Archives de catégorie : XX siècle

Les américains à Nexon en 1918, quelques compléments.

Quelques photos pour compléter les articles publiés le 27 juillet 2015, « Nexon, une étape pour les soldats américains.. », et le 6 juillet 2018, « En 1918, 2 soldats américains se marient à Nexon ».

D’abord une photo prise par Martial DESPLANCHES, né en 1873, horloger place de la mairie à Nexon. Ce sont deux soldats américains dans une cariole. Ces jeunes étaient tous surpris par les modes de vie en France et ils prenaient des photos qu’ils envoyaient à leurs parents. Le jeune garçon en habit blanc avec un chapeau, à gauche, indiqué par une croix, est René DESPLANCHES qui sera lui aussi horloger à Nexon. Il a 9 ans.

Les autres photos ont été prises au château de La Garde. L’épouse du baron Auguste de Nexon, Gertrude RICARDO, était anglaise. Elle faisait venir d’Angleterre des nurses afin que leurs enfants parlent régulièrement l’anglais.

Quand les américains sont arrivés en France Robert, le quatrième fils du baron Auguste de Nexon, avait 28 ans. Au moment de la déclaration de guerre il effectuait son service militaire comme officier de cavalerie. Son brillant comportement pendant les combats lui avait valu d’être rapidement promu capitaine. Détaché comme officier de liaison auprès de l’armée américaine il favorisa le séjour d’un régiment à Nexon. Les officiers, ceux qui étaient logés au château de La Garde et ceux qui logeaient en dehors de Nexon, se retrouvaient pour des réceptions ou des parties de tennis avec les jeunes enfants du baron. Plusieurs photos, confiées par le baron Ferreol, montrent la famille de NEXON avec les officiers américains du 66ème régiment d’artillerie (66th CAC).

La partie de tennis vient juste de se terminer et tout le monde est réuni pour la photo. Le baron Auguste est au second rang, au centre, derrière le Colonel HOWELL. A la droite de celui-ci sur la photo, la baronne Gertrude de NEXON, née RICARDO. Sa fille Thérèse est à coté d’elle et Claire à l’autre extrémité du banc. Entre Claire et le colonel se trouve le Major MONROE.

Au second rang, à droite du baron, le Lieutenant Colonel KERFOOT. C’est lui qui commande le détachement qui séjourne à Nexon, l’autre partie du régiment est à Aixe sur Vienne. Les trois officiers supérieurs sont en uniforme et n’ont pas joué au tennis. Les trois officiers qui ont joué sont en tenue décontractée. Ils ont du jouer avec les trois filles qui, elles, sont en tenue de sport blanche. Marguerite est la première à gauche au second rang, à coté d’elle son frère Georges de NEXON, qui a 18 ans, est en costume et cravate. Il est à coté du capitaine HATCHER qui vient de disputer une partie de tennis. A coté du Lieutenant Colonel KERFOOT se trouve le capitaine RANNEY. Le dernier officier n’est pas identifié.

On remarque que pour être admis au château il faut au moins être capitaine. L’un deux pose dans l’allée qui y mène, en arrière plan sans doute la voiture du colonel.

Une autre photo a été prise un autre jour, également après une partie de tennis. On y retrouve pratiquement les mêmes personnes.

le Baron Armand de Nexon est décédé en 1912, sa veuve, née Chérade de MONBRON, est assise au premier rang, à l’extrême droite, à coté de la baronne Auguste de NEXON dont l’époux est absent. On dit que n’étant pas aussi à l’aise en anglais que son épouse il n’était pas aussi souvent présent qu’elle pour discuter avec les officiers. Une des filles qui était absentes sur la photo précédente, Jeanne, est ici la deuxième au premier rang à coté de sa sœur Thérèse qui tient sa raquette à la main.

Dans une lettre qu’elle a envoyé à son oncle Ferréol sa tante Claire, qui avait 15 ans en 1918, écrit :  » Nos amis HATCHER et RANNEY jouaient aux tennis avec nous, surtout avec mes sœurs ainées car les plus jeunes avaient surtout le droit de rouler et marquer le tennis et ramasser les balles. On jouait tout de même après. Ces officiers étaient très gentils. Ils nous ont aussi appris à danser…

Je me suis rappelé quelques noms. Je ne suis pas sur du colonel qui est assis. On le voyait peu. C’est KERFOOT qui commandait à Nexon. Ils aimaient chanter. Un soir ou mes sœurs ainées avaient chanté au piano des Negro spirituals, HATCHER avait pleuré… »

Il y a sans doute des photos de Nexon aux Etats-Unis. Les courriers que j’ai envoyé n’ont pas permis d’entrer en contact avec des familles de ces anciens soldats. M. LAVAUD qui a fait un très important travail sur la présence américaine à Aixe et Chalus a pu joindre les descendants d’un soldat qui était à Aixe. Il m’a confié quelques une des photos qu’il a reçu.

D’abord à Aixe sur Vienne : Les soldats sont toujours attirés par les charrettes tirées par des bœufs, choses qu’ils ne connaissent pas aux Etats-Unis, les églises qu’ils prennent pour des cathédrales, le tramway, les cimetières avec les nombreuses perles sur les croix … mais aussi les moments de leur propre vie avec leur toilette à la pompe, les séances d’épouage ( cootie= poux)…

La toilette

A Chalus on les voit toujours intéressés par les vieilles pierres dont ils manquent chez eux. Ils se font prendre en photo dans les ruines du château ce qui permet de voir les changements entre 19118 et 2020..

Concert sur la place

Pour reprendre les derniers commentaires …

L’auteur du blog sur Saint Yrieix la Perche nous invite à regarder plusieurs sites qui traitent du barbichet, ceci pour actualiser le chapitre que j’ai consacré au barbichet le 6 novembre 2017 : https://etsinexonmetaitconte.fr/wp-admin/post.php?post=2363&action=edit

Il commence par une photographie qui lui donne la nostalgie du barbichet : https://saintyrieixlaperche.wordpress.com/2020/12/27/jai-la-nostalgie-du-barbichet/

Puis il nous donne l’adresse de deux sites limousin qui consacrent un article au barbichet

L’eicolau dau barbichet : https://eicoladaubarbichet.jimdofree.com/costumes/

Lou rossigno do limouzi : http://www.lourossignodolimouzi.fr/le-barbichet/

Un autre correspondant m’a envoyé des photos en me demandant si elles correspondaient au domaine de La Vigne appartenant à la famille MAZEAUD. Ayant eu par M. jacques MAZEAUD que certaines avaient bien été prise à La Vigne j’en extrait deux ou l’on voit le groupe des servantes en costume limousin, devant la maison, dans les années 1880-1890, les photos ayant été tirées de plaques photographiques.

L’article sur La Vigne et les MAZEAUD a été publié le 10 mars 2019 : https://etsinexonmetaitconte.fr/wp-admin/post.php?post=3213&action=edit

Recherche d’informations sur la famille BALAIZE.

Claude BALAIZE qui a 85 ans et habite Senlis cherche des informations sur ses arrières grands parents qui ont vécu à Nexon.

Yrieix Balaize, son arrière grand-père est né le 27-05-1849 à Le Chalard et décédé à Nexon le 12-10-1908. Il a été inhumé dans le cimetière communal (concession 289).

Quant à son arrière-grand-mère, veuve Balaize, elle est née Marie Eléonore Léonard le 21-03-1849 à Rochechouart et décédée à Nexon le 20 janvier 194. Il n’y a pas de registre des inhumations qui remontent a cette date donc on ne sait pas si elle est inhumée dans ce caveau.

Ces deux personnes se sont mariées le 09-05-1871 à Rochechouart. Ils ont eu une fille, Balaize Marie Louise, née le 11-04-1872, veuve en 1ères noces de Gabriel Meunier-Quinsac, veuve en 2èmes noces de François Lelong, maire de Nexon. Elle est décédée le 21-07-1960 à Tulle. François Lelong est mort à Nexon le 27-03-1925.

Balaize Yrieix a d’abord été instituteur et ensuite Agent voyer et il aurait été un citoyen « actif » à Nexon !

Merci à tous ceux et celles qui pourront apporter des informations.

Un très bel article sur le baron Robert de Nexon dans la revue BeBridge de Novembre – Décembre 2020.

Robert de NEXON a non seulement été un grand joueur de bridge et sans doute le seul nexonnais à avoir conquis un titre de champion du monde mais il fut aussi un brillant officier et un chef d’entreprise performant. Marc MECHENOUA, qui a écrit l’article que lui consacre la revue BeBridge, a eu connaissance de mon blog et nous avons longuement échangé sur le sujet qu’il souhaitait traiter. Il m’a autorisé à mettre son article ainsi que le numéro de la revue sur mon blog, ce que je fais avec plaisir.

Que l’on soit ou non joueur de bridge on ne peut qu’apprécier la qualité de BeBridge. Cette revue a pris la suite du très ancien Le Bridgeur en le modernisant et en abordant des sujets comme la musique, le cinéma, la musique, la gastronomie …

Bonne lecture.

