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Andrée Anna GIBAUD, épouse BINET, née à Nexon, a été massacrée le 10 aout 1944 à Oradour où elle était directrice de l’école de filles. Avec elle son fils, sa mère et son mari.

Andrée GIBAUD est née le 5 mars 1914 à Nexon. Son père Amédée GIBAUD était platrier à Valette et son épouse, Louise RAGOT, était sans profession. Amédée GIBAUD était né le 2 juin 1884, à La Meyze, et son épouse Louise était née le 5 janvier 1889, elle aussi à La Meyze. Ils s’étaient mariés le 28 octobre 1911 à La Meyze. Au recensement de 1901, Amédée GIBAUD qui avait 16 ans a été recensé à Nexon ou il était apprenti platrier chez Auguste VIACROZE, rue du Nord.

ADHV

La jeune Andrée a du aller à l’école à Nexon et, bonne élève, elle a été reçue au brevet élémentaire en juin 1930 à Limoges. En septembre 1932 elle entre à l’Ecole normale d’institutrices de Limoges et obtient son brevet supérieur en juin 1935 et son certificat d’aptitude professionnelle en novembre 1935.

Andrée Anna Gibaud est notée 13/20 par la Directrice de l’Ecole normale qui indique « Elle a des qualités de douceur, d’amabilité et d’éducation. Elle devra faire une institutrice consciencieuse ». Ces qualités sont celles que ces élèves qui ont échappés au massacre signaleront lorsqu’ils parleront d’elle.

En septembre 1935, elle est à nommée pour un remplacement à l’école de Beaune-les Mines, puis le 1er octobre 1935, à Couzeix pour trois semaines. Ensuite elle va au Palais où elle restera jusqu’en août 1938. Et c’est le 3 octobre 1939 qu’elle est nommée directrice adjointe à Oradour-sur-Glane.

Le 2 juin 1936 à Limoges, elle épouse Jean BINET, agent technique à l’intendance à Limoges.

Il était né le 15 novembre 1910 à Pontgibaud (Puy-de-Dôme), fils de Victor BINET, brigadier de gendarmerie à cheval, et de Marie Lucie MOUTON, son épouse, sans profession.

Le 13 avril 1937, à Limoges, nait leur fils, Jean Pierre.

Andrée BINET à l’école de filles d’Oradour sur Glane

Le 3 octobre 1939, Andrée BINET est nommée directrice adjointe à Oradour-sur-Glane. Depuis le 6 août 1936 le Front populaire a adopté la loi sur l’enseignement primaire présentée par le ministre de l’Education nationale Jean Zay. Elle prolonge la scolarité obligatoire de 13 à 14 ans. Les écoles d’Oradour doivent s’organiser pour accueillir plus d’élèves et surtout plus agés et ce jusqu’au passage du Certificat d’études primaires.

Le 1er septembre 1940 Andrée BINET est nommée directrice de l’école de filles qui compte 3 classes et accueille 108 élèves, soit 36 élèves par classe en moyenne.

Ginette COUTURIER et Andrée GIBAUD

Le 19 décembre 1941, l’inspecteur primaire de Rochechouart inspecte sa classe et visite le logement mis à sa disposition.

Grande section de l’école de filles 1941-42 , Madame Binet au milieu de ses élèves (ANFMO)

Elle est logée dans un appartement de « 4 pièces + cabinet à toilette ». L’inspecteur précise que contrairement à d’autres communes, la directrice n’assure pas la fonction de secrétaire de mairie. Puis l’inspecteur s’attache à comprendre Andrée GIBAUD qui n’a alors que 26 ans. Son mari travaille à Limoges et ils ont un fils de 3 ans 1/2, Jean-Pierre, qui vit à Oradour.

Concernant son enseignement il note que la préparation est « régulière et sérieuse. Fiches particulières à chaque enseignement. Tout est prévu, choisi, préparé d’une façon intelligente ». Concernant sa méthode d’enseignement, l’inspecteur écrit : « la maîtresse avec raison rattache ses observations à un nombre limité de points ; plan, construction sérieuse, expressions incorrectes, fautes d’orthographe. Mais il faut éviter de laisser les élèves passifs, la correction collective doit être vivante, tous les enfants doivent y participer. Ce n ‘est pas suffisant de lire les passages contenant les fautes principales, il faut écrire au tableau, soit un alinéa, soit une phrase à mettre d’aplomb soit une proposition lourde obscure. Les élèves sont entraînées à corriger, en marge, les fautes signalées».

L’inspecteur apprécie que les jeunes élèves de Mme Binet « lisent bien, avec expression », qu’elles récitent leur texte d’une « diction lente, accentuée », enfin qu’elles aient « la voix juste et respectent les nuances » dans les exercices de chant auxquels il assiste.

L’inspecteur conclue son rapport en saluant en Mme Binet une institutrice directrice d’école, qui « travaille avec méthode et ordre ; Les résultats obtenus sont satisfaisants».

Le 10 juin 1944, jour du drame.

En ces jours d’anniversaire du 80ème anniversaire du drame je ne reprendrai pas la chronologie des événements. Dans un petit livre de 36 pages, Robert HEBRAS, le dernier survivant du massacre décédé le 11 février 2023, faisait revrire le drame heure par heure. (10 juin 1944 Oradour su Glane- le drame heure par heure par Robert HEBRAS. Les Productions du Pertuis 2001). ce qui est certain c’est que lorsqu’a vers les premiers soldats pénétrèrent dans le bourg, presque personne n’a eu peur, pensant qu’il s’agissait d’un simple controle d’idendité.A 14h30 les soldats ont demandés aux institeurs de faire sortir les enfants et de les amener sur le champ de foire. A l’exception du jeune Roger GODFRIN, personne ne s’aoffait; Mais lui qui avait quitté son village de Charly chassé par les Allemands ne leur faisait pas confiance retenant les paroles de sa mère « Quand tu vois les boches, tu fuis.  » C’est ce qu’il a fait et il fut le seul rescappé parmi tous les élèves.

Andrée BINET, la directrice de l’école des filles n’est pas à son poste. Elle était en arret pour maladie dépuis le début du mois de mai. Son arret se terminait ce soir là et elle devait reprendre ses fonctions le lundi 12 juin. Elle était remplacée par une jeune institutrice agée de 23 ans, Odette COUTY. Elle logeait à l’Hôtel Milord ou elle avit laissé sa bicyclette pour regagner Limoges en fin de journée, son remplacement terminé.

Sa remplaçante suit les consignes des soldats et fait sortir les enfants de sa classe. Les bérets restent accochés aux portemanteaux, les sacs sont abandonnés sur le plancher. Arrivés sur le champ de foire les enfants et les femmes qui avaient été séparées des hommes furent réunis. Ils prirent ensuite la route pour aller vers l’église.

Ce samedi matin, Andrée BINET ne se sent pas bien, elle reste au lit. Sa mère Louise RAGOT, épouse Gibaud, était venue la voir. Son fils Jean Pierre qui avait 7 ans était à l’école. Des soldats l’ont faite lever et c’est en robe de chambre qu’elle a accompagné ses élèves vers l’église.

Ecole des filles

Marguerite ROUFFANCHE, l’unique survivante de l’église, raconte lors du procès de Bordeaux : « Nous avons été conduits à l’église, toujours avec l’escorte de la mitraillette et là, nous avons été enfermés. Après une longue attente, ils ont apporté une caisse qu’ils ont placée sur deux chaises devant la sainte table. De cette caisse se dégageaient des cordons blancs; je ne peux savoir quel engin c’était et au bout de peu de temps, la caisse a éclaté d’un coup très sourd, et il s’est élevé une fumée qui nous a étouffés et on ne voyait plus dans l’église.

A ce moment-là, les gens sont montés pêle-mêle les uns sur les autres, il y avait des familles entières, les enfants des écoles… ». Elle poursuit «…après l’explosion, quand la fumée a été dissipée, les soldats SS sont rentrés dans l’église; à ce moment ils ont mitraillé comme ceci (geste). Après ils ont apporté des fagots et de la paille et ils ont mis le feu, et c’est à ce moment-là que je suis sortie…(…) Je suis monté sur un escabeau, et je me suis lancée par la fenêtre».

Dans l’église, les enfants et leurs institutrices sont restés mêlés les uns aux autres dans un amas de cendres. Jean Pierre devait etre dans les bras de sa mère. Peut-être qu’également Louise RAGOT s’était rapprochée de sa fille et trois générations d’une même famille ont brulé dans cette église. Horible fin pour ces femmes qui furent tuées puis brulées avec leurs enfants.

L’église où les femmes et les enfants ont été massacrés
Déposition de M. PONT inspecteur primaire

Dépot central des archives de la justice militaire (DCAJM) cote 1953_02000 001_01_04_00226 et 00227

Jean BINET fut mitraillé puis brûlé dans l’une des six granges dans lesquelles les hommes furent massacrés.

Parcours mémoriel de la Libération de la Haute-Vienne : le camp de Nexon

L’année 2024 est l’occasion de commémorer les 80 ans de la Libération de la Haute-Vienne. Pour cette occasion le Trinôme académique qui rassemble le Ministère de l’Education nationale, le ministère des Armées et l’association des auditeurs du Limousin de l’Institut des hautes études de défense nationale a proposé aux collèges du département de faire participer leurs élèves à une réflexion sur un événement s’étant déroulé dans son voisinage et d’en rendre compte lors d’une rencontre à la préfecture.

Pour les aider dans leur réflexion un livret pédagogique a recensé 23 événements et 24 articles ont été écrits et rassemblés dans un ouvrage coordonné par Philippe PASTEAU, délégué militaire départemental de la Haute-Vienne. Membre du Trinôme en tant que président de l’Association Régionale (AR25) de l’Institut des hautes études de la Défense nationale j’ai rédigé deux fiches.

Le camp de Nexon faisait partie des sujets proposés à la réflexion des élèves mais le collège de Nexon n’y a pas participé. Le travail réalisé par les élèves a donné lieu, le mercredi 22 mai à la préfecture, à une réunion d’une centaine d’élèves avec leurs professeurs pour que, par trois ou quatre par collège, ils fassent la synthèse de leurs recherches.

Ce fut une très belle après-midi avec des élèves passionnants, heureux d’avoir rendu hommage à ceux qui, il y a 80 ans, ont permis la Libération de la Haute-Vienne puis, quelques mois plus tard, de notre pays.

Après quelques photos de la cérémonie je met le texte que j’ai écrit à cette occasion sur le camp de Nexon. L’autre texte traite des combats du 17 aout 1944 à Feytiat, Le Vigen et Jourganc. Dans cette dernière commune, à la Chaume verte, 5 jeunes ont été massacrés, la cérémonie pour leurs obsèques a eu lieu à Nexon et l’un d’eux, Raymond LAPOUGE est inhumé au cimetière de Nexon. je le mettrai en ligne quelques jours avant la cérémonie pour commémorer la mémoire de ce massacre, le 18 aout à Jourgnac.

Le préfet délégué, Philippe LAYCURAS et le lieutenant colonel Philippe PASTEAU, Délégué militaire départemental.

La salle des fetes de la Préfecture avec les élèves à droite et a gauche, M. DEBLOIS, président du conseil départemental, Mme ORLAY, Inspectrice d’académie, directeur académique des services départementaux de l’éducation nationale et Jean François NYS, président le l’Association régionale de l’Institut des hautes études de défense nationale.

Le collège André Maurois présente l’histoire du jeune Philibert CHATY, résistant des maquis de Brigueil et Cussac, fusillé à Limoges le 31 janvier 1944.

Le Trinôme evec un groupe d’élèves et avec les représentants des collectivités.

Le thème proposé pour Nexon etait celui du camp. Voici la notice dans le livret de présentation suivi du texte que j’ai rédigé pour l’accompagner.

L’ouvrage qui réuni tous les textes:

1940-1945 Camp d’internement de Nexon et les victimes israélites

Dès le 12 novembre 1938, le gouvernement Daladier publie un décret prévoyant la création de centres spéciaux pour l’internement des « étrangers indésirables ». Le 21 janvier 1939 le camp de Rieucros à Mende en Lozère fut premier à voir le jour.

Le conflit qui éclate le 3 septembre 1939 conduit le gouvernement Daladier à renforcer la surveillance des milieux politiques considérés comme subversifs. Le décret-loi du 18 novembre 1939 marque le début d’une répression autorisant les préfets à interner sans aucun jugement ni condamnation « les ennemis de la Patrie ». Sont principalement visés les communistes qui, du fait du Pacte Germano-Soviétique signé le 23 août 1939, deviennent suspects de ne pas vouloir défendre la France contre l’Allemagne. Sont également suspects tous les allemands qui ont fui l’Allemagne dès qu’Hitler a mis en œuvre sa politique raciste. Pour le gouvernement français toute personne qui arrivait l’Allemagne ou des territoires envahis étaient suspects d’être des espions. La plus grande partie d’entre eux était des juifs dont certains n’étaient en France qu’en attendant de partir aux Etats-Unis. C’est pour ces raisons de sécurité nationale que la garde des camps incombait au Ministère de la Guerre avant de passer sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur ( loi du 17 novembre 1940).

La dissolution du parti communiste en septembre 1939 va conduire les dirigeants, les militants et les syndicalistes les plus actifs à être internés ou affectés à des compagnies spéciales.

