m’a seulement demandé de lui procurer une paire de bas, les siens étant en loques. C’est tout ce que je peux faire, car la police du camp est très sévère depuis l’évasion de l’autre nuit.

Ferréol va tous les après-midi à la Sélive où il travaille chez les Penot qui le font dîner. Il y retrouve Hubert d’Armancourt qui y est embauché.

Lundi 19 juin 1944

Je viens de passer 3 jours à Limoges : partie Vendredi, je comptais rentrer ici Samedi, mais, arrivée à la gare à 14 heures … point de train, ni ce soir-là, ni le lendemain. Force me fut de rester à Limoges jusqu’à ce matin.

Vendredi soir je suis allée à la cérémonie qui avait lieu à la Cathédrale pour la fête du Sacré-Cœur. Il y avait beaucoup de monde, et j’étais avec le groupe de l’U.C.S.S. (Union catholique des services de santé) à qui on avait réservé une chapelle latérale. Mgr. Rastouil a consacré son diocèse au Sacré-Cœur, et a dirigé les chants et les acclamations et incantations pendant la procession. Chacun priait avec ferveur pour soi, pour notre malheureux pays, et il y avait des larmes dans tous les yeux. Monseigneur a aussi brièvement évoqué la tragédie d’Oradour-sur-Glane, qui est le sujet de toutes les conversations, et a fait prier pour les victimes. Samedi matin, je suis allée à l’inauguration de la Croix-Rouge à l’Hôtel de Ville. Il y avait là toutes les autorités : Préfet régional, préfet délégué, maire, etc. mais l’atmosphère est lourde…On construit des fortins à tous les carrefours, cela donne à la ville un aspect sinistre.

La Croix-Rouge m’a demandé d’aller à Magnac-Laval pour relever 2 infirmières qui y sont allées en « équipe chirurgicale“. Mais comme Annie Gérard qui revient de l’hôpital de St. Junien n’y a rien fait du tout, je n’ai pas envie de faire un voyage inutile à Magnac, au risque d’être bloquée dans le Nord du département, ce qui est d’ailleurs peut-être arrivé aux infirmières en question dont on est sans nouvelles.

Dans la nuit de Samedi à Dimanche, j’ai été réveillée par un grand tintamarre de camions qui avançaient, reculaient, tournaient sous ma fenêtre, vers 4 heures du matin. Le lendemain matin, j’ai appris qu’on avait décidé de fermer le camp de Nexon et qu’on l’avait transporté avec armes et bagages, au Cirque Municipal qui est en face de chez moi, pendant la nuit.

Au cours de ma journée dominicale, j’ai déjeuné chez les Jabet, et dîné avec Mme. d’Elloy. Celle-ci m’a beaucoup parlé d’un sien cousin qui est dans la Milice, et comme je discutais un peu avec elle, à ce sujet, elle me disait : ” Ah ! comme je voudrais vous faire rencontrer mon cousin I » Après dîner, comme elle me raccompagnait chez moi, nous avons rencontré ledit cousin qui a fait quelques pas avec nous. J’en ai profité pour lui parler de Mme. de F. Il paraît qu’elle se serait mise dans un mauvais cas en favorisant des parachutistes. J’ai demandé au moins quelques adoucissements à sa captivité, j’espère les avoir obtenus.

Nous avons à présent le couvre-feu de 9 heures du soir à 6 heures. Aussi, à Limoges, à 9 heures, les rues se vident et le silence se fait comme par enchantement. Ce matin, je suis sortie à 6 heures pour aller prendre mon train de 6 h 30…lequel est parti à 7 h 40. J’ai eu la surprise d’avoir comme compagnon de voyage le P. de Dainville, notre cousin, qui venait de Ste. Foy la Grande (Gironde). Pour revenir, il avait fait 23 kilomètres à pied, passant la Dordogne en barque parce qu’on avait fait sauter les ponts, pour aller prendre le train à Bergerac. De Périgueux, il est allé à Coutras, d’où il n’a pu aller plus loin parce que la gare d’Angoulême était bombardée. Il est donc revenu à Périgueux, puis a pu aller à Brive d’où il est venu à Limoges après un transbordement à Saint Germain les Belles. Il m’a raconté des histoires sur la proclamation à Ste. Foy la Grande de la 4ème République…laquelle s’est évanouie à l’annonce de l’approche des Allemands. Mais on avait fait sauter les ponts et les voies autour de la ville, qui commençait à manquer de ravitaillement

En arrivant ici, j’ai trouvé une lettre de Claire qui m’a un peu rassurée, bien que d’après ce que je comprends, la vie soit peu agréable à Chabanais en ce moment. Une lettre aussi de Marie-Amélie qui se dispose à passer ses vacances au pensionnat, car les religieuses, avec raison, ne veulent laisser partir leurs élèves que si les parents viennent les chercher. Pas de nouvelles de Paris ni de Toulouse.

Vendredi 23 Juin 1944

Les lettres commencent à arriver de divers côtés ; la SNCF et les PTT font des prodiges : alors, un beau jour, toutes les lettres d’une même région apparaissent. Hier, Anne-Renée a reçu des nouvelles de sa mère, lui envoyant une lettre d’Odette, du 21 Avril, adressée à Jehannette sa cousine. A cette date, il semble qu’Henry faisait encore l’instruction des jeunes. Maurice a reçu une lettre de Robert du 15. Il paraît que le ravitaillement de Paris qui se faisait beaucoup par la Normandie et la Bretagne, est naturellement très déficient. Bernard qui a terminé ses examens n’a pas pu partir, ni Elsie. Robert qui a quelques provisions les en fera profiter. Il annonce la mort de Georges du Breuil tué par un bombardement sur la route en allant au haras du Pin, région très bombardée. Le pauvre garçon avait été très grièvement blessé pendant la guerre.

Ce matin, courrier de la région de Toulouse. Lettre de Jeanne, partie le 12, cela fait bien plaisir quand-même. Elle est inquiète de Bernard et aussi de Gertrude qui reste à Bordeaux pour le moment. Deux lettres de Philippe, d’avant le débarquement.

Nous n’avons presque plus de trains avec Limoges, et on peut rarement y aller et revenir le même jour. Il y a tous les jours un train vers 11 heures, et certains jours à 19 heures. Pour revenir, un train à 6 h 30 et un autre à 9 heures. A Limoges, des tas de mesures restreignent la circulation, je suis contente de n’avoir pas besoin d’y aller cette semaine.

Nous avons, pour un mois ? un Mr. Pellereau, professeur de mathématiques, qui vient pour faire travailler Ferréol. Malheureusement celui-ci est souffrant, il a dû prendre froid en travaillant à la Sélive.

Il n’y a plus à Nexon ni gardes, ni gendarmes, ni police d’aucune sorte. Le couvre-feu est maintenant de 22 h 30 à 5 h 30.

Lundi 26 juin 1944

Dans la nuit de Vendredi à Samedi, on a entendu un bruit assez rapproché (pas moi, je dormais profondément), et le lendemain matin, nous avons appris que Limoges avait été bombardé. J’ai eu des détails par Mlle. Lavisse qui y était. Les bombes ont été jetées sur la gare de Puy-Imbert (où il y avait, paraît-il, un train de poudre ?) et sur l’Arsenal. Une maison a été incendiée – par une fusée croit-on – du côté de la place Jourdan. Il y a peu de victimes, on parle de 6 morts et quelques blessés. Les flammes et les fusées éclairent comme en plein jour. Mlle. L. s’est réfugiée dans une des tranchées du Champ de Juillet, la nuit était froide et il y avait des enfants grelottants, mais impossible de sortir des tranchées avant la fin de l’alerte, sous peine de recevoir des coups de fusil.

Samedi, Jacques de la Bastide est venu déjeuner. Il voit beaucoup de gens divers et sait toujours beaucoup de choses. Il nous a dit que Régine de Tristan avait reçu 6 fois des visites de pillards, qui emportent chaque fois quelque chose. Une fois, c’était 14 couvertures. Une autre fois, Jacques y était avec sa femme et on a mangé le déjeuner qui était préparé pour eux, avec quelques autres provisions.

Jacques reste optimiste pour l’avenir malgré les divisions de notre pauvre pays. Il dit qu’il faudra bien « que les morceaux se recollent un jour ».

Le Père Moureu qui arrivait de Limoges, a aussi déjeuné avec nous. Il continue à Limoges son apostolat d’aumônier du camp de Nexon, dont les pensionnaires sont maintenant à la caserne du Séminaire, où ils sont beaucoup moins bien qu’ici. Mr. d’Armancourt est toujours interné.

