Madame Huguette Billaudelle a effectué un énorme travail en relisant les délibérations du Conseil municipal pour les années 1790, 1791 et 1792. son travail a été publié par la Mairie de Nexon en 1989 sous le titre « Nexon au temps de la Révolution Chronique de 1790-1791-1792 ». je reprend son travail en l’enrichissant de quelques développements complémentaires.
1- L’année 1789
Jusqu’à la Révolution de 1789 l’administration municipale est sous le contrôle de l’intendant général. L’intendant de la généralité de Limoges est , depuis 1793, Marie-Pierre-Charles Meulan d’Ablois. Le décret du 14 décembre 1789 fait table rase de toutes les structures anciennes pour créer les communes et organiser leur administration par un maire élu :
Article premier. Les municipalités actuellement existantes en chaque ville, bourg, paroisse et communauté, sous le nom d’hôtel de ville, mairie, échevinats, consulats, et généralement sous quelque titre et dénomination que ce soit, sont supprimées et abolies, et cependant les officiers municipaux actuellement en service, continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils aient été remplacés.
Article 2. Les officiers et membres des municipalités actuelles seront remplacés par voie d’élection.
Article 3. Les droits de présentation, nomination ou confirmation et le droit de présidence ou de présence aux assemblées municipales, prétendus ou exercés comme attachés à la possession de certaines terres, aux fonctions de commandant de province ou de ville, aux évêchés ou archevêchés, et généralement à tel autre titre que ce puisse être, sont abolis.
Article 4. Le chef de tout corps municipal portera le nom de maire.
Les articles suivants organisent le processus électoral :
Article 5. Tous les citoyens actifs de chaque ville, bourg, paroisse ou communauté pourront concourir à l’élection du corps municipal.
Pour être citoyen actif et électeur, il fallait payer un impôt au moins égal à la valeur locale de trois journées de travail. de l’avis général des historiens c’est un taux bas qui a été fixé pour permettre une large participation aux élections.
Article 6. Les citoyens actifs se réuniront en une seule assemblée dans les communautés où il y a moins de 4,000 habitants, et en deux assemblées de 4,000 à 8,000 habitants, en trois assemblées dans les communes de 8,000 à 12,000 habitants, et ainsi de suite.
Article 7. Les assemblées ne peuvent se former par métiers, professions ou corporations, mais par quartiers ou arrondissements.
Le maire est élu pour deux ans:
Article 16. Les maires seront toujours élus à la pluralité absolue des voix. Si le premier scrutin ne donne pas cette pluralité, il sera procédé à un second ; si celui-ci ne la donne point encore, il sera procédé à un troisième, dans lequel le choix ne pourra plus se faire qu’entre les deux citoyens qui auront réuni le plus de voix aux scrutins précédents ; enfin, s’il y avait égalité de suffrages entre eux à ce troisième scrutin, le plus âgé serait préféré.
Article 38. Le conseil municipal s’assemblera au moins une fois par mois ; il commencera par arrêter les comptes du bureau, lorsqu’il y aura lieu ; et après cette opération faite, les membres du bureau auront séance et voix délibérative avec ceux du conseil.
Article 42. Les officiers municipaux et les notables seront élus pour deux ans, et renouvelés par moitié chaque année : le sort déterminera ceux qui devront sortir à l’époque de l’élection qui suivra la première. Quand le nombre sera impair, il sortira alternativement un membre de plus ou un membre de moins.
Article 43. Le maire restera en exercice pendant deux ans ; il pourra être réélu pour deux autres années, mais ensuite il ne sera permis de l’élire de nouveau qu’après un intervalle de deux ans.
En 1789 la commune de Nexon comptait 368 maisons dont 108 pour le bourg. Il existait 9 moulins à eau et 3 tuileries. Les moyens de communication étaient assez réduits et les ordres qui partaient de Paris mettaient plusieurs jours pour parvenir au Directoire de Limoges puis dans les districts et communes.
En février-mars 1789 lors de la préparation des Etats généraux la paroisse de Nexon avait droit à quatre délégués. Furent choisis :
Defaye, médecin ( Madame Billaudelle pense que Defaye, médecin et Jean-Baptiste Faye, médecin sont la même personne); Guyot, notaire ; Deverneilh, notaire ; Guyot de la Boueine
Ces quatre délégués ont porté les cahiers de Doléances de Nexon à l’Assemblée du Tiers Etat de la Sénéchaussée (nom de la division administrative de l’Intendance dans le Sud et qui dans le Nord est appelée « baillage »). Defaye et Guyot font parti des 24 membres chargés de rédiger le cahier de la sénéchaussée
La nuit du 4 août 1789, l’Assemblé Constituante, future Assemblée Nationale, vota la suppression de tous les privilèges et vit, après signature de Louis XVI, le 5 octobre de la même année, la suppression des classes ecclésiastiques, nobles et membres du Tiers-Etat, des corporations, des villes et des provinces.
2- L’année 1790
Les premières instructions arrivèrent au bourg de Nexon le 1er février 1790. Bien entendu ce ne fut pas sans un certain remous que cette transformation s’opéra. C’est le sieur Jean BONNET qui prit la direction des opérations.
Le premier Maire
L’élection s’est faite en plusieurs temps.
Premier temps : les officiers Municipaux sont nommés par procès-verbal des 8 et 9 Février. Le choix a été particulièrement difficile par l’assemblée de la paroisse réunie sous l’inspection de Jean BONNET, Maréchal Chef des Officiers du Comité. Le sieur FAYE, réunissant presque tous les suffrages, fut élu Président et le sieur GUYOT, notaire Royal, pour la charge de secrétaire. Ces deux personnes ont prêté serment de soutenir de tous leurs pouvoirs la constitution du Royaume et d’être fidèles à la Nation, à la loi et au Roi. L’assemblée prêta le même serment.
Deuxième temps : trois scrutateurs furent désignés, toujours à la majorité des voix, en la personne des sieurs DESTHIVER, curé de la paroisse de Nexon, Nicolas GIZARDIN, notaire et Annet TARRADE, chirurgien. Le président fit observer que, conformément aux ordres reçus de Paris il fallait distinguer parmi les citoyens ceux qui pouvaient être élus de ceux qui ne pouvaient qu’élire et le secrétaire dressa une liste des membres de l’assemblée.
Troisième temps : aussitôt et séance tenante, il fut procédé à l’élection du Maire par bulletin individuel au scrutin secret. Ce fut le sieur FAYE Jean Baptiste, Docteur en Médecine qui obtint la grande et absolue majorité des suffrages.
Quatrième temps : il consista, par un autre scrutin individuel et secret, d’élire le PROCUREUR de la COMMUNE. Le sieur Louis GUYOT, notaire Royal, fut élu.
Cinquième temps : le Président Maire, déclara que la paroisse comptant prés de 2 500 âmes, il était nécessaire de désigner cinq Officiers Municipaux par scrutin de liste. La pluralité absolue des suffrages se porta sur Pierre SIRIEIX marchand, Annet TARRADE chirurgien, Jean de COULHAC meunier, Léonard PRADEAU au bourg et Pierre SAZERAT, huissier au bourg.