Mais les camps sont également construits pour héberger les Républicains espagnols qui fuient massivement leur pays au fur et à mesure de l’avancée des troupes de Franco. Avant même que le camp soit terminé les baraquements vont servir à l’hébergement des évacués alsaciens et de tous les réfugiés qui arrivent de toute l’Europe. En juin et juillet 1940, la mairie de Nexon enregistre trois décès de réfugiés, tous français originaires de l’ouest parisien et âgés de 70, 77 et 82 ans.  

Le 22 juin 1940, après la défaite militaire de la France l’armistice est signé à Rethondes. Le 10 juillet le Maréchal Pétain obtient les « pleins pouvoirs » de chef de l’Etat et du gouvernement. C’est la naissance de l’État français et la fin de la Troisième République. Le Gouvernement de Vichy va utiliser l’internement comme outil politique. La loi du 3 septembre 1940 prolonge les dispositions du décret-loi du 18 novembre 1939 et rend possible l’internement des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique.

Le centre de séjour surveillé de Nexon est remis au maire de Nexon le 28 septembre 1940. Il compte 13 baraquement de 40 m. sur 6 m. et une cuisine. Il est entouré d’une clôture en fil de fer barbelé et l’entrée est sans porte.

Le 3 octobre 1940 est promulgué la loi portant sur le statut des Juifs, un second statut, plus répressif, sera institué par la loi du 2 juin 1941.

 Dès la fin novembre 1940 un chef de camp est nommé, M. Pillon, officier de réserve. Il constate que le camp qui a logé jusqu’à 600 réfugiés n’est pas en mesure d’héberger des personnes pendant l’hiver dans la mesure ou il n’y a pas de chauffage et que des nouvelles baraques sont en construction. Malgré cela M. Pillon accepte à la fin du mois de décembre un premier contingent de 300 détenus venant des camps de Mons et de Gurs.

Dans son rapport du 31 janvier 1941 à la Direction de la Sûreté nationale à Vichy le chef de camp décrit ainsi la population qu’il héberge « dans un camp d’Indésirables Français, l’intellectuel côtoie l’ouvrier d’usine, le mineur, le commerçant , l’agriculteur ; le militant communiste retrouvera à ses côtés les simples membres du parti, même souvent des S.F.I.O. ou de simples syndicalistes qui ont combattu contre eux. De ce fait, l’action des chefs militants et leur influence sur les masses continue au camp ». Il n’y a pas de Juifs enregistrés comme tels parmi les internés.

 1 – Le fonctionnement et les principaux événements de 1941 à 1945

Dans son fonctionnement au cours de cette période le camp de Nexon pouvait accueillir jusqu’à 800 internés et 1200 voir plus comme on peut le lire dans certains articles.  Suivant un plan orthogonal, 23 pavillons construits soit en dur et couverts en tuiles ou en tôle ondulée, soit en bois montés sur des dés en béton et recouverts de tôle, étaient clôturés par un grillage de fil de fer recourbé (pour éviter les évasions), doublé par un réseau de barbelés de 4m de large et par un chemin de ronde, à l’extérieur. Les 12 baraques destinées au logement des internés (B1 à B12) étaient séparées des 9 autres réservées aux divers services. Une longue palissade de bois faisait écran entre le camp et la route départementale qui restait ouverte (réponse à la lettre du Ministre de l’intérieur datée du 20 novembre 1944 par le Directeur du camp de Nexon adressée au Préfet de la Haute-Vienne).

Quelques dispositions du règlement concernant la discipline ( Vichy le 17 janvier 1941- AD 87, 185W3/60)

« Le Centre de Nexon est un Centre d’hébergement et non pas un camp répressif, les étrangers qui s’y trouvent réunis n’en ont pas moins le devoir de participer à tous les travaux tant d’aménagement que d’entretien. Ceux qui manifesteraient de la mauvaise volonté dans l’accomplissement de leur tâche seraient l’objet de sanctions disciplinaires.

Les heures de lever sont fixées à 6h30 en été 7h30 en hiver et pour le coucher à 22h en été  et à 21h30 en hiver.

Les Grands-parents, pères, mères, conjoints, frères, sœurs et descendants en ligne directe des hébergés, sont admis à rendre visite à ses derniers, trois jours par semaine pendant les heures fixées par le Commissaire Chef de camp.

Les « hébergés » sont autorisés à recevoir des colis. Ces derniers devront être ouverts par l’hébergé en présence d’un brigadier.

Toute tentative d’évasion sera immédiatement punie de prison pour une durée à fixer, selon les circonstances, par le Commandant du Camp. Il en sera rendu compte au Préfet.

La peine sera doublée à la deuxième tentative et en cas de nouvelle récidive, l’hébergé sera dirigé sur le Camp répressif du Vernet. »

En mars 1941, un certain nombre d’« indésirables » sont acheminés à Port-Vendres et de là en Afrique du Nord.

La rafle d’août 1942 et l’arrestation des Juifs

Le 5 août 1942 tous les préfets régionaux reçoivent une lettre confidentielle des services de René Bousquet, secrétaire général de la police, qui définit les juifs à arrêter et à transporter en zone occupée « avant le 15 septembre » : leur nationalité, leur date d’entrée sur le territoire français (1er janvier 1936), la liste des exemptés (« vieillards de plus de 60 ans », femmes « en état de grossesse », « enfants de moins de 16 ans non accompagnés », entre autres).

Le 10 août 1942 le préfet  Lemoine adresse ses instructions aux préfets de sa région pour effectuer le ramassage, le groupement et la conduite des israélites au centre régional de Nexon. Les internés qui séjournaient au camp de nexon ont temporairement été transférés au camp de Saint Paul d’Eyjeaux.

Le 19 août les préfets de département sont informés que l’opération se déroulera le mercredi 26 août.

A 5 heures dans la nuit de ce 26 août le « plan de ramassage » est déclenché sur l’ensemble de la zone non occupée. Pour la Région de Limoges, 9 préfectures ou sous-préfectures sont concernées : Loches (Indre et Loire), Châteauroux (Indre), Saint Amand Montrond (Cher), Montmorillon (Vienne), Guéret (Creuse), Confolens (Charente), Limoges (Haute-Vienne), Périgueux (Dordogne) et Tulle (Corrèze).

Grande rafle de Juifs étrangers dans les quarante départements de la zone libre où Vichy est souverain.

Le 29 août 1942, 450 Juifs dont 68 enfants de la région de Limoges arrêtés dans les 5 départements de la Région de Limoges sont transférés au camp de Nexon. Après un triage complémentaire à celui qui était fait dans chaque département et internés à Nexon. Ils sont ensuite livrés aux Allemands et déportés à Auschwitz. Des Juifs âgés évacués du camp du Récébédou, près de Toulouse, sont transférés au camp de Nexon. Le 26 août 1942, le « plan de ramassage » est déclenché sur l’ensemble de la zone non occupée. Pour la Région de Limoges, 9 préfectures ou sous-préfectures vont être concernées : Loches (Indre et Loire), Châteauroux (Indre), Saint Amand Montrond (Cher), Montmorillon (Vienne), Guéret (Creuse), Confolens (Charente), Limoges (Haute-Vienne), Périgueux (Dordogne) et Tulle (Corrèze).

En Haute-Vienne 102 personnes ont été arrêtées, aucune à Nexon ni dans les communes du canton. En effet lors de l’enquête du 3 juin 1941 la mairie de Nexon avait déclaré qu’aucun réfugié israélite ne vivait sur la commune.

Au total 680 personnes ont été amenées au camp de Nexon les 27 et 28 août 1942. Leurs documents vont de nouveaux être examinés. En une journée les inspecteurs vont examiner les papiers et libérer ceux qui remplissant les conditions d’exemption. Aux partants on retirera les cartes d’alimentations à tous ceux qui remplissent les conditions pour être retenus.

Après toutes les vérifications 458 personnes ont été embarquées dans le train pour Drancy. Ce sont donc plus de 200 personnes qui ont été libérées parce qu’elles remplissaient les conditions pour ne pas partir. Les 458 personnes retenus ont quitté le camp dans la soirée et ont pris place dans trois 3 voitures de voyageurs réservées aux femmes, enfants et malades et vingt-sept voitures à bestiaux aménagées. Les bagages étaient entreposés dans quatre fourgons à bagages et une voiture était réservée à l’escorte.

Le train a quitté Nexon le 29 août 1942 à 6h55. Il a franchi la ligne de démarcation à Vierzon à 11h31 d’où il est reparti à 12h15. Il est arrivé à Drancy à 18h03. La plupart sont partis pour Auschwitz très rapidement. Le convoi n°26 avec 307 « raflés » est parti le 31 août et le convoi n°27 est parti le 2 septembre avec 75 « raflés ». La plupart ont été gazés le jour de leur arrivée.

Après cet événement douloureux la vie du camp continue avec le 26 octobre 1942, la plus grande partie des internés du camp du Récébédou, « juifs étrangers, espagnols républicains et leur encadrement » qui est transférée au camp de Nexon. Le camp est alors transformé en camp hôpital.

Après l’attaque surprise de l’Union soviétique par les armées allemandes le 21 juin la guerre a changé de dimension. Le 8 novembre les Alliés débarquent en Afrique du Nord et le 11 novembre la zone libre est envahie par les allemands et les italiens. Les communistes ne sont plus systématiquement considérés comme des indésirables.

Les juifs sont les principales victimes de l’hiver rigoureux de 1942-1943

L’hivers 1942-1943 est particulièrement rigoureux et 76 internés vont mourir, principalement parmi les Juifs. Ils sont inhumés dans le cimetière de Nexon. Les 29 et 30 novembre 1951, 72 corps sont exhumés et déposés dans une tombe collective. 

La rafle de fevrier 1943 dite rafle des 2000 va faire une nouvelle fois Nexon centre de regroupement.

Le 13 février à Paris, deux officiers de la Luftwaffe sont abattus. En représailles, les Allemands réclament la déportation de 2000 hommes. Ne pouvant trouver 2 000 Juifs étrangers en zone occupée, Vichy est allé les chercher en zone libre, nouvellement occupée.

Les Juifs arrêtés ont été dirigés sur le Camp de Gurs et une partie sur le Camp de Nexon. Puis, tous ont été transférés sur Drancy et de là, non pas sur Auschwitz, engorgé de convois, mais sur le Camp de Sobibor. Une poignée de rescapés survécurent via le Camp de Maidanek. 

Le camp en 1943 et 1944

A partir du mois de mars la population des internés tombe à moins de cent personnes . Elle remontera au-dessus de 100 à partir du mois d’août 1943.

À la suite de la dissolution du camp de Gurs, en novembre 1943, les internés de ce camp sont transférés à Nexon.

La population des internés évolue, il y a moins de Juifs mais des réfractaires au STO, des condamnés de droit commun pour marché noir, trafic… et des opposants politique. Des volontaires sont envoyés pour travailler dans le cadre de l’organisation Todt à la construction des fortifications de l’Atlantique.

Au cours de l’année 1944 le nombre des interné augmente et dépassera 200 en février puis 330 en mars.

Le débarquement du 6 juin en Normandie déclenche de nombreuses actions de la Résistance. Le 11 juin 1944, le camp est attaqué ce qui permet l’évasion de 54 détenus. Le camp de Saint Paul d’Eyjeaux est lui aussi attaqué et incendié. Le 13 juin les internés de ce camp qui restent sont envoyés à Nexon.

Du 17 juin 1944 à la fin octobre 1944 le camp est transféré à la Caserne du Grand Séminaire à Limoges

De la fin octobre 1944 au 17 août 1945 retour à Nexon, date du transfert des internés au camp de Poitiers.

Il ne subsiste aucune trace du camp, dont l’emprise est occupée par un lotissement. Une stèle en rappelle le souvenir.

Bibliographie

Claude BERODY «Nexon … 1941…baraque 12 » Fondation pour la Mémoire de la déportation 2011 

Guy PERLIER « Les camps du bocage : 1940-1944 Saint-Germain-les-Belles Saint-Paul-d’Eyjeaux Nexon » aux Editions Les Monédières, avril 2009.

Guy PERLIER « La Rafle : Août 1942, région de Limoges » Editions Les Monédières, mars 2012

Laurette ALEXIS-MONET « Les miradors de Vichy » Les Éditions de Paris 1994 et 2001

Archives départementales de la Haute-Vienne – Seconde Guerre Mondiale. En ligne :

  • 993 W 71 et 73 Rapports mensuels de commandant de camp
  • 185 W 3/61 Rapports du chef de camp sur l’organisation du camp, son fonctionnement, l’état d’esprit des internés.

La rafle du 29 août 1942 : https://etsinexonmetaitconte.fr/wp-admin/post.php?post=7314&action=edit

La défense Passive à Nexon au cours de la Seconde Guerre Mondiale.

Le concept de défensive passive apparaît au début des années 1930, et découle de la prise en compte des risques liés au développement de l’aviation comme arme de combat. Les premières instructions ont été transmises aux maires de France à la fin de l’année 1931. La loi du 8 avril 1935 organise la Défense Passive et à la veille du conflit, en 1938, une instruction pratique est publiée par le Ministère de l’Intérieur.

Dans toutes les communes de plus de 2 000 habitants, en temps de guerre, une brigade doit être constituée pour assurer la protection des populations et annoncer un certain nombre de mesures en cas de bombardements. Des sociétés proposent aux maires des systèmes d »alarme par sirène, des brochures, des tracts…

Première sirene installée à Limoges au début de la guerre

Phoscao, préparation à base de phosphates et de poudre de cacao a été créée à la fin du XIXe siècle par deux pharmaciens, le père et le fils Dardanne. Le nom du petit déjeuner chocolaté Phoscao devient ensuite celui de l’entreprise et pendant la première guerre mondiale il était proposé aux soldats comme fortifiant. La société a été rachetée par Cémoi en 1979.