Hier Dimanche, comme nous sortions de la Messe vers 8 h 30, nous avons vu passer au-dessus de nous plus de 400 avions en vagues successives, se dirigeant vers le Sud…Nous avons su ensuite par la Radio qu’Avignon, Arles, Toulouse, Sète et quelques petites localités ont été bombardées. La veille, Versailles a reçu un violent bombardement, on parle de 225 morts. Nous attendons avec impatience des nouvelles de Mme. Cesbron Lavau.

Samedi, on a vu un camion contenant 6 hommes armés du “maquis” traverser Nexon. C’est, je crois, la 1ère fois qu’on les y voit en plein jour.

Nous avons appris ce matin qu’un des avions passés hier matin s’était décharge d’un chapelet de bombes à une dizaine de kilomètres d’ici : près d’un petit village appelé Freyssinet[1]. Chose curieuse, cela n’a pas fait beaucoup de bruit ici. Fort heureusement, les bombes sont tombées dans un pré qui est profondément labouré et dans un étang, et n’ont fait de mal à personne.

A Limoges, il y avait des bombes à retardement que nous avons entendu exploser jusque dans l’après-midi (et plusieurs jours après).


[1] Commune de saint Priest Ligoure

Le 17 aout 1944, 28 jeunes maquisards sont massacrés par les soldats allemands entre Moissac et Jourgnac. Les 5 jeunes massacrés à le Chaume verte sur la commune de Jourgnac ont reçu un vibrant hommage à Nexon et l’un d’eux y a été inhumé.

C’est de ces cinq jeunes dont je parlerai plus particulièrement à l’occasion de l’hommage patriotique qui leur a été rendu à Nexon le 19 aout 1944 et le 18 aout 2024 à Jourgnac pour le 80ème anniversaire de ce triste évènement.

Replaçons cette journée du 17 aout 1944 dans le contexte de l’époque. Depuis le débarquement réussi du 6 juin 1944 en Normandie, le rapport des forces entre les Allemands et les Alliés a progressivement changé. Un nombre de plus en plus important de jeunes s’engagent dans la résistance. Les parachutages sont plus nombreux qui apportent à chaque fois des armes, des munitions, des postes de radio … et même de l’argent. En même temps le commandement des maquis va s’unifier. En Haute-Vienne le 25 juin 1944 Georges GUINGOUIN est nommé à la tête des maquis FTP et le 15 aout 1944 il devient chef de tous les maquisards de la Haute-Vienne sous la bannière des FFI.

Le Colonnel G. GUINGOUIN

Dès le début du mois d’août la décision est prise d’encercler la ville de Limoges. Les allemands ne contrôlent plus qu’une zone de 10 km autour d’elle. A partir du 12 août 1944 alors que les premiers signes d’un départ imminent des troupes allemandes et de leurs collaborateurs se précisaient, plusieurs maquis de la Haute-Vienne sur ordre du commandant départemental des FTP, Georges GUINGOUIN, vinrent s’établir autour de Limoges. La libération de la ville semblant proche.

Ces maquis s’installèrent à partir de la nuit du 13 au 14 août, dans les communes périphériques de Limoges, répartis en quatre secteurs : A pour l’est ; B pour le Sud avec deux bataillons de 900 hommes sous les ordres du commandant NELSON et la mission de bloquer les routes nationales 20 et 21 vers Toulouse ; C pour l’ouest avec quatre bataillons de 2050 hommes dirigés par le commandant BERNARD avec mission de contrôler la route d’Angoulême et le secteur C,  au Nord, avec trois bataillons de 1500 hommes pour contrôler les axes de Paris et Poitiers.

Les événement du 17 août 1944

Le 15 août, la 2408ème compagnie FTP placée sous les ordres du lieutenant Robert MARTY, alias Nitchevo, quitte Gorre en camion pour rejoindre Solignac, au sud de Limoges. Pendant la nuit l’un des groupes gagna le secteur du château de Plaisance sur la commune de Feytiat où il prit position.

Le 15 août 1944, au soir, une colonne d’Allemands passe au lieu-dit « Plaisance» de Moissac, commune de Feytiat, sur la route de Limoges à Saint-Yrieix. De nombreux consommateurs sont au café au moment où les  Allemands s’y arrêtent à la recherche du maquis. Les clients partent et la famille du patron, M. FAYE, est interrogée par les militaires. Devant la porte se trouve un vélo sur lequel un drapeau tricolore est peint sur le cadre. Les Allemands interrogent la famille pour savoir où se trouvent les résistants. Les allemands déploient une carte et indiquent les points où sont susceptibles de se trouver les maquisards. Mais le patron, Monsieur FAYE, affirme qu’il n’y a pas de maquis dans le coin. Les Allemands consomment, leur chef, un jeune officier S.S. entraîne ses hommes dans des chants et des danses puis ils quittent le café, sans payer leurs consommations. La famille FAYE est soulagée et pense avoir protégé les maquisards cachés dans les environs.

Deux jours plus tard, le 17 août, dans la matinée, un convoi allemand, composé de trois blindés escortés de chenillettes et d’automitrailleuses appartenant au 19ème Régiment de police SS, se dirige vers le sud en direction de Saint-Yrieix-la-Perche par la D 704.

 I -Feytiat-Solignac-Le Vigen

Des hommes de la 2408e compagnie FTP sont postés entre Feytiat et le Vigen à proximité de Bon-Abri, Plaisance et Moissaguet. Lucien MAILLARD, de son vrai nom Joseph-Louis LE POUPON, est à la tête d’un groupe de huit maquisards qui a pris position pour faire barrage aux troupes qui prendraient la route de Saint Yrieix. Ils sont chacun à son poste derrière les chênes, dans l’allée en face du château de Plaisance. Mais contrairement à l’ordre donné, lorsque le convoi allemand arrive à la hauteur de l’allée de chêne, l’un des maquisards ouvre le feu sur le dernier blindé. Le convoi stoppe, les soldats jaillissent des véhicules, ouvrent le feu. Sept maquisards sont abattus. Ils sont affreusement mutilés, ventres ouverts à la baïonnette, têtes écrasées. Tout leur sang s’est répandu sur la chaussée. Louis BUISSON, blessé, fut achevé, puis dépouillé de ses vêtements, de ses chaussures et de son portefeuille. Un seul, Louis CHAUPRADE, réussira à prendre la fuite.

Une quarantaine d’Allemands fouillent les environs, notamment le château de Monsieur de LA MOYNERIE, baïonnette au canon. Pendant ce temps un camion muni d’un drapeau blanc vient chercher les corps des victimes qui seront amenés dans une chapelle ardente installée à Boisseuil.

Une stèle érigée sur la D 704 à hauteur de Moissac comporte 6 noms. Ils ont entre 19 et 32 ans et seulement deux d’entre eux sont originaires de la Haute-Vienne.

Les six dont les noms sont gravés sur la stèle Feytiat-Plaisance :

  • BUISSON Louis, né le 31 mars 1922 à Dournazac (Haute-Vienne), cultivateur,
  • DESBORDES Jacques né le 28 avril 1922 à Angoulême (Charente),
  • DEVAUD Léon né le 25 juillet 1925 à Les Cars (Haute-Vienne), cultivateur,
  • LE POUPON Joseph né le 29 avril 1912 à Gourin (Morbihan), 32 ans, charpentier,
  • LIBOUTET Victorien né le 18 février 1923 à Mainfonds (Charente),
  • RENNER Lucien né le 3 octobre 1922 à Strasbourg (Bas-Rhin).  

Quelques centaines de mètres plus loin, au Bon Abri, de nouveaux maquisards vont être abattus. Parmi eux, Aimé PATAUD dit « Tarzan », âgé de 16 ans. Jean DELAGE qui n’était pas maquisard mais employé de la SNCF fut grièvement blessé par un éclat d’obus allemand. Transporté à l’hôpital de Limoges, il y décéda le 20 août 1944 à 23 heures. Les massacres vont se poursuivre sur la route 704 le long de laquelle ont été postés des maquisards, sans expérience militaire et dotés de simples fusils ou de mitraillettes face aux canons et aux mitrailleuses des allemands.

La stèle élevée au Mas-du-Puy commune du Vigen comporte huit noms. Le plus jeune a 16 ans et le plus âgé 31 ans.  Bien que non maquisard le nom de Jean DELAGE a été inscrit parmi les victimes. On ne trouve pas d’information sur les bases de données en ligne pour trois d’entre eux, sans doute parce qu’il y a eu des erreurs dans la transcription des noms.