Enfin la sixième opération, après quelque repos, fut de procéder à l’élection de douze notables pour former le Conseil Général de la Commune. Furent élus à la majorité : Jean LAFARET aîné du Plantadis ; Jean JOUHAUD dit Renard, de Bosmarèche ; Jean DOUDET dit Le JALAP d’Excette ; Léonard CHIROL de Valeix ; Jean LASPOUGEAS des Moulins ; Martial BAUDOU de Biard ; Pierre JOUHAUD dit Tonichou, d’Excette ; Jean GUYOT dit Bigarot, de Valeix ; Jean VERGNON dit Leliard, de Noyéras, Jean JAYAT dit Cadichou, de Lartissie ; Pierre MARTY dit Pierricaud, de Noyéras et Denis DESCHAMPS de Biard.
Puis ont été déclarés notables de NEXON les sieurs Jean DESPLANCHES dit Planchaud, de Sallas ; Léonard DUVERNEIX dit le Roudier, de Montezol et GAREAU de Biard, et en même temps suppléants en cas d’événement. Ce fut au tour du Procureur de la Commune de prendre la parole. Il expose qu’un grand nombre des habitants de la paroisse serait bien aise que la Municipalité autorisa l’établissement de la Garde Nationale dans le bourg de NEXON, et, qu’au gré de tout le monde, elle serait composée d’un commandant, d’un major, d’un aide-major, de quatre capitaines en premier, de quatre capitaines en second, de quatre lieutenants et de quatre compagnies composées de 32 hommes chacune, dont une de grenadiers.
Le 11 février 1790, Jean Baptiste FAYE, docteur en médecine, a été proclamé Maire de Nexon. Le Conseil se réunit dès le lendemain chez le Maire, à défaut, est-il dit, de maison commune, pour sa première assemblée.
Les officiers municipaux et le Conseil Général de la commune dressèrent une liste des personnes susceptibles de faire partie de la Garde Nationale.
Le seize février la Municipalité s’étant assemblée, le maire exhibe un paquet que lui avait remis, la veille, le délégué de la Ville de SAINT-YRIEIX. Ce paquet fut ouvert en séance, les scellés brisés. Il fut constaté par le Procureur qu’il contenait deux imprimés en placard (c’est-à-dire des affiches) contenant lettres patentes du Roy sur deux décrets de l’assemblée Nationale du 16 Janvier dernier, l’un relatif aux conditions pour être citoyen actif et l’autre concernant les crimes. (On notera que les décrets mettent un mois pour arriver à Nexon. Pourtant la « Poste aux chevaux » met trois jours pour relier Paris à Limoges). Ces deux décrets furent copiés sur le registre, et il fut ordonné qu’à son de trompe ils seraient lus au peuple à la sortie de la Messe paroissiale et ensuite placardés à la porte de l’Eglise, ce qui fut constaté par le Procureur le dimanche suivant.
La Garde Nationale de Nexon
Ensuite le maire informe que la Garde Nationale avait été constituée, mais que faute de sujets, chaque compagnie n’aurait à sa tête qu’un seul capitaine, avec un lieutenant et deux sergents. Et la Garde se composa comme suit :
Messire Philippe Ignace de GAY DE NEXON, Commandant
Messire Charles de DAVID DES ETANGS, Major
Monsieur Hebrar de VEYRINAS, Aide-Major
COMPAGNIE DES GRENADIERS
Gabriel TARRADE, Capitaine
Jean DESPLANCHES, Lieutenant
Sergents : Pierre SIRIEX, maréchal et Léonard DECOULHAC, meunier
Caporaux : Simon REBEYROL, menuisier, Jean RICHARD, tailleur
SECONDE COMPAGNIE :
Le Sieur GIZARDIN, Capitaine
Le Sieur Maximilien LIMOUSIN, Lieutenant
Le sieur GUYOT de Labouyne, Porte-drapeau
Sergents ; Pierre LELONG et Pierre JOUHAUD
Caporaux : Aubin RAFFARD, Jean GUYAUNAUD, maçon
TROISIÈME COMPAGNIE :
Le sieur BEAURIE, Capitaine
Le sieur de COULHAC, Lieutenant
QUATRIÈME COMPAGNIE :
Le sieur LIMOUSIN père, Capitaine
Le sieur LIMOUSIN fils, Lieutenant
Et comme fusiliers : Léonard JOUHAUD du Courdein, François JOUHAUD de la Grange, Jean DESPLANCHES dit Planchaud, Martial JOUHAUD d’Aixcette, Martial BEAUDOU de Biard, François TEXIER dit La Verdure, Jean GUYOT dit le petit de Sallas; Léonard CHIROL de Valeix, Léonard VALETTE du Bourg, Jean JOUHAUD de Leyraud, Léonard GIBEAU de Noyéras, Jean GUYOT de Verneuil (Varnet),Martial GUYOT de Sallas, Antoine CHIROL de Biard, Pierre DOUDET dit le jalap, François PERRIE du Bourg, Pierre LOMBERTIE de Lombertie, Jean SAZERAT cardeur à Biard, Pierre GUYONNAUD de Valette, Léonard JOUBERT du Bourg, Pierre MEYNIER des Moulins, Pierre LARCHER de Noyéras, Jean LAFARET de Plantadis, Léonard BONNET de Valeix, Jean MARQUET de Masmondeix, Jean PORTEFAIX de Biard, Pierre GUYOT de Moulin Neuf, Denis des CHAMPS de Biard, Léonard MAUX du Moulin de Madame, Pierre FRUGIER, François COMBROUSE du Bourg, François BEYMIER, Martial MARTIN de Sallas, Léonard GUYAUD de Valeix, Jean DUPUYROUX et Léonard FAURISSOU de Puyravaud, Martial PRADEAU et Jean AUVERT de Combrouze, Pierre CHARBONNIERAS de Valette, Léonard PRADEAU de la Mazeaurie.
Le Procureur de la Commune requis que la Garde fut autorisée à acheter deux drapeaux, offerts par Mr de GAY DE NEXON à la paroisse, et qu’ils devraient être bénis pour servir un à la Légion et l’autre pour la publication de la Loi Martiale en cas d’événement.
Le 28 Février 1790, le Maire réuni à nouveau la Municipalité chez lui, où le Procureur ouvrit un paquet contenant des décrets et lois de l’Assemblée Nationale sur l’organisation administrative, notamment la création des Départements, Arrondissements, Cantons et Communes, l’administration et les modes d’élections, les attributions des conseils municipaux etc.
L’article 1er de la loi du 22 décembre 1789 indique « Il sera fait une nouvelle division du royaume en départements tant pour la représentation que pour l’administration, ces départements seront au nombre de 75 à 85 ». L’article 2 stipule que « chaque département sera divisé en districts » et l’article 3 que « Chaque district sera partagé en divisions appelées cantons d’environ quatre lieues carrées ».