En 1940 Phscao a édité une série d’images illustrant la défense passive. Elle sont plus adaptées aux grandes villes qu’aux villages mais elles montrent l’intérêt porté par la Nation à la Défense. Voici deux de ces images.

Une liste des membres de la défense passive est affichée pour que ces personnes soeint connues et pour permettre la bonne organisation des secours lors des sinistres.

Plusieurs équipes coexistent :

– Des équipes de secours avec un chef et un sous chef. la première avec M. GAUMY comme chef est composée de 17 personnes, la seconde sous les ordres de M. DAURIAT compte 15 personnes. Tous les professionnels de santé sont membres des secours, les 4 médecins, les 2 pharmaciens et le dentiste et 3 infirmiers dont l’assistante sociale.

– Une équipe de « déblaiement » chargée de l’enlèvement des décombres en cas de bombardement. Elle est composée de 30 personnes avec un chef, Jacques BRIDGLAND et un sous chef SAUTARAINIER. Les membres sont répartis sur l’ensemble du territoire de la commune. Les membres de cette brigade portent un brassard pour permettre à la population leur identification et ne pas les confondre avec d’éventuels pilleurs.

– Une équipe de guetteurs en cas d’incendie de bois ou de récoltes causé par des engins incendiares lancés par l’aviation. Elle est composée de 30 personnes organisés en binome par village.

– Une équipe contre les bombardements et incendies provoqués par avion. Elle a comme chef M. DAURIAT et comme sous chef M. GIRY, et elle est composée des membres de l’équipe de secours n°2.

Rappelons dans les locaux d’habitation aucune lumière ne devra, dès la tombée de la nuit, être visible de l’extérieur. Cette prescription s’applique, non seulement aux ouvertures donnant sur la rue et sur les cours, mais aussi à celles pratiquées dans les toitures (lucarnes, verrières d’escaliers, etc..)

Les portes et fenêtres, et d’une façon générale toutes ouvertures, devront être munies de moyens d’obturation mobiles, tels que volets, persiennes, rideaux, panneaux d’étoffe ou de papier opaques, interceptant toute lumière vers l’extérieur.

Tous les véhicules devront circuler tous phares éteints, à la vitesse très réduite (au maximum dix kilomètres à l’heure). Seul l’usage des lanternes est autorisé ; les glaces de ces lanternes devront être recouvertes de couleur bleue.

Jean Marie BRUGEAS, le seul nexonnais « Juste parmi les Nations ».

Jean Marie BRUGEAS, un homme aux multiples visages dont la jeunesse qui lui valut la reconnaissance de Juste parmi les Nations, était peu connue des nexonnais !

Jean-Marie BRUGEAS est né le 24 juillet 1926 à Nexon où il est mort le 12 mars 1980 il n’avait pas encore 54 ans. Après une jeunesse ou il s’engage dans la protection des juifs et de tous ceux qui étaient pourchassés par la police de Vichy et la milice il se marie et va devenir chef d’entreprise. Mal connu des nexonnais qui voyaient en lui un garçon qui semblait mener une vie facile, il cachait un homme cultivé, amoureux de la musique de la peinture et de la poésie. Il dissimulait la douleur d’avoir perdu tragiquement ses deux garçons dans la fleur de l’âge.

1 – Son père Louis René BRUGEAS

Son père Louis René BRUGEAS (1895-1964) était né le 10 novembre 1895 à Le Grand Bourg en Creuse où son père, Jean Baptiste BRUGEAS (1862-1945), était instituteur.

Acte de naissance de Louis René Brugeas (A.D. Creuse)

Louis René avait 19 ans au moment où éclate la Guerre. Il est  incorporé le 17 septembre 1914 au 20ème Régiment d’Infanterie. Il sera  nommé caporal le 16 juillet 1915, sergent le 25 janvier 1917 puis aspirant moins d’un mois plus tard (15 février 1917). Il fait preuve de beaucoup de courage au combat ce qui lui vaux plusieurs blessures et plusieurs citations. Il et est nommé sous-lieutenant le 18 juin 1918 puis lieutenant de réserve le 10 mai 1920.

Registre Matricules (Geneanet)

Il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur avec le droit de porter l’insigne de la décoration le 16 juin 1920, il n’a pas encore 25 ans. Il est alors receveur de l’enregistrement à Crèvecoeur-le-Grand dans l’Oise.

Le 10 juillet 1925 à Crozant, Creuse, il épouse Jeanne DESMAISON. Elle est née le 5 septembre 1897 à Nexon, au Plantadis, où ses parents sont jardiniers. C’est le premier contact des BRUGEAS avec Nexon. En marge de l’acte de naissance on trouve la mention de son mariage et la date de son décès à Nexon.

Acte de naissance de Jeanne DESMAISON à Nexon (A.D. H.V.)

Ils vont avoir rapidement un fils, Jean Marie, qui naît le 24 juillet 1926 à Nexon, sa mère étant venue chez ses parents pour accoucher comme cela se faisait assez souvent alors.  Le couple avec leur fils va déménager au rythme des affectations de Louis René comme receveur de l’enregistrement. Ils quittent Crèvecœur au début de l’année 1927 pour Chalus, sans doute pour être plus proche de la famille de Jeanne DESMAISON. Ils y resteront jusqu’en 1933  pour aller à Aixe sur Vienne pour occuper un poste de receveur plus important. Une fois à la retraite ils habiteront à Limoges et à la fin de sa vie Louis et son épouse viendront habiter à Nexon chez leur fils.

Jeanne décéde le 11 octobre 1959 à Nexon à l’âge de 64 ans. Son époux, Louis René BRUGEAS va vivre encore 5 ans et  décédera le 26 mai 1964 à Nexon, âgé de 68 ans.

2- Jean Marie BRUGEAS, sa jeunesse pendant la seconde Guerre Mondiale.

Quand son père est nommé à Chalus, Jean Marie à 1 ans. Il y passera les 6 premières années de sa vie. Il est sans doute allé à l’école maternelle et en octobre 1933 quand son père a été nommé à Aixe sur Vienne c’est à Aixe qu’il est entré au CP puisqu’il avait 6 ans. A la fin de l’école élémentaire il est allé au collège puis au lycée à Limoges. Il a 14 ans lorsque la drôle de guerre prend fin.  Lorsqu’il a 15 ans il ne reste pas inactif lorsqu’il voit la mise œuvre de la politique de Vichy à l’encontre des juifs. Dès 1942 il commence à les aider à se cacher. Il prévenait les juifs à Limoges et dans les environs de descentes de police prévues, et trouvait des cachettes en cas de besoin. Grâce à lui, de nombreux Juifs échappèrent à l’arrestation et à la déportation. Il aida également des républicains espagnols, des réfugiés polonais…

 Il entra dans la Résistance le 17 décembre 1943 et fut affecté en qualité d’agent de liaison, sous le pseudonyme de Sergent Jean Valera, au sous-secteur B des Francs-Tireurs et partisans français, sous les ordres d’André Lévêque, adjoint du commandant du secteur B. Il participa à la diffusion des tracts et journaux clandestins. Il œuvra surtout en tant que passeur au sauvetage de nombreux ressortissants – polonais, juifs, belges, républicains espagnols –, aviateurs anglais et canadiens, en les cachant ou en les faisant entrer dans le maquis français ou regagner l’Espagne et l’Algérie …. Il prévint plusieurs fois des Juifs pourchassés par la Milice française ou par les Allemands.

Il participa à la création du réseau Étoile, destiné au sauvetage de ressortissants juifs et de républicains espagnols. Il bénéficia de l’aide de Mado de CORTES et de Lucette GUIGNARD dans son activité de sauvetage 

Jean-Marie BRUGEAS sera cité à l’ordre des Forces interalliées pour son courage, citation confirmée par le gouvernement de la République polonaise en exil qui lui décernera le 28 septembre 1978 la « Polish Militari Order » et « The Order of Virturi Militari » pour ses fonctions d’agent de liaison et de renseignement durant la guerre de 39-45.

Selon les témoignages recueillis après la guerre, Jean-Marie Brugeas sauva environ quarante personnes et notamment les familles ALPERN, KLOUPSKY, WOLF, KOHN, la famille de Guy LEVY et la famille de Henri ZUCKER. Guy LEVY avait été son condisciple au lycée de Limoges. Il se cachait avec sa famille à Aixe-sur-Vienne. Plusieurs fois Jean-Marie Brugeas l’avertit d’une descente imminente des SS et de leurs collaborateurs français, lui sauvant ainsi la vie, ainsi qu’à sa famille. M. RUBINSTEIN, qui habitait Limoges, témoigna lui aussi après la guerre que le jeune homme avait trouvé une cachette à ses parents. Lorsque Monsieur KARGEMANN et son fils Henri, qui s’étaient réfugiés à Aixe-sur-Vienne, se trouvèrent menacés d’arrestation, la milice passant la région au peigne fin à la recherche de Juifs, Jean-Marie BRUGEAS leur trouva une autre cachette. Henri KARGEMANN se rallia plus tard à la Résistance et se battit jusqu’à la fin de la guerre.Bien qu’il risquait sa vie en aidant les Juifs, il ne chercha jamais la moindre rétribution matérielle.

  • 3 Jean Marie BRUGEAS, Juste parmi les Nations.

Le 19 août 1953, est créé, à Jérusalem, l’Institut commémoratif des Martyrs et des Héros de la Shoah (Yad Vashem). En 1963, une Commission présidée par un juge de la Cour Suprême de l’État d’Israël est chargée d’attribuer le titre de « Juste parmi les Nations », la plus haute distinction civile décernée par l’État hébreu, à des personnes non juives qui ont aidé des Juifs persécutés par l’occupant nazi. Les personnes ainsi distinguées doivent avoir procuré, au risque conscient de leur vie, de celle de leurs proches, et sans demande de contrepartie, une aide véritable à une ou plusieurs personnes juives en situation de danger.

En 1979,  le Dossier Yad Vashem 1507 attribue à Jean Marie BRUGEAS le titre de Juste parmi les Nations. Le diplôme lui sera délivré le 5 mars 1980 sans que l’on en parle à Nexon…

Son nom figure sur le mur des justes à Paris, situé dans l’allée des Justes pami les Nations dans le quartier du Marais (4e arrondissement), entre la rue Geoffroy-l’Asnier et la rue du Pont-Louis-Philippe.L’allée est située en bordure du Mémorial de la Shoah, et a été inaugurée le 14 juin 2006.

Le Mur des Justes, situé dans l’allée, porte les noms de près de 3800 hommes et femmes qui. au péril de leur vie, ont contribué au sauvetage de Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces personnes ont reçu le titre de « Juste parmi les Nations », décerné par Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah depuis 1963.Le nom de Jean Marie BRUGEAS y figure à l’année 1979.

Sources : M31/1507. et Limore Yagil, Typologie de la résistance sans armes et de l’aide aux Juifs en Limousin dans Revue d’Histoire de la Shoah 2001/2 (N° 172), pages 228 à 265.

5 – Jean Marie BRUGEAS, sa vie à Nexon

Après la guerre Jean Marie BRUGEAS s’est marié. Il a épousé Yvonne MASSALOUX qui travaillait dans une fabrique de pantoufles à Aixe sur Vienne.  L’épicerie qui existait au numéro 13 de la rue pasteur ayant fermé, madame Brugeas s’y installe et crée un atelier de fabrication de pantoufles « La Nexonnaise ».

Au début de l’année 1962 M. BRUGEAS s’associe avec 2 industriels de Limoges, MM. LERICHE et PENICAUD. René LERICHE avait créée en 1947 la société EREL, nom de ses initiales. EREL fabrique des chaussures d’intérieur pour hommes, les femmes et les enfants. Son atelier étant dans Limoges il décide de s’associer avec M. Brugeas pour construire une usine à Nexon. Le terrain étant disponible sur la route de Meilhac à La Ganne, la première usine est construite sur la zone qui deviendra par la suite une zone d’activité économique.

Le chantier est rapide et en janvier 1963 l’usine SOLIDAC, Société Limousine d’articles chaussants, est inaugurée en grandes pompes par Michel VIRENQUE, préfet de la Haute-Vienne qui deviendra préfet du Limousin le 14 mars 1964.

La grande majorité du personnel est composé de jeunes femmes de nexon ou des environs.

Mais assez rapidement les affaires deviennent difficile. En mars 1965, le Maire et la direction de l’usine sont reçu par le préfet qui l’informe de la situation difficile de l’usine. Elle a dû réduire son activité du fait de la crise et mettre une partie du personnel au chômage. Elle fermera en 1965. Les bâtiments seront repris par l’entreprise Vet’France, elle-même installée auparavant dans les locaux de l’actuel dojo, salle de judo historique de l’Amicale de la Jeunesse Nexonnaise.

Vet France fonctionnera jusqu’en 1993 et pendant des années ce fut une usine à l’abandon.

L’usine envahie par l’herbe avant le rachat en 2023

Après la fermeture de la SOLIDAC l’atelier de son épouse continuait à fonctionner rue Pasteur. Le couple avait eux deux enfants, Jean Louis né en 1950 et Éric né en  1953. Deux garçons très différents, Jean louis amoureux de la vitesse et des voitures et Éric que l’on appelait Mimi, amoureux de la nature et des animaux. Il est venu travailler avec mon père pendant quelques mois. Jean Louis avait beaucoup de copains dont mes frères, et malheureusement, un soir en fin d’hiver, le 7 janvier 1971, en rentrant de Limoges, en sortant du virage, sans doute un peu vite, il a perdu le contrôle de sa voiture qui s’est encastrée dans un des arbres de cette allées aux grands arbres. Ce fut un choc à Nexon. Se tuer en voiture à 20 ans est un drame pout ses parents, sa famille, ses amis.

