Ce parachutage a été décrit en détail par Maitre Georges Albert DURAND, avocat à Limoges et résistant en 1944. Il a écrit ce témoignage pour M. et Mme DUGOT, alors membres du Souvenir Français que présidait Michel ROCHE. Ils souhaitaient donner le nom de « Souvenir Français » à l’embranchement de la route de Ladignac et de la route qui va de Nexon à La Meyze.
Me DURAND est né le 20 octobre 1914 à Moscou. Il est décédé le 14 juin 2010 à Limoges. Après des études de droit à Limoges il devint avocat au barreau de Limoges en 1936. Cette même année il éffectua son servicé militaire d’abord comme élève officier puis comme sous-lieutenant au 502ème régiment de chars en garnison à Angoulême. Libéré en octobre 1938 après un service de 2 ans depuis la loi du 17 mars 1936, il reprend des études en vue d’un doctorat.
Dès le mois de mars 1939 il est rappelé comme réserviste dans son régiment à Angoulême. Il y est au moment de la mobilisation le 4 septembre 1939. Son bataillon est envoyé dans les Ardennes, à la frontière allemande ou il trouve le temps long jusqu’au 11 mai 1940 où il reçoit le baptême du feu. Il participe ensuite aux combats menés pour arreter l’avancée allemande et son comportement lui vaut l’attribution de la croix de guerre 1939-1940. C’est ensuite le replis et c’est à Montignac qu’il apprend, le 25 juin, la signature de l’armistice. Il rejoint Limoges le 7 aout 1940 et commence à exercer son métier d’avocat.
Le 15 février 1943, à Boulogne Billancourt, il épouse Madeleine SOULIGNAC avec qui il aura 5 enfants.
En 1944, répondant à l’appel du général KOENING, chef des FFI, adressé aux officiers de réserve, par l’intermédiaire de Madame DUTHEILLET de LAMOTHE, il prend contact avec le maquis de Glandon, à côté de Saint-Yrieix, appartenant à l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA). Engagé le 22 juillet, il rejoint ce maquis le 24. Il est affecté comme adjoint à la 9ème compagnie commandée par le lieutenant LE GUILLOU. Ils sont mal équipés, deux ou trois véhicules et pas d’uniforme, seulement des brassards.
A peine arrivé il est chargé d’assurer la préparation et le sécurité du parachutage qui va avoir lieu dans la nuit du 31 juillet au 1er aout près de Nexon.
Avant de décrire ce parachutage je termine le parcours de Me DURAND. Avec sa compagnie il participe à la libération de Limoges. la Haute- Vienne étant officiellement libérée le 12 septembre 1944 les maquis deviennent « régiment de Marche Corrèze-Limousin ». Me DURAND ne s’engage pas, il est mis en congé le 4 octobre 1944.
Il reprend son métiers d’avocat, fut élu bâtonnier en 1961-1962, et pris sa retraite le 31 décembre 1988.
Docteur en droit il assura les cours droit privé à l’Ecole de droit et c’est ainsi que je l’ai eu comme professeur pendant mes années de sciences économiques. Il nous savais pas particulièrement attirés par le droit aussi il utilisait dans son cours de nombreux exemples qu’il prenait de sa pratique.
Il n’a jamais oublié son engagement militaire et comme réserviste il franchit tous les grades jusqu’à celui de colonel (le plus haut grade possible pour un officier de réserve) le 1er octobre 1971. Il fut fait chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire le 11 novembre 1964.
La compagnie chargée des préparatifs du parachutage
Le maquis de Glandon qu’avait rejoint le lieutenant DURAND s’appelait aussi Maquis Saint Venant. Il était commandé par le Chef de Bataillon PAUTET qui a été blessé et arrêté à Limoges le surlendemain de son arrivée. C’est le Capitaine DUGROS (tué en Alsace l’hiver 1944) qui en a alors été le chef.
G.A. DURAND était le Lieutenant adjoint au Lieutenant LE GUILLOU qui commandait la seule Compagnie de combat constituée à 3 sections de Combat et une section de commandement, commandées par 2 Aspirants, 2 adjudants chefs et un Adjudant. Ce sera la 9éme Cie après la Libération de Limoges et l’entrée officielle dans l’O.R.A.
Il y avait en plus au Maquis un Capitaine d’Artillerie, le lieutenant VAUCHERAY et un Aspirant d’Aviation qui s’occupaient à mettre sur pied une autre unité mais n’avaient pas d’armes.
Pour la 9e Compagnie l’armement était très faible. Chaque groupe de combat avait son FM Canadien et 3 ou 4 fusils ou mitraillette STEN, mais trois volontaires de chaque groupe de combat n’avaient pas d’arme et ils devaient porter les munitions (très rares) et recueillir les armes des blessés ou des tués pour continuer le combat. Les Officiers et Sous-officiers portaient une Mitraillette STEN.
Ce n’est qu’après la Libération de Limoges (21 Août) que la compagnie a reçu un Bazooka et des grenades, mais elle avait du plastic.