Les évacués de Buhl racontent leur arrivée à Nexon

A la suite de mon article sur les évacués de Buhl, Monsieur Robert BALL m’a envoyé un article qu’il a publié dans le Bulletin communal de Buhl pour l’année 2019. C’est l’histoire de son village pendant la deuxième guerre mondiale avec une première évacuation vers la Haute-Vienne, d’abord à Darnac puis à Nexon. Il décrit le choc que cet épisode a créée chez les 335 habitants du village, alertée par le tocsin le 1er septembre 1939 et recevant l’ordre d’évacuer en 2 heures en emportant 30 kg d’effets personnels. Après 8 jours de marche et d’arrêts plus ou moins longs c’est le départ en train, sans confort et sans hygiène. Puis c’est l’arrivée au Dorat et le choc des cultures. Un grand nombre des Alsaciens ne parlaient pas un mot de français ce qui fait qu’ils ont parfois été traités de « Boches ». Mais outre la langue tout les séparaient des Limousins: le paysage, le climat, l’habitat avec des fermes dispersées alors les fermes en Alsace sont toutes regroupées dans des villages, le travail des champs avec des bœufs alors que chez eux on utilise les chevaux, la nourriture, la boisson…

La photo est prise en haut de la rue Pasteur.

Avec l’armistice c’est le retour à la maison mais une maison sous occupation et une germanisation forcée accompagnée d’un endoctrinement. C’est particulièrement dur pour les jeunes de 17 à 25 ans soumis au service du travail, le « Reichsarbeitsdienst ». puis à partir du 26 aout 1942 l’incorporation de force dans la « Wehrmacht ». La fin de l’année 1944 a été très difficile. L’arrivée des troupes américaines à Buhl le 14 décembre 1944 ne donne pas lieu à une liesse débordante car ce qui reste de l’armée allemande se prépare à une vaste offensive contre les Alliés. Des combats violents opposent le 315e régiment d’infanterie US à la 21e Panzerdivision. le 14 janvier 1945 des bombes tombent sur Buhl. Les habitants évacuent pour la seconde fois leur village qu’ils retrouveront en partie détruit, à partir du 16 mars après que la grande offensive lancée par la 2ème DB du général Leclerc ait permis la libération des villages alsaciens. Cette fois ci c’était la joie et le début d’une nouvelle vie pour cette population qui en 75 ans a changé 4 fois d’appartenance politique.

J’avais une image imprécise de la ligne Maginot. J’ai découvert que Buhl se trouvait en plein milieu de ce qui n’est pas une ligne mais un couloir de plusieurs kilomètres de large avec des postes d’observation près de la frontière, puis, environ 5 kilomètres en arrière de la frontière, une ligne de points d’appui et d’avant postes avec des blockhaus antichars devant opposer une première résistance et, à 10 kilomètres de la frontière, la LIGNE PRINCIPALE DE RESISTANCE précédée d’un obstacle antichar, un champ de rails plantés verticalement. Celui-ci est combiné avec un obstacle anti-personnel fait de réseaux de fil de fer barbelé très dense et d’ardillons, petites pointes émergeant du sol. Des barrières routières antichars permettaient d’obstruer les routes aux points de passage dans le champ des rails. Les casemates sont armées de mitrailleuses et de canons antichars. Elles ont généralement 2 étages, un niveau de combat et un étage inférieur de repos et de services (groupes électrogènes, réserves d’eau, de carburant, de vivres, ventilation, etc.). Elles sont surmontées de 1 à 2 cloches de guetteur et leur équipage est de 20 à 30 hommes.

Buhl se trouvait entre les avant-postes et la ligne principale de défense.

es constructions ont été réalisées par les Sections Techniques du Génie (STG) ou par la Main d’Œuvre Militaire (MOM).

Voici les 20 pages du texte de Robert Ball. Elles nous permettent de comprendre les drames vécus par les habitants de cette région et, avec eux, militer pour que nos enfants et petits enfants vivent dans une Europe en paix qu’il nous faut consolider.

Hommage au Docteur Rose FORGERON (1926-2020)

Quelle ne fut pas ma stupeur en lisant mon journal de voir l’avis d’obsèques de Rose FORGERON. Depuis quelques semaines je sentais bien que la fatigue prenait le dessus mais j’étais loin de penser à une fin aussi rapide.

J’ai pris contact avec Rose FORGERON à la suite de ses commentaires sur mon site. J’ai découvert alors une personne passionnée par l’histoire de Nexon, soucieuse de l’exactitude des faits et attachée à la « vérité historique ». Après quelques échanges par mail et par téléphone elle m’a invité à lui rendre visite, chez elle, à Limoges.

C’était un véritable plaisir de passer quelques heures avec elle. Lors de ma première visite je n’ai pas été surpris lorsque je l’ai vue. La ressemblance avec sa mère était frappante, même physique, même autorité naturelle. L’autorité de sa maman avait marqué tous les gamins de Nexon qui, quelques sous en poche, allaient faire un tour dans le bazar de Madame VIGNERON, véritable caverne d’Ali Baba dans laquelle on trouvait toujours quelque chose, ne serait-ce que quelques minutes de rêve. L’autorité de sa fille se lisait dans son regard et dans ses mots. Elle était le fruit de ses connaissances et de sa mémoire. Plusieurs fois elle a corrigé des erreurs que j’avais faites dans les prénoms de personnes qu’elle connaissait bien ou lorsque je lui posais une question et qu’elle me répondait « je vous l’ai déjà dit ».

J’ai aimé ces moments où, assis dans la cuisine plutôt que dans le salon pour profiter de la table ou il était facile d’étaler cartes postales, photos et vieux papiers. A chacune de mes visites elle avait préparé des documents. Conservatrice elle avait de nombreux albums, boites, cartons remplis de documents hérités de sa famille et enrichis par ses soins. Sa maman était une des rares nexonnaise qui dès les années 1930 possédait un appareil photo. Dépositaire de presse elle avait fait éditer des cartes postales et conservait des clichés des événements marquants comme les ostensions, les fêtes et bien sur la Libération. Je n’ai pas eu le plaisir de tout voir car elle en a beaucoup prêté, en particulier les ostensions et elle ne les pas tous revus. Cela la contrariait beaucoup.

Le temps passait toujours trop vite mais la pause-café était toujours la bienvenue au cours de ces moments studieux, elle me permettait de changer de sujet.

Désireuse de perpétrer la mémoire des anciens commerçants de Nexon elle a retracé toute l’histoire des commerces dans les rues principales de Nexon. Je n’avais plus qu’à illustrer, compléter. Ses lettres étaient toujours d’une belle écriture, très lisible, au contraire des ordonnances de beaucoup de médecins aujourd’hui, sans ratures tellement elle avait cherché avant d’écrire. Elle a commencé par la rue Gambetta, ancienne rue du Nord, la rue ou elle est née en 1926. Elle commence par dire qu’elle est heureuse d’être née à Nexon et cela se sentait dans ses propos. Elle voulait que Nexon soit mise en valeur et pour elle mon blog y contribuait. Mais elle ne recherchait rien pour elle, elle me disait « ne parlez pas de moi ». Par contre elle aimait dire des personnes qu’elle connaissait « c’était ma petite camarade ». Elle a insisté pour que la municipalité rende hommage à l’une d’entre elles, Lucienne LELONG. A son décès, comme elle n’avait pas eu d’enfant, elle a fait don de son patrimoine à la commune qui parlait alors de l’héritage MARCOFF. Elle n’aimait pas que seul le nom du Docteur MARCOFF soit associé à la médiathèque construite grâce à ce don. Elle m’a demandé d’utiliser mon site et de contacter le maire pour que le nom de Lucienne LELONG soit associé au nom de son mari puisque la plus grosse partie de leur fortune immobilière venait des propriétés dont elle avait hérité de son père, le docteur LELONG. Elle a été satisfaite lorsque la réalisation de l’« Espace LELONG-MARKOFF » a rétabli ce qu’elle considérait comme la vérité historique. C’est ce côté « battante » qui m’a beaucoup frappé et qui m’a rappelé sa mère, une des rare femme résistante à Nexon.

Depuis quelque temps je lui avait dit qu’en 2020 j’écrirai sur la période 1940-1945, 80 ans s’étant écoulés depuis les événements dont il a toujours été difficile de parler à Nexon. Elle a donc commencé à rassembler ses souvenirs mais dans son dernier mail, le 9 août, elle m’écrivait « J’ai essayé d ‘écrire quelques pages sur la guerre 1939-1945, je n’y arrive pas, çà me rappelle trop de mauvais souvenirs ». C’est en pensant à elle et à tous ceux qui ont vécu ces moments douloureux que j’écrirai sur cette période.

Au début de l’année 2018 une chute ayant entraîné une fracture du col du fémur elle a du être hospitalisée. Cet accident a modifié le style de nos rencontre. Nous correspondions surtout par mail et elle espérait que je puisse rapidement reprendre le rythme de mes visites. Elle ne pouvait plus conduire et venir à Nexon comme elle le faisait régulièrement. Je devais visiter ce qui fut le café de La Promenade et sa grande salle de théâtre, y sentir l’atmosphère des années 1900, parcourir les vieux journaux mais cet accident a changé sa vie…

Elle qui était médecin a très mal vécu son séjour à l’hôpital. Très soucieuse de la relation à l’autre elle a souffert de n’être considérée que comme un cas et non comme une personne. Elle a été choquée que l’on ne voit que la personne âgée alors qu’avant sa chute elle ne pensait pas à son âge tant elle était dynamique et active. Lorsqu’elle m’a écrit : « C’est lamentable ; le manque d’empathie de tout le personnel hospitalier me désespère, on ne voit pas votre maladie, on voit votre âge », elle devait se revoir, jeune médecin de santé scolaire faisant passer les visites médicales aux jeunes élèves. J’ai passé trois visites à Nexon à ce moment là et elle prenait le temps de réaliser un examen complet et pourtant nous étions nombreux, nous les enfants du « baby-boom ». Elle était admirée car, à cette époque, il n’y avait pas beaucoup d’enfant né à Nexon qui soit devenu médecin. Si pour la suite de sa carrière elle a choisi la voie de l’administration de la santé elle restait très attachée à la relation humaine.