Six ans plus tard, le 28 janvier 1976 c’est son frère Éric qui mourait toujours aussi dramatiquement d’un coup de fusil, laissant une petite fille Séverine.

Après tous ces drames l’annonce de choix de Yad Vashem n’a pas eu d’échos dans la population nexonnaise. Seuls quelques amis ont partagé avec lui cette reconnaissance. Le jeune Brugeas étudiant à Limoges qui aidait les juifs, les espagnols, les polonais était loin de l’image que ceux de sa génération étaient devenus, posés, travailleurs, sérieux… Mais Jean Marie BRUGEAS était sans doute resté l’étudiant qu’il avait était. Un groupe de jeunes de Nexon a  connu cet homme-là . Ils ont passé des après-midi dans la maison qu’il possédait à La Mazaurie a écouter les chansons de Brassens, Ferré ou Ferrat accompagné à la guitare par Jean Marie BRUGEAS puis reciter du Boris Vian ou du Prévert. Sa culture, sa simplicité les fascinait. C’était la face caché de Jean Marie BRUGEAS, loin de ceux qui voyaient un lui un dandy, un coureur…

Mais son cœur qui avait vécu des chocs violents n’a pas pu l’accompagner très longtemps et le 12 mars 1980 il a lâché, 10 ans après son fils Jean Louis et 4 ans après Mimi. Triste vie pour son épouse frappée par ces morts insupportables.

1984-2024 : de nombreux anniversaires : Le débarquement, Oradour, attaque du camp de Nexon, libération de Limoges …

De nombreuses manifestations vont célébrer les 80 ans de la pluspart de ces évènements. Je participerai à certains d’entre eux et j’en parlerai plus tard. Mais pour aujourd’hui un évènement qui n’est plus dans le souvenir mais qui a pas marqué les nexonnais le 19 aout 1944 : la céréùmonie en hommage aux cinq maquisards tués à Jourgnac, à la Chaume Verte. La foule était nombreuse et les enfants des écoles étaient là. Quand on m’a proposé une photo de cérémonie je n’ai pas immédiatement reconnu Nexon. Mais il s’agissait bien de la mairie!

Que c’est-il passé pour que cinq cercueils soient exposés devant la mairie avec des maquisars qui rendent les honneurs…

1- La situation militaire après le 15 aout 1944

Depuis le débarquement réussi du 6 juin 1944 en Normandie, le rapport des forces entre les Allemands et les Alliés a progressivement changé. Un nombre de plus en plus important de jeunes s’engagent dans la résistance. Les parachutages sont plus nombreux qui apportent à chaque fois des armes, des munitions, des postes de radio, des uniformes … et même de l’argent. En même temps le commandement des maquis va s’unifier. Le 25 juin 1944 Georges Guingouin est nommé à la tête des maquis FTP de la Haute-Vienne

Les actions des maquis deviennent plus efficaces : capture et exécution du Major Kämpfe (9-11 juin), libération de prisonniers des camps d’internement de Nexon et de Saint Paul d’Eyjeaux (11 juin), Bataille du Mont Gargan (17 juillet – 25 juillet).

Au début du mois d’août la décision est prise d’encercler la ville de Limoges. Les allemands ne contrôlent plus qu’une zone de 10 km autour de la ville. A partir du 12 août 1944 alors que les premiers signes d’un départ imminent des troupes allemandes et de leurs collaborateurs se précisaient, les maquis de la Haute-Vienne, sur ordre du commandant départemental des FTP, le colonel Georges Guingouin, vinrent s’établir autour de Limoges.

Ces maquis s’installèrent à partir de la nuit du 13 au 14 août, dans les communes périphériques de Limoges, répartis en quatre secteurs : A pour l’est ; B pour le Sud avec deux bataillons de 900 hommes sous les ordres du commandant Nelson et la mission de bloquer les routes nationales 20 et 21 vers Toulouse ; C pour l’ouest avec quatre bataillons de 2050 hommes dirigés par le commandant Bernard avec mission de contrôler la route d’Angoulême et le secteur C,  au Nord, avec trois bataillons de 1500 hommes pour contrôler les axes de Paris et Poitiers.

Le 15 aout l’ensemble des forces armées, FFI et FTP, sont organisées sous un double commandement qui après le désistement de Huard ( Lucien Faure) pour l’AS laise le colonel Guingouin devenir le seul chef des FFI de la haute-Vienne.

Le 15 août, la 2408ème compagnie FTP placée sous les ordres du lieutenant Robert Marty, alias Nitchevo, quitte Gorre en camion pour rejoindre Solignac, au sud de Limoges. Pendant la nuit l’un des groupes gagna le secteur du château de Plaisance sur la commune de Feytiat où il prit position.

2 Les massacres entre Moissac et Le Vigen

Le 17 aout au matin des hommes de la 2408e compagnie FTP sont postés entre Feytiat et le Vigen à proximité du Bon-Abri, de Plaisance et de Moissaguet. Lucien Maillard, de son vrai nom Joseph-Louis Le Poupon, est à la tête d’un groupe de huit maquisards qui a pris position pour faire barrage aux troupes qui prendraient la route de Saint Yrieix. Ils sont chacun à son poste derrière les chênes, dans l’allée en face du château de Plaisance.

Au même moment, un convoi allemand, composé de trois blindés escortés de chenillettes et d’automitrailleuses appartenant au 19ème Régiment de police SS, se dirige vers le sud en direction de Saint-Yrieix-la-Perche par la D 704.

Pour les maquisards les consignes sont claires, l’ouverture du feu se fait sur ordre. Mais contrairement à l’ordre donné, lorsque le convoi allemand arrive à la hauteur de l’allée de chêne, l’un des maquisards ouvre le feu sur le dernier blindé. Le convoi stoppe, les soldats jaillissent des véhicules, ouvrent le feu. Six maquisards sont abattus. Ils sont affreusement mutilés, ventres ouverts à la baïonnette, têtes écrasées. Tout leur sang s’est répandu sur la chaussée. Un seul, Louis Chauprade, réussira à prendre la fuite.

Ce fut le premier massacre de la journée dont le souvenir est marqué par une stèle érigée sur la D 704 à droite en allant vers Saint Yrieix, à hauteur de Plaisance. parmi eux un jeune des Cars, Léon Devaud né le 25 juillet 1925, cultivateur,

L’avancée de la colonne allemande vers Le Vigen se poursuit sur la route 704 le long de laquelle ont été postés des maquisards, sans expérience militaire et dotés de simples fusils ou de mitraillettes face aux canons et aux mitrailleuses des allemands. Le massacre continue et huit nouveaux nom sont inscrits sur la stèle élevée au Mas-du-Puy commune du Vigen.

Parmi eux quatre jeunes qui habitaient sur le territoire de la communauté de commune , Pays de Nexon – Monts de Chalus :

  • Jean Delage né le 30 janvier 1913 à Flavignac (Haute-Vienne), cantonnier SNCF, 31 ans,
  • Aimé Pataud dit « Tarzan » né le 19 septembre 1928 à Chalus (Haute-Vienne), 16 ans,
  • Marcel Thomas né le 16 novembre 1921 à Flavignac (Haute-Vienne), 22 ans, cultivateur,
  • Aimé Valade dit « Nénou » né le 10 septembre 1925 à Bussière-Galant (Haute-Vienne), 18 ans, cultivateur.

3 La Chaume Verte

Au cours de l’après-midi, l’unité allemande change de direction et quitte la D 704 à Saint Maurice les Brousses. Elle part vers l’Ouest et se dirige vers Jourgnac d’où elle rejoindra Séreilhac.

Un groupe de maquisards appartenant à la 2449ème compagnie FTPF (sous-secteur B) avait été placé en position défensive sur la commune de Jourgnac afin d’assurer la protection du poste de commandement du bataillon FTP établi à Boissac sur la commune voisine du Vigen.

Au cours de l’après-midi, l’unité allemande change de direction et quitte la D 704  à Saint Maurice les Brousses. Elle part vers l’Ouest et se dirige vers Jourgnac d’où elle rejoindra Séreilhac. Vers 17h30 la tête de la colonne arrive à la hauteur de La Chaume Verte, à quelques centaines de mètres du bourg de Jourgnac. Un groupe de FTP qui traversait à découvert un pré en contre-bas de la route est surpris par cette arrivée des allemands. Ils n’ont pas le temps de se mettre à l’abris et malgré le courage de Fernand Dudognon qui, bien que blessé, continue à tirer avec son fusil mitrailleur jusqu’à l’épuisement de ses munitions, les cinq camarades sont tués et terriblement mutilés. La colonne continue sa route et les corps restent exposés dans le pré.

Ce n’est que le soir que des paysans qui participaient à une batteuse dans le bourg sont allés les chercher. Ils ont mis les corps dans une charrette et les ont conduits à l’église ou le curé, Pierre Rougerie les a accueillis. Les corps étaient tellement mutilés qu’il n’a pas été possible de les identifier. Pour rédiger le certificat de décès le maire les a désignés par la couleur de leurs cheveux et leur surnom de maquisard.

L’acte de décès est rédigé sans nom mais avec une description sommaire  » age approximatif, ving à ving cinq ans, taille un mètre soixante sept, cheveux chatain foncé, barbe rasée, teint brun, nez rectikigne, bouche moyenne, visage ovale, vêtu d’un uniforme de drap bleu ». L’acte sera mis à jour le 24 septembre 1946.

Deux jours plus tard, malgré la proximité des troupes allemandes, un hommage patriotique fut organisé à Nexon. Le FTP Chambon doit se rendre à Jourgnac avec un camion pour aller chercher les cinq corps pour qu’ils soient enterrés à Nexon.

Les cinq cercueils sont chargés sur le camion et déposés à la mairie de Nexon devant une foule de tous ages.

« Dans un camion gazogène portant encore la mention « ravitaillement », les cinq cercueils sont alignés tandis qu’à gauche et à droite se trouvent six maquisards. Derrière il y a vingt-quatre hommes armés…Puis on voit le drapeau tricolore frappé de la croix de Lorraine. Dix hommes casqués précèdent encore le grad drapeau de la mairie revêtu de crêpe. Soixante enfants des écoles, les bras chargés de fleurs des champs, passent devant la foule massée sur le champ de foire de Nexon. Entre trois cents et quatre cents personnes sont regroupées … pour rendre un dernier hommage à ces jeunes.» ( François Adeline 1940-1944- Haute-Vienne La guerre secrète- Le Populaire HS dec. 2006)

Le cortège se dirige vers le cimetière. Les inhumations vont etre temporaires car les morts vont etre rapidement identifiés par leurs chefs. Le 8 septembre le transfert des corps de Maurice Boissard et de Lucien Courtiaud a lieu au cimetuère de Louyat à Limoges. Le 31 octobre 1944 à Pageas ont lieu les obsèques de Roger Samuel.

Le Poppulaire 28 octobre 1944)

Les cinq tués à La Chaume Verte : Maurice BOISSARD, Lucien COURTIAUD, Fernand DUDOGNON, Raymond LAPOUGE et Roger SAMUEL.

BOISSARD Maurice, Eugène

Né le 30 mars 1924 à Limoges (Haute-Vienne), exécuté sommairement le 17 août 1944 à Jourgnac (Haute-Vienne) ; employé de banque ; résistant FTPF.

Célibataire, Maurice Boissard était domicilié 20, rue Platon à Limoges. Il s’engagea dans la Résistance à compter du 1er juin 1944 dans les rangs des FTPF, rejoignant un camarade Lucien Courtiaud, qui habitait à Limoges, à proximité de chez lui (rue Pradier) et avec qui il avait fréquenté l’Ecole Nationale Professionnelle (ENP) de Limoges (actuel lycée Turgot).

Maurice Boissard trouva la mort avec quatre autres résistants à la suite du combat de Jourgnac. Blessé, il fut « achevé à coup de crosse par les Allemands » au lieu-dit La Chaume-Verte. Son corps fut inhumé après la Libération, le 8 septembre 1944, lors d’une cérémonie patriotique, au cimetière de Louyat à Limoges.

Il obtint la mention mort pour la France et fut homologué au grade de sous-lieutenant des FFI.

COURTIAUD Lucien, Bernard, Marcel

Né le 14 février 1925 à Limoges (Haute-Vienne), exécuté sommairement le 17 août 1944 à Jourgnac (Haute-Vienne) ; étudiant, employé ; résistant FTPF.

Célibataire, Lucien Courtiaud était domicilié 15 rue Pradier à Limoges. Il s’engagea sous le pseudonyme « Alain » dans la Résistance à compter du 1er janvier 1943 dans les rangs des FTPF, sous les ordres du capitaine Authier. Il fut rejoint début juin 1944 par un camarade Maurice Boissard, qui habitait à Limoges, à proximité de chez lui (rue Platon) et avec qui il avait fréquenté l’Ecole Nationale Professionnelle (ENP) de Limoges (actuel lycée Turgot).