Les huit noms inscrits sur la stèle de Puy Mery située sur le côté gauche de la route D 7004 en venant de Limoges dans la descente avant l’embranchement de la route menant au parc zoologie du Reynou :

  • Jacques BARRAGE 18 ans,
  • René BUGEAUD né le 30 juin 1917 à Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne), 27 ans,
  • Jean DELAGE né le 30 janvier 1913 à Flavignac (Haute-Vienne), cantonnier SNCF, 31 ans,
  • Lucien MEILHARD,
  • Aimé PATAUD dit « Tarzan » né le 19 septembre 1928 à Chalus (Haute-Vienne), 16 ans,
  • Marcel THOMAS né le 16 novembre 1921 à Flavignac (Haute-Vienne), 22 ans, cultivateur,
  • Aimé VALADE dit « Nénou » né le 10 septembre 1925 à Bussière-Galant (Haute-Vienne), 18 ans, cultivateur,
  • Pierre CUISINIER, alias Georges, né le 25 février 1923 à Rochechouart,  21 ans.
Bulletin des Amis du musée de la résistance de Limoges n°89-2012

II- Jourgnac – La Chaume Verte

Un groupe de maquisards appartenant à la 2449ème compagnie FTPF (sous-secteur B) avait été placé en position défensive au lieu-dit La Chaume-Verte sur la commune de Jourgnac afin d’assurer la protection du poste de commandement du bataillon FTPF établi à Boissac sur la commune voisine du Vigen attenante à celle de Jourgnac.

Au cours de l’après-midi, l’unité allemande change de direction et quitte la D 704  à Saint Maurice les Brousses. Elle part vers l’Ouest et se dirige vers Jourgnac d’où elle rejoindra Séreilhac. Vers 17h30 la tête de la colonne arrive à la hauteur de La Chaume Verte, à moins d’un kilomètre de Jourgnac. Un groupe de FTP qui traversait à découvert un pré  en contre-bas de la route est surpris par cette arrivée des allemands. Ils n’ont pas le temps de se mettre à l’abris et malgré le courage de Fernand DUDOGNON qui, bien que blessé, continue à tirer avec son fusil mitrailleur jusqu’à l’épuisement de ses munitions, les cinq camarades sont tués. La colonne continue sa route et les corps restent exposés dans le pré.

Ce n’est que le soir que des paysans qui participaient à une batteuse dans le bourg de Jourgnac sont allés les chercher. Les corps étaient mutilés, les yeux crevés, les membres cassés (récit de Denise BONNET à partir de ce que son père lui a raconté). Ils ont été mis dans une charrette et conduits à l’église ou le curé, Pierre ROUGERIE les a accueillis. Les corps étaient tellement mutilés qu’il n’a pas été possible de les identifier. Pour rédiger le certificat de décès le maire les a désignés par la couleur de leurs cheveux, leur taille … et leur surnom de maquisard. Leur véritable nom a été transcrit sur le registre de l’Etat Civil après un jugement du Tribunal d’Instance de Limoges rendu le deux mai 1946.

Deux jours plus tard, malgré la proximité des troupes allemandes, un hommage patriotique fut organisé à Nexon en présence de plusieurs centaines de personnes et de contingents de maquisards. Un ordre de Mission est signé par AMAT Charles, Commandant de la 2453e Cie FTP-FFI bassée à Marval ( Monfréboeuf), en place pour la libération de Limoges. Il ordonne au soldat CHAMBON d’aller à Jourgnac en camion afin de ramener les cinq corps à Nexon pour leur inhumation.

A Nexon, les cinq cercueils sont alignés devant la mairie, à droite des escaliers. Cinq couronnes mortuaires ont  été confectionnées. Deux sont déjà dans les mains de ceux qui vont les porter, les trois autres sont encore sur la terrasse. A gauche une section de maquisards est alignée, derrière eux les enfants des écoles et les pompiers de Nexon dont on aperçoit le drapeau en bas à gauche de la photo. En face les familles et les amis. Entre les deux un camion gazogène attend que les cercueils soient chargés pour les amener au cimetière où ils seront inhumés. De l’autre côté de la route une foule nombreuse regarde.

Le cortège va se mettre en marche. Les enfants des écoles s’avancent en rang et se dirige vers le cimetière.

Le cortège avance, six maquisards sont de part et d’autre du camion qui est suivi par la section de 24 maquisards en arme. Derrière eux les pompiers de Nexon puis les les familles…Les corps furent inhumés provisoirement au cimetière de Nexon.

Le 8 septembre 1944, une nouvelle cérémonie eut lieu au cimetière de Louyat à Limoges à l’occasion du transfert des corps des deux inséparables camarades, Maurice BOISSARD et Lucien COURTIAUD.

Transfert des corps de Lucien COURTIAUD et Maurice BOISSARD à Louyat

Fernand DUDOGNON a été inhumé dans le vieux cimetière de Bussière-Galant, et Roger SAMUEL à Pageas puis transféré à la nécropole de Chasseneuil/Bonnieure.

Le Populaire 28 aout 1944

Seul Raymond LAPOUGE est resté à Nexon.

Au total les combats du 17 août entraînèrent la mort de 28 résistants FTP.

Bien que les allemands n’aient pas subis de pertes ils constatent que la résistance est solidement implantée et ils rentrent à Limoges. Dans le même temps les miliciens organisent leur départ faisant perdre à la garnison de Limoges une partie non négligeable de ses forces. Tout est prêt pour que les FFI qui encerclent la ville la fasse tomber. Elle le fera le 21 août 1944.

La stèle érrigée sur les lieux du massacre

Au début de l’année 1945 une stèle a été érigée sur les lieux du massacre, au bord du CD 11, au lieux dit la Chaume Verte, par M. REDON le maire de Jourgnac élu après la Libération. Elle a été inaugurée au printemps par le préfet Jean CHAINTRON.

Les cinq noms ne sont pas dans l’ordre alphabétique :

Fernand DUDOGNON né le 21 mars 1923 à Bussière-Galant (Haute-Vienne), 21 ans,

Maurice BOISSARD né le 30 mars 1924 à Limoges (Haute-Vienne), 20 ans, employé de banque,

Lucien COURTIAUD né le 14 février 1925 à Limoges (Haute-Vienne), 19 ans, étudiant,

Raymond LAPOUGE né le 3 mars 1910 à Angoulême (Charente), 34 ans,

Roger SAMUEL né le 29 octobre 1923 à Magnac-Laval (Haute-Vienne), 20 ans, ouvrier agricole.

Une importante commémorationa eu lieu pour les 50 ans du massacre avec la participation des familles des cinq victimes :

Pour commemorer les 80 ans de ce massacres une première cérémonie a eu lieu le 12 avril 2024. Les enfants de l’école de Jourgnac ont planté un chêne pour rapeller la mémoire du massacre.

Le chêne de la Mémoire

Le dimanche 18 aout 2024 une belle cérémonie eu lieu devant la stèle.

La plaque du « Chêne du souvenir a été dévoilée.Un hommage émouvant a été rendu par Lucien COURTIAUD, neveu qui porte leprénom de son oncle afin de perpétuer sa mémoire. Le proviseur du lycée Turgot était présent pour rappeler le sacrifice des deux amis, Lucien et Maurice, inséparables camarades étudiants dans ce lycée.

Raymond LAPOUGE le seul des cinq victimes a etre resté inhumé à Nexon

Raymond LAPOUGE avait 34 ans. Il avait 4 enfants et son épouse était enceinte d’un cinquième.

Raymond LAPOUGE

Au moment de son inhumation il n’avait pas encore été officiellement identifié. Sa reconnaissance par jugement a été transcrite sur le régistre des décès ou il était décrit par un signalement approximatif, le 24 septembre 1946.

Extrait du régistre de l’Etat Civil de la mairie de Jourgnac
Transcription du jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Limoges

Sa tombe est demeurée longtemps abandonnée. Il semble cependant qu’une personne agée de Nexon venait assez régulièrement y déposer des fleurs.

Mais grace au travail effectué par Josette DUGOT et son époux Jean Claude, alors membres du Souvenir Français, les membres de la famille de Raymond LAPOUGE ont été retrouvés. Sa fille, née en novembre 1944, à peine trois mois après le décès de son père ne venait pas sur la tombe de son père. En effet le second mari de sa mère ne désirait pas que son épouse aille se receuillir à Nexon sur la tombe de son défunt mari.

La fille de Raymond LAPOUGE a permis que le corp de son père soit relevé et la tombe rénovée par le Secour Populaire. Au cours de cette opération la dépouille a été reconnue par la famille grace à la trace d’une ancienne fracture connue d’eux.

La tombe a été refaite et porte la cocarde du Souvenir Français

En 1994, pour les 50 ans du massacre, une cérémonie a été organisée à Nexon avec sa veuve entourée de ses enfants et petits enfants.

Mes remerciements à mon camarade Lucien COURTIAUD, Chirurgien dentiste honoraire, Colonel Honoraire qui m’a fourni de nombreux documents et aux anciens de Souvenir Français de Nexon.