Mon carnet de santé avec les visites médicales par le Docteur VIGNERON

Avant d’aller au lycée et de poursuivre ses études en faculté de médecine elle avait fréquenté l’école religieuse. Elle se souvenait de ma mère plus âgée qu’elle de deux ans. Elle m’a donné une photo de sa classe, une des rares ou on la voit car elle n’aimait pas être photographiée. Elle gardait de son éducation religieuse un attachement à l’Eglise. Elle m’a montré des prières que sa mère écrivait pour les cérémonies en l’honneur des soldats américains qui stationnaient à Nexon en 1918 dont certains logeaient chez ses grands parents.

Nexon 15 novembre 1931. Rose Vigneron avec le nœud blanc dans les cheveux

Son parcours scolaire et universitaire a été brillant, comme son parcours professionnel. Il l’a conduit à diriger la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, la fameuse DDASS dont elle devait être l’une des rare femme directeur. Elle n’aurait pas aimé que j’écrive « directrice », fidèle à la tradition dans laquelle elle a été élevée.

A la tête de la DDASS je suis certain qu’elle a toujours cherché à garder au même niveau le coté sanitaire et le coté social de cette institution. Une fois à la retraite elle a toujours suivi les activités des associations qui s’occupent des « enfants de la DDASS » et assistait à leurs assemblées générales.

Le docteur Rose Forgeron chez elle ( Merci à sa fille, Pascale Forgeron – Sirieix)

Son départ rapide a surpris tout ceux qui la connaissaient. Elle laisse un grand vide et pour paraphraser l’écrivain et historien malien, Hamadou Hampâté Bâ, je dirai qu’avec sa mort c’est une bibliothèque qui a disparu.

Mes condoléances à sa fille Pascale et ses petits-enfants Clément et Eloi.

Les réfugiés (évacués) Alsaciens en Juin 1939 : 335 seront hébergés à Nexon

Pendant presque un an, de septembre 1939 à septembre 1940, 67 000 Alsaciens originaires du Bas-Rhin ont vécu dans la partie rurale de la Haute-Vienne, Limoges ayant été exclue à cause du risque de bombardement qui pesait sur elle. En quelques jours la campagne limousine a vu sa population augmenter d’un tiers, ce qui n’a pas été sans poser des problèmes.

Les réfugiés n’ont pas toujours été accueillis à bras ouverts car les circonstances ne s’y prêtaient pas. Le 2 septembre est le premier jour de la mobilisation pour tout le territoire et en même temps c’est l’ordre d’évacuation pour la zone frontalière.

La guerre était déclarée mais c’était la « drôle de guerre », un grand nombre des réfugiés parlaient alsacien entre eux ce qui les faisaient prendre pour des allemands, comme ils répondaient souvent par « ya-ya », on finit par les appeler les : Ya-yas. Le confort qui leur était offert était souvent des plus spartiate : granges, salles de bal, pas toujours l’eau courante et souvent les WC au fond du jardin. Les réfugiés arrivaient fatigués par un long voyage qu’ils n’avaient pas choisi avec très peu d’affaires, 30 kg par personne. Compte tenu de la mobilisation la SNCF est obligée de mettre en service tout son matériel, y compris les wagons à marchandise. Les personnes s’entassent au milieu des bagages.

Il a fallu plusieurs mois pour apprendre à se connaitre, pour que tous les problèmes administratifs soient réglés, que les conditions de logement s’améliorent. Peu à peu la solidarité à pris le pas sur la méfiance. Des activités communes dans le sport et la culture se sont développées et parfois des amitiés durables sont nées.

Et pourtant l’hypothèse d’une arrivée massive de réfugiés en Limousin était prévue depuis 1933 !

  1. Les préparatifs pour une évacuation en cas de guerre

La construction d’une ligne fortifiée, la ligne Maginot, à partir de l’année 1929, s’effectue à une dizaine de kilomètres de la frontière afin d’éviter un conflit diplomatique avec l’Allemagne. Mais de faisant plusieurs centaines de communes vont se trouver encastrée entre cette ligne et la frontière. Comme de leur côté les allemands ont construit une ligne de défense analogue, la ligne Siegfried, le seul type de guerre qui en résulte pour l’Etat-major est une guerre de position. On imagine la future guerre comme un Verdun bis !  Pour préserver la population de ces communes on va prévoir son évacuation dès les premières menaces.

Une circulaire du ministre de l’Intérieur d’août 1933 désigne la Haute-Vienne et la Dordogne pour accueillir le Bas-Rhin. Ces fiançailles sont confirmés par l’instruction générale du 18 juin 1935 et la Haute-Vienne est désignée pour recevoir les habitants des arrondissements de Wissembourg, Haguenau, Strasbourg-Campagne et Saverne du Bas-Rhin.

Les administrations des départements concernés planifient ce grand mouvement de population sous l’autorité du ministre de l’Intérieur et en relation avec l’Armée, sans savoir quand il aura lieu et peut-être avec l’espoir que ce ne soit jamais ! Les premières années les administrations travaillent sans pression excessive, la menace de guerre étant diffuse. Les choses changent à partir de 1936 lorsque l’Allemagne remilitarise la Rhénanie. Elles s’accéléreront avec le début de la guerre d’Espagne qui ouvre un nouveau front de réfugiés potentiels.

L’année 1938 voit la mise en forme d’un plan double : le plan d’évacuation appelé « plan de repliement de la population civile de la partie nord du département du Bas-Rhin » et celui de la réception dans la zone de repliement.

L’Armée délimite des zones militaires :

  • La zone avant, comprise entre la frontière et la ligne Maginot, doit être évacuée dès la déclaration de guerre.
  • La zone arrière qui sera évacuée en fonction des besoins de l’Armée.
  •  La zone de repliement qui comprend les autres communes du département.

Le préfet du Bas-Rhin dresse la liste des communes de la zone avant avec le nombre potentiel d’évacués civils qu’il transmet au préfet de Haute-Vienne. 84 communes qui touchent la frontière seront évacuées dès l’ouverture des hostilités. 96 autres communes constituent la zone arrière dont la population sera évacuée selon les besoins.

Au début de l’année 1939 une carte prévoit la répartition de la population alsacienne évacuée dans les communes de la Haute-Vienne.

Source : D. Bernussou, Une saison d’Alsace en Limousin

Les quatre arrondissements alsaciens sont ainsi répartis : l’arrondissement de Saverne est rattaché à l’arrondissement de Bellac, celui de Wissembourg est partagé entre les cantons de de Laurière, Eymoutiers et Châteauneuf-la-Forêt), celui de Haguenau se retrouve sur l’ancien arrondissement de Saint Yrieix et l’arrondissement de Strasbourg-Campagne couvre celui de Rochechouart augmenté des cantons de Nieul, Aixe-sur-Vienne, Châlus. Nexon n’est pas désignée pour recevoir les évacués de l’avant mais doit être prête pour ceux de la zone arrière.

Partant d’un ratio d’accueil de 32% pour l’évacuation et de 50% si on ajoute le repli on a déterminé les capacités d’absorption des 4 zones.  

2. L’arrivée des réfugiés

Dans les villages, chaque maison avait été répertoriée et dotée d’un numéro d’ordre. Toutes les caractéristiques de la famille étaient connues : nombre d’adultes, d’enfants ou de vieillards, d’infirmes, malades, … ainsi que les moyens de transport dont pouvait disposer la famille pour se rendre à la gare de rassemblement. La seule chose qu’ignoraient les personnes c’était leur destination.

Le 1er septembre, dans les villages concernés, une annonce de ce type est faite à la population :« dans une heure et demi, le village sera évacué, les villageois devront être prêts à partir sur …, vous emmenez une petite valise avec quelques effets personnels, les portes des étables devront être ouvertes et les animaux mis en liberté ».

Les premiers évacués alsaciens arrivent de Wissembourg par 2 trains dans la nuit du 3 au 4 septembre 1939 en gare de Saint-Sulpice-Laurière. Les 468 personnes du premier train sont dirigées sur Magnac-Laval et les 715 du second train vont vers le Dorat et Dinsac. Entre le 6 et le 16 septembre se sont en moyenne 4000 personnes qui arrivent chaque jour et au total, au 1er octobre l’administration a recensé 58 784 arrivants.

Leur voyage est décrit par Raymond STROH, évacué de Kilstett, comme située à 15 km au Nord de Strasbourg pour aller à La Roche l’Abeille. Ce voyage est transcrit dans le Bulletin Municipal de La Roche l’Abeille d’Août 2017 : « 

Lucie et Ida KRESS, filles de Rosalie KRESS née Henninger, évacuées avec leur mère, le père étant mobilisé ; elles avaient respectivement 16 ans et 9 ans en 1939 : « Ma grand-mère attela deux vaches au chariot, en hâte ma mère ramassait quelques vêtements, le nécessaire, dans des sacs de toile, des taies d’oreiller, nous n’avions pas de valises. Une fois assis sur le chariot (…) grand-mère donnait le coup de fouet pour faire avancer notre attelage et nous partions avec tous les villageois. (…) deux jours plus tard, arrivés à Marlenheim, nous étions embarqués dans des wagons à bestiaux. Le cœur lourd, j’ai vu repartir ma grand-mère pour aller s’occuper des vaches. C’était le soir du 3 septembre que notre train s’ébranla et nous entraina vers l’inconnu.