Le Parc auto du Maquis était réduit à un petit camion UNIC et un et parfois deux véhicules de tourisme. Deux camions dont un diesel et un P 45 de boucher étaient prêtés lorsqu’il en était besoin.
Le Ravitaillement était assez facile en viande de veau et la Brasserie de Saint Yrieix fabriquait une petite bière pour le maquis.
Le moral était excellent et il fallait refouler des volontaires qui se présentaient chaque jour – surtout des jeunes de 15 à 18 ans venant surtout des communes de Janailhac, la Roche l’Abeille, Saint Yrieix et quelques-uns de Limoges.
La préparation du parachutage à J-1
Ce jour là, à midi, la majorité du Maquis était invitée à un grand repas à 400 mètres du Cantonnement, offert sans doute par un agriculteur ou le Docteur MEILLAUD le médecin du maquis et son épouse très passionnée. Au cours du repas, de quart d’heure en quart d’heure, un cadre quittait la table et allait relever un autre cadre à l’écoute d’un poste de T.S.F du commerce car ce n’est que le parachutage qui fournira un poste de l’Armée. Les chefs savaient qu’un parachutage était imminent.
A un certain moment le cadre à l’écoute rejoint le groupe transfiguré. Il vient d’entendre « LE JUS N’EST PAS DE CHAUSSETTE » qui annonce le parachutage. Nous continuons l’écoute ; Le signal est confirmé. Le Capitaine DUGROS nous précise que le parachutage aura lieu le lendemain soir sans nous révéler le lieu, que, peut-être, il ne connaît pas lui-même encore. Les volontaires comprennent qu’il y a du « BON » sans que nous leur en disions trop.
La copie du message qui etait adressée aux maquis après la validation du terrain de parachutage en confirmait les coordonnées et donnais le nom de code ainsi que la phrase annonçant le parachutage. Ici le terrain s’appelle MEDAILLON, le nom est répétune deuxième fois ainsi que la phrase répétée également une fois. ce message a été envoyé le 6 juillet. A partir de cette date il faut effectuer une écoute attentive de la radio afin d’entendre la prase qui annonce l’opération de parachutage.
Dans la matinée le Lieutenant Le GUILLOU après avoir vu le Capitaine DUGROS, me demande d’aller préparer le parachutage, non pas techniquement, mais en prenant contact à NEXON avec le dentiste M. DURENGUE qui actionnera les Résistants » LEGAUX » et nous obtiendra le camion de ramassage des ordures à Nexon pour transporter ce qui aura été parachuté, (camion plateau et son conducteur).
Le nom de M. DURENGUE n’est pas connu par les jeunes nexonnais et parmi les plus agés qui se souviennent du dentiste ils sont peux nombreux à savoir qu’il était le chef du groupe de résistants de Nexon. J’en ai fait souvent l’expérience et je traiterai dans un prochain article de la résistance à Nexon.
Vers Midi, repas pris, je pars avec le petit camion UNIC et le Caporal-Chef qui est son conducteur. Je crois me souvenir que je transporte aussi l’Aspirant d’Aviation pour qu’il aille vers une autre mission. En plus de nos 2 STEN je fais emporter le FM d’une Section.
Notre itinéraire par LA ROCHE L’ABEILLE, la MEYZE et jusqu’à Nexon est en pays ami, sauf raid de la garnison ennemie de Limoges. Nous arrivons à NEXON en pleine chaleur, le village est comme endormi, nous ne suscitons pour l’instant aucun intérêt.
Au bas de la place publique ombragée, je fais garer le camion et mettre le F.M. en batterie sur le débouché de la route de Limoges par la Station SNCF.
Presque aussitôt après, et avant que j’ai pris langue avec quiconque, une touriste peinte en Kaki de guerre débouche et s’arrête immédiatement à la première maison qui est battue par le FM. 3 individus non en uniformes en descendent sans nous voir pour entrer dans la maison qu’ils connaissent.
Mon tireur n’ouvre heureusement pas le feu. Je m’avance et j’apprends que les Maquisards qui l’occupent, un Commandant FTP parmi eux, se sont emparés la nuit de cette auto allemande et viennent de mettre le feu au Camp de NEXON, près de la Gare.
La sirène municipale retentit, le village s’éveille, les pompiers accourent. C’est là que je ferai connaissance du Caporal LAGORCE, qui nous rejoindra et s’occupera de notre service auto. Je rencontre également Me Antoine COISSAC alors avocat.
Par les Maquisards que fort heureusement je n‘ai pas fusillés, j’apprends que au moins jusqu’à la BRIANCE nous sommes en territoire ami – Je renvoie alors mon petit camion à 2 Kms au SUD, au lieudit Les Landes où il sera plus discret.
Je voudrais faire mes liaisons sans armes mais mes volontaires insistent et je garde ma STEN.
Vers 16 Heures, je suis chez le dentiste M. DURENGUE, qui est tout à fait coopérant. Mais je suis assez inquiet car tous ceux que j’ai rencontrés sur les 500 mètres de ma traversée de NEXON parlent tous du Parachutage de CETTE NUIT ; Et LIMOGES n’est qu’à 20 Kilomètres.