Annelies NELCK fin

Dans les documents qui ont été donnés à la commune de Nexon il y a quelques peintures, des livres, du matériel de scrulpture, des morceaux de bois qui devaient servir à élaborer une oeuvre…

Je n’ai pas trouvé de photos d’elle à Nexon mais, en 2012, à l’occasion d’une exposition de ses oeuvres à Vence elle a été prise en photo avec Jean Jacques CARY, sculpteur.

Les éléments de sculptures ne sont pas très photogéniques, je présente donc les peintures cédées à Nexon. Ce sont des peintures sur papier signées ANATOLE, non datées.

Annelies NELCK (suite 3).

Terminons les courriers adressés à Annelies par des artistes reconnus.

3- Les sculpteurs, peintres…

Marc CHAGALL est un peintre et graveur né le 7 juillet 1887 en Biélorussie (alors Empire russe), naturalisé français en 1937 et mort le 28 mars 1985 à Saint-Paul-de-Vence où il est enterré. Outre la peinture et la gravure il a réalisé de la sculpture et de la céramique…

Parti aux Etats-Unis pendant la Deuxième guerre mondiale afin d’échaper aux arrestations de Juifs il rentre en France en 1948 et s’installe à Vence. Il y rencontre Annelise et son mari, Vincent de CROZALS.

En 1951 CHAGALL lui adresse une carte postale qui reproduit une de ses oeuvres.

Cette année 1951 ils sont photographiés chez CHAGALL et il leur dédicace un ouvrage qui lui est consacré.

Livre dédicacé

Annelies et son mari Vincent étaient amis avec Henri LAURENS, sculpteur, peintre, dessinateur… Il était né le 18 février 1885 à Paris où il est mort le 5 mai 1954 alors qu’il n’avait que 59 ans. Il avait été amputé d’une jambe en 1909 à la suite de la tuberculose. Très grand sculpteur il a travaillé avec Vincent de CROZALS.

Une photo les montre ensemble en 1951.

Une lettre d’Henri est adressée au couple le 16 fevrier 1954, moins de trois mois avant son décès.

Après le décès de son mari, Marthe LAURENS entreprend d’écrire sa biogaraphie. Vincent CAZALS lui confie des photos. Marthe leur écrit pour leur donner des nouvelles et parle des photos qu’elle voudrait integrer dans la biographie de son mari. Les lettres qu’elle écrit ne sont pas datées mais son postérieures au décès de son mari.

Une dernière lettre figure dans la donation, celle d’Henry MOORE (1898-1986), célèbre sculpteur britannique.

Je terminerai cette serie consacrée à Annelies par les documents qu’elle a donné à Nexon.

Parcours mémoriel de la Libération de la Haute-Vienne : le camp de Nexon

L’année 2024 est l’occasion de commémorer les 80 ans de la Libération de la Haute-Vienne. Pour cette occasion le Trinôme académique qui rassemble le Ministère de l’Education nationale, le ministère des Armées et l’association des auditeurs du Limousin de l’Institut des hautes études de défense nationale a proposé aux collèges du département de faire participer leurs élèves à une réflexion sur un événement s’étant déroulé dans son voisinage et d’en rendre compte lors d’une rencontre à la préfecture.

Pour les aider dans leur réflexion un livret pédagogique a recensé 23 événements et 24 articles ont été écrits et rassemblés dans un ouvrage coordonné par Philippe PASTEAU, délégué militaire départemental de la Haute-Vienne. Membre du Trinôme en tant que président de l’Association Régionale (AR25) de l’Institut des hautes études de la Défense nationale j’ai rédigé deux fiches.

Le camp de Nexon faisait partie des sujets proposés à la réflexion des élèves mais le collège de Nexon n’y a pas participé. Le travail réalisé par les élèves a donné lieu, le mercredi 22 mai à la préfecture, à une réunion d’une centaine d’élèves avec leurs professeurs pour que, par trois ou quatre par collège, ils fassent la synthèse de leurs recherches.

Ce fut une très belle après-midi avec des élèves passionnants, heureux d’avoir rendu hommage à ceux qui, il y a 80 ans, ont permis la Libération de la Haute-Vienne puis, quelques mois plus tard, de notre pays.

Après quelques photos de la cérémonie je met le texte que j’ai écrit à cette occasion sur le camp de Nexon. L’autre texte traite des combats du 17 aout 1944 à Feytiat, Le Vigen et Jourganc. Dans cette dernière commune, à la Chaume verte, 5 jeunes ont été massacrés, la cérémonie pour leurs obsèques a eu lieu à Nexon et l’un d’eux, Raymond LAPOUGE est inhumé au cimetière de Nexon. je le mettrai en ligne quelques jours avant la cérémonie pour commémorer la mémoire de ce massacre, le 18 aout à Jourgnac.

Le préfet délégué, Philippe LAYCURAS et le lieutenant colonel Philippe PASTEAU, Délégué militaire départemental.

La salle des fetes de la Préfecture avec les élèves à droite et a gauche, M. DEBLOIS, président du conseil départemental, Mme ORLAY, Inspectrice d’académie, directeur académique des services départementaux de l’éducation nationale et Jean François NYS, président le l’Association régionale de l’Institut des hautes études de défense nationale.

Le collège André Maurois présente l’histoire du jeune Philibert CHATY, résistant des maquis de Brigueil et Cussac, fusillé à Limoges le 31 janvier 1944.

Le Trinôme evec un groupe d’élèves et avec les représentants des collectivités.

Le thème proposé pour Nexon etait celui du camp. Voici la notice dans le livret de présentation suivi du texte que j’ai rédigé pour l’accompagner.

L’ouvrage qui réuni tous les textes:

1940-1945 Camp d’internement de Nexon et les victimes israélites

Dès le 12 novembre 1938, le gouvernement Daladier publie un décret prévoyant la création de centres spéciaux pour l’internement des « étrangers indésirables ». Le 21 janvier 1939 le camp de Rieucros à Mende en Lozère fut premier à voir le jour.

Le conflit qui éclate le 3 septembre 1939 conduit le gouvernement Daladier à renforcer la surveillance des milieux politiques considérés comme subversifs. Le décret-loi du 18 novembre 1939 marque le début d’une répression autorisant les préfets à interner sans aucun jugement ni condamnation « les ennemis de la Patrie ». Sont principalement visés les communistes qui, du fait du Pacte Germano-Soviétique signé le 23 août 1939, deviennent suspects de ne pas vouloir défendre la France contre l’Allemagne. Sont également suspects tous les allemands qui ont fui l’Allemagne dès qu’Hitler a mis en œuvre sa politique raciste. Pour le gouvernement français toute personne qui arrivait l’Allemagne ou des territoires envahis étaient suspects d’être des espions. La plus grande partie d’entre eux était des juifs dont certains n’étaient en France qu’en attendant de partir aux Etats-Unis. C’est pour ces raisons de sécurité nationale que la garde des camps incombait au Ministère de la Guerre avant de passer sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur ( loi du 17 novembre 1940).

La dissolution du parti communiste en septembre 1939 va conduire les dirigeants, les militants et les syndicalistes les plus actifs à être internés ou affectés à des compagnies spéciales.

Mais les camps sont également construits pour héberger les Républicains espagnols qui fuient massivement leur pays au fur et à mesure de l’avancée des troupes de Franco. Avant même que le camp soit terminé les baraquements vont servir à l’hébergement des évacués alsaciens et de tous les réfugiés qui arrivent de toute l’Europe. En juin et juillet 1940, la mairie de Nexon enregistre trois décès de réfugiés, tous français originaires de l’ouest parisien et âgés de 70, 77 et 82 ans.  

Le 22 juin 1940, après la défaite militaire de la France l’armistice est signé à Rethondes. Le 10 juillet le Maréchal Pétain obtient les « pleins pouvoirs » de chef de l’Etat et du gouvernement. C’est la naissance de l’État français et la fin de la Troisième République. Le Gouvernement de Vichy va utiliser l’internement comme outil politique. La loi du 3 septembre 1940 prolonge les dispositions du décret-loi du 18 novembre 1939 et rend possible l’internement des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique.

Le centre de séjour surveillé de Nexon est remis au maire de Nexon le 28 septembre 1940. Il compte 13 baraquement de 40 m. sur 6 m. et une cuisine. Il est entouré d’une clôture en fil de fer barbelé et l’entrée est sans porte.

Le 3 octobre 1940 est promulgué la loi portant sur le statut des Juifs, un second statut, plus répressif, sera institué par la loi du 2 juin 1941.

 Dès la fin novembre 1940 un chef de camp est nommé, M. Pillon, officier de réserve. Il constate que le camp qui a logé jusqu’à 600 réfugiés n’est pas en mesure d’héberger des personnes pendant l’hiver dans la mesure ou il n’y a pas de chauffage et que des nouvelles baraques sont en construction. Malgré cela M. Pillon accepte à la fin du mois de décembre un premier contingent de 300 détenus venant des camps de Mons et de Gurs.