Le 7 Mars 1790, eut lieu la bénédiction des drapeaux et la présentation du serment civique comme suit :
La Municipalité suivie de la Garde Nationale, ayant à sa tête son commandant et ses majors, se sont rendus à l’Eglise, en deux lignes et au son du tambour, où la messe fut chantée. Celle ci terminée, le Procureur requis la bénédiction. Le commandant pris le drapeau de la Légion et le major celui de la loi Martiale et Mr le curé les fit avancer et procéda dans les formes ordinaires de droit à la bénédiction. Mr le Curé prêta le premier serment de fidélité à la Nation, à la Loi et au Roi et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution et les décrets de l’Assemblée Nationale. Le Commandant Philippe Ignace de GAY DE NEXON s’approcha de la table sur laquelle était placé l’Évangile et ayant tiré son épée il l’a posée sur celui ci et prêta le même serment ainsi que tous les fusiliers et officiers, de même que le peuple présent à la cérémonie. Il fut ensuite chanté un TE DEUM, puis la Garde reconduisit son Commandant en son château et tira une décharge de mousqueterie et unanimement on inscrivit sur le registre cette devise : « IN AETERNAM DONORUM DOMINI DOMINI DE GAY MEMORIAM » (en mémoire éternelle du Seigneur précisée par Maître de GAY DE NEXON)
Ce même jour furent lus et affichés à la porte de l’Eglise quatre décrets concernant les juifs dits Portugais et Avignonnais et Espagnols, la collecte des impôts, le paiement des octrois, droits, la perception des impôts pour l’année 1790.
Le 14 Mars arrivèrent, par plis portés à cheval, divers décrets de police et autres, notamment un décret portant sur les statuts des Religieux des couvents et des frères laïcs.
Le 11 Avril arriva le décret portant formation de 83 départements dont il est relevé que pour la Haute-Vienne le chef lieu est LIMOGES. Le décret décidant la division de la France en 83 départements a été voté par l’Assemblée constituante le 22 décembre 1789. Toutefois, leur nombre exact (83) et leurs limites furent fixés le 26 février 1790, et leur existence prit effet le 4 mars suivant.
Le département de la haute-Vienne est formé de six districts dont les chefs-lieux sont Limoges, Le Dorat, Bellac, St-Léonard, St-Yrieix et Rochechouart avec Tribunal Civil à Rochechouart.
Le 24 mai sont lus et affichés les décrets des 14 et 20 avril 1790 nationalisant les biens du clergé et mettant à la charge des dépenses publiques le traitement des ecclésiastiques. Ces décrets ne génèrent aucune protestation tant la dîme était décriée à la fois du fait de la charge qu’elle représentait pour le peuple mais aussi car les contribuables voyaient que les curés et vicaires des paroisses rurales n’en profitaient pas, certains satisfaisant tout juste leurs besoins. Inutile de dire que les pauvres des paroisses n’étaient pas non plus bénéficiaires des largesses du haut clergé !
Les personnes ayant plus de quatre cents livres de rentes devaient payer un impôt patriotique de 100 livres mais ces personnes n’étaient pas très chaudes pour payer cet impôt, aussi le 23 Mars 1790, la Municipalité réunie dressa la liste et mis en demeure une dernière fois ces contribuables.
A cette époque la Municipalité s’occupait de tous les litiges et autres chicanes, la mise en place des lois de l’Assemblée Nationale étant assez longue. Ainsi le 27 du mois de Mai 1790, le Maire étant absent, se présenta par devant les sieurs Annet TARRADE et Pierre SAZERAT, Officiers Municipaux, le sieur Jean Baptiste DUVERNEILH, notaire royal, habitant le bourg de Nexon, lequel a dit qu’il possédait au devant de la Place Publique, une maison avec jardin entourée d’une muraille joignant un chemin public qui partait de la Place publique pour aller en Cornedie. Or un sieur GUYOT Laboine, huissier, était également propriétaire de l’autre coté du chemin. Le sieur DUVERNEILH exposa que GUYOT s’était approprié la moitié du chemin public et qu’en outre il avait déposé des tas de bois, de matériaux et du fumier. Il requit que la Municipalité fasse rétablir les lieux et condamner le sieur GUYOT à 30 francs de dommages intérêts pour les pauvres de la paroisse. A 14 heures le même jour, les Officiers Municipaux disponibles se transportèrent sur les lieux et dressèrent un procès verbal constatant les litiges et entendirent contradictoirement les deux parties qui s’accusèrent de faussetés et qui requirent que lesdits officiers mesurent la longueur et la largeur du chemin, ce qui fut fait séance tenante. On ne retrouve pas trace de la décision rendue.
Le 2 juin le maire publie un arrêté condamnant les propriétaires de cochons entrant dans le cimetière à » trois livres d’amende en faveur des pauvres, et une plus forte en cas de récidive » ; cette décision faisait suite au fait que les jours précédents des cochons et des chiens avaient exhumé un cadavre et en avaient mangé une partie.
Le 7 juin 1790, une importante assemblée : l’élection des électeurs du canton.
Pour satisfaire l’art. 1° de la première section du décret de l’Assemblée Nationale relatif aux assemblées primaires et administratives et une ordonnance de M.M. LA NOUILLE de la CHEZE, avocat et Maire de St-Léonard, Jean François de DAVID Baron des RENAUDIES, Chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de St-Louis, Grégoire de ROULHAC du CLUZEAU, Ecuyer, nommés par le roi pour la convocation et formation des assemblées primaires et nomination des électeurs qui doivent composer le Département de la Haute-Vienne et districts en découlant, les citoyens actifs des paroisses de NEXON, MEILHAC, St-MARTINET, RILHAC LASTOURS, LASTOURS, St-HILAIRE LAS TOURS et JANAILHAC, au nombre de 715, furent convoqués dans l’Eglise de NEXON le 7 Juin 1790 à huit heures.
460 répondirent présents à la convocation et le sieur DEVERNEILH, doyen d’âge, pris place au bureau pour assurer la Présidence et GUYOT, notaire Royal, celle de Secrétaire. Les sieurs FAYE, docteur en médecine à NEXON, l’enclosure BOURGOIS de Plombard et VERGNOLLE Maire de RILHAC LASTOURS furent désignés comme scrutateurs. Le Président et le Secrétaire furent élus par acclamation et applaudissements à l’unanimité. Ils prêtèrent serment devant l’assemblée d’être fidèles à la Nation, au Roi et à la loi, de choisir en leur âme et conscience les personnes les plus dignes de la confiance publique et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui leur sont confiées. Mais plusieurs délégués émirent le vœu qu’il soit procédé à la désignation par scrutin de liste des trois scrutateurs, et non ceux qui avaient été désignés.