Je vérifie que nous pouvons compter sur le camion et une dizaine de LEGAUX. Le point de parachutage m‘est indiqué, très grossièrement, mais il doit être équipé par une équipe de spécialistes travaillant hors de nos Maquis. J’apprends également qu’une section du Maquis de CUSSAC est prévue pour la protection du parachutage mais personne ne peut m’indiquer comment prendre liaison et personne de l’A.S ne se présente.
Devant cette situation je décide :
- de persuader le dentiste et les résistants locaux de faire courir le bruit que le parachutage n’aura pas lieu – Ce qui sera fait.
- de faire porter un message au GLANDON, par qui ? pour solliciter un renfort pour protéger sur les lieux le parachutage encore qu’il y aura sur le site les techniciens et des éléments de notre maquis dont notre Maître Armurier GOURDOUX et le camion et les LEGAUX que j’amènerai.
- Pour corroborer le bruit que je fais courir qu’il n’y aura pas de parachutage, je regagne à pied les LANDES ou est garé mon petit camion.
Le soir venu un petit renfort m’arrive et nous redescendons tous à NEXON ou nous soupons (FM en batterie) en attendant la nuit tombée et le camion avec quelques LEGAUX. Ce camion me transporte au lieu du parachutage que j’ai en fait, ignoré jusque-là et que je n’ai pas reconnu.
Le Parachutage
Sur les lieux je constate que l’organisation technique est en place avec un responsable, peut-être GOURDOUX ?
Mais lorsque tous ceux qui étaient là et qui sont venus avec moi sont mis en place pour le parachutage il ne me reste que deux volontaires pour la protection des accès, c’est à dire de la petite route qui franchit l’étroit vallon où nous allons recevoir le parachutage, mon Caporal-Chef et un élève instituteur alsacien. D’où nouvelle inquiétude pour moi.
Je propose aux LEGAUX d’abattre un arbre des 2 cotés mais ce sont des agriculteurs qui ne sont pas d’accord. J‘en suis réduit à poster un volontaire seul à 300 mètres environ du fond du vallon, de part et d’autre, tandis que je resterai sur la route au centre du dispositif.
Du fait de notre faiblesse, je donne l’ordre très strict d’ouvrir le Feu sur tout véhicule qui pourrait paraître suspect ne serait-ce que pour donner l’alerte et freiner. Je reste sur la route plutôt du côté Limoges c’est à dire desservi par la RN Limoges -St Yrieix que nous avons traversé en venant de Nexon et du coté où est posté l’élève-instituteur dont j’ai très malheureusement oublié le nom.
Aux premières heures de J + 1 un -bruit de camion se fait entendre de ce côté-là. Puis apparaît un homme en uniforme sombre accompagné de mon volontaire mitraillette au poing. Il se fait reconnaître comme le chef du Maquis de CUSSAC venant protéger le parachutage et en prendre sa part. Son détachement a été retardé et dérouté par divers abattis d’où son très grand retard. Un autre drame, 2 pour la journée, a été évité par le sang froid de mon volontaire qui n’a pas ouvert le feu dès l’arrivée du camion de l’A.S. et du Lieutenant qui a joué le jeu de se faire amener vers moi désarmé et encadré. Or le maquis A.S. était vêtu de tenues semblables à celle de la Milice, bleu foncé. Encore ma BARAKA et je vais d’autant plus pouvoir jouir du parachutage que nous avons maintenant une protection suffisante.
Presque aussitôt après cet incident (je crois) bruit d’avion et, très vite un énorme quadrimoteurs plonge sur nous et parachute, avec une admirable précision, ses containers dans le vallon étroit, profond et mal commode qui est son objectif.
Admirable vision qui reste inoubliable pour nous !
On roule les parachutes qui feront plus tard d’admirables corsages à nos femmes, on déballe les containers et une sorte de marché s’organise pour la répartition entre notre maquis et l’A.S. Notre Maître Armurier est un négociateur ou un débrouillard remarquable ; Nous aurons la plus grande part du parachutage.
Deux heures plus tard nous quittons les lieux, l’A.S. vers CUSSAC et notre gros camion chargé vers le GLANDON.
Toujours méfiant d’une réaction ennemie, après parachutage, je choisis un itinéraire détourné par JANAILHAC puis LA ROCHE L’ABEILLE avant de rejoindre nos cantonnements par SAINT YRIEIX et Le GLANDON. Mission terminée au petit matin.
Le terrain MEDAILLON est décrit dans le message en prenant la carte Michelin de 1940, pli 17…Me DURAND situe le lieu du parachutage en se situant au carrefour des Landes donne comme lieu de parachutage un terrain sur la route de La Mazaurie à 300 m maximum du carrefour.
Le parachutage a été réussi. L’avion, emportait 19 containers, 6 de type H pour le matériel de sabotage et de petits armements et 13 de type C pour les armes. A partir de ce parachutage les maquisards ont eu des armes, principalement des pistolets mitrailleurs Sten et des munitions.
Me DURAND est venu à Nexon en 1994 à l’invitation de l’association « Le Souvenir Français ».
Laisser un commentaire