Dans son rapport du 31 janvier 1941 à la Direction de la Sûreté nationale à Vichy le chef de camp décrit ainsi la population qu’il héberge « dans un camp d’Indésirables Français, l’intellectuel côtoie l’ouvrier d’usine, le mineur, le commerçant , l’agriculteur ; le militant communiste retrouvera à ses côtés les simples membres du parti, même souvent des S.F.I.O. ou de simples syndicalistes qui ont combattu contre eux. De ce fait, l’action des chefs militants et leur influence sur les masses continue au camp ». Il n’y a pas de Juifs enregistrés comme tels parmi les internés.

 1 – Le fonctionnement et les principaux événements de 1941 à 1945

Dans son fonctionnement au cours de cette période le camp de Nexon pouvait accueillir jusqu’à 800 internés et 1200 voir plus comme on peut le lire dans certains articles.  Suivant un plan orthogonal, 23 pavillons construits soit en dur et couverts en tuiles ou en tôle ondulée, soit en bois montés sur des dés en béton et recouverts de tôle, étaient clôturés par un grillage de fil de fer recourbé (pour éviter les évasions), doublé par un réseau de barbelés de 4m de large et par un chemin de ronde, à l’extérieur. Les 12 baraques destinées au logement des internés (B1 à B12) étaient séparées des 9 autres réservées aux divers services. Une longue palissade de bois faisait écran entre le camp et la route départementale qui restait ouverte (réponse à la lettre du Ministre de l’intérieur datée du 20 novembre 1944 par le Directeur du camp de Nexon adressée au Préfet de la Haute-Vienne).

Quelques dispositions du règlement concernant la discipline ( Vichy le 17 janvier 1941- AD 87, 185W3/60)

« Le Centre de Nexon est un Centre d’hébergement et non pas un camp répressif, les étrangers qui s’y trouvent réunis n’en ont pas moins le devoir de participer à tous les travaux tant d’aménagement que d’entretien. Ceux qui manifesteraient de la mauvaise volonté dans l’accomplissement de leur tâche seraient l’objet de sanctions disciplinaires.

Les heures de lever sont fixées à 6h30 en été 7h30 en hiver et pour le coucher à 22h en été  et à 21h30 en hiver.

Les Grands-parents, pères, mères, conjoints, frères, sœurs et descendants en ligne directe des hébergés, sont admis à rendre visite à ses derniers, trois jours par semaine pendant les heures fixées par le Commissaire Chef de camp.

Les « hébergés » sont autorisés à recevoir des colis. Ces derniers devront être ouverts par l’hébergé en présence d’un brigadier.

Toute tentative d’évasion sera immédiatement punie de prison pour une durée à fixer, selon les circonstances, par le Commandant du Camp. Il en sera rendu compte au Préfet.

La peine sera doublée à la deuxième tentative et en cas de nouvelle récidive, l’hébergé sera dirigé sur le Camp répressif du Vernet. »

En mars 1941, un certain nombre d’« indésirables » sont acheminés à Port-Vendres et de là en Afrique du Nord.

La rafle d’août 1942 et l’arrestation des Juifs

Le 5 août 1942 tous les préfets régionaux reçoivent une lettre confidentielle des services de René Bousquet, secrétaire général de la police, qui définit les juifs à arrêter et à transporter en zone occupée « avant le 15 septembre » : leur nationalité, leur date d’entrée sur le territoire français (1er janvier 1936), la liste des exemptés (« vieillards de plus de 60 ans », femmes « en état de grossesse », « enfants de moins de 16 ans non accompagnés », entre autres).

Le 10 août 1942 le préfet  Lemoine adresse ses instructions aux préfets de sa région pour effectuer le ramassage, le groupement et la conduite des israélites au centre régional de Nexon. Les internés qui séjournaient au camp de nexon ont temporairement été transférés au camp de Saint Paul d’Eyjeaux.

Le 19 août les préfets de département sont informés que l’opération se déroulera le mercredi 26 août.

A 5 heures dans la nuit de ce 26 août le « plan de ramassage » est déclenché sur l’ensemble de la zone non occupée. Pour la Région de Limoges, 9 préfectures ou sous-préfectures sont concernées : Loches (Indre et Loire), Châteauroux (Indre), Saint Amand Montrond (Cher), Montmorillon (Vienne), Guéret (Creuse), Confolens (Charente), Limoges (Haute-Vienne), Périgueux (Dordogne) et Tulle (Corrèze).

Grande rafle de Juifs étrangers dans les quarante départements de la zone libre où Vichy est souverain.

Le 29 août 1942, 450 Juifs dont 68 enfants de la région de Limoges arrêtés dans les 5 départements de la Région de Limoges sont transférés au camp de Nexon. Après un triage complémentaire à celui qui était fait dans chaque département et internés à Nexon. Ils sont ensuite livrés aux Allemands et déportés à Auschwitz. Des Juifs âgés évacués du camp du Récébédou, près de Toulouse, sont transférés au camp de Nexon. Le 26 août 1942, le « plan de ramassage » est déclenché sur l’ensemble de la zone non occupée. Pour la Région de Limoges, 9 préfectures ou sous-préfectures vont être concernées : Loches (Indre et Loire), Châteauroux (Indre), Saint Amand Montrond (Cher), Montmorillon (Vienne), Guéret (Creuse), Confolens (Charente), Limoges (Haute-Vienne), Périgueux (Dordogne) et Tulle (Corrèze).

En Haute-Vienne 102 personnes ont été arrêtées, aucune à Nexon ni dans les communes du canton. En effet lors de l’enquête du 3 juin 1941 la mairie de Nexon avait déclaré qu’aucun réfugié israélite ne vivait sur la commune.

Au total 680 personnes ont été amenées au camp de Nexon les 27 et 28 août 1942. Leurs documents vont de nouveaux être examinés. En une journée les inspecteurs vont examiner les papiers et libérer ceux qui remplissant les conditions d’exemption. Aux partants on retirera les cartes d’alimentations à tous ceux qui remplissent les conditions pour être retenus.

Après toutes les vérifications 458 personnes ont été embarquées dans le train pour Drancy. Ce sont donc plus de 200 personnes qui ont été libérées parce qu’elles remplissaient les conditions pour ne pas partir. Les 458 personnes retenus ont quitté le camp dans la soirée et ont pris place dans trois 3 voitures de voyageurs réservées aux femmes, enfants et malades et vingt-sept voitures à bestiaux aménagées. Les bagages étaient entreposés dans quatre fourgons à bagages et une voiture était réservée à l’escorte.

Le train a quitté Nexon le 29 août 1942 à 6h55. Il a franchi la ligne de démarcation à Vierzon à 11h31 d’où il est reparti à 12h15. Il est arrivé à Drancy à 18h03. La plupart sont partis pour Auschwitz très rapidement. Le convoi n°26 avec 307 « raflés » est parti le 31 août et le convoi n°27 est parti le 2 septembre avec 75 « raflés ». La plupart ont été gazés le jour de leur arrivée.

Après cet événement douloureux la vie du camp continue avec le 26 octobre 1942, la plus grande partie des internés du camp du Récébédou, « juifs étrangers, espagnols républicains et leur encadrement » qui est transférée au camp de Nexon. Le camp est alors transformé en camp hôpital.

Après l’attaque surprise de l’Union soviétique par les armées allemandes le 21 juin la guerre a changé de dimension. Le 8 novembre les Alliés débarquent en Afrique du Nord et le 11 novembre la zone libre est envahie par les allemands et les italiens. Les communistes ne sont plus systématiquement considérés comme des indésirables.

Les juifs sont les principales victimes de l’hiver rigoureux de 1942-1943

L’hivers 1942-1943 est particulièrement rigoureux et 76 internés vont mourir, principalement parmi les Juifs. Ils sont inhumés dans le cimetière de Nexon. Les 29 et 30 novembre 1951, 72 corps sont exhumés et déposés dans une tombe collective. 

La rafle de fevrier 1943 dite rafle des 2000 va faire une nouvelle fois Nexon centre de regroupement.

Le 13 février à Paris, deux officiers de la Luftwaffe sont abattus. En représailles, les Allemands réclament la déportation de 2000 hommes. Ne pouvant trouver 2 000 Juifs étrangers en zone occupée, Vichy est allé les chercher en zone libre, nouvellement occupée.

Les Juifs arrêtés ont été dirigés sur le Camp de Gurs et une partie sur le Camp de Nexon. Puis, tous ont été transférés sur Drancy et de là, non pas sur Auschwitz, engorgé de convois, mais sur le Camp de Sobibor. Une poignée de rescapés survécurent via le Camp de Maidanek. 

Le camp en 1943 et 1944

A partir du mois de mars la population des internés tombe à moins de cent personnes . Elle remontera au-dessus de 100 à partir du mois d’août 1943.