Ainsi en fut fait et au lieu d’un scrutin il fut procédé à cette élection par applaudissements et à l’unanimité les sieurs DESTHEVES, curé de Nexon, DESBORDES notaire Royal et Juge de Meilhac, Audonnet de LAFERRANDIE, avocat au Parlement furent élus et après serment remplacèrent les trois scrutateurs plus anciens d’âge.
Le Président après avoir rappelé qu’il fallait distinguer ceux qui pouvaient être élus et ceux qui ne pouvaient qu’élire, se fit présenter les déclarations des contributions patriotiques et extraits des rôles de chaque paroisse.
La séance fut brève, étant l’heure de midi, pour reprendre à deux heures, où les délégués réunis à nouveau procédèrent à l’élection par scrutin secret des sept électeurs du Canton.
Ceux qui ne savaient pas signer, et ils étaient nombreux, firent remplir leur bulletin de vote par les scrutateurs. Comme cette formalité fut longue et qu’à 7 heures le scrutin ne venait que de terminer, il fut décidé de placer les bulletins de vote dans un vase, de sceller ce dernier, de le placer dans une armoire de la Sacristie et de se réunir à nouveau le lendemain à 7 heures.
Le 8 juin à 7 heures le vase fut ouvert. Il fut constaté 470 billets et il fut procédé au dépouillement qui à l’heure de midi n’était pas terminé. Le Président pris de fringale leva la séance et invita ceux qui savaient signer à venir le faire. Sur 460 il s’en trouva 14 qui signèrent, les autres ne sachant pas. Les signataires sont notaires, huissiers, avocat, médecin ou curé. Dans le département Paul d’Hollander et Pierre Pageot estiment que moins de 15% des hommes et moins de 10% des femmes étaient capables de signer de leur nom ,« La révolution Française dans le Limousin et la marche » Privat 1989.
Le même jour de 14 heures à 19 heures le dépouillement continua et comme « aucun membre de l’assemblée n’avait obtenu de beaucoup prés la pluralité des suffrages », il fut décidé que l’assemblée poursuivrait ses travaux le 9 juin à 7 heures pour un deuxième tour de scrutin. Le 9 juin à 7 heures il se trouvait 567 votants dans l’église. Plusieurs membres exprimèrent le vœu d’en terminer au plus tôt. Toute l’assemblée prêta serment de fidélité et il fut décidé qu’il n’y aurait qu’un seul scrutin à la majorité relative avec vote sur appel nominal. Il y eut en fin de journée 567 délégués qui avaient voté. Il fut décidé que le dépouillement aurait lieu le 10 Juin à 8 heures.
Le 10 juin il fut procédé au dépouillement et furent élus : DESBORDES, notaire Royal, 318 voix ; GUYOT, Huissier, 252 ; DELIGNAC, bourgeois, 236; GUYOT, Notaire Royal, 234; FAYE, docteur en médecine et maire de Nexon, 220; de LAFERANDIE, avocat en parlement, 219 et VERGNOLLE, maire de Rilhac Lastours, 218. Furent élus suppléants : Daudet DESFOUR 195 voix ; SIRIEIX 173 ; TUILLIER 156 et TARRADE 156.
La famine.
Le 4 juillet 1790 le Procureur de la Commune requis la convocation du Conseil Municipal pour statuer d’urgence sur la cherté excessive des grains, sur la distribution du pain aux pauvres de la commune, qui se trouvent, par suite de la rareté et cherté, dans la dernière indigence, privés de toutes ressources et qui se voient exposés aux horreurs de la famine, les contribuables se refusant de donner l’aumône à ces derniers. Parmi les récalcitrants se trouvait un sieur BEAURIE. La Municipalité s’est réunie sur le champ et après avoir déclaré qu’elle était profondément émue par la compassion des pauvres de la paroisse, que leur état doit inspirer naturellement à chacun, et que par un devoir que prescrit l’Humanité auquel la religion attache une récompense éternelle, doit conduire chacun à payer l’aumône suivant ses facultés. Estime que sous peine d’amende envers chaque contribuable, il sera servi aux pauvres une livre et demie de pain par jour et à chacun, l’inventaire des grains permettant de faire ce geste. Et ce jusqu’au 21 juillet inclus, sans préjudice de proroger cette date s’il y a lieu pour retard de la récolte ou autrement. Décide de faire notifier le présent arrêté à chaque contribuable.
Cette disette provient du fait que la récolte de 1989 a été mauvaise à cause du mauvais temps mais comme celle de 1788 avait également été mauvaise à cause de la sécheresse et la grêle il n’y avait aucune réserve.
Les rendements du blé sont faibles car la terre n’est pas riche, il n’y a pas de fumier car il n’y a pas beaucoup de bétail on manque donc de farine et on ne peut donc pas faire de pain. D’où la grogne et parfois les révoltes. Il est pourtant essentiel dans la nourriture du paysan. Sans pain il reste les châtaignes…Hippolyte Taine dans « LES ORIGINES DE LA FRANCE CONTEMPORAINE. LA RÉVOLUTION : L’ANARCHIE » publié en 1878 considérait que la première cause de la révolution française était la disette due aux mauvaises récoltes, au rude Hiver de 1788 à 1789 et à la cherté et la mauvaise qualité du pain.
La grande peur
Le 29 juillet on attend l’arrivée de troupes d’Anglais. C’est la suite de la Grande Peur de Juillet 1789 ou les plus folles rumeurs annonçaient l’arrivée de brigands, d’anglais, voire d’Anglais ou d’Espagnols dont le nombre augmentait au fur et à mesure que la rumeur se répandait. Monsieur DEVERNEILH-PUYRASEAU raconte ainsi qu’alors qu’il discutait avec le curé DESTHEVES « nous vîmes apparaître…M. LABESSE, vicaire…Aux armes ! Aux armes ! s’écria-t-il d’un ton a moitié plaisant et moitié sérieux. Il nous raconta qu’un domestique de la maison des Cars portait pour nouvelles qu’un corps de dix mille anglais s’avançait de nos côtés, laissant partout la désolation sur son passage. Les villes de Confolens et de Rochechouart avaient brûlé et déjà Chalus était en feu…
Je rentrai bientôt à la maison. A peine s’était-il écoulé un quart d’heure que j’entendis sonner le tocsin… J’aperçus un groupe nombreux de personnes. On convint que le soir après souper, tous les hommes en état de s’armer se réuniraient au château pour de là s’aller poster sur les hauteurs qui dominaient le village du Courdein. »
Le 30 Juillet 1790 la Municipalité fut informée à 6 heures du matin, qu’il y avait un cadavre humain dans un bois appelé « des Serves » appartenant au sieur SAZERAT et que ce cadavre était le nommé MACHAU, métayer de Mr des ETANGS, qui se promenait dans le bourg le dimanche précédent .Aussitôt la Municipalité et le Procureur se transportèrent dans le bois où ils ont vu ledit cadavre sur la pelouse, et ils ont appelé le Sieur TARRADE LAVERGNE, Chirurgien major de la Garde Nationale, qui après serment a examiné, visité et ouvert ledit cadavre, sans qu’il ait pu découvrir aucune fracture, ayant seulement remarqué une petite égratignure à l’occiput, à la jambe droite et sur le coup du pied gauche, mais que cela provenait de sa chute. Que dans l’intérieur il n’a rien découvert qui ait pu occasionner sa mort, si ce n’est beaucoup de glandes avec du liquide ce qui annonçait une « Etropisie ». Qu’étant d’un âge avancé, il n’avait pas eu assez de force pour se relever. Il fut décidé qu’il serait inhumé dans les formes ordinaires.