Le voyage dura trois jours, nous étions trente, voire quarante personnes dans le même wagon, à même le plancher recouvert de paille (…). Aux arrêts du train, la Croix Rouge nous donnait à boire et à manger (…). Quand notre train s’arrêta une dernière fois, nous étions arrivés à La Meyze. On nous demanda de descendre avec nos affaires, pour aller rejoindre à pied notre village d’accueil, La Roche l’Abeille.

(…) Au milieu de la nuit, à notre arrivée sur la place du village, le maire a fait débarrasser les meubles, tables de la mairie et de l’école, de la paille fut étalée par terre, afin que nous puissions dormir. Nul n’était au courant de notre arrivée.

Source : D. Bernussou, Une saison d’Alsace en Limousin

Nexon n’est pas concernée par les premières arrivées et un plus grand nombre de communes que dans le plan initial sont dans la même situation. Cela ne va pas durer.

3. L’arrivée des réfugiés à Nexon

Darnac, dans le nord du département, a accueilli les évacués de Niedersteinbach auxquels se sont ajoutés ceux de Buhl soit 614 évacués pour 937 habitants ce qui constitue une charge très lourde de 65 % soit le double de la norme fixée à 32%. Très vite le maire de Darnac est confronté aux plaintes et aux revendications des évacués, insatisfaits des conditions d’accueil qui leurs sont faites. Par exemple les membres des familles nombreuses ne veulent pas être séparés et refusent les logements proposés, souvent trop petits. Malgré la médiation du sous-préfet toutes les difficultés ne peuvent pas trouver de solutions et le départ des habitants de Buhl est inéluctable.

Nexon n’a pas encore reçu d’évacués de la zone  » arrière  » aussi la commune va être désignée pour accueillir ceux de Buhl. Les 16 et 17 novembre 1939 les 335 évacués de Buhl quittent Darnac et prennent la route pour Nexon.  Pour les 2580 habitants de Nexon c’est une charge de 13%, très en dessous de la moyenne théorique fixée par l’administration.

Buhl est une petite commune rurale qui compte en 1939 un peu plus de 400 habitants qui vivent en majorité de l’agriculture. En décembre 1944 de terribles combats opposèrent américains et allemands et le village, délivré le 16 mars 1945, fut détruit aux deux tiers.

Comment ont été logés ces personnes ? Il ne semble pas qu’il y ait eu des difficultés pour loger les 335 évacués de Buhl. 56 familles ont offert de 1 à 5 pièces et certains plus comme TREZEL avec 13 pièces dans lesquelles sont accueillis 16 adultes et 3 enfants, DUMONT qui offre une grande salle et 6 pièces et GUYOT 5 pièces et un immeuble.

Le témoignage de Raymond STROH montre la diversité des situation et la grande précarité de certains :  » Dans le bourg de La Roche l’Abeille, par exemple, dix familles, soit 59 personnes ont été hébergées dans le presbytère. Comme il n’y avait pas de cuisine, cette dernière était faite collectivement à l’ancien café restaurant Barry, à côté de la mairie. L’approvisionnement en eau se faisait à la fontaine qui se trouvait près du Monument aux Morts. »

« Au village de Royères, les 26 membres de cinq familles « kilstetters » occupaient les vieux bâtiments en bordure de route et les granges de la ferme.

« Les conditions de logement étaient vraiment très précaires, Lucien Hommel ( famille Margraffs n° 170 a) raconte que, dans un premier temps, sa famille fut hébergée dans deux pièces pour 17 personnes, sans eau ni électricité »

Le plus souvent il n’y avait pas de moyens de chauffage, mais heureusement, selon les témoignages, l’hiver 39/40 ne fut pas très rigoureux.

Si elles avaient un toit, les familles manquaient d’équipements pour leur logement : matelas, draps, couvertures mais aussi vaisselle et vêtements…

Les feuilles d’attribution des logements indiquent les besoins en lits et les poêles apportés. Au total il faut 196 lits et petits lits. Une feuille isolée donne une liste de personnes ayant fourni matelas et couverture mais la liste est loin d’atteindre les 150 couvertures et les 20 matelas indiqués dans le titre ! On peut supposer qu’ils ont été trouvés.

Assez rapidement la presse locale relaye les appels aux dons lancés par les autorités ou les comités qui se sont constitués, comme celui des Limousins de Paris présidé par le général A. MARIAUX, alors Gouverneur des Invalides.

Le Populaire 1 décembre 1939

Le préfet organise le 17 décembre une « Journée alsacienne » dans toutes les communes. Au cours de cette journée des insignes sont vendues au profit des évacués.

Pour le canton de Nexon ce sont 1012 évacués qui étaient présents en avril 1940. Nexon, chef-lieu du canton et commune la plus peuplée en accueille le plus grand nombre,335, devant La Roche l’Abeille (263) et Janailhac (242). Trois communes n’ont reçu aucun alsacien : Meilhac, Rilhac-Lastours et Saint-Hilaire les Places.

Les trois communes ce Janailhac, La Roche l’Abeille et Saint Priest Ligoure ont accueilli ensemble 550 personnes. En 2004 elles se sont regroupées pour organiser un jumelage avec Kilstett, commune située à 15 km au Nord de Strasbourg dont les habitants avaient trouvé refuge dans ces communes en juin 1939.

4. La création de « villages alsaciens » pour résoudre les difficultés de logement

Fin septembre 1939, constatant que les capacités d’accueil existantes étaient insuffisantes pour faire face à l’arrivée probable d’une masse de réfugiés de la zone arrière les autorités limousines décident la création de plusieurs « villages alsaciens ». Il s’agit d’un ensemble d’une dizaine de bâtiments, à l’écart du bourg, avec cuisine, installations sanitaires, réfectoire et alimentation en eau potable. Cela devait ressembler aux villages limousins mais au lieu de constructions en pierre il s’agissait de baraques en matériaux légers avec couvertures fibrociment et tôle ondulée galvanisée avec une vie collective imposée. En fait de villages on a construit des camps avec des baraques. A la mi-octobre, les travaux sont commencés pour 7 communes : Le Dorat, La Meyze, Nexon, Saint-Germain-les-Belles, Saint-Junien, Saint-Paul-d’Eyjeaux et Séreilhac. Le tableau suivant donne le programme de construction en novembre 1939 et la réalisation en juillet 1940.

Avancement des travaux en juillet 1940

Au printemps 1940, les villages alsaciens projetés à l’automne 1939 ne sont pas terminés mais ils sont sortis de terre. Sur les 96 baraquements prévus, 18 sont réalisés et pourtant ils ne sont pas utilisés. Pour quelles raisons ? Il semble que très rapidement, au moins à la fin du mois de novembre 1939, l’idée de ce qui apparaît comme la création de camps d’hébergement n’entre plus dans les objectifs de l’administration centrale mais le préfet de la Haute-Vienne poursuit le programme afin de parer à un nouveau flux de réfugiés.

En septembre 1940 l’inventaire de l’Ingénieur des Ponts et Chaussées montre que le programme de novembre 1939 est globalement réalisé : 86 baraques sont construites pouvant héberger 4492 personnes auxquelles il faut ajouter les 6 baraques de Saint Germain les Belles qui ont été remises à l’autorité militaire. On peut se demander si le décompte de juillet traduisait exactement la réalité ? Comment en moins de 2 mois le programme a t’il pu être pratiquement réalisé en construisant 74 baraques ?

Inventaire dressé le 18 septembre 1940 par l’Ingénieur des Ponts et Chaussées des baraques construites. (ADHV 187 W 41)

Les craintes du préfet étaient fondées puisque l’offensive allemande du 10 mai 1940 conduit à une nouvelle vague d’évacuation : 33 000 Alsaciens quittent la région. Le 14 mai 1940 le préfet écrit au maire de Nexon pour lui annoncer l’arrivée probable de 343 nouveaux réfugiés.

Au moment ou il écrit sa lettre et annonce 343 réfugiés supplémentaires le préfet savait que le camp était sorti de terres et que des réfugiés pourraient y être logés puisque la veille, le 13 mai, il écrit au maire de Nexon pour lui demander de rechercher une famille de réfugiés pour garder les baraquements.

Sont-ils effectivement arrivés ? Je n’ai pas trouvé de traces dans les archives municipales. Les voisins du camps ont dit à Tessa RACINE lorsqu’ils ont été interrogés pour son documentaire « Le camp fantôme » qu’il n’y avait jamais eu de réfugiés au camp. Ce document et une lettre adressée à Madame LEDUC le 25 juillet 1940 porte comme adresse « Camp des réfugiés, baraquement 12 ». Il est donc probable que le camp ait accueilli des réfugiés.

5. La vie des réfugiés

A Nexon toute la population de Buhl était réunie et sa vie administrative dépendait de son maire, replié avec son conseil. Il continue à administrer la ville de Buhl comme si rien n’avait changé. De même les élèves retrouvent leurs professeurs, les pasteurs et les curés leurs paroissiens et les contribuables leur percepteur. A Nexon on trouvait, en plus, les bureau de poste de Mertzwiller et de Reischoffen avec leur personnel.