À la suite de la dissolution du camp de Gurs, en novembre 1943, les internés de ce camp sont transférés à Nexon.

La population des internés évolue, il y a moins de Juifs mais des réfractaires au STO, des condamnés de droit commun pour marché noir, trafic… et des opposants politique. Des volontaires sont envoyés pour travailler dans le cadre de l’organisation Todt à la construction des fortifications de l’Atlantique.

Au cours de l’année 1944 le nombre des interné augmente et dépassera 200 en février puis 330 en mars.

Le débarquement du 6 juin en Normandie déclenche de nombreuses actions de la Résistance. Le 11 juin 1944, le camp est attaqué ce qui permet l’évasion de 54 détenus. Le camp de Saint Paul d’Eyjeaux est lui aussi attaqué et incendié. Le 13 juin les internés de ce camp qui restent sont envoyés à Nexon.

Du 17 juin 1944 à la fin octobre 1944 le camp est transféré à la Caserne du Grand Séminaire à Limoges

De la fin octobre 1944 au 17 août 1945 retour à Nexon, date du transfert des internés au camp de Poitiers.

Il ne subsiste aucune trace du camp, dont l’emprise est occupée par un lotissement. Une stèle en rappelle le souvenir.

Bibliographie

Claude BERODY «Nexon … 1941…baraque 12 » Fondation pour la Mémoire de la déportation 2011 

Guy PERLIER « Les camps du bocage : 1940-1944 Saint-Germain-les-Belles Saint-Paul-d’Eyjeaux Nexon » aux Editions Les Monédières, avril 2009.

Guy PERLIER « La Rafle : Août 1942, région de Limoges » Editions Les Monédières, mars 2012

Laurette ALEXIS-MONET « Les miradors de Vichy » Les Éditions de Paris 1994 et 2001

Archives départementales de la Haute-Vienne – Seconde Guerre Mondiale. En ligne :

  • 993 W 71 et 73 Rapports mensuels de commandant de camp
  • 185 W 3/61 Rapports du chef de camp sur l’organisation du camp, son fonctionnement, l’état d’esprit des internés.

La rafle du 29 août 1942 : https://etsinexonmetaitconte.fr/wp-admin/post.php?post=7314&action=edit

Annelise NELCK (suite 2)

Après les lettres de MATISSE le leg comportait des lettres de DUBUFFET.

Jean DUBUFET ( 1901-1985) est né dans une famille aisée de négociants en vin du Havre. Après son Bac, peu attiré par les études, il se disperse entre la littérature, la musique et les voyages tout en revenant travailler avec son père. Ce n’est qu’au cours de la Deuxième Guerre Mondiale qu’il décide de se consacrer totalement à la peinture. Il manifeste une volonté « anti-culturelle » et qualifie ses oeuvres d' »Art brut ». Il acquiert une certaine notoriété et en 1955 il part s’installer à Vence. C’est là qu’il va se lier d’amitié avec Annelies et son mari.

Dans les lettres qui s’échelonnent de 1967 à 1976 on remarque l’évolution de DUBUFFET vers la sculpture, les oeuvres volumineuses et aussi son mauvais caractère. On note aussi la séparation d’Annelies avec Vincent de CROZALS puis sa rencontre avec Andrée SABKOWSKI

2 – Les lettres de Jean DUBUFFET

La première lettre donne le ton ! DUBUFFET l’invite à continuer à peindre sans s’interdire quoi que ce soit…

Lettre du 8 juin 1957

La date de la lettre suivante n’est pas précise, 1957 ou 1958 . Elle montre qu’il a visité le galeriste qui expose Annelies. Et il annonce sa visite avec son épouse…

La lettre suivante est adressée à Vincent de CROZALS qui lui a offert une statuette ce qui incite DUBUFFET à se lancer dans la sculpture. Il lui demande comment le voyage à Paris de son épouse c’est passé.

Lettre du 25 juin 1959

Une lettre pour souhaiter une bonne année …

Lettre du 3 janvier 1961

Cette lettre est illustrée d’un dessin caractéristique de l’évolution de DUBUFFET avec ses travaux sur « L’Hourloupe » commencés en 1962, ensemble d’huiles sur toile, de dessins, d’assemblages, de sculptures, de constructions, avec trois couleurs et des rayures : rouge, bleu et blanc. Ici il n’y a pas de bleu mais du vert, sans doute parce qu’il n’avait pas de stylo bleu sous la main…

Lettre du 19 janvier 1963

Le lendemain une invitation à diner pour le couple…

Lettre du 20 janvier 1963

L’épouse de DUBUFFET est dépréssive et il ne supporte pas cette situation.

Lettre 19 avril 1966

Lettre non datée mais de 1966 ou 1967 dans laquelle il explique qu’il a mauvais caractère , qu’il est un « notoire mauvais-coucheur ». Il passe presque tout son temps dans son atelier « absorbé à chercher mon chemin dans le labyrinthe de L’Hourloupe ».

Annelies n’est pas séparée de Vincent mais il fréquente Hannelore qu’il épousera en 1972. Lili ( Emilie CARLU) l’épouse de DUBUFFET est toujours souffrante tandis qu’il est très occupé par les problèmes techniques que posent ses créations…

Lettre du 21 juillet 1968

En 1969 DUBUFFET va moins souvent à Vence car, pour sa santé, son épouse a besoin de vivre près de Tubersent dans la Pas de Calais ou elle est née, près des plages du Touquet à quelques kilomètres.

Lettre du 16 octobre 1969

Annelies est seule et DUBBUFET lui dit qu’il aime la familiarité de ses lettres alors qu’il trouve le respect détestable. Une belle interrogation sur le bonheur : que veut dire « heureux » ?

Lettre du 26 décembre 1969

DUBUFFET ne va plus à Vence, il a vendu sa villa. Annelies est avec une amie, Andrée SABKOWSKY, et DUBUFFET en est heureux.

Lettre du 8 juin 1972

DUBUFFET donne l’adresse à Cannes d’une artiste avec laquelle il lui conseille d’entrer en relation.

Lettre du 14 juin 1975

DUBUFFET lui parle de sa collection d’oeuvres « Art Brut » qui est maintenant à Lausanne, agassé par les tracasseries de l’administration française pour créer son musée à Paris. Il lui demande des nouvelles d’Andrée. Il espère qu’elle « se tire d’affaire » car l’art n’est pas très rémunérateur !

Lettre du 27 mai 1976

Il n’y a pas de lettres postérieures à celle-ci. les relations se sont peut-etre distendues avec DUBUFFET ?

Annelise Nelck (suite)

Madame André SABKOWSKI est arrivée à Nexon où elle a acheté la maison du 20 rue Victor Hugo au début des années 2000. dans cette maison avait vécu le docteur A. LACOUR, un médecin dont je parlerai plus tard. Mme SABKOWSKI a acceuilli son amie Annelise et elle a passé les dernières années de sa vie dans cette maison où elle est décédée le 22 août 2014. Je n’ai pas rencontré cette dame car j’ignorai son existence jusqu’à ce qu’après le décès de Madame SABKOWSKI le 20 octobre 2023, son testament lèguait à la commune les oeuvres d’Annelise NELCK qui étaient dans sa maison. Je sais que les deux femmes ne restaient pas cloitrées chez elles, elles faisaient leurs courses et parlaient facilement aux commerçants et aux personnes qu’elles rencontraient. Si quelqu’un peu témoigner de ces rencontres c’est bien volontiers que je lui ouvrirai ce blog.

Après l’analyse de ce legs et l’expertise des objets qu’il contenait la commune de Nexon l’a accepté par délibération en décembre 2023.

J’ai pu consulter les documents et oeuvres léguées à la commune. En voici quelques éléments.

I- Les lettres autographes d’artistes

Lettres de MATISSE

Lettre du 24 juin 1944
Lettre du 25 novembre 1948

Annelises est mariée et habite avec son mari CROZAL. MATISSE lui rappelle son adresse avec un dessin de fleur.

Lettre du 26 janvier 1949

MATISSE a décoré la chapelle du Rosaire à Vence. Il a pris CROZAL comme modèle pour dessiner le Christ en croix.

Pour les voeux de 1953 Matisse lui adresse une carte d’un de ses tableaux

A suivre…

La défense Passive à Nexon au cours de la Seconde Guerre Mondiale.

Le concept de défensive passive apparaît au début des années 1930, et découle de la prise en compte des risques liés au développement de l’aviation comme arme de combat. Les premières instructions ont été transmises aux maires de France à la fin de l’année 1931. La loi du 8 avril 1935 organise la Défense Passive et à la veille du conflit, en 1938, une instruction pratique est publiée par le Ministère de l’Intérieur.