Démission du maire.
Le 8 septembre 1790 le sieur FAYE, docteur en médecine, Maire, déclara qu’ayant été élu administrateur au district de SAINT YRIEIX, il donnait sa démission de la Mairie et se démettait de ses fonctions, priant les citoyens actifs qui l’avait élu de recevoir les hommages de sa reconnaissance et de vouloir le remplacer. Le même jour et dans les mêmes termes le sieur GUYOT, notaire royal, se démet de la charge de procureur.
Ce même jour le sieur BONNET fut désigné comme secrétaire greffier de la Municipalité de NEXON.
Le 11 Septembre 1790 la Municipalité a donné acte au sieur FAYE de sa démission, vivement affectée dans la perte qu’elle vient de faire dans la personne de son respectable chef, de « cet ange titulaire (tutélaire ?) qui sait si bien réunir le patriotisme le plus ardent, les talents les plus distingués dans la nouvelle administration des affaires publiques… La Municipalité pour lui prouver sa gratitude de la manière la plus authentique, la plus équivoque, vote à sa sollicitude, et à son zélé les plus solennel actions de grâce pour noble et louable emploi qu’il a fait pendant 8 mois. Le supplie de vouloir bien encore regarder la Municipalité d’un œil favorable, être dans les circonstances les plus difficiles son conseil et son appui tant que les importantes fonctions qui viennent d’être si bien placées en ses dignes mains pourront le lui permettre. Désigne deux membres de l’assemblée pour lui porter les vœux de la Municipalité et de la Population. Fixe les élections au 19 Septembre à 8 heures du matin, Dit que le tout sera annoncé et affiché à la sortie de la messe du 12 courant ».
Ce fut le sieur SIRIEIX Pierre qui fut élu Maire et administra la Paroisse de NEXON mais on ne trouve pas trace des délibérations qui ont porté Pierre SIRIEIX à la tète de la commune. On peut supposer qu’il a été élu le 19 septembre, date annoncée pour le remplacement de M. FAYE. On perd trace de son activité jusqu’au 22 Novembre 1790, où, réunissant l’assemblée municipale, il fut décidé conformément aux instructions reçues de procéder à la nomination d’un Juge de Paix pour le Canton de NEXON et de convoquer pour le 2 décembre tous les électeurs des municipalités du canton, dans l’Eglise de NEXON, pour y procéder.
Renouvellement de la municipalité.
A l’ouverture, le Maire SIRIEIX constitua le bureau formé des 4 plus anciens que l’assemblée désigna sous le nom de « vieillards », car ils avaient leur confiance. Les électeurs actifs au nombre de 60, les présents faisant pour les absents, furent informés qu’il s’agissait de renouveler la moitié des officiers Municipaux. Le Président déclara à son tour que la plupart des votants ne sachant ni lire ni écrire, étaient dans l’impossibilité de faire leur billet qu’il était donc nécessaire qu’ils se présentent au bureau pour les faire écrire, ce qui a été accepté par applaudissement, le vote aurait duré trop longtemps. On discuta fort, on procéda à des élections du bureau et ce fait, les officiers Municipaux furent invités à sortir par la porte du fond de l’église, car il allait être tiré au sort pour ceux qui allaient être renouvelable, par billet noirs et blancs (blancs maintenus, noirs renouvelables).
Le sort désigna comme officiers municipaux sortants les sieurs TARRADE et Jean DECOUILLAC et comme notables Jean JAYAT, Jean DOUDET, Jean VERGNOU, Jean NOUHAUD, Martial BEAUDOU, le sieur LAFARET étant décédé depuis quelque temps.
Au scrutin par billet, écrit par le bureau vu le nombre des illettrés (chaque votant désigna au bureau les noms à inscrire) furent élus officiers Municipaux, par 40 voix, BONNET maréchal et Pierre de VALETTE, fontainier à Valette, avec 36 voix. Le Président annonça à l’assemblée que maintenant il était question d’élire six notables pour compléter le Conseil Général de la Commune. Mais à ce moment, Mr le sacristain sonna le midi et l’assemblée décida de reprendre ses travaux à 2 heures.
Après appel nominal le vote eut lieu et furent proclamés élus : l’Abbé LABESSE vicaire de la paroisse, Gabriel MENIER de Verinas, Pierre BONNAUD d’Aixcette, Clément LELONG du bourg, Pierre ADAM dit Lallé, Jean RICHARD tailleur d’habits au bourg.
Alors que les scrutins étaient terminés, le sieur Jean BONNET élu le matin officier Municipal, déclara que vu son peu d’instruction, il ne pouvait accepter cette charge et donnait sa démission. L’assemblée dit que les raisons alléguées étaient vraies et décide de procéder à un vote pour son remplacement. Ce fut le sieur TARRADE qui obtint la presque totalité des suffrages. Tout le monde prêta serment encore une fois, car il en fut prêté six au cours de la réunion, et la séance fut levée.
Le 22 novembre le procureur syndic de saint-Yrieix annonce par courrier qu’il est nécessaire d’élire un juge de paix pour le canton de Nexon. L’assemblée des citoyens est convoquée le 2 décembre à l’église. L’élection ne figure pas dans les procès verbaux, ceux-ci ne relatent que la cérémonie d’investiture le 3 janvier 1791.
3- L’année 1791
Le Conseil Général de la commune formé des officiers municipaux et des notables se réuni le 2 Janvier, pour examiner les contributions patriotiques imposées à chaque contribuable de la commune, il les reconnu véritables et vota cette imposition. Il constata par la suite que tout le monde avait bien versé.
Installation du 1er Juge de Paix.
Elle eut lieu en grande pompe le 3 Janvier. Le 2 décembre 1790 avait été élu comme Juge de Paix le sieur Audonnet de LAFERRANDIE, homme de loi, Commandant de la Garde Nationale de RILHAC – LASTOUR, y demeurant au village des Combes. Il se présenta donc ce 3 janvier à 9 heures du matin au Conseil Général et à la population. Il fut accompagné à l’Eglise par la Garde Nationale et une Grande messe fut célébrée, l’Eglise était archicomble. Après l’Évangile ledit Juge de Paix, dit un grand discours et prêta serment entre les mains des Officiers Municipaux et désigna comme son greffier Jean Baptiste GUYOT qui rempli également les fonctions d’huissier et de porte-drapeau. La messe terminée, le sieur SAZERAT, Procureur de la Commune fit un discours au nom de toutes les municipalités du Canton et le Juge fut conduit en sa demeure où il dût tenir ses audiences.