Un décret de décembre 1939 prévoit que les communes évacuées restent placées sous le régime en vigueur dans leur département. Le statut spécial qui a été accordé en 1919 avec les spécificités liées à l’école et à la religion sera parfois source de frictions.

Le Populaire 8 décembre 1939

Lorsque c’est possible, l’enseignement donné aux enfants évacués doit demeurer spécifique et doivent correspondre aux programmes spéciaux aux départements concernés. C’est facile lorsqu’il est facile d’organiser des classes autonomes mais c’est contraire au principe d’intégration. La solution est préconisée est d’organiser des classes communes mais se pose alors la question des locaux. des programmes de constructions avec des baraquements sont lancés mais les délais de réalisation dépassent parfois le temps de l’année scolaire. On a également utilisé le système de classes par demi journée. Le matin, de 8 heures à midi, un groupe est dans la classe et l’après midi il fait du sport ou des travaux pratiques. L’après midi, le second groupe classe prend le relais. Et pour permettre satisfaire la durée hebdomadaire des cours il y a classe le jeudi.

Pour renforcer les services municipaux le Préfet de la haute-Vienne écrit aux maires le 28 mai pour leur indiquer qu’avec les nouveaux évacués se trouvent des instituteurs sans emploi qui peuvent apporter leur concours aux communes dont les taches sont accrues du fait de la présence des réfugiés.

Les frictions qui ont existé étaient souvent liées à l’enseignement religieux. Au programme en Alsace-Lorraine il heurtait les enseignants des écoles publiques soucieuses du respect de la laïcité. L’Inspectrice alsacienne, après avoir visité 83 communes s’inquiète auprès de sa hiérarchie de l’activisme du clergé catholique et elle croit de son devoir  » de faire connaître l’existence de deux courants contraires prêts à s’affronter; un courant d’anticléricalisme qui va s’exaspérant et une tendance marquée à abuser de la situation ».(Rapport de l’Inspectrice à l’Inspection générale, 2 novembre 1939. ADHV 3 R 16). Nexon n’était pas concernée car les évacués de Buhl n’étaient pas encore arrivés. Lorsqu’ils sont arrivés les élèves nexonnais avaient repris la classe depuis le 2 octobre. Je n’ai pas trouvé trace de la manière dont la question scolaire a été réglée.

Dans certaines communes le fait que des cérémonies religieuses soient faites en langue allemande a exacerbé les tensions entre les communautés. Maude WILLIAMS cite un certain nombre de cas mais pas en Haute-Vienne si ce n’est le peu d’empressement à prendre part à la création du Foyer alsacien comme il s’en crée dans toutes les communes ou se trouvent des évacués. Maude Willliams. La communauté catholique d’Alsace Lorraine face aux évacuations septembre 1939 – mai 1940. Annales de l’Est, Association d’historiens de l’Est, 2014, La Lorraine (1814-1940) Invasions et occupations, pp.203-226. ffhal-01740475f

Pour vérifier la qualité des logements offerts aux réfugiés des contrôleurs sont recrutés soit parmi les juges de paix en activité ou à la retraite, soit parmi les ingénieurs subdivisionnaires. C’est dans cette dernière catégorie que sera recruté le contrôleur pour Nexon. Mais il ne semble pas qu’il y ai eu de problèmes importants vu le ratio réfugiés/habitants de 13%, l’un des plus faible du département.

Les personnes logeant reçoivent une indemnité de un franc par jour pour un lit d’une personne et de 25 centimes s’il ne couche pas dans un lit fourni par le propriétaire.

Le Populaire 3 décembre 1939

Pour faciliter les relations entre les deux populations on incite les habitants des communes limousines à inviter les alsaciens aux fêtes et aux manifestations religieuses. Il y a bien parfois des incompréhensions entre les réfugiés en majorité protestants et les limousins catholiques. Mais Noel est une fête chrétienne et tous sont invités à participer aux différents arbres de Noel.

Le Populaire 27 décembre 1939
Le Populaire 21 décembre 1939

Des équipes de foot se rencontrent, des fêtes sont organisées mais le regard alsacien est relativement sévère sur les manières de vivre limousines. Dans de nombreuses lettres ils s’étonnent des conditions de vie frustes avec des toilettes au fond du jardin, de l’eau que l’on puise ou que l’on va chercher à la fontaine, l’électricité peu fréquente, la cheminée qui fume en guise de chauffage…

Pendant leur séjour en Limousin de nombreux évacués ont manifesté leur reconnaissance comme ici à Cognac la Foret :

Le populaire 25 octobre 1939

6. Le retour des évacués

Dès l’armistice du 22 juin 1940 les Allemands exigent le retour au pays des Alsaciens-Mosellans évacués en 1939. Ces retours ont ainsi été organisés :

– de fin juillet à début octobre 1940, 228 000 personnes, avec des trains spéciaux de rapatriement ;

– à partir de novembre 1940, 20 000 personnes par des liaisons ferroviaires régulières ;

– le restant de la population a emprunté les cars, voitures particulières, camions et autres moyens divers de rapatriement.

Les premiers à partir furent les réfugiés des communes du Sud et Sud-Est de la Haute-Vienne qui partirent dès le 2 août puis en remontant vers le Nord du département les départs se sont échelonnés jusqu’au mois d’octobre.

Pour Nexon les départs ont eu lieu du 12 au 21 août et du 11 au 30 septembre. Par exemple un train est parti le 1er septembre venant de Bussière Galant et 50 personnes à Nexon.

Un nouveau train doit partir de Nexon le 15 septembre à 11h02. le maire et le représentant des réfugiés ont reçu le télégramme annonçant ce départ la veille à 8h30.

Le voyage de retour ne se passe pas dans les meilleurs conditions si l’on en croit la lettre qu’adresse, le 9 septembre, le chef du convoi du train de réfugiés n°2 en provenance de Bergerac au Maire de Nexon. parti depuis le 6 septembre son train avec 712 voyageurs est bloqué en gare de Nexon. Il demande du ravitaillement en précisant que beaucoup n’ont pas d’argent et un local avec de la paille ou ils puissent dormir. Triste retour !

Mais tous les évacués ne sont pas retournés en Alsace, soit parce qu’ils ne voulaient pas être « germanisés », soit parce que les autorités d’occupation leur ont interdit le retour dans leur commune placée sous administration allemande. C’est ce qui c’est passé pour les Juifs, une circulaire du préfet de la Haute-Vienne aux maires datée du 29 juillet 1940 leur indique clairement que les Alsaciens israélites étaient interdits de retour.(ADHV 187 W 5).

A l’arrivée, tout ne se passe pas très bien, car beaucoup de maisons avaient été pillées malgré l’engagement des autorités de les surveiller.

Il faut dire un mot aussi des jeunes gens qui, réfugiés en Limousin, se sont trouvés, à leur retour, enrôlés dans l’armée allemande. certains sont morts au front, d’autres sont intervenu sur le territoire national et ont participé aux exactions des nazis, c’est la douloureuse histoire des « malgré nous ».

7. 80 ans après le retour

Dans certaines communes de solides liens d’amitié se sont noués pendant ces mois de cohabitation entraînant par la suite, parfois plusieurs dizaines d’années après. Ainsi en mai 1981 Bessines et Morterolles firent un voyage à Schoenenbourg et ses communes voisines qui déboucha par la suite sur un Jumelage. De même Saint Yrieix la Perche et La Wantzenau sont jumelées depuis 1971 et se visitent à raison d’une rencontre tous les quatre ans, la dernière ayant eu lieu à Saint Yrieix en 2018. Le Jumelage entre Le Dorat et Wissembourg a eu lieu en 1998-1999. Saint Hilaire Bonneval et Auenheim ont signé un pacte d’amitié en 2012 et se rencontrent régulièrement. Depuis 2016, Saint-Léonard de Noblat et Drusenheim, déjà jumelées, ont décidé que les deux harmonies ne forment qu’un ensemble baptisé « Orchestre Alsace Limousin ».

Dans le canton de Nexon, comme nous l’avons déjà indiqué, les trois communes de Janailhac, La Roche l’Abeille et Saint Priest-Ligoure sont jumelées avec Kilstett depuis 2004. Des échanges réguliers ont lieu et les manifestations du lien Alsace-Limousin sont visible des deux cotés. La Meyze, qui avait accueilli 70 évacués de Kilstett ayant quitté la Roche l’Abeille pour trouver mieux dans cette commune, participe aux échange avec ses communes voisines.

A Nexon il n’y plus de traces de ces 335 alsaciens de Buhl qui y ont passé près de 10 mois. Une volonté d’oubli ou un repli sur soi ?

Beaucoup d’autres points pourraient être abordés comme les indemnités aux évacués et aux loueurs , leur activité pendant cette période…

Cette lettre de Camille CHAUTEMPS, Vice Président du Conseil, radical socialiste au début de sa carrière puis soutien de Pétain en 1940, il pose des questions qui reviennent de manière récurrente chez les libéraux : est ce que les indemnités versées à une personne sans emploi sont un frein à la recherche d’un travail ? Quand une personne trouve un travail doit-il continuer à percevoir des indemnités ? Un demandeur d’emploi peut-il refuser une offre lucrative s’il est en mesure de s’acquitter de la tache qui lui est proposée …?

Pour en savoir plus : Daniel BERNUSSOU, UNE SAISON D’ALSACE EN LIMOUSIN, Septembre 1939 – Septembre 1940 http://bernussou.daniel.free.fr/

Une visite au moulin de la Mazaurie.