Dans toutes les communes de plus de 2 000 habitants, en temps de guerre, une brigade doit être constituée pour assurer la protection des populations et annoncer un certain nombre de mesures en cas de bombardements. Des sociétés proposent aux maires des systèmes d »alarme par sirène, des brochures, des tracts…

Première sirene installée à Limoges au début de la guerre

Phoscao, préparation à base de phosphates et de poudre de cacao a été créée à la fin du XIXe siècle par deux pharmaciens, le père et le fils Dardanne. Le nom du petit déjeuner chocolaté Phoscao devient ensuite celui de l’entreprise et pendant la première guerre mondiale il était proposé aux soldats comme fortifiant. La société a été rachetée par Cémoi en 1979.

En 1940 Phscao a édité une série d’images illustrant la défense passive. Elle sont plus adaptées aux grandes villes qu’aux villages mais elles montrent l’intérêt porté par la Nation à la Défense. Voici deux de ces images.

Une liste des membres de la défense passive est affichée pour que ces personnes soeint connues et pour permettre la bonne organisation des secours lors des sinistres.

Plusieurs équipes coexistent :

– Des équipes de secours avec un chef et un sous chef. la première avec M. GAUMY comme chef est composée de 17 personnes, la seconde sous les ordres de M. DAURIAT compte 15 personnes. Tous les professionnels de santé sont membres des secours, les 4 médecins, les 2 pharmaciens et le dentiste et 3 infirmiers dont l’assistante sociale.

– Une équipe de « déblaiement » chargée de l’enlèvement des décombres en cas de bombardement. Elle est composée de 30 personnes avec un chef, Jacques BRIDGLAND et un sous chef SAUTARAINIER. Les membres sont répartis sur l’ensemble du territoire de la commune. Les membres de cette brigade portent un brassard pour permettre à la population leur identification et ne pas les confondre avec d’éventuels pilleurs.

– Une équipe de guetteurs en cas d’incendie de bois ou de récoltes causé par des engins incendiares lancés par l’aviation. Elle est composée de 30 personnes organisés en binome par village.

– Une équipe contre les bombardements et incendies provoqués par avion. Elle a comme chef M. DAURIAT et comme sous chef M. GIRY, et elle est composée des membres de l’équipe de secours n°2.

Rappelons dans les locaux d’habitation aucune lumière ne devra, dès la tombée de la nuit, être visible de l’extérieur. Cette prescription s’applique, non seulement aux ouvertures donnant sur la rue et sur les cours, mais aussi à celles pratiquées dans les toitures (lucarnes, verrières d’escaliers, etc..)

Les portes et fenêtres, et d’une façon générale toutes ouvertures, devront être munies de moyens d’obturation mobiles, tels que volets, persiennes, rideaux, panneaux d’étoffe ou de papier opaques, interceptant toute lumière vers l’extérieur.

Tous les véhicules devront circuler tous phares éteints, à la vitesse très réduite (au maximum dix kilomètres à l’heure). Seul l’usage des lanternes est autorisé ; les glaces de ces lanternes devront être recouvertes de couleur bleue.

Les ruches à Nexon en 1949

A la fin de l’année 1948 le préfet de la Haute-Vienne adresse à tous les maires un courrier attirant leur attention sur la progression de l’acariose et de la loque, deux maladies qui touchent les abeilles et qui se propagent de ruche en ruche et de rucher en rucher.

L’acariose est causée par l’acarien Acarapis woodi qui se loge dans le système respiratoire de l’abeille et se nourrit de l’hémolymphe, jusqu’à l’affaiblir et lui transmettre le virus ou la bactérie qui l’achèveront. La loque est caus »e par un bacille qui se développe dans l’estomac de l’abeille à l’état de larve. Infestée celle-ci ne tarde pas à mourir.

Depuis un arrêté du 15 juillet 1943 tous les propriétaires de ruches doivent les déclarer chaque année. Un rappel de cette règle a été adressé le 18 novembre 1948 à tous les maires.

Un rappel du modèle de fiche et un encart précisait qu’un recueil de fiches avait été envoyé en 1943 et qu’il n’était pas vide.

Mais beaucoup de mairies n’avaient plus ce carnet et l’ont signalé. Aussi un courrier du 15 décembre permettait aux propriétaires d’établir leur déclaration sur une feuille ordinaire.

Au total 11 personnes ont déclaré au total 49 ruches. Deux personnes ont 10 ruches, paul LACORE au Brouillet et Gaston LAGORCE avenue de la gare.

Marguerite FAUCHER est domiciliée aux Gouzettes! Je ne trouve pas ce nom dans les villages de Nexon ni sur les cartes de CASSINI. Je trouve un village avec ce nom en Aubrac? C’est loin pour avoir des ruches à Valeix!

Si quelqu’un connais, je suis preneur…

Jean Marie BRUGEAS, le seul nexonnais « Juste parmi les Nations ».

Jean Marie BRUGEAS, un homme aux multiples visages dont la jeunesse qui lui valut la reconnaissance de Juste parmi les Nations, était peu connue des nexonnais !

Jean-Marie BRUGEAS est né le 24 juillet 1926 à Nexon où il est mort le 12 mars 1980 il n’avait pas encore 54 ans. Après une jeunesse ou il s’engage dans la protection des juifs et de tous ceux qui étaient pourchassés par la police de Vichy et la milice il se marie et va devenir chef d’entreprise. Mal connu des nexonnais qui voyaient en lui un garçon qui semblait mener une vie facile, il cachait un homme cultivé, amoureux de la musique de la peinture et de la poésie. Il dissimulait la douleur d’avoir perdu tragiquement ses deux garçons dans la fleur de l’âge.

1 – Son père Louis René BRUGEAS

Son père Louis René BRUGEAS (1895-1964) était né le 10 novembre 1895 à Le Grand Bourg en Creuse où son père, Jean Baptiste BRUGEAS (1862-1945), était instituteur.

Acte de naissance de Louis René Brugeas (A.D. Creuse)

Louis René avait 19 ans au moment où éclate la Guerre. Il est  incorporé le 17 septembre 1914 au 20ème Régiment d’Infanterie. Il sera  nommé caporal le 16 juillet 1915, sergent le 25 janvier 1917 puis aspirant moins d’un mois plus tard (15 février 1917). Il fait preuve de beaucoup de courage au combat ce qui lui vaux plusieurs blessures et plusieurs citations. Il et est nommé sous-lieutenant le 18 juin 1918 puis lieutenant de réserve le 10 mai 1920.

Registre Matricules (Geneanet)

Il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur avec le droit de porter l’insigne de la décoration le 16 juin 1920, il n’a pas encore 25 ans. Il est alors receveur de l’enregistrement à Crèvecoeur-le-Grand dans l’Oise.

Le 10 juillet 1925 à Crozant, Creuse, il épouse Jeanne DESMAISON. Elle est née le 5 septembre 1897 à Nexon, au Plantadis, où ses parents sont jardiniers. C’est le premier contact des BRUGEAS avec Nexon. En marge de l’acte de naissance on trouve la mention de son mariage et la date de son décès à Nexon.

Acte de naissance de Jeanne DESMAISON à Nexon (A.D. H.V.)

Ils vont avoir rapidement un fils, Jean Marie, qui naît le 24 juillet 1926 à Nexon, sa mère étant venue chez ses parents pour accoucher comme cela se faisait assez souvent alors.  Le couple avec leur fils va déménager au rythme des affectations de Louis René comme receveur de l’enregistrement. Ils quittent Crèvecœur au début de l’année 1927 pour Chalus, sans doute pour être plus proche de la famille de Jeanne DESMAISON. Ils y resteront jusqu’en 1933  pour aller à Aixe sur Vienne pour occuper un poste de receveur plus important. Une fois à la retraite ils habiteront à Limoges et à la fin de sa vie Louis et son épouse viendront habiter à Nexon chez leur fils.

Jeanne décéde le 11 octobre 1959 à Nexon à l’âge de 64 ans. Son époux, Louis René BRUGEAS va vivre encore 5 ans et  décédera le 26 mai 1964 à Nexon, âgé de 68 ans.

2- Jean Marie BRUGEAS, sa jeunesse pendant la seconde Guerre Mondiale.