Les faux assignats
Quelques assignats émis en 1790 et 1791, avec pour certains le portrait de Louis XVI.
Un assignat faux avec le cachet indiquant la falsification.
Le 13 Janvier se présenta un courrier qui invita la Municipalité à coucher et prendre copie de l’original du discours prononcé le 17 novembre dernier par le Procureur Général de la Haute-Vienne. Ce discours avait trait aux abus concernant les assignats qui dégénèrent en crime social, (le nombre des criminels étant déjà alarmant et la qualité des coupables ajoute encore a son énormité). Ce discours, d’une très grande violence, dénonçait les trafiquants comme des ennemis du Peuple, des accapareurs scélérats, des pervers exécrables, d’anthropophages moraux etc.
Le Conseil Général du département accepta des mesures sévères contre les trafiquants.
Les assignats étaient des titres de l’emprunt émis par le Trésor en 1789, dont la valeur est assignée sur les biens nationaux. Le fonctionnement de l’assignat est simple : la valeur d’un bien est divisée en assignats mais comme il est impossible de vendre tout de suite les biens du clergé, des billets seront émis, qui représenteront la valeur de ces biens par fraction. Il faut donc avant toute vente que les particuliers achètent des assignats auprès de l’État, ce qui procure de la trésorerie à l’Etat. Une fois la vente d’un bien réalisée, le produit de la vente est inscrit au registre civil et, lorsque les assignats reviennent dans les mains de l’État contre remboursement, ceux-ci sont détruits. Le risque est que l’Etat mette en circulation que la valeur réelle des biens nationaux ce qui entraînerait une perte de leur valeur et une inflation. Certains députés, par ailleurs bons économistes, comme Condorcet ou encore Du Pont de Nemours sont entièrement contre ce système. De plus, à cette époque, les billets sont facilement falsifiables. Un grand nombre de faux assignats sont fabriqués en Belgique, en Hollande et ailleurs avec la complicité du gouvernement britannique, alors tous ennemis de la France, qui cherchent ainsi à déstabiliser la France en accélérant la crise économique. Mais des français aussi sont tentés par la fabrication de faux assignats. On en prend et on les condamne à Limoges.
Les assignats deviennent une monnaie en 1791. Leur valeur est le plus souvent comprise entre 2 et 30 sols. Les assemblées révolutionnaires multiplient les émissions ce qui entraînent une forte inflation. Le cours légal des assignats est supprimé en 1797.
Un témoignage Angoumoisin montre l’importance de l’inflation dans les campagnes, la perte de valeur des assignats et l’avantage pour l’acheteur à payer en pièces d’or. Il s’agit d’une note de J.-F.-Eusèbe Castaigne en 1801* : «1795. – Le discrédit dans lequel tombèrent les assignats pendant le cours de cette année firent que les denrées de première nécessité et les marchandises de toute espèce montèrent à un prix étonnant et inouï jusqu’alors. S’il me fallait détailler ici ce que chaque chose se vendait, tout ce volume ne suffirait pas. Qu’il me suffise seulement de transmettre à là postérité ce que le boisseau de froment, pesant quatre-vingt livres se vendait plus de mille livres. Le boisseau de froment monta à près de cinq mille livres, et les autres denrées à proportion, ce qui faisait valoir la livre de pain quinze livres, la méture six cents livres le boisseau, le blé d’Espagne quatre cents livres; le vin jusqu’à deux mille livres la barrique ; les bœufs autrefois de douze à quinze louis se vendaient trente, quarante et cinquante mille livres, ce qui faisait valoir la viande huit francs la livre ; il en était de même proportionnellement de la chandelle, du beurre, de la graisse, du cochon qui se vendait jusqu’à trente livres, la livre, des étoffes et de tout ce que l’on puisse s’imaginer, soit clous, planches, charbon, bois à brûler, souliers, etc. Cela n’empêchait pas que ceux qui avaient de l’argent n’achetassent au prix ordinaire. Aussi le blé pour ceux-ci ne valait-il que quinze livres le boisseau et la barrique de vin cinquante à soixante livres.
*CHAUVET Petites notes d’Archéologie charentaise No VI. ANGOULÊME IMPRIMERIE OUVRIÈRE 1922Vers la fin de l’année personne ne voulait d’assignats. L’ouvrier ne demandait que du blé et avec cette denrée on était assez riche. Ceux qui cherchaient à amasser l’or et l’argent payaient un louis d’or jusqu’à quinze cents livres et l’on dit même qu’à Paris ils n’avaient plus de prix.
Les maisons et les terres se vendaient cent et cent fois plus qu’au temps du cours de l’argent ; on a vu à Angoulême une maison se vendre cinq cent mille livres que l’acquéreur voulut depuis donner pour six mille livres ; qu’on juge par cet exemple combien peu de cas on faisait des assignats qui ruinèrent plus de cent mille familles en France par, le remboursement qu’on leur fit en cette monnaie. Les propriétaires même furent réduits à la misère et sans le décret du 20 thermidor qui obligea les fermiers à leur payer la moitié de leur ferme en nature de grains, ils ôtaient entièrement ruinés en ce que l’assignat de vingt sols n’était pas prisé six deniers. – (Page 381.) »
Pour lutter contre l’utilisation de pièces et soutenir de lourdes amendes et de graves peines d’emprisonnement sont prévues pour toute personne surprise à ne pas payer en assignat ou à le refuser. Dès les premiers jours de la Terreur, le 8 septembre 1793, la non acceptation de l’assignat est déclarée passible de la peine de mort : les biens sont confisqués et le délateur récompensé. Ainsi le 7 mai 1791 la municipalité de Limoges a fait arrêter un nommé BORDIER qui s’occupait a la fabrication d’assignats de 200 et 300 livres. On a trouvé chez lui une partie des outils et des matières qui pouvaient aider à cette fabrication. Le 24 du même mois ont été emprisonnés les nommés DUNAD, VIDAUD et LAMI L’EVEQUE qui travaillaient a la la fabrication d’assignats de 2000 livres. Catherine VACQUAND, veuve Renoir, marchande quincaillière, domiciliée à Limoge, département de la Haute-Vienne, a été condamnée à mort comme distributrice de faux assignats, le 30 avril 1793, par le tribunal criminel du département.
Division de la commune en sections.
A partir de la fin du dix-septième siècle, la France, comme tous les pays européens, essai de réformer son système fiscal en créant un cadastre mais celui-ci ne fut réalisé qu’en 1850. Pourtant il y eu des tentatives comme l’article 2 de la déclaration royale de Louis XV du 21 novembre 1763 ordonnant la confection d’un cadastre général des biens-fonds, y compris ceux de la couronne, des princes et des privilégiés. Seuls quelques plans sont relevés sous Louis XV et Louis XVI. Ainsi en Limousin, Turgot continue le travail commencé par son prédécesseur Tourny. Le but est d’établir un relevé du territoire, le cadastre, afin d’arriver à une estimation plus exacte pour la taille.