Lucien Courtiaud trouva la mort avec quatre autres résistants à la suite d’un combat au lieu-dit La Chaume-Verte (commune de Jourgnac). Blessé dans le combat, il fut achevé par les soldats allemands. Son corps d’abord inhumé à Nexon, fut transféré après la Libération, le 8 septembre 1944, lors d’une cérémonie patriotique, au cimetière de Louyat à Limoges.

Il obtint la mention mort pour la France et fut homologué au grade de sous-lieutenant des FFI.

DUDOGNON Fernand

Né le 21 mars 1923 à Bussière-Galant (Haute-Vienne), exécuté sommairement le 17 août 1944 à Jourgnac (Haute-Vienne) ; résistant FTPF.

Selon le récit rapporté par François Adeline (op. cit.) : « Grièvement blessé, Fernand Dudognon continue de tirer avec son FM jusqu’à épuisement des munitions tandis que ses quatre copains sont blessés, morts ou agonisants ». Il fut achevé par les soldats allemands. Il fut enterré à Nexon.

LAPOUGE Raymond

Né le 3 mars 1910 à Angoulême (Charente), exécuté sommairement le 17 août 1944 à Jourgnac (Haute-Vienne) ; résistant FTPF.

Originaire de Charente, il habitait vraisemblablement en 1944 à Nontron (son nom figure sur le monument aux morts de cette ville). Il s’engagea à une date inconnue dans la Résistance rejoignant un maquis FTPF de la Haute-Vienne. Raymond Lapouge trouva la mort avec quatre autres résistants à la suite d’un combat au lieu-dit La Chaume-Verte, (commune de Jourgnac). Blessé dans le combat, il fut achevé par les soldats allemands. Son corps fut inhumé à Nexon (Haute-Vienne).

SAMUEL Roger

Né le 29 octobre 1923 à Magnac-Laval (Haute-Vienne), exécuté sommairement le 17 août 1944 à Jourgnac (Haute-Vienne) ; ouvrier agricole ; résistant FTPF.

Célibataire, Roger Samuel était en 1944 domicilié à Pageas (Haute-Vienne) au sud de Limoges, où il exerçait la profession d’ouvrier agricole. Réfractaire au STO, il s’engagea dans la Résistance, sous le pseudonyme de « Caoutchouc », rejoignant la 2449ème compagnie FTPF de la Haute-Vienne. Roger Samuel trouva la mort avec quatre autres résistants à la suite d’un combat au lieu-dit La Chaume-Verte). Blessé dans le combat, il fut achevé par les soldats allemands. Son corps fut inhumé à Nexon puis transféré après la guerre à la nécropole nationale de Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente) où il repose depuis lors (carré 1D, tombe 417).

La stèle de La Chaume Verte à Jourgnac
La cérémonie en 2014

5 La tombe de Raymond LAPOUGE à Nexon

La tombe de Raymond Lapouge a peu à peu été abandonnée, son épouse après s’etre remariée ne venait plus s’y recueillir.

Au début des années 2000 le dévouement de Josette Dugot, déléguée de Nexon du Souvenir Français et son mari Jean Claude, délégué départemental, la fille de Raymond Lapouge née en novembre 1944 après la mort de son père, a été retrouvée. La tombe de Raymond Lapouge a été ouverte, la dépouille reconnue grace à la trace d’une ancienne fracture connue de la famille et la tombe refaite.

Avec le temps la couleur des drapeaux a palie mais la tombe est toujours entretenue.

La prison du camp de Nexon a servi de logement a plusieurs familles jusqu’en 1960.

A la fin de ma conférence sur les 400 ans du château de Nexon une dame est venue m’apporter une photo et m’a expliqué que c’était la prison du camp de Nexon dans laquelle elle a vécu du début de l’année 1951 à juin 1956 avec ses parents et sa sœur. Etant née en 1950 elle n’a que des souvenirs d’enfants mais avec sa sœur plus âgées de 3 ans elles ont réalisé un plan pour montrer comment elles vivaient.

Par décision du Ministre de l’Intérieur du 21 juin 1945 les camps d’internement ont été supprimés et les 98 internés qui y séjournaient encore ont été transférés au camp de Poitiers. Parmi eux il y avait 82 hommes et 16 femmes, 58 étaient condamnés pour du « marché noir », 39 pour des motifs politiques et 1 pour des faits de droit commun.

Bien que vide d’internés à partir du 18 aout le camp était encore occupé, ce qui donna lieu à une polémique ! En effet le directeur occupait toujours sont logement et il disposait de 2 chauffeurs. Du personnel s’occupait de l’entretien et du gardiennage ce qui faisait un total de 25 personnes. Pendant plus de 10 mois ces personnes s’occupaient d’un camp sans aucun interné. La presse s’est émue de cette situation, a interpellé le Ministre des Armées, Edmond MICHELET mais le camp ne relevait pas de sa compétence. Le Ministre de l’Intérieur fit la même réponse et finalement les journalistes apprirent que le camp relevait du Ministre de la Justice …

Le camp libéré de tout personnel, le Ministère n’a plus versé de loyer au propriétaire du terrain, Madame Jeanne de LAUSUN, sœur de Georges de Nexon. Des baraquements ont été vendus et une famille fut autorisée à loger dans la prison en contrepartie de l’entretien du terrain du camp.

Une première famille y a vécu de 1947 à 1951.Ces premiers occupants avaient fait percer une fenêtre dans le couloir et selon les dire du maçon ce fut avec beaucoup de difficulté car « les murs étaient très ferraillés ». Une seconde famille, les parents de Mme B.G., y sont arrivés au début de l’année 1951. Son père qui avait été prisonnier et venait d’être embauché à la SNCF, n’avait pas de moyen de locomotion et de ce fait la proximité de la gare le satisfaisait. Il s’y est installé avec son épouse et ses deux jeunes filles âgées de 4 et 1 ans. Ces premiers occupants avaient fait percer une fenêtre dans le couloir et selon les dire du maçon ce fut avec beaucoup de difficulté car « les murs étaient très ferraillés ».

« Sur la photo, à gauche, on distingue le château d’eau. Derrière, le long de la clôture avec des barbelés en hauteur, nous nous souvenons du mirador en mauvais état qui devait permettre de voir loin et notamment la gare et ses environs.

En dessous du château d’eau, une cave qui nous paraissait très grande avait été creusée sous terre. Elle pouvait contenir un important stock de nourriture. Elle était très fraîche même en été. On y accédait par un escalier. Proche de cette cave et en descendant vers la prison, un lavoir creusé à même le sol ne manquait jamais d’eau. »

Le plan du logement réalisé par Mme B.G. et sa sœur :

Un plan du camp avec la prison colorisée permet de visualiser ce qui est décrit.

« À l’époque, ne subsistaient que les baraquements de gauche délabrés, et encore pas tous. Nous n’y pénétrions que rarement, souvent à l’insu de nos parents. Ceux-ci ne voulaient pas que nous y allions, non seulement à cause de leur vétusté mais sûrement à cause des images que ces bâtiments pouvaient leur renvoyer. »

Quelques mois avant une autre personne m’a écrit pour me signaler que ses grands-parents y avaient habité pendant quelques années à partir de mai 57. Elle m’a entouré les baraques qui existaient encore quand ils y vivaient.

En 1959 Mme de LAUSUN, sœur de Georges de NEXON a obtenu l’autorisation de réaliser un lotissement sur sur le terrain ou avait été construit le camp. Ce qui restait des constructions a été démoli à l’exception du château d’eau et d’un garage qui était à l’extérieur du camp.

Le château d’eau en 2015 et en 2022.

le garage :

Le 29 août 1942, 458 juifs raflés dans la Région de Limoges ( les 3 départements limousins et les parties non occupées de la Charente, du Cher, de la Dordogne, de l’Indre, de l’Indre et Loire, du Loir et cher et de la Vienne) partent de la gare de Nexon pour Drancy puis Auschwitz.

Si l’on connaît la grande rafle du Vel’ d’Hiv’ » des 16 et 17 juillet 1942 on oublie qu’il y en a eu avant et surtout après.

Ces rafles avaient pour but de livrer à l’Allemagne les juifs pour lesquels Hitler et ceux qui mettaient en œuvre ses idées voulaient réaliser « la solution finale ».

Le 11 juin 1942, une conférence qui réunit à Berlin tous les services des affaires juives de la Gestapo dans les pays occupés, décide de prendre des mesures rapides et efficaces pour y arriver. Pour cela la France devait livrer 100 000 Juifs des deux sexes.

  1. La politique anti juive du Reich et de Vichy

La législation antisémite mise en place le 27 septembre 1940 par les allemands dans la zone occupée conduit à un recensement de 170 000 juifs dont 150 000 pour l’agglomération parisienne. En zone libre le recensement exigé par le Reich et réalisé par les fonctionnaires de Vichy dénombre 140 000 personnes juives.

Depuis le 3 octobre 1940, date à laquelle la loi portant statut des Juif a été promulguée, la notion de « race juive » est proclamée et en fait des citoyens éliminés des fonctions électives et de la fonction publique. Le 4 octobre 1940, une nouvelle loi permet aux préfets de procéder à l’internement des « étrangers de race juive ». Le 7 octobre les Juifs d’Algérie, français depuis le décret Crémieux de 1870, sont déchus de leur nationalité et soumis à un régime d’exclusion. Ainsi le camp de Nexon va recevoir ses premiers internés.

Le Populaire 19 octobre 1940

En mars 1941 est créé à Vichy, le “Commissariat Général aux Questions Juives” (C.G.Q.J.), véritable ministère des affaires juives et en novembre l’“Union Générale des Israélites de France” (U.G.I.F.) rassemble en une seule organisation toutes les œuvres juives de France afin de mieux les contrôler.

En juin 1941 le statut des juifs devient plus sévère et leur interdit l’exercice des professions libérales et commerciales ainsi que les fonctions dans l’enseignement supérieur. En juillet ils sont dépossédé de toutes leurs entreprises et de leurs biens meubles et immeubles. Ils ne peuvent pratiquement plus voyager, sortir de leur domicile entre 20 heures et 6 heures, posséder une radio, une bicyclette, un téléphone. Il n’ont pas le droit d’entrer dans un jardin public, dans un théâtre, un cinéma, une piscine, des bains-douches, de changer de résidence. Leurs pièces d’identité sont marquées du tampon “Juif”. En zone occupée, à partir du 29 mai 1942, dès l’âge de 6 ans, ils doivent porter une étoile jaune avec le mot “Juif”.

2. La rafle du Vélodrome d’Hiver

Dès le 27 mars 1942, un premier convoi quitte la France pour Auschwitz suivi de quatre autres en juin emportant 4 000 hommes raflés en 1941.

Après l’accord du 11 juin 1942 à Berlin, Dannecker, représentant d’Adolf Eichmann à Paris ,qui avait proposé pour la France la déportation de 100.000 Juifs de 16 à 40 ans doit, dès le 15 juin, réviser son quota à la baisse et le réduire à 40.000 Juifs en trois mois à partir de la mi-juillet.

A partir du 16 juin, Bousquet, secrétaire général de la police du régime de Vichy sous le gouvernement de Pierre LAVAL, consent à livrer 10.000 Juifs apatrides de la zone libre. Les négociations butent sur le concours de la police française en zone occupée pour arrêter 30.000 Juifs dans cette zone, dont 22.000 dans l’agglomération parisienne et parmi eux 40 % de ressortissants français.

Le 2 juillet, Bousquet et Knochen, responsable de la Gestapo, tombent d’accord pour que les Juifs soient arrêtés uniquement par la police française, mais seuls les Juifs apatrides seront arrêtés.

Le 4 juillet, Laval entérine l’accord Bousquet-Knochen.

Le 15 juillet, Bousquet donne au préfet de police le feu vert pour la grande rafle. Il n’a pas voulu qu’elle ait lieu de 14 juillet ! Elle va être effectuée à partir du fichier juif constitué dès l’automne 1940.

Lettre n° 173 42 ordonnant la rafle

 Les personnes interpellées n’ont le droit de prendre qu’une couverture, un pull, une paire de chaussures et deux chemises. Les directives précisent que « les opérations doivent être effectuées avec le maximum de rapidité, sans paroles inutiles et sans aucun commentaire ».

Le 16 juillet à 4 heures du matin l’opération commence. Il y a peu de photos de la rafle elle même car elle a eu lieu dans le secret et à commencé très tôt. Par contre pour celle du 14 mai 1941 a été largement photographiée par un photographe allemand, Harry Croner, d’ une unité de la Wehrmacht chargée de l’endoctrinement, présent dans le gymnase Japy (11e arrondissement), le principal centre réquisitionné pour cette opération. A la fin de 1941, il est radié quand ses supérieurs découvrent que son père est juif. Il reprendra son métier de photographe en 1946. Les planches contacts de l’opération du 14 mai 1941 avaient disparu de la circulation jusqu’à l’automne 2020. Un brocanteur qui les avait achetées puis oubliées les montre à des spécialistes de la Shoas qui parmi elles reconnaissent une centaine de clichés de la rafle du 14 mai 1941. Entre mai 1941 et juillet 1942 il n’y a pas de différence dans la méthode, aussi j’utilise quelques cliché du 14 mai 1941 pour montrer le calme des juifs interpellés qui discutent avec les gendarmes et qui embrassent leurs femmes avant de partir pour un voyage dont ils ne reviendront pas.

La rafle du 14 mai 1941 dite du « billet vert ». Une répétition de ce qui se réaliser dans toute la France en 1942

Les quelques photos de la rafle du Vel d’hiv sont toutes réalisées à l’extérieur. On montre parfois une photo de l’intérieur mais elle a été réalisée à l’automne 1944, lorsqu’ y ont été enfermés des hommes et des femmes suspects de collaboration. 

La seule photo connue de la rafle réalisée  prise par un photojournaliste de Paris-Midi et censurée par les Allemands à l’époque est une photo d’extérieur :

La seule photo de la rafle du Vel d’Hiv

L’opération conduira à l’arrestation de 13 152 Juifs : 4 115 enfants, 5 919 femmes et 3 118 hommes. Après leur arrestation, une partie d’entre eux est emmenée par autobus au camp de Drancy. L’autre partie, 8 160 personnes : 4 115 enfants, 2 916 femmes et 1 129 hommes est envoyée au Vélodrome d’Hiver où elles resteront pendant cinq jours, sans nourriture, avec un seul point d’eau et dans une chaleur étouffante … Ils rejoindront Drancy, les camps de Beaune la Rolande et Pithiviers et finalement Auschwitz.

Le vélodrome a été démoli en 1959 pour laisser place à des immeubles. Il n’y a pas de manifestations, un pan de l’histoire disparait.  L’événement reste dans la conscience populaire sans image jusqu’en 1967 avec la publication du livre de Claude Lévy et Paul Tillard, le premier consacré à la rafle ( La grande rafle du Vél’ d’Hiv’ chez Robert Laffont)

3- Les rafles du 26 août 1942

Elles surviennent six semaines après celle du Vel d’Hiv et ont lieu dans toute la zone non occupée.

Elles s’inscrivent dans la lignée de l’accord du 2 juillet 1942 entre Carl Oberg, chef de la SS en France et René Bousquet, secrétaire général de la Police à Vichy.

Carl Oberg (à droite devant un officier de la SS) et son aide de camp Herbert Hagen (à gauche, de face) avec René Bousquet (de profil, à gauche) en 1942. 

L’accord protège les Juifs de nationalité française sur tout le territoire et les autorités de Vichy s’engagent à livrer 40 000 juifs : 10 000 Juifs étrangers de la zone libre et 30 000 de la région parisienne.

Le 5 août 1942 tous les préfets régionaux reçoivent une lettre confidentielle des services de René Bousquet, secrétaire général de la police, qui définit les juifs à arrêter et à transporter en zone occupée « avant le 15 septembre » : leur nationalité, leur date d’entrée sur le territoire français (1er janvier 1936), la liste des exemptés (« vieillards de plus de 60 ans », femmes « en état de grossesse », « enfants de moins de 16 ans non accompagnés », entre autres).

Lettre du Secrétaire général de la police au Préfet régional de Limoges. A.D.C. 147W4812

Le 10 août, le préfet Lemoine tient dans son cabinet de Limoges une conférence où il fait part des mesures envisagées prochainement par le gouvernement à l’égard de certaines catégories d’Israélites. Dans un courrier qu’il adresse aux préfets, il rappelle les dispositions prises : Pour effectuer le ramassage, le groupement et la conduite des israélites au centre régional de Nexon (Haute-Vienne), vous pourrez faire appel au concours des divers services de police et de gendarmerie de votre département qui, sous votre autorité, seront chargés de procéder à ces opérations. En ce qui concerne les groupes mobiles de réserve, je vous serais obligé de bien vouloir me faire connaître, dès que possible, le nombre de gardiens qui vous seraient nécessaires pour effectuer les opérations précitées. En effet je dois maintenir dans chaque groupe mobile un effectif de réserve destiné, le cas échéant, à assurer le maintien de l’ordre public. …

Pour le département de la Haute-Vienne le préfet adresse ses instructions détaillées aux services de police et de gendarmerie :

À l’issue de la conférence du 10 août 1942, le préfet Lemoine a remis une note résumant les instructions données par le contrôleur général de la Police nationale dans laquelle il est précisé que les israélites doivent être assemblés dans un camp régional d’où l’on fera partir un train complet.

Le camp de Nexon, après transfert des internés qui y séjournent vers le camp de Saint-Paul-d’Eyjeaux, a été désigné comme camp régional avec une capacité de 800 personnes au maximum. Il est prévu des camps primitifs où pourront être acheminés les israélites le jour du ramassage. En Haute-Vienne, il est envisagé de créer un centre provisoire à Saint-Germain-Les-Belles où pourront être logées environ 300 personnes. Mais compte tenu du nombre des personnes interpellées il ne sera pas utilisé. Les départements de la région doivent étudier la possibilité d’organiser un centre, notamment en Corrèze, en Dordogne et dans l’Indre, pour procéder à des décentralisations dans chaque département. Les israélites groupés dans ces centres seront ensuite dirigés vers Nexon au fur et à mesure des départs.

Dès que les listes seront prêtes, les services de police et de gendarmerie devront procéder à une prospection discrète pour s’assurer si les intéressés sont bien toujours domiciliés à l’endroit désigné.

Les embarquements pour la zone occupée se feront de nuit. Un service d’ordre de surveillance accompagnera les convois. Pour le moment il est prévu que les trains de départ seront dirigés vers Chalon-sur-Saône. Un service d’ordre important devra assister à l’embarquement. Dans chaque gare se trouvant sur le trajet, il sera placé un service discret susceptible d’être immédiatement renforcé. Dans les dernières gares avant la ligne de démarcation, la surveillance devra être particulièrement stricte.

Le 19 août 1942, un télégramme du préfet régional annonce la date de l’opération : « Vous informe que mesures d’arrestations et regroupements prévus par dépêche du 5 août auront lieu mercredi 26 août, heure fixée par contrôleur Surville STOP tenir cette date rigoureusement secrète. »

A cette même date les dérogations qui étaient au nombre de 11 sont ramenées à 6. Ainsi sont exemptés les parents d’un enfant de moins de deux ans au lieu de cinq ans comme précédemment.

Le 26 août 1942, le « plan de ramassage » est déclenché sur l’ensemble de la zone non occupée. Pour la Région de Limoges, 9 préfectures ou sous préfectures vont être concernées : Loches (Indre et Loire), Châteauroux (Indre), Saint Amand Montrond (Cher), Montmorillon (Vienne), Guéret (Creuse), Confolens (Charente), Limoges (Haute-Vienne), Périgueux (Dordogne) et Tulle (Corrèze). 5 centres de pré ciblage sont retenus : le camp de Douadic dans l’Indre pour le Nord de la Région, Boussac pour la Creuse, Auchères et Egletons pour la Corrèze, Saint Pardoux la Rivière et le château du Roc, au Change en Dordogne.

La carte de Guy Perlier dans son ouvrage La Rafle aux Edition « Les Monédières » en 2012 montre les liens entre ces différentes villes et Nexon, lieu de rassemblement final.

Source Guy PERLIER

Les recensements des juifs effectués en 1941 dénombraient 6 270 juifs étrangers dans la région. Trois départements en réunissaient 80% : La Dordogne 2 265, la Haute–Vienne 1600 et la Corrèze 1 165.

La Creuse ne comptait que 534 Juifs d’origine étrangère. C’était le département de la région qui en comptait le moins. Beaucoup sont arrivés dans ce département par hasard. Ils n’ont pas eu de grandes difficultés pour se loger et après quelques mois de présence ils se pensaient à l’abris. Pourtant ce ne fut pas le cas pour 91 d’entre eux. Parmi eux se trouvait le jeune Henri Wolff. Il fut l’un des rares à revenir vivant. Il a raconté souvent, et sur de nombreux médias, son histoire.

https://www.youtube.com/watch?v=2jIlLsV6r6k&ab_channel=YadVashemFran%C3%A7ais

Henri Wolff était un jeune belge de 14 ans lorsqu’il arrive avec ses parents aux Combes, un village d’une quinzaine d’habitations sur la commune de Saint-Hilaire-le-Château. Il découvre  » un havre de paix et de chaleur « . Le recensement de juin 1941 le rappelle à  la réalité.  » Un jour le secrétaire de mairie est venu : « Je dois recenser tous les juifs du canton et vous avez à  remplir ce questionnaire ».  » La mère d’Henry s’étonne :  » Nous n’avons jamais dit que nous étions juifs. « . Le secrétaire de mairie :  » Moi, je le sais ! Vous ne voulez pas remplir le questionnaire ? Je le ferai.  » Son père est envoyé dans un Groupements de travailleurs étrangers (G.T.E.), sur le plateau de Millevaches pour extraire de la tourbe tandis que sa mère et lui travaillent à la ferme aux Combes. Tous les deux sont obligés de pointer à  la gendarmerie où ils sont traités avec suspicion. Le vélo d’Henri est régulièrement inspecté, car les résistants utilisent souvent ce moyen pour convoyer leurs tracts.

Le 26 août 1942, cinq gendarmes se présentent, à  quatre heures du matin, à  leur domicile. Ils leur laissent un quart d’heure pour faire leurs bagages. L’un d’eux gifle Henri qui n’est pas assez rapide. Il gardera toute sa vie le souvenir de cette gifle. Ils sont d’abord regroupés à  Boussac, dans une cartoucherie désaffectée puis convoyés au camp de Nexon, en fin de journée. Henri est arrivé à Nexon avec sa mère et il y retrouve son père. Il décrit le camp ainsi  » Six cents à  huit cents prisonniers parqués dans une douzaine de baraques, vingt-quatre latrines … soixante robinets situés sur le terre-plein du camp et trois douches. « 

Henri Wolff poursuit :  » Nous avons reçu aussi la visite d’un fonctionnaire de Vichy qui nous assura que nous serions convenablement traités, envoyés en Allemagne ou en Pologne et serions astreints au travail de la terre.  » Il continue :  » Nous sommes restés un jour et une nuit à  Nexon et ce fut le départ pour Drancy. A la ligne de démarcation, nous attendait la Feldgendarmerie allemande, prenant le relais de la gendarmerie française. Une journée à  Drancy et le départ vers l’enfer. Le convoi n° 26 partit le 29 août et arriva à  Auschwitz le 2 septembre 1942. Le voyage dura quatre jours et trois nuits, entassés, une centaine par wagon à  bestiaux. Dans un coin, deux seaux : l’un servant de tinette, l’autre contenant de l’eau. La chaleur y était infernale. Sur les  » 957 juifs du convoi n° 26, 918 ont été gazés.  » Parmi eux, la mère d’Henry Wolff et probablement son père. Il sera l’un des 39 survivants de ce convoi.

Au total en Creuse, 90 personnes furent arrêtées le 26 août 1942 dont une quinzaine d’enfants. Regroupées à La Souterraine, Dun, Châtelus-Malvaleix, Bonnat et Guéret, elles sont ensuite conduites vers Boussac. Lors du criblage 39 personnes n’ont pas été retenus car elles remplissaient l’une des six conditions d’exemption comme ces deux familles, avec quatre enfants, dont les pères, d’origine allemande, s’étaient engagés en septembre 1939 dans les rangs de l’armée française. De Boussac 44 personnes sont dirigés vers le camp de Nexon.

En Corrèze la rafle a été réalisée en 2 fois. D’abord dès le 18 août 1942, 59 Juifs qui appartenaient aux différents groupements de travailleurs étrangers ( 101, 405, 651,653,665,881) sont regroupés au camp d’Auchères sur la commune de Rosiers d’Egletons. Le 23 août, ils se rendent à pieds du camp à la gare d’Egletons et parcourent les 4 kms en chantant selon le Rabbin Deutsch.

Rapport du Rabbin Deutsch, Archives du Mémorial de la Shoah

De là ils rejoignent Lyon et leurs wagons seront rattachés au convoi n°5 à destination de Drancy. Le nombre des wagons n’étant pas suffisant, un convoi de 33 personnes rejoindra Nexon par la route le 27 août.

Départ d’Egletons pour Nexon le 27 août 1942

Le 26 août, dans toute la Corrèze les gendarmes doivent interpeller les Juifs étrangers recensés et les regrouper à Egletons où l’Ecole Nationale Professionnelle est transformée en camp.

Télégramme du Préfet de la Corrèze pour l’organisation de l’ENP .

Les prévisions du préfet font état de 210 noms sur liste principale et de 64 en liste complémentaire.

Télégramme du Préfet de la Corrèze avec nombre de personnes sur les listes

Mais entre les « recensés » et les « ramassés » il y a des écarts. Certains ont fui car des informations leur étaient parvenus. D’autres étaient malades et intransportables. En ajoutant les motifs d’exemptions ce sont 58 Corréziens qui sont arrivés à Nexon.

En Dordogne deux centres sont aménagés à Saint-Pardoux-la-Rivière et dans le château du Roc, au Change, ce dernier une semaine avant le début de la rafle. 329 Juifs auraient dû être arrêtés mais 242 personnes seulement le seront et après les différents criblages 174 partiront de Nexon pour Drancy et 172 seront déportées à Auschwitz.

Stèle commémorative au Château du Roc en Dordogne

En Haute-Vienne 102 personnes ont été arrêtées, aucune à Nexon et dans les communes du canton. En effet lors de l’enquête du 3 juin 1941 la mairie de Nexon avait déclaré qu’aucun réfugié israélite ne vivait sur la commune. Il est vrai qu’entre le 1er juin 1941 et le 26 août 1942 certains auraient pu y venir. Je pense que la présence du camp les dissuadait.

Enquête de la Préfecture sur la présence des réfugiés israélites

Parmi les arrestations autours de Nexon on en note 9 à Chalus : Maurice Blau, son épouse Elsa et sa sœur Bertha; un jeune russe de 25 ans, Willy Grandenz; Meyer Loschner, son épouse Sarah et leur fille Ruth; Sigmund Pommer et son épouse Sarah. Ils seront 7 à être arrêtés à Saint Yrieix, d’autres le seront à Aixe sur Vienne et dans toute la Haute-Vienne.

Parfois c’est toute une famille comme les Jonap, les parents et leurs 3 fille ou les parents Kamelgarn avec leurs 3 enfants. La plupart de ces arrestations concernent des Allemands, des Autrichiens ou des Polonais qui ont fui dès le début de la guerre. Ils sont souvent passés par la Belgique qui était neutre et sont venu en France à partir de juin 1940. Ils passaient par Paris mais ils n’y restaient pas longtemps et cherchaient à gagner la zone libre. Ils sont arrivés à Limoges ou dans sa banlieue d’où ils ont été expulsés au début de l’année 1942; Ils sont allés alors à Chalus, Oradour sur Vayres, Saint Léonard… Quelques-uns ont été pris dès leur arrivée en Haute-Vienne, soit qu’ils aient été arrêté en franchissant la ligne de démarcation avec des faux papiers, soit en arrivant en gare de Limoges où ils ont été dénoncés par un contrôleur.

Au total 680 personnes ont été amenées au camp de Nexon les 27 et 28 août 1942. Leurs documents vont de nouveaux être examinés. En une journée les inspecteurs vont examiner les papiers et libérer ceux qui remplissant les conditions d’exemption. Aux partants on retirera les cartes d’alimentations à tous ceux qui remplissent les conditions pour être retenus.

Après toutes les vérifications 458 personnes ont été embarquées dans le train pour Drancy. Ce sont donc plus de 200 personnes qui ont été libérées parce qu’elles remplissaient les conditions pour ne pas partir.

Les 458 personnes retenus ont quitté le camp dans la soirée et ont pris place dans les wagons : 3 voitures de voyageurs réservées aux femmes, enfants et malades et 27 voitures à bestiaux aménagées. Les bagages étaient dans 4 fourgons à bagages et une voiture était réservée à l’escorte.

Le train a quitté Nexon le 29 août 1942 à 6h55. Il a franchi la ligne de démarcation à Vierzon à 11h31 d’où il est reparti à 12h15. Il est arrivé à Drancy à 18h03.

La plupart sont partis pour Auschwitz très rapidement. Le convoi n°26 avec 307 « raflés » est parti le 31 août et le convoi n°27 est parti le 2 septembre avec 75 « raflés ». La plupart ont été gazés le jour de leur arrivée.

Quelles réactions alors ?

A Nexon aucune. Il n’y a pas un mot dans la Presse. A part les personnels du camp personne n’a vu les « raflés ». Ils sont sortis du camp à la nuit tombée. Dans les quelques maisons devant lesquelles ils passaient pour aller à la gare les habitants avaient été priées de fermer leurs volets. Il n’y avait pas de cris car ils ne pensaient pas que ce voyage serait sans retour.

Dans les communes où il y a eu des arrestations s’il n’y a pas eu de manifestations violentes, le mécontentement et la désapprobation étaient visibles. Mais comme toutes les arrestations ont été effectuées par des gendarmes ou des policiers, sans aucune présence de soldats allemands à la différence de ce qui s’était passé à Paris quelques semaines avant, la légalité semblait respectée. Mais la censure veillant il n’y eu aucune photo dans la presse aussi bien de la rafle du Vel d’Hiv que des rafles d’août 1942. Il n’y eu pas de manifestation de désobéissance de la part des fonctionnaires chargés des opérations. Il y eu des fuites et des personnes furent prévenues ce qui explique le nombre d’arrestations inférieures aux prévisions.

On cite le cas du gendarme Honoré Haessler évacué du Bas Rhin et affecté à la brigade de gendarmerie de Solignac de 1941 à 1943. Il s’y installe avec son épouse Marie-Louise et leur fils Pierre. A Solignac plus de 80 juifs sont réfugiés. Chaque fois que cela lui a été possible, il prévenait les familles juives des menaces de rafles ou de l’arrivée des allemands. Ainsi de nombreuses familles ont pu se cacher et éviter l’arrestation. Mais quelques jours avant le 26 aout, quand il prévient la famille Imbert, celle ci ne veut pas fuir car Juda Imbert était malade et son épouse n’a pas voulu l’abandonner. Ils ont été arrêtés avec leur fille Elsa. Tous les trois déportés vers Auschwitz par le convoi n° 27 du 2 septembre 1942, ils sont les seules victimes juives parmi les réfugiés à Solignac, arrêtés le 26 août 1942. Le 3 février 2004, l’Institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné à titre posthume à Honoré Haessler le titre de Juste parmi les Nations. La caserne de Solignac porte le nom de caserne du gendarme Haessler. Il y a eu d’autres fonctionnaires de police qui ont agi ainsi en Limousin comme Jean Cubertafond, policier inspecteur au service des étrangers, lui aussi reconnu Juste parmi les nations.

Si peu de personnes ont réellement vu les rafles elles vont cependant susciter un mouvement qui marque une rupture dans l’opinion. Parmi les éléments marquants il faut rappeler la lettre envoyée le 23 août 1942 par Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, à tous les curés de son diocèse pour qu’elle soit lue le dimanche à la messe. Radio de Londres l’a largement relayée.

Cette lettre n’est en fait que la partie visible d’un réseau d’entraide et de sauvetage, en lien avec les institutions juives et les réseaux de résistance que l’on appelé le « réseau Saliège ». Le conseil national de l’Église réformée de France, que préside le pasteur Boegner, se réunit à Nîmes le 22 septembre 1942 et rédige un texte qui est lu dans tous les temples de France (sauf huit refus) le dimanche 4 octobre. Il exprime sa condamnation des persécutions et appelle les fidèles à la solidarité avec les Juifs. Et Combat dans son numéro d’octobre 1942 s’appuie sur Charles Péguy pour écrire : Les juifs nos frères.

4- L’oubli, puis le temps de la mémoire et de la commémoration.

A la fin de la guerre, comme les camps, les rafles ont été oubliées. Pendant des années on n’en a pas parlé, comme si une chappe de plomb s’était abattue sur ces évènements. Comme tous mes camarades nexonnais nés après la guerre, nos parents ne nous en non jamais parlé, ni nos instituteurs, ni nos professeurs.

C’est au début des années 1970 que les choses ont changé. Des travaux universitaires, des monographies… ont été publiées sur les camps et sur les rafles. D’abord celle du Vel d’Hiv, ce qui a eu pour effet d’occulter les autres. Et maintenant il existe une littérature abondante. Sur ce qui s’est passé dans la Région de Limoges l’ouvrage de Guy Perlier, La Rafle- Août 1942 – Région de Limoges Editions « Les Monédières » en 2012 est très complet. Le site de Fanny Dupuy sur les Réfugiés juifs en Haute-Vienne est riche car la vie de tous les déportés de la Haute-Vienne est retracée : https://www.refugiesjuifs87.fr

Pour la Creuse le livre de Christophe Moreigne – La Mesure J- Points d’Encrage 2022 ne se limite pas à des chiffres et des documents administratifs mais lui aussi fait revivre les personnes déportées

Un travail effectué par les élèves des classes de 1eres S, TEB et TP du lycée Pierre Caraminot d’Egletons en 2018-2019 est un bon résumé de ce qui c’est passé en Corrèze : https://blogsenclasse.fr/19-egletons-caraminot-commemoration/category/avancee-des-travaux-le-travail-dhistoire/larrestation-des-juifs-de-correze-en-aout-1942/

Pour la Dordogne la référence est le travail pionnier de Bernard Reviriego -Les Juifs en Dordogne- 1934.1945- Archives départementales de la Dordogne. Fanlac 2003- 255 p.

Sur la police en général un énorme travail de plus de 1000 pages de Jean-Marc Berlière – Les Polices des temps noirs : France, 1939-1945, Paris, Perrin, 2018, 1357 p.

Les travaux de Serge Klarsfeld sont la référence absolue : Vichy-Auschwitz. Le rôle de Vichy dans la solution finale de la question juive en France, 1942, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1983, 544 p. Mais au-delà de ses publications il y a ses actions. Serge Klarsfeld et de son épouse Beate ont passé leur vie à démasquer les responsables de la Shoah et à faire vivre la mémoire de ces évènements funestes. Par leur travail et leur conviction ils ont amené le président Chirac à commémorer le 53e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv le 16 juillet 1995 en prononçant un discours dans lequel il reconnaît la responsabilité de la France.

A Nexon, le 22 mai 1993, d’anciens internés de Nexon, militants politiques et syndicalistes français, ont fait apposer une plaque à la gare de Nexon : « Ici à Nexon, en 1940, est ouvert un camp d’internement surveillé. De cette gare sont partis en direction de Port-Vendres, en mars 1941, pour être déportés dans des camps en Afrique du Nord, des patriotes résistants antifascistes de toujours qualifiés d’indésirables français et internés par les gouvernements français et de Vichy. Victimes de la répression fasciste, ils furent les premiers à nous montrer le chemin de la Résistance. Plus tard, des juifs, des résistants et des patriotes furent déportés en Allemagne. N’oublions jamais leurs souffrances, leur courage, leur sacrifice. Restons vigilants, souvenez-vous. »

Quelques mois plus tard, le 12 septembre 1993, en présence de Serge Klarsfeld et de Gérard Gobitz, ancien interné et déporté, a été inaugurée une stèle dressée à côté de celle de 1959 à la porte de l’ancien camp, avec une forme inversée, et lui faisant pendant. La plaque porte l’inscription : « Le 29 août 1942, 450 Juifs dont 68 enfants habitant les départements de la région de Limoges, arrêtés à leurs domiciles et rassemblés au camp de Nexon, furent livrés aux nazis par le gouvernement de Vichy et déportés vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Passant, souviens toi  »

Les deux stèles en 2022

Une pierre gravée fut également dressée à la gare. Son environnement a évolué avec la temps. D’une simple pierre dressée à l’origine c’est aujourd’hui un vrai espace du souvenir. Des panneaux expliquent le mouvement d’enfermement des années 1940 -1945 avec l’histoire des camps mais aussi de la déportation des juifs vers les camps de la mort. Ce fut un long travail mené par les associations de déportés, espagnols et juifs Polonais, Allemands, Autrichiens, Lettons, Tchèques…Apatrides, pour que l’on n’oublie pas. Le 28 avril 2018 a été inauguré un sentier de la mémoire rappelant l’histoire des 458 juifs déportés de la gare de Nexon vers Drancy la nuit du 29 août 1942.

13 septembre 1993 inauguration de la stèle de la rafle d’août 1942. René Rebière, à gauche, est maire
29 avril 2007 De G à D Mme Jamin, Maire, Josette Dugot, Souvenir Français, Françoise Dubuc, infirmière au camp, Jeanine Hery prisonnière au camp alors âgée de 6 ans, la fille de Mme Dubuc.

26 avril 2009, pour la première fois, lors des cérémonies commémoratives de la Journée de la Déportation, les descendants des espagnols républicains, à travers l’Ateneo Republicano du Limousin, étaient présents.

26 avril 2009
26 avril 2009
29 août 2012, Liliane Jamin Maire avec Claude Bérody et à gauche la porte drapeau Ateneo Republicano du Limousin
2012 Discours de Guy Perlier
2012
28 avril 2015,Fabrice GERVILLE-REACHE maire
Bulletin municipal d’Information n° 264 Juin 2021

Souhaitons que nous n’ayons pas à revivre des heures aussi cruelles…

A l’école pendant la guerre de 1939 – 1945 : témoignages de plusieurs élèves.

Yves ADAM, fils de Léon et Léonie ADAM, avait 7 ans au début de la guerre. Il m’a apporté son témoignage sur cette période qui marque profondément tous ceux qui l’on vécue. Il avait mis en commun ses souvenirs avec ceux d’Yves PIQUET, un de ses camarades, malheureusement décédé avant que nous nous rencontrions.

A ces témoignages je mêle celui de Lucienne CLERMONTEIL, épouse de Jacques FAURISSON que j’ai rencontré chez elle, à Saint Maurice les Brousses. Nous avons longuement parlé et elle aussi m’a confié des photos de classes qui complètent celles de Yves ADAM.

J’y ajoute les notes que m’avait remises René REBIERE au cours des nombreuses heures passées dans son salon à l’écouter me raconter ses souvenirs de Nexon. Il n’y était pas né, étant de Sarrazac en Dordogne, mais il a suivi ses parents lorsqu’ils ont acheté, juste avant la guerre, le commerce de vin aux « Glycines » derrière la gare de Nexon. Il est allé à l’école à Nexon puis au lycée à Saint Yrieix. 

J’y ajoute Paul LACORE, camarade d’école d’Yves ADAM, qui m’apporte toujours des réponses quand je l’interroge tant sa mémoire est fidèle.

Merci à tous ceux qui par leur témoignage et les documents qu’ils me confient, me permettent d’écrire l’histoire de Nexon…

Souvenirs d’élèves à l’école de Nexon entre 1940 et 1947

L’école que fréquentent les jeunes en 1940 se situent dans le bâtiment central du collège actuel. Il n’y a eu aucun travaux depuis l’inauguration de cette école en septembre 1914.

Il y avait en 1940 quatre classes de garçons et quatre classes de filles ainsi que quatre logements pour les instituteurs. En annexe il y avait une classe maternelle avec un logement pour la directrice et un pour la femme de service. En sous-sol deux préaux, deux salles pour la justice de paix et deux cours séparées par un mur de pierre, l’une pour les garçons et l’autre pour les filles.

L’entrée à l’école ne se faisait pas par les cours mais par le haut puisque les classes étaient toutes au 1er étage par rapport à la cour.

En 1945 la cantine a été installée dans les salles de la justice de paix. En 1946 l’école primaire a été transformée en Cours complémentaire, ce qui permis aux élèves de poursuivre leur scolarité jusqu’au Brevet. Compte tenu de l’augmentation du nombre des élèves, la municipalité a fait construire trois classes.

En 1940, l’école est telle qu’elle était en 1913
L’école en 1943
Nb : l’instruction est obligatoire jusqu’à 14 ans depuis la loi sur l’instruction primaire obligatoire du 9 août 1936.
  • Les maîtres de l’époque

Clase maternelle : Mme PIGNOULET

Cours préparatoire mixte : Mme GAUMY

Autres classes de filles : Mmes JALICON, LAPLAUD, MATHIEU, PAUZET

Coté garçons : Cours élémentaire : M. CHAIZEMARTIN puis M. MODENEL

Cours moyen : M. LAPLAUD, blessé à une main pendant la guerre de 14-18 il était handicapé pour écrire au tableau.

Cours supérieur : M. MAISONGRANDE

Fin d’études primaires (classes mixtes) : M. COUEGNAS, directeur, puis M. JALICON

M. COUEGNAS, au milieu, à gauche son épouse. En blouse blanche Mme PAUZET, future directrice.
M. COUEGNAS, au milieu au deuxième rang, à droite Mme PAUZET et devant lui Mme COUEGNAS

Chaque classe comprenait deux divisions. Certaines classes comme le cours moyen (CM) et le cours supérieur (CS) avaient un grand nombre d’élèves du fait de la présences de réfugiés du Nord, d’Alsace ou de la zonz occupée. On peut citer les familles LECLERC, BOUVARD, (Alsacien) LECONTE, CORTEL (Nord)…

Ces classes étaient mixtes mais sur les photos garçons et filles étaient séparés sauf pour le cours préparatoire.

Le cours préparatoire de Mme GAUMY en 1940-1941

Yves Adam est au 3ème rang, 3ème en partant de la gauche

1941 – 1942, le cours élémentaire de M. MODENEL

Yves ADAM est assis par terre, au milieu l’étiquette photo entre les jambes.

1942 -1943, le cours moyen de M. MAISONGRANDE

Yves ADAM n’était pas dans cette classe

1943 Cours Moyen M. LAPLEAU

Yves ADAM, 4ème à partir de la droite au 1er rang

1945 – 1946 CS M. MAISONGRANDE

Yves ADAM, 2ème à partir de la droite au 1er rang, Paul LACORE 1er à droite au 2ème rang

1946 – 1947, la classe de fin d’études primaires de M. JALICON

Yves ADAM, 1er rang 1er à droite

Les photos de Lucienne CLERMONTEIL dans les années 1941-1944 mais sans les dates précises :

Lucienne CLERMONTEIL est au 1er rang, 3ème à partir de la droite. Elle reconnaît beaucoup de ses camarades : Denise ADAM, Jacqueline ANDRE, Bernadette BOUCHERON, Denise CHAMINAUD, Odile DESMOULIN, Bernadette LAGORCE, Georgette MAPATAUD, Madelaine MAZAUD, Andrée SANCIAUX, Jacqueline VALETTE …
Lucienne CLERMONTEIL, 3ème à partir de la droite au 3ème rang. Elle reconnaît Odette BARNAGOT, Paulette DUVERNEIX, Eva GRANIER, Denise LARNE…

Les filles portent une blouse et une veste par-dessus et très souvent un béret.

Bénéficiant des pleins pouvoirs depuis le 10 juillet 1940, Pétain, considérant que la défaite était en partie due à la formation dispensée dans les écoles sous la IIIe République va très rapidement modifier les programmes scolaires. L’école doit « édifier un nouvel homme » qui aura le sens des « sacrifices » et le « goût du travail ». L’école doit développer une morale du « devoir » et non celle des « droits. » (message du Maréchal Pétain du 4 février 1941).

L’éducation de la morale, centrée sur la devise de l’Etat français « Travail, Famille, Patrie. » est une discipline essentielle. Les instituteurs doivent transmettre aux élèves l’amour pour la terre, l’importance de la famille et l’amour de la Patrie.

Cela va se traduire par la cérémonie des couleurs. Chaque lundi, tous les élèves étaient réunis dans la cour des garçons ou un mat avait été érigé pour la montée des couleurs. Le directeur, M. COUEGNAS, désignait une fille ou un garçon dont le père avait été tué ou fait prisonnier pour cette cérémonie. Quelques minutes de silence étaient observées et les élèves chantaient « Maréchal nous voilà ».

Les programmes donnaient une grande place aux travaux manuels et à la découverte de la nature. Les enseignants disposaient d’un jardin. M. MAISONGRANDE qui s’était blessé à la cheville le faisait bêcher par ses élèves qui semaient et plantaient également les légumes. Dans les différentes classes nous portions des fruits, des légumes, des feuilles pour illustrer les cours qui s’appelaient alors « leçons de choses ».

Les jeux pendant les récréations étaient la corde à sauter pour les filles et les billes pour les garçons.

Périodiquement, il y avait des exercices d’alerte. Au coup de sifflet, il fallait quitter les salles de classe au plus vite et courir vers les Rochilles pour se cacher derrière les rochers près du garage des pompiers de l’époque ou derrière les châtaigniers dans le bois.

La caserne des pompiers a été construite au début des années 1950. Pendant la guerre de 39 – 45 il y avait un court de tennis et des rochers.

Le tennis de tennis aux Rochilles jusqu’au début 1950

On arrive à l’école à l’heure. On dit bonjour. Le directeur siffle et les élèves se mettent en rang par deux devant leur classe.

En ce temps-là, les hivers étaient très froids : gel et neige, beaucoup d’élèves soufraient d’engelures. Certaines fontaines d’eau potables étaient gelées. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse chaud ou qu’il neige, les grands prenant soin des plus petits, tout ce petit monde accomplissait chaque jour le trajet domicile-école aller et retour. Ceux qui venaient des villages éloignés : Le Brouillet, Veyrinas, Combrouze, Noyéras, Valette, etc. pouvaient marcher deux heures chaque jour d’école. Mais les communes avaient passé des accords afin que les enfants demeurant loin de l’école de leur commune puissent fréquenter l’école la plus proche de leur domicile. Ainsi, ceux du village des Moulins allaient à l’école de la Grimaudie, ceux de Valeix allaient à Rilhac, ceux de Leyraud, des Pousses et de la Bonnetie à St-Maurice les Brousses. L’hivers la route était pénible, d’autant plus que presque tout le monde avait des sabots ou des galoches à semelles bois qu’il fallait ressemeler régulièrement ou qui étaient ferrées ou cloutées. Et chacun portait un cartable sur le dos avec livres et cahiers et le bidon de nourriture d’une main l’autre tenant celle d’un petit frère ou d’une petite sœur.

Dans la classe il faisait parfois très froid. Un grand poêle trônait au milieu de la salle avec un long tuyau d’évacuation des fumées. Les premiers arrivés, le matin, étaient chargés d’allumer les poêles.

Le maître, comme les élèves, portait une blouse. Contrairement aux élèves, leurs doigts étaient blanchis par la craie qu’il utilisaient pour écrire au tableau noir alors que les doigts des enfants étaient tâchés par l’encre violette, tout comme les pupitres, les cahiers et les buvards. On écrivait avec l’encre préparée par l’école, avec un porte -plume et une plume sergent-Major qu’on trempait dans un encrier de porcelaine blanche intégré au plateau de la table d’écolier.

Pour le déjeuner les élèves pouvaient manger une soupe, préparée par une employée municipale, et le morceau de pain que leur mère avait mis dans leur sac. Certains avaient un repas à réchauffer, transporté dans un bidon à étages superposés pour séparer entrée, plat de résistance et dessert. Ceux du bourg rentraient chez eux. Les instituteurs qui n’habitaient pas sur place déjeunaient au restaurant, ce qui leur laissait peu de temps entre midi et treize heure trente. Sur le plan alimentaire, chaque famille disposait de tickets d’alimentation. Elle recevait la quantité de nourriture correspondant aux tickets qu’elle donnait. Pour le pain par exemple, il était vendu an poids en fonction du nombre de tickets. Le pain était noir et lourd. Il était difficile d’en définir la composition. On enviait les élèves de la campagne qui venaient la plupart du temps avec du pain plus blanc.

Nous trouvions du lait dans des fermes proches de chez nous, Sazerat et au Moulin des Hébras. Le fermier nous fournissait quelques bouteilles. Dans les épiceries, il n’y avait que les produits alimentaires de base et en quantité réduite (fromage, sucre, saccharine).

On essayait d’améliorer notre ordinaire en allant ramasser des châtaignes ou des noix et en allant chercher les champignons à la saison. On allait à la pêche sur la Vanelle à la bouteille ou à la ligne avec une baguette de noisetier et une aiguille coudée. Du côté di moulin Trouly il nous arrivait de prendre des goujons.

Pour le chauffage familial on rencontrait des difficultés à se procurer du bois. Il était livré à une longueur d’un mètre par des paysans locaux. Il fallait recouper les bûches pour les cuisinières. On faisait appel à M. DEMAISON, qui possédait une scie à moteur électrique sur roues. Il utilisait deux grandes perches avec crochet pour le branchement sur le réseau électrique public.

Le jour de repos était le jeudi. A la fin de l’année chaque classe participait à la fête des écoles. Comme il n’y avait pas de salle assez grande à l’école celle-ci était organisée salle Paul FAURE, rue Pierre et Marie CURIE (Dojo). La distribution des prix a été suspendue pendant la guerre. Elle a repris par la suite organisée soit sur la place de la république soit dans la cour de l’école une estrade étant accolée au préau.

Le maire, L.J. PRADEAU prononce le discours d’ouverture, M. et Mme JALICON sont assis autours de la table sur laquelle sont posés les prix à distribuer. La cérémonie a lieu sur la place de la République.
La cérémonie a lieu devant le préau dans la cour des filles. M. JALICON va appeler les élèves récompensés. le maire est assis près de la table et à côte de lui les adjoints.

Le 14 juillet 1947, Yves ADAM recevait le 1er prix de la classe de fin d’étude remis par M. le Maire. Ses résultats sont brillants aussi il reçoit un beau livre relié sur Saint Louis et son siècle.

Si ce livre est un beau livre il n’est pas adapté à la lecture d’un garçon de 14 ans, aussi brillant fut-il. Aussi je n’ai pas été surpris quand Yves m’a dit qu’il ne l’avait jamais lu. Il a de nombreux prix comme celui-ci qui sont des décors de bibliothèques…

Quelques faits marquants pour des garçons de 9 à 14 ans pendant ces années 1940 – 1947.

  • Mr MOURET, Sacristain de l’époque enseignait le catéchisme à l’ancien couvent de filles, en face du cimetière. Il avait peu de candidats.
  • Il y avait le camp près de la gare, mais on ne savait pas ce qu’il s’y passait. Nos parents nous demandaient de passer très vite et de ne jamais s’arrêter.
  • Le 6 juin 1944, enfin le débarquement : gros titres des journaux, on suivait, jours après jours la progression des armées alliées. On remarque que la censure de Vichy veille encore et que le débarquement n’est qu’une « tentative ». cependant on note que le chef de l’Etat lance un appel pathétique…
L’Appel, nom du Populaire sous Vichy, du 7 juin 1944.
  • Le 9 juin1944, c’était un vendredi, la division DAS REICH, qui remontait vers la Normandie passe près de Nexon. Un détachement s’arrête sur la place de la Mairie. La veille, à Tulle, les soldats avaient pendu 99 hommes innocents pour venger les allemands tués pendant la reconquête de la ville que les maquisards avaient occupé. A Nexon cela ne se sait pas car la presse n’en parle pas mais les nexonnais restent chez eux. Le curé de Nexon, M. LAZARUS, fut un négociateur acharné et un défenseur efficace de la population. Il a convaincu les allemands qu’il ne se passait rien à NEXON. Les allemands ont repris leur route vers Meilhac, Burgnac et… ORADOUR SUR GLANE !!! Ce jour-là, M. LAZARUS, a peut-être évité le pire a NEXON.
  • Le 10 juin au soir des nexonnais ayant appris la nouvelle du massacre d’ORADOUR, montent aux Rochilles d’où, paraît-il, on apercevait les fumées de la ville en feu.

–  Les GMR, gardes mobiles républicains ont occupé le préau des garçons quelques jours avec des soldats de garde armés, postés aux quatre routes et au bas de la rue Casse Toupie. Pourquoi ? – Un jour nous avons vu passer un escadron d’avion, environ une cinquantaine, au nord dans le ciel de NEXON, en direction de l’ouest. Le lendemain nous apprenions par la presse, le bombardement de ROYAN.

Le Populaire, 6 janvier 1945

–  A cette époque, peu de familles disposaient d’un téléphone ou même d’un poste de radio. Les nouvelles locales étaient communiquées par M. NARDOT, garde champêtre, qui parcourait le bourg et certains villages et se postant sur une place, après un roulement de tambour pour attirer l’attention, annonçait à voix forte les nouvelles.

1945 … ENFIN LA LIBERTE

À la suite de la création du CEG, années 47-48, certains élèves ont quitté l’école de NEXON pour poursuivre leurs études à Limoges après