Quand son père est nommé à Chalus, Jean Marie à 1 ans. Il y passera les 6 premières années de sa vie. Il est sans doute allé à l’école maternelle et en octobre 1933 quand son père a été nommé à Aixe sur Vienne c’est à Aixe qu’il est entré au CP puisqu’il avait 6 ans. A la fin de l’école élémentaire il est allé au collège puis au lycée à Limoges. Il a 14 ans lorsque la drôle de guerre prend fin.  Lorsqu’il a 15 ans il ne reste pas inactif lorsqu’il voit la mise œuvre de la politique de Vichy à l’encontre des juifs. Dès 1942 il commence à les aider à se cacher. Il prévenait les juifs à Limoges et dans les environs de descentes de police prévues, et trouvait des cachettes en cas de besoin. Grâce à lui, de nombreux Juifs échappèrent à l’arrestation et à la déportation. Il aida également des républicains espagnols, des réfugiés polonais…

 Il entra dans la Résistance le 17 décembre 1943 et fut affecté en qualité d’agent de liaison, sous le pseudonyme de Sergent Jean Valera, au sous-secteur B des Francs-Tireurs et partisans français, sous les ordres d’André Lévêque, adjoint du commandant du secteur B. Il participa à la diffusion des tracts et journaux clandestins. Il œuvra surtout en tant que passeur au sauvetage de nombreux ressortissants – polonais, juifs, belges, républicains espagnols –, aviateurs anglais et canadiens, en les cachant ou en les faisant entrer dans le maquis français ou regagner l’Espagne et l’Algérie …. Il prévint plusieurs fois des Juifs pourchassés par la Milice française ou par les Allemands.

Il participa à la création du réseau Étoile, destiné au sauvetage de ressortissants juifs et de républicains espagnols. Il bénéficia de l’aide de Mado de CORTES et de Lucette GUIGNARD dans son activité de sauvetage 

Jean-Marie BRUGEAS sera cité à l’ordre des Forces interalliées pour son courage, citation confirmée par le gouvernement de la République polonaise en exil qui lui décernera le 28 septembre 1978 la « Polish Militari Order » et « The Order of Virturi Militari » pour ses fonctions d’agent de liaison et de renseignement durant la guerre de 39-45.

Selon les témoignages recueillis après la guerre, Jean-Marie Brugeas sauva environ quarante personnes et notamment les familles ALPERN, KLOUPSKY, WOLF, KOHN, la famille de Guy LEVY et la famille de Henri ZUCKER. Guy LEVY avait été son condisciple au lycée de Limoges. Il se cachait avec sa famille à Aixe-sur-Vienne. Plusieurs fois Jean-Marie Brugeas l’avertit d’une descente imminente des SS et de leurs collaborateurs français, lui sauvant ainsi la vie, ainsi qu’à sa famille. M. RUBINSTEIN, qui habitait Limoges, témoigna lui aussi après la guerre que le jeune homme avait trouvé une cachette à ses parents. Lorsque Monsieur KARGEMANN et son fils Henri, qui s’étaient réfugiés à Aixe-sur-Vienne, se trouvèrent menacés d’arrestation, la milice passant la région au peigne fin à la recherche de Juifs, Jean-Marie BRUGEAS leur trouva une autre cachette. Henri KARGEMANN se rallia plus tard à la Résistance et se battit jusqu’à la fin de la guerre.Bien qu’il risquait sa vie en aidant les Juifs, il ne chercha jamais la moindre rétribution matérielle.

  • 3 Jean Marie BRUGEAS, Juste parmi les Nations.

Le 19 août 1953, est créé, à Jérusalem, l’Institut commémoratif des Martyrs et des Héros de la Shoah (Yad Vashem). En 1963, une Commission présidée par un juge de la Cour Suprême de l’État d’Israël est chargée d’attribuer le titre de « Juste parmi les Nations », la plus haute distinction civile décernée par l’État hébreu, à des personnes non juives qui ont aidé des Juifs persécutés par l’occupant nazi. Les personnes ainsi distinguées doivent avoir procuré, au risque conscient de leur vie, de celle de leurs proches, et sans demande de contrepartie, une aide véritable à une ou plusieurs personnes juives en situation de danger.

En 1979,  le Dossier Yad Vashem 1507 attribue à Jean Marie BRUGEAS le titre de Juste parmi les Nations. Le diplôme lui sera délivré le 5 mars 1980 sans que l’on en parle à Nexon…

Son nom figure sur le mur des justes à Paris, situé dans l’allée des Justes pami les Nations dans le quartier du Marais (4e arrondissement), entre la rue Geoffroy-l’Asnier et la rue du Pont-Louis-Philippe.L’allée est située en bordure du Mémorial de la Shoah, et a été inaugurée le 14 juin 2006.

Le Mur des Justes, situé dans l’allée, porte les noms de près de 3800 hommes et femmes qui. au péril de leur vie, ont contribué au sauvetage de Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces personnes ont reçu le titre de « Juste parmi les Nations », décerné par Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah depuis 1963.Le nom de Jean Marie BRUGEAS y figure à l’année 1979.

Sources : M31/1507. et Limore Yagil, Typologie de la résistance sans armes et de l’aide aux Juifs en Limousin dans Revue d’Histoire de la Shoah 2001/2 (N° 172), pages 228 à 265.

5 – Jean Marie BRUGEAS, sa vie à Nexon

Après la guerre Jean Marie BRUGEAS s’est marié. Il a épousé Yvonne MASSALOUX qui travaillait dans une fabrique de pantoufles à Aixe sur Vienne.  L’épicerie qui existait au numéro 13 de la rue pasteur ayant fermé, madame Brugeas s’y installe et crée un atelier de fabrication de pantoufles « La Nexonnaise ».

Au début de l’année 1962 M. BRUGEAS s’associe avec 2 industriels de Limoges, MM. LERICHE et PENICAUD. René LERICHE avait créée en 1947 la société EREL, nom de ses initiales. EREL fabrique des chaussures d’intérieur pour hommes, les femmes et les enfants. Son atelier étant dans Limoges il décide de s’associer avec M. Brugeas pour construire une usine à Nexon. Le terrain étant disponible sur la route de Meilhac à La Ganne, la première usine est construite sur la zone qui deviendra par la suite une zone d’activité économique.

Le chantier est rapide et en janvier 1963 l’usine SOLIDAC, Société Limousine d’articles chaussants, est inaugurée en grandes pompes par Michel VIRENQUE, préfet de la Haute-Vienne qui deviendra préfet du Limousin le 14 mars 1964.

La grande majorité du personnel est composé de jeunes femmes de nexon ou des environs.

Mais assez rapidement les affaires deviennent difficile. En mars 1965, le Maire et la direction de l’usine sont reçu par le préfet qui l’informe de la situation difficile de l’usine. Elle a dû réduire son activité du fait de la crise et mettre une partie du personnel au chômage. Elle fermera en 1965. Les bâtiments seront repris par l’entreprise Vet’France, elle-même installée auparavant dans les locaux de l’actuel dojo, salle de judo historique de l’Amicale de la Jeunesse Nexonnaise.

Vet France fonctionnera jusqu’en 1993 et pendant des années ce fut une usine à l’abandon.

L’usine envahie par l’herbe avant le rachat en 2023

Après la fermeture de la SOLIDAC l’atelier de son épouse continuait à fonctionner rue Pasteur. Le couple avait eux deux enfants, Jean Louis né en 1950 et Éric né en  1953. Deux garçons très différents, Jean louis amoureux de la vitesse et des voitures et Éric que l’on appelait Mimi, amoureux de la nature et des animaux. Il est venu travailler avec mon père pendant quelques mois. Jean Louis avait beaucoup de copains dont mes frères, et malheureusement, un soir en fin d’hiver, le 7 janvier 1971, en rentrant de Limoges, en sortant du virage, sans doute un peu vite, il a perdu le contrôle de sa voiture qui s’est encastrée dans un des arbres de cette allées aux grands arbres. Ce fut un choc à Nexon. Se tuer en voiture à 20 ans est un drame pout ses parents, sa famille, ses amis.

Six ans plus tard, le 28 janvier 1976 c’est son frère Éric qui mourait toujours aussi dramatiquement d’un coup de fusil, laissant une petite fille Séverine.

Après tous ces drames l’annonce de choix de Yad Vashem n’a pas eu d’échos dans la population nexonnaise. Seuls quelques amis ont partagé avec lui cette reconnaissance. Le jeune Brugeas étudiant à Limoges qui aidait les juifs, les espagnols, les polonais était loin de l’image que ceux de sa génération étaient devenus, posés, travailleurs, sérieux… Mais Jean Marie BRUGEAS était sans doute resté l’étudiant qu’il avait était. Un groupe de jeunes de Nexon a  connu cet homme-là . Ils ont passé des après-midi dans la maison qu’il possédait à La Mazaurie a écouter les chansons de Brassens, Ferré ou Ferrat accompagné à la guitare par Jean Marie BRUGEAS puis reciter du Boris Vian ou du Prévert. Sa culture, sa simplicité les fascinait. C’était la face caché de Jean Marie BRUGEAS, loin de ceux qui voyaient un lui un dandy, un coureur…

Mais son cœur qui avait vécu des chocs violents n’a pas pu l’accompagner très longtemps et le 12 mars 1980 il a lâché, 10 ans après son fils Jean Louis et 4 ans après Mimi. Triste vie pour son épouse frappée par ces morts insupportables.