Aux anciennes taxes et impôts, totalement injustes et inégales, la Révolution substitua le principe de l’égalité de tous devant l’impôt. Le mot impôt était banni du vocabulaire et remplacé par le mot plus populaire de contribution. C’est dans ces conditions que l’Assemblée constituante fait des contributions mobilière et foncière, les piliers de son nouveau système fiscal. Elles rapportent à elles deux, la presque totalité des recettes fiscales.
La contribution foncière, créée par la loi du 23 novembre 1790, est assise sur le revenu net des biens-fonds, c’est-à dire des propriétés bâties et non bâties, indépendamment des facultés personnelles des contribuables. Elle est substituée aux anciennes impositions des vingtièmes et des tailles.
La contribution mobilière porte sur tous les revenus issus d’autre chose que la terre ou le commerce (rente, bénéfice industriel). Elle est basée sur les signes extérieurs de richesse au prorata des revenus de chacun. C’est encore la municipalité qui a la charge de la collecter.
Aux côtés de ces deux contributions existent deux autres impôts qui connaissent des fortunes diverses pendant la Révolution : la patente, créée le 2 mars 1791 et acquittée essentiellement par les commerçants car elle atteint les bénéfices du commerce et de l’industrie, et la contribution des portes et fenêtres, créée le 4 frimaire an VII (24 novembre 1798) qui repose sur le nombre des ouvertures des maisons censées indiquer les revenus de leurs occupants
Le Décret concernant la contribution foncière des 20, 22 et 23 novembre 1790 ordonne aux Municipalités de former un « tableau indicatif du nom des différentes divisions de leur territoire, s’il y en a d’existantes, ou de celles qu’elles détermineront s’il n’en existe déjà ; et ces divisions s’appelleront sections ». Les limites doivent être claires et fixes, telles que des chemins, ruisseaux, limites d’un bois ou autres. Il n’y a là rien de neuf et les limites anciennes sont reprises, avec leurs points remarquables (bornes, arbres marqués, épines, etc.) et leurs enclaves bien connues par les habitants.
Le 12 janvier 1791 la Municipalité s’est réunie pour procéder à la Division de la paroisse de NEXON en sections et la séance dura toute la journée et fut fort animée. Elle eut lieu dans une salle réservée à la Municipalité pour y tenir ses audiences, mais il n’est pas possible d’en indiquer le lieu exact.
Après une très longue discussion les Officiers Municipaux se mirent d’accord pour diviser la commune en 13 sections comme suit :
1° Section : le bourg ou le centre*
2° Section : Village de Noyéras
3° Section : Valeix
4° Section : Eccete (Aixette)
5° Section : Biard
6° Section : La Garde
7° Section : Le Brouillet
8° Section : Les Pousses
9° Section : Sazerat
10° Section : le Plantadis
11° Section : La Jaye
12° Section : Valette
13° Section : Veyrinas
* « Première section dite du bourg ou du centre est la portion du territoire de notre communauté qui est limité sçavoir au levant par le ruisseau des biards, au nord par le ruisseau du moulin de letang, au couchant par le ruisseau de la lande et au midi par la section de Valette jusquau apartenaces de la Mazorie et de lartissie. »
Cette décision fut affichée immédiatement à la porte des séances et à la porte de l’Eglise afin que les propriétaires ne puissent invoquer la cause d’ignorance.
Le 23 Janvier, nouvelle réunion avec les notables afin de se transporter dans les dites sections, pour y faire le relevé des propriétés de chacun et de dresser un état indicatif pour être déposé au secrétariat de la Municipalité,
Il fut ensuite procédé à la désignation des Commissaires pour faire le travail ci-dessus. On relève les noms de BONNET, RAFFARD, DE VALETTE, LE LIARD, GUYOT dit Bigarot, CHIROL, DECOULHAC, GIZARDIN, BONNAUD. Ils devaient procéder à leurs opérations à compter du lundi 7 Février.
Le serment des prêtres et le refus de le prêter
Pour régénérer l’église de France l’Assemblée vote le principe du serment obligatoire. Le décret est promulgué par le Roi. « Par décret de l’Assemblée nationale, et conformément à la constitution civile du clergé en date du 24 août 1790, tous les ecclésiastiques prêteront le serment exigé un jour de dimanche après la messe, en présence du conseil général de la commune et des fidèles. Ceux qui ne le prêteront pas seront réputés avoir renoncé à leur office et il sera pourvu à leur remplacement. »
Les prêtres (et les évêques) doivent prêter le serment suivant : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse (ou du diocèse) qui m’est confiée, d’être fidèle à la nation, à la loi, au roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi. »
Le 7 janvier, commencèrent les prestations de serment dans les provinces. Elles furent échelonnées tous les dimanches de janvier et février 1791, à des dates différentes selon les diocèses. Seuls quatre évêques et la moitié des curés refusèrent de prêter serment dont un des vicaires de Nexon, le second vicaire, M. LABESSE, ne se présente pas.
Le pape Pie VI dans les brefs Quod aliquantum du 10 mars 1791, et Caritas du 13 avril 1791 demandait aux membres du clergé n’ayant pas encore prêté serment de ne pas le faire, et à ceux qui avaient déjà prêté serment, de se rétracter dans l’espace de quarante jours. Les élections épiscopales et paroissiales sont déclarées nulles. Les consécrations d’évêques sacrilèges. La publication des brefs étant interdite, ceux-ci circulent clandestinement et sont largement connus. Une situation de schisme divise le clergé en prêtres constitutionnels, désignés comme intrus et prêtres insermentés, désignés comme réfractaires. La rupture entre la Révolution et l’Église catholique semble inévitable.
Le 12 Février il se produisit un incident à l’occasion du serment de fidélité que devait prêter METAYER, un des vicaires de NEXON. A l’issue de la Grande Messe, la Municipalité et le Conseil des Notables se réunirent dans l’Eglise, pour faire prêter serment au dit Vicaire. Mais ce dernier, au moment de le faire apporta des restrictions et des interprétations à ce serment, comme le lui indiquait sa conscience.
Il fut invité à prêter ce serment purement et simplement. Il refusa à nouveau et le Conseil Général refusa de le recevoir dans d’autres formes.
Ce Conseil resta fort longtemps dans l’Eglise et comme le vicaire et Mr LABESSE, curé, ne se présentaient pas malgré l’ordre qui leur en fut donné par la Garde, il fut dressé un procès verbal de défaut.
Le Conseil Général en informa le district de Saint-YRIEIX le 9 Mars en priant ce dernier de bien vouloir nommer un nouveau curé en la personne du sieur Elie MARTIAL du Village des Moulins. Ce dernier reçu l’agrément de Monseigneur GAY DE VERNON, évêque de LIMOGES*, et du district de St-YRIEIX et il fut installé curé de la paroisse de NEXON le 10 avril dans les formes suivantes : Le Conseil Général de la Commune, la Municipalité se transportèrent à l’église de Nexon, où le peuple avait été convié à son de trompe de tambours et de cris, par la Garde Nationale. Là, Mr le curé MARTIAL prêta le serment, puis fut accompagné par la Garde Nationale à l’autel de l’église où il prononça un discours au Peuple, célébra une grande messe et signa à la sacristie le procès verbal de son installation.