Le moulin de la Mazaurie figure sur le cadastre napoléonien de 1817, feuille H3, avec cette écriture mais également « Masorie » sur le plan d’assemblage de ce cadastre.

Cadastre napoléonien de 1817, feuille H3 (extrait)
Cadastre napoléonien de 1817, extrait de la feuille d’assemblage

I- L’histoire du moulin

Le moulin de la Mazaurie appartenait à la famille Hébrard de Veyrinas. Il a été donné à bail à Jean VENTOUX le 13 septembre 1752.

En 1775 le Sieur de Veyrinas a vendu le moulin à Suzanne MESNIER, veuve de Jean PRADEAU qui devait être le meunier du moulin.

C’est ensuite Léonard PRADEAU, né vers 1770, qui est meunier à la Mazaurie. Marié avec Marguerite AUTHIER ils ont un fils, Jean PRADEAU qui naît le 25 novembre 1797. Il sera lui aussi meunier. Il épousera Marie BRAGARD (1809-1855) qui lui donnera un fils qu’ils prénommeront également Jean.

Jean PRADEAU naît à la Mazaurie le 23 avril 1836. Il y décédera le 29 janvier 1917 à 81 ans.

Acte de naissance de Jean Pradeau, 23 avril 1836. (Archives départementales de la Haute-Vienne)

 Jean PRADEAU épouse, comme son père, une Marie BRAGARD qui lui donne quatre enfants : Augustine, Jean, François et Thérèse. Jean, le premier garçon a le même prénom que son père et que son grand père. Il est né le 7 octobre 1865 et il prendra la suite de son père au moulin.

Acte de naissance de Jean Pradeau, 7 octobre 1865. (Archives départementales de la Haute-Vienne)

 De son mariage avec Catherine GUILHAT, naîtra le 6 novembre 1889 un garçon qu’ils appelleront Emile.

Acte de naissance d’Emile Pradeau, 6 novembre 1889. (Archives départementales de la Haute-Vienne)

Ce garçon ne prendra pas la suite de son père car l’activité du moulin a dû cesser au moment de la guerre de 1914-1918.

 Après avoir épousé Louise CHATEAU à Quimper en 1912 Emile PRADEAU effectue une carrière militaire qu’il termine avec le grade de capitaine. En quittant l’armée il est nommé greffier en chef au Tribunal de Grande instance de Senlis. Le 10 mars 1933 il est nommé chevalier de la Légion d’Honneur. Il décède à Paris en février 1974.

Le Courrier de l’Oise, 26 mars 1933

Le moulin de la Mazaurie et les terres qui l’entourent étaient convoité depuis plusieurs générations par la famille Mazeaud. En effet l’emplacement sur lequel a été construit la villa de la Vigne a été choisi à cause de la vue qu’il offrait sur le moulin.  La famille craignait que ce moulin soit un jour détruit et remplacé par un hangar ou une hideuse construction. C’en aurait été fini de la belle vue ! Mais Emile est-il décidé à le vendre ? A une date non indiquée, alors qu’il est greffier en chef au TGI de Senlis, il adresse une photo du moulin avec une demande d’insertion de celle-ci dans un journal dont nous n’avons pas le nom.

Emile Pradeau connaissait bien la famille Mazeaud et il ne pouvait pas oublier que les recommandations de Felix, alors Procureur de la République à Lyon, avaient facilité son intégration dans le corps des greffiers. Il consentit d’abord à louer le moulin puis, après bien des manières, il le vend en 1971 à Henri et à ses enfants.

C’est avec Jacques Mazeaud et son fils Denis que je me suis rendu au moulin de la Mazaurie, le 30 juillet 2020.

II- La visite du moulin

Le chemin débouche sur la digue de l’étang. A droite, en contrebas des écuries et le moulin.

Nous traversons et nous nous garons en face d »une grange ancienne avec, devant elle un four à pain en ruine, envahi par la végétation.

Malgré la sécheresse l’étang est bien rempli mais il n’y a plus les nénuphars qui se trouvaient sur la photo prise par Emile Pradeau.

Nous entrons dans le moulin par la maison du meunier.

On pénètre dans la pièce principale avec sa grande table, une maie et la cheminée. A coté la pièce qui servait de chambre à coucher.

A droite de la cheminée un petit escalier mène au moulin. On arrive au dessus de deux paires de meules, signe que le moulin avait une certaine importance.

Chaque meule est composée de deux parties, une fixe, dite dormante et au dessus la meule tournante. En tournant les meules qui sont en granit ou en silex s’usent. Il faut alors les repiquer afin d’obtenir une mouture toujours aussi fine.

C’est le piquage ou le rhabillage de la meule. Si les meules tournent tous les jours il faut réaliser cette opération 2 ou 3 fois dans l’année. C’est un travail difficile car il faut d’abord lever la meule tournante et avec des marteaux et une boucharde frapper avec précision la pierre pour obtenir des sillons rectilignes et fins. Dans les petits moulins ce travail était effectué par le meunier lui-même mais dans les grands moulin c’était l’affaire de spécialistes dont c’était le métier.

Par l’œil, au centre de la meule tournante, le meunier versait le grain dans les meules et la mouture tombait dans le bac, plus bas. Le crochet servait pour lever la meule tournante.

La première paire de meules.

A coté des meules un système de poulies pour relever les meules tournantes.

On descend au rez de chaussée pour aller voir la roue.

Ce qui reste de la roue

La transmission du mouvement se fait par l’arbre qui pénètre dans le moulin, à gauche. Par un jeu d’engrenages, en bon état, la meule entre en mouvement. Sur l’arbre de la roue hydraulique est fixé un rouet muni d’alluchons, les « dents », qui entraînent les fuseaux de la lanterne fixée sur l’axe qui fait tourner la meule allante, tournante ou courante.

La transmission du mouvement de la roue hydraulique à la meule.

Le moulin en lui même n’occupe qu’une toute petite partie du bâtiment. Le vaste espace qui donne sur l’extérieur par le grand portail à deux battants servait à stocker les sacs de céréales, de son, de farine et ranger le matériel du meunier. Deux auges en bois pour la nourriture des cochons sont entreposés.

Les auges en bois

En sortant on a une vue magnifique sur La Vigne, d’où, le soir on peut admirer le moulin illuminé pendant une heure, pour la le bonheur de ceux qui passent sur la route entre Valette et La Mazaurie.

Pour connaitre les autres moulins du pays de Nexon il faut lire le livre très complet de Camille LARCHER, Les anciens moulins du pays de Nexon, Editions « Les Monédières », 2011.

Création du syndicats des cheminots de Nexon en 1930

A sa création la gare de Nexon était située sur une des lignes de la compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (P.O.). C’est l’une des cinq grandes compagnies privées de chemin de fer qui se partagent le réseau en France. Elle a été créé le 13 août 1838 pour exploiter la ligne de Paris à Orléans et ses embranchements que l’Etat a concédés à Casimir LECONTE (1796-1867) pour 70 ans.

I- De la Compagnie d’Orléans à la SNCF

La première mise en exploitation de la ligne date du 20 septembre 1840, mais elle ne dessert alors que Corbeil via Juvisy. La ville d’Orléans n’est atteinte que le 2 mai 1843.

En 1852, la Compagnie d’Orléans absorbe la Compagnie du chemin de fer de Tours à Nantes puis, par rachat et concessions, elle met en service les lignes Paris-Bordeaux en 1853, Paris-Clermont-Ferrand via Bourges en 1855 et rachète la Compagnie du Grand Central avec ses lignes du sud-ouest et du Massif central.

L’ouverture au trafic du tronçon Paris-Orléans fut suivie d’Orléans-Vierzon (20 juillet 1847), Vierzon-Châteauroux (15 novembre 1847), Châteauroux-Argenton-sur-Creuse (2 mai 1856) pour arriver à Limoges le 2 juin 1856.

La ligne Limoges-Périgueux par Nexon a été mise en service le 26 août 1861 et celle de Limoges à Brive via Nexon le 20 décembre 1875.

Du fait de la forte croissance du trafic, la première gare d’Austerlitz mise en service le 20 septembre 1840, va vite devenir trop petite. Elle est agrandie en 1846 mais rapidement il devient nécessaire d’en construire une nouvelle.  Elle se caractérise par sa grande halle métallique dont les fermes reposent sur les principes de Camille Polonceau (1813-1859), ingénieur inventeur de l’architecture métallique qu’utilisera par la suite Gustave Eiffel.

Achevée peu avant le début de la guerre de 1870, la grande halle, désertée par les trains, sera utilisée comme atelier de fabrication de ballons à gaz.

La concurrence entre les Compagnies et celle de plus en plus forte de l’automobile va entraîner des déficits croissants. la crise économique qui a débuté en octobre 1929 ne va faire qu’accélérer le phénomène et laisser apparaître une faillite économique du système.

Le 31 août 1937, une convention crée la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), société d’économie mixte dont l’Etat détient 51% du capital et les anciennes compagnies 49 %. La convention entre en vigueur le 1er janvier 1938. A partir de cette date la SNCF exploite toutes les lignes, celles appartenant jusque-là aux cinq grandes compagnies et celles du réseau d’Alsace-Lorraine et du réseau de l’Etat.

Le Populaire 1er septembre 1937

La Compagnie d’Orléans a transféré son réseau, dont elle reste toujours concessionnaire, à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et devient une compagnie financière.

II – Le syndicalisme cheminot national

Avant la reconnaissance du droit syndical par la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 avaient été créées des organisations comme la Société fraternelle des mécaniciens français ou l’Association des employés des chemins de fer français mais elles avaient du mal à se développer malgré l’appui de députés comme Charles Alfred de JANZE (1822-1892) qui menèrent une lutte contre les pratiques des compagnies de chemin de fer.

Le premier syndicat professionnel des employés des chemins de fer fut créé en 1884 par un chef d’exploitation, PETIT, qui en fut le président jusqu’en 1893. Opposé à la grève ce syndicat devint vite réformiste aussi le mécanicien GUIMBERT le quitte pour fonder en 1885 le Syndicat général professionnel des mécaniciens et chauffeurs, conducteurs de machines à vapeur.

En aout 1890 la création de la Chambre syndicale des ouvriers et employés de chemins de fer donna un véritable élan au syndicalisme cheminot. Elle élabore un programme revendicatif sur la réglementation et la durée du travail, les retraites, la nationalisation des chemins de fer… En avril 1895, elle changea de nom et devint le Syndicat national des chemins de fer qui rallia la CGT dès sa création au congrès constitutif de Limoges en septembre 1895.

La grève de 1910. Affiche de Jules GRANDJOUAN (1875-1968)

Entre les deux courants opposés, l’un réformiste et l’autre révolutionnaire se développe une voie centriste qui conduit le Syndicat national à regrouper en 1909, près de 60 000 adhérents répartis dans environ 250 syndicats locaux.

Au cours de cette période de nombreux syndicats virent le jour, limités souvent à un métier, une région ou une compagnie.

Les conditions difficiles engendrées par la guerre de 1914 – 1918 conduisent à un regroupement qui s’opère en février 1917 et donne naissance à la Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer de France, des colonies et pays de protectorat, affiliée à la CGT. Elle publie « la Tribune des Cheminots ».

Par la suite des scissions et de nouvelles créations virent le jour certains refusant l’adhésion à la CGT, d’autres choisissant une voie réformatrice, d’autres une vision catégorielle.

En 1920 un grève éclate pour un motif anodin : la mise à pied d’un cheminot qui était allé assister à une réunion syndicale pour laquelle il n’avait pas obtenu l’accord de sa direction. Le 19 février 1920, 1 600 cheminots de Villeneuve-Saint-Georges arrêtèrent le travail. En quelques jours la grève s’étend à tout le réseau PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) et le 29 février elle devient une grève générale des chemins de fer qui cessera le 3 mars dans la majorité des régions tandis que les cheminots de Limoges la continuèrent jusqu’au 5 mars.

Le Populaire 29 février 1920

L’Union des syndicats de l’Orléans donne l’ordre aux syndiqués de la ligne de cesser immédiatement le travail. Cet ordre s’adresse, entre autres, au syndicat de Nexon.

Le Populaire 29 février 1920

La grève recommencera le 1er mai et se termina le 28 mai sur un échec, avec pour conséquence la révocation de 18 000 cheminots.

A Limoges, le Populaire soutien la grève et annonce qu’elle est suivie par 95% des cheminots tandis que le Courrier du centre publie une liste de trains qui circulent. La CGT annoncent que ces trains ne circulent pas et fustige Le Courrier du centre dans un communiqué que reprend Le Populaire.

Le Populaire 3 mai 1920

III – Le syndicat des cheminots de Nexon

Lorsque le syndicat se crée à la gare de Nexon il prend le nom de « Syndicat des travailleurs des Chemins de fer de l’Orléans à Nexon ». Il adhère à l’Union des Syndicats des Chemins de fer de l’Orléans, à la Fédération Nationale des Travailleurs des chemins de fer et à l’Union des Syndicats de la Haute-Vienne.

Ses objectifs sont la défense des intérêts professionnels et économique des adhérents et notamment « la nationalisation des chemins de fer » (article 2).

Le syndicat se divise en sections techniques relatives à l’exploitation, la traction et la voie. A Nexon la section Traction n’est pas créée.  Elles sont chargées d’élaborer les revendications propres à leur service et sont dirigées par un secrétaire et un secrétaire adjoint. Le syndicat est administré par un Comité élu en assemblée générale, celle-ci nommant son Secrétaire général. Ce comité se réunit une fois par mois.

Le document ne comporte pas la date de création du syndicat mais il comporte toutes les revendications portées par la Fédération nationale depuis 1920, on peut donc penser qu’il a été créé autours de 1920. La composition du bureau qui y est inscrite peut nous donner des pistes.

Les statuts types de la Compagnie d’Orléans prévoyait un Comité composé de 33 membres. A Nexon ce Comité a été réduit à 7 membres, sans doute pour tenir compte des effectifs affectés à la gare de Nexon qui sont d’environ 80 personnes.

Le Secrétaire, Pierre LAFLAGNIERE, est né en 1879. Il n’est pas le plus âgé , c’est le trésorier, Georges TRAPLOIR qui, né en 1868, est le doyen d’age. parmi les 7 membres du comité Jean MOUNOZ, né en 1874 est le plus âgé et Louis FOUJANET, né en 1882 est le plus jeune. Jean CELERIER est né en 1876, Justin BEAUPUY en 1877, Pierre GAUCHER est né en 1880 comme Pierre BEAUDOU et Antoine OUZEAU en 1882.

Le seul nexonnais est un des contrôleurs, Jean NOUAILHAS, né à Nexon le 6 octobre 1889 de parents cultivateurs à Biard. Il est le plus jeune de tous les membres du bureau. Les deux autres, Jean JAMET et est né en 1878 et Joseph LAFON en 1881.

Au total trois membres du bureau sont nés dans le canton de Nexon, deux sont nés en Haute-Vienne, quatre en Dordogne, un en Corrèze, un dans le Loir et Cher et un dans le Lot.

Le vin chaud du soldat. Un réconfort en 1914-1918 et en 1940 financé par les dons. Les nexonnais ont contribué.

Quand on parle de la guerre on ne pense généralement pas au vin. Et pourtant il a joué un rôle important pendant les deux guerres mondiales. Des travaux d’historiens ont montré son rôle complexe pendant la première guerre mondiale, à la fois important pour le moral des poilus mais négatif en favorisant une consommation excessive d’alcool. Mais au-delà de la consommation individuelle du vin il y a un marché avec des viticulteurs, des marchands de vins et toute une logistique pour passer de la vigne au verre du buveur.

La participation des nexonnais à la collecte organisée pour « le vin chaud du soldat » le dimanche 3 mars 1940 m’a incité à en savoir plus sur le vin et les soldats.

I – Le vin et les poilus en 1914-1918           

Les historiens spécialistes de l’histoire du vin considèrent que le vin a été un acteur non négligeable de la guerre de 1914-18.

Le vin était l’ami indispensable au Poilu dans les tranchés. Il lui permettait de supporter l’horreur, la peur, le cafard, la perte d’un camarade, l’éloignement et l’inconfort…  

Un certain nombre de médecins décrivent le vin comme un fortifiant, une source de calories pour le soldat. Il n’est pas considéré de la même manière que l’absinthe et l’alcoolisme que sa consommation engendre. Le vin au contraire est présenté comme une boisson hygiénique qui tue les microbes.

Enfin le vin est un facilitateur du lien social. Le chef récompense ses soldats en offrant une ration supplémentaire après une attaque victorieuse, une défense acharnée…

On n’est donc pas surpris que la ration qui était d’un quart de litre de vin par jour en 1914 auquel s’ajoutait 6,25 cl d’eau de vie soit passée à un demi-litre en 1916, puis à un litre en 1918.

Les soldats ne parlaient pas de vin mais de pinard. L’origine de ce mot n’est pas connue avec certitude mais son emploi est devenu courant dans les tranchées. Il est même devenu le « Saint Pinard » et a été célébré avec respect.

 Il alimentait le patriotisme lorsqu’on comparait le poilu avec son quart de vin et le boche avec sa bière,

Il était chanté,

 Revenu des tranchées le soldat retrouvait ses camarades dans les bistrot où la « Madelon » venait leur servir à boire :

S’il a été possible d’offrir tout ce vin aux soldats c’est que la récolte était abondante. Dès le premier mois du conflit les viticulteurs du Languedoc offrent, tant par patriotisme que pour écouler leurs stocks, 200 000 hectolitres de vin à l’armée destinés aux soldats partis au front. Ils produisaient à l’époque autour de 22 millions d’hectolitres par an.

Le pinard des poilus, vin médiocre, est obtenu à partir de l’assemblage de vins à faible degré d’alcool tels que le Maconnais, le Beaujolais et le vin des Charentes, les vins du Languedoc et les vins plus forts du Maroc, d’Algérie et de Tunisie. L’objectif est que le vin atteigne les 9° degrés.

Une fois la guerre terminée les soldats, rentrés chez eux, gardent l’habitude de boire du vin. Mais au même moment les marchés traditionnels des vins cru disparaissent avec les clients fortunés des Empires d’Europe et de la Russie. S’y ajoute la prohibition américaine de 1920 qui ferme un marché important à l’exportation que la crise économique de 1929 affaiblira encore plus. Les vins de consommation courante subirent également la crise. Face à cette diminution de la demande l’offre a vu ses capacités très fortement augmenter avec l’arrivée du vin d’Algérie et l’accroissement des rendements dans de nombreuses régions. Les pouvoirs publics cherchent les moyens de réguler le marché afin d’offrir une juste rémunération aux viticulteurs.  Des mesures de contingentement adossée à la limitation du sucrage et au recours à la distillation pour les vins de mauvaise qualité furent prises ainsi que la mise en place du système des AOC (lois de 1905, 1919, 1927 et de 1935).

C’est dans ce climat d’un marché du vin à peine stabilisé que le 2 septembre 1939 éclate la guerre.

II – Le vin et les soldats en 1939 – 40

Pendant les mois qui suivent cette déclaration il ne se passe pas grand-chose sur le territoire national. Cette « drôle de guerre » n’affecte pas le moral trop le moral des français rassuré par les déclarations encourageantes des dirigeants comme celle de Paul Reynaud assurant à la radio, le 10 septembre 1939 : « Nous vaincrons, parce que nous sommes les plus forts. »

Cette guerre, sans victoire, ni défaite pour la France a déjà permis à l’Allemagne de rayer la Pologne de la carte en trois semaines de guerre éclair et à envahir la Finlande sous le regard neutre de l’URSS avec laquelle elle a signé un pacte de non-agression. Si la France n’est pas encore touchée sur son territoire il faut maintenir le moral des hommes qui ont été mobilisés et qui attendent d’en découdre avec l’ennemi. C’est dans ce cadre que, comme en 1914, le « pinard » va reprendre du service.

Partant des idées qui avaient prévalues pendant la Première Guerre Mondiale, l’Etat-major français va utiliser le vin comme stimulant et comme tonique sans oublier ses vertus hygiénistes. Ainsi le vin est reconnu bon pour le moral du soldat a qui il donne la bonne humeur, la ténacité et le courage.

Les soldats vont donc avoir droit à leur ration de vin comme leurs glorieux anciens de 14-18. Le traditionnel « quart de vin » de la ration quotidienne est doublé pour tous les soldats stationnés au front.

Cela tombe bien car les stock sont abondants. L’intendance va donc organiser des achats massifs de vin pour satisfaire les besoins de la troupe. Le transport jusqu’au soldat plongé dans l’inaction dans sa casemate de la ligne Maginot ou scrutant l’horizon en face de la frontière belge va nécessiter une formidable logistique avec des trains, des camions mais aussi des bidons et des seaux. Deux millions de litres de vin sont distribués tous les jours aux soldats.

C’est dans ce contexte que se met en place l’opération « Vin chaud du soldat ».

  • L’opération « Vin chaud du soldat »

C’est Edouard BARTHE, pharmacien, maire de Béziers, député de l’Hérault depuis 1910 et Président de l’Office international de la vigne et du vin qui est le chef d’orchestre. Pour ses collègues il est le « député du vin ». Au Sénat il a son alter ego, le docteur Georges PORTMANN, cofondateur des « Médecins amis des vins de France ».

Réunie le 18 octobre 1939 sous sa présidence la Commission des boissons demande à la Chambre d’inviter le ministre du Ravitaillement « à décider, pendant les mois d’hiver, la distribution des rations de vin chaud aux troupes en campagne. » L’œuvre du vin chaud aux soldats crée pendant la guerre de 1914 – 1918 est réactivée. Le 23 novembre une grande distribution de vin est organisée à la gare de l’Est en présence d’Henri QUEILLE, le ministre de l’agriculture. Pour satisfaire ceux qui s’opposent à cette politique au nom de la lutte contre l’alcoolisme le vin est coupé de 20% d’eau mais contrairement à ce qui a été dit il n’y a pas été ajouté du bromure. Une vaste campagne de propagande en faveur de dons est mise en œuvre dans toute la France pour acheter du vin.

Dès la fin du mois de décembre 1939, une vague de froid accompagnée d’une tempête de neige déferle d’un seul coup sur l’Est et le Nord de la France. En 24 heures le thermomètre tombe à -20° à Nancy.  Le mois de janvier 1940 est le plus froid depuis l’année 1838…  Il faut lutter contre le froid tout en attendant l’ennemi. Pour faire face à cette situation le vin chaud est une solution.

Le 15 janvier M. QUEILLE donne des instructions pour que 35 millions de litres de vin soit distribués à la troupe sous forme de ration supplémentaire gratuite de vin chaud.

le Populaire 16 janvier 1940

On boit tellement, dans les unités que l’Armée est contrainte d’installer des salles de dégrisement. Une partie de l’opinion publique s’insurge contre cette politique considérant qu’en encourageant la consommation de vin elle va favoriser l’alcoolisme. Mais E. BARTHE défend au contraire l’idée que le vin est l’antidote de l’alcoolisme et qu’il donne du courage aux soldats.

Dans le hall de la gare de Limoges, la cantine pour permissionnaire qui a servi jusqu’à 2 400 casse-croutes aux soldats remplace, en dehors du petit-déjeuner, le café et le thé par du vin offert par les viticulteurs de Carcassonne-Limoux.  

Une nouvelle journée, comme celle du 23 novembre est prévue le dimanche 3 mars 1940 aux Halles de Paris sous l’égide du ministre de l’Agriculture. Le 11 février 1940 le président BARTHE écrit une lettre qui annonce la collaboration avec la Croix-Rouge française et précise les modalités d’organisation de la journée : création d’insignes, de bandes pour les troncs de quête et de brassards pour quêteurs.

Un bon de commande à l’adresse de l’Œuvre, rue Marbeuf à Paris accompagne la lettre. Le prix de l’insigne est de 1 Franc au minimum. Le courrier est aussi adressé aux comités locaux de la Croix-Rouge.

La circulaire n°482 de la Croix-Rouge française confirme sa participation à la Journée du 3 mars. Elle le fait sans manifester un enthousiasme débordant mais comme « chacun des comités retiendra à son profit 20% de la recette brute » les présidentes et le président des 3 organismes qui le 7 août 1940 fusionnent en Croix-Rouge française signent la circulaire.

Les vignettes existent en deux modèles. Elles sont tricolores et représentent un soldat souriant tenant un quart de vin chaud, il est de face dans l’un des modèles et de trois quart dans l’autre. Elles portent deux slogans : « Le VIN donne l’OPTIMISME » en haut, « Le VIN CHAUD chasse la GRIPPE » en bas et en dessous de la précédente, en plus petit et en blanc sur fond bleu « CE TIMBRE PROCURE GRATUITEMENT 2 VERRES DE VIN CHAUD AU SOLDAT ».

Elle sont vendues 1 franc et sont présentées en carnets de 10.

Le carnet du second modèle invite à acheter un timbre grand format au prix de 25 francs.

Vignette pour auto

III- la campagne « Vin chaud du soldat à Nexon »

Le 20 février le préfet de la Haute- Vienne envoi une lettre à tous les maires du département. Il les invite, pour assurer le plein succès de l’opération, à user de leur influence pour que la population réserve le meilleur accueil aux élèves des écoles qui vendront les vignettes.

Lettre du préfet aux maires
L’encart dans le Populaire du 3 mars

Le 8 mars le préfet accuse réception du versement de 264, 75 francs et remercie le Maire pour son aide.

Lettre de remerciement du préfet au maire de Nexon

Quelques jours plus tard, le 16 mars 1940, le maire de de Rilhac-Lastours, dans Le Populaire était « heureux de faire connaître que la vente d’insignes organisée pour l’œuvre du vin chaud du soldat, avec la collaboration de Mesdames les directrices des écoles de Rilhac-Lastours, a produit la somme de 231 francs (115 pour la section de Rilhac et 116 francs pour la section de Lastours).

II est heureux d’exprimer, au nom de l’œuvre, ses remerciements les plus chaleureux aux maîtresses et aux enfants des écoles ayant prêté leurs précieux concours pour la quête, ainsi qu’aux généreux donateurs qui ont répondu avec empressement à l’appel de la Fédération des Anciens Combattants »

Au niveau national les résultats dépassent les prévisions. Ainsi la ville de Narbonne a collecté 6 536 francs

Le Midi Socialiste 7 mars 1940

Sur l’ensemble du territoire c’est plus de 10 millions de francs qui ont été collectés procurant de ce fait 2 millions à la Croix Rouge.

Bulletin de l’Office International de Vin 24 avril 1940

Pour aller plus loin :

Stéphane LE BRAS, « Consommer pour vaincre ? Consommation au front et effort de guerre dans l’armée française en 1916 », Les Grandes Batailles de 1916, Mission du Centenaire, 2016, Paris, France

Stéphane LE BRAS, « L’ivresse dans l’armée française pendant la Grande Guerre. Un mal pour un bien ? » M. Lecoutre (dir.). L’ivresse entre le bien et le mal, de l’antiquité à nos jours, Peter Lang, p. 167-186, 2018

Stéphane LE BRAS, « Et le vin faillit devenir un alcool. Perceptions, représentations et pratiques autour du vin pendant la Première Guerre mondiale » H. Bonin (dir.). Vins et alcools pendant la Première Guerre mondiale (1914-1919), Féret, p. 41-65, 2018

Stéphane LE BRAS, « Le négoce des vins en Languedoc. L’emprise du marché. 1900-1970 », Presses universitaires François-Rabelais, 2019

Stéphane LE BRAS, « Le vin et la guerre », Malakoff, Dunod, 2019

Christophe LUCAND, « Le pinard des poilus », Éditions universitaires de Dijon, 2015

Charles RIDEL « L’ivresse du soldat. L’alcool dans les tranchées (1914-1918 » Paris, Vendémiaire, 2016.