*Gay de Vernon qui était curé de Compraignac a été élu évêque en remplacement de Monseigneur d’Argentré qui avait refusé de prêter le serment.
Le 6 juin se présenta de bonne heure devant la municipalité le Commissaire de la Commune, qui donna un arrêté du Directoire du Département ordonnant la fermeture de toutes les églises et chapelles autres que celles paroissiales, et que le culte ne pourrait y être célébré à nouveau que sur autorisation de l’Évêque.
Le 8 juin il fut procédé à la mise sous scellés des chapelles de Veyrinas, des Moulins et des Pousses. Mais le 25 juin, le sieur Des RENAUDIES fit porter un pli par un sieur DAVY des Pousses. Il s’agissait d’une lettre signée de DUMAS, procureur général du département de la Haute Vienne qui faisait état de la plainte de Monsieur des RENAUDIES contre ces fermetures. Le procureur rappelle que le décret ne vise que les lieux où est célébré un culte ouvert au public, et non celui des lieux particuliers, où n’assistent au culte que les personnes de la maison. Il prie donc la Municipalité « de procéder à la levée des scellés que vous avés apposés sur la chapelle de M. des Renaudies. » Il fut fait droit à la demande du procureur et le 26 juin les scellés ont été levés sur les trois chapelles.
Le 16 Juillet la Municipalité se réunit pour examiner diverses plaintes portées contre un sieur GUYOT qui d’après le règlement ne pouvait cumuler les fonctions d’huissier et de greffier. Le sieur GUYOT dû se démettre de ses fonctions d’huissier.
Nomination d’un collecteur des impôts
Chaque année les communes procèdent a la nomination au rabais d’un receveur des impositions foncières et mobilières et l’adjudication définitive de la recette. Les citoyens qui désirent cette fonction, rémunérée à tant par livre perçue pour la commune, font une mise à prix. Celui qui demande la plus faible rémunération par livre perçue d’après le montant des rôles est accepté. Les propositions dans les campagnes vont de 3 à 12 deniers à la Livre. (Une livre est divisée en 20 sous, chaque sou étant lui-même divisé en 12 deniers, la livre valait donc 240 deniers. Le collecteur demandait donc une rémunération variant de 1,25 à 5%.) La municipalité exige généralement que le receveur pour l’année présente comme caution un autre citoyen de la commune.
Le 20 Août, la Municipalité siégea en plein air sur la place publique, afin de mettre aux enchères au rabais la place de collecteur des impôts pour l’année 1791. La Garde Nationale passa dans les Villages et dans le bourg et cria plusieurs et différentes fois l’objet de la réunion. Il y eut trois amateurs : Gabriel TARRADE, Jean BONNET et Jean DESPLANCHES, et c’est ce dernier qui remporta l’enchère pour la somme de 377 livres de traitement.
Le 15 Octobre, réunion pour décider de l’entretien et de la conservation du Presbytère, des cloches, des sanctuaires et retables de la paroisse, le curé DESTHEVES émigré à l’étranger, ayant emporté les fonds destinés aux réparations. La municipalité constata que des réparations étaient urgentes et qu’il fallait trouver de l’argent. Il fut donc décidé de faire une saisie arrêt sur les sommes dues au curé DESTHEVES, ce qui fut fait le même jour en ces termes : «Nous maire et officier municipeau susdit vu le réquisitoire du procureur de la commune nous arretons quil est de linteret commun de faire saisir et arreté au prejudice de dt Sr Deteve sy devant curé entre les mains de ses débiteurs toute les sommes qui pourront lui etre dues en consequence, nous autorison le procureur de notre commune a faire toutes les diligence et saisie oppositions aux fin que dessus fait deliberé et arreté le dit jours mois et an que de lautre part et avon signé sauf les dit Rafard et Valette. Pradeau- Sirieix maire- tarrade off. ml. » Le sieur DESPLANCHES collecteur d’impôts a été chargé de l’exécution de cet arrêté.
Le 26 Octobre la Municipalité étudia une autre question très importante, un de ses membres ayant dit qu’à bref délai le bureau d’enregistrement de NEXON allait être supprimé. Qu’en ce moment même un commis, fait prendre tous les registres pour les faire transporter à CHALUS. Cette mesure porte la désolation dans les esprits, car il y a de Nexon à Chalus quatre mortelles lieux et chaque fois que les notaires et autres voudront faire enregistrer un acte cela fera huit lieux ; il y a encore trois ruisseaux à franchir qui grossissent à la moindre pluie, au point qu’il est impossible de passer car il n’y a pas de pont.
Aussi la Municipalité à l’unanimité procède à la saisie des registres en se transportant sur les lieux au domicile du sieur GIZARDIN, qui à cette époque enregistrait les actes et en référa immédiatement à l’Assemblée Nationale à PARIS.
Réorganisation de la garde nationale
Le 29 septembre 1791, l’Assemblée constituante votait une loi sur la Garde nationale, qui fut approuvée par le roi le 14 octobre 1791. La première section était intitulée De la composition des listes de citoyens, la deuxième De l’organisation des citoyens pour le service de la Garde nationale, la troisième Des fonctions des citoyens servant en qualité de gardes nationales, la quatrième De l’ordre du service et la cinquième De la discipline des citoyens servant en qualité de gardes nationales.
Il résultait de cette loi que seuls les citoyens actifs, c’est-à-dire pouvant voter et ayant une résidence continue depuis plus d’une année, pouvaient servir dans la Garde nationale. Dans les campagnes, se répartissait par cantons et par districts et non plus par municipalités.
Le 24 décembre le Procureur de la commune exposa à la Municipalité qu’il y avait lieu de mettre en application le décret concernant la Garde Nationale afin de faire exécuter les lois sans délai et de défendre les droits nationaux. Les citoyens vraiment attachés à la Constitution doivent se réunir sous l’étendard de la LIBERTÉ. La Municipalité décida :
1° de dresser une liste des citoyens actifs et de leur fils domicilié dans la paroisse,
2° de nommer des commissaires qui voudront bien y concourir, a savoir les citoyens Annet TARRADE, Jean DEVERNEILH, Gabriel TARRADE et Mathurin BONNET furent désignés pour ce travail,
3°qu’un double registre serait ouvert au bureau de la municipalité pour les inscriptions,
4°que les citoyens non actifs déclarés « bon pour le service » par la Révolution seraient également inscrits.
Le 25 décembre, le sieur MARTIAL n’avait pas encore remis les listes des contribuables éventuels et la Municipalité se fâcha tout rouge. Elle prit des mesures sévères et immédiates, en fit rapport au Département, et étant sans ressources, envoya l’état des Charges locales au Directoire pour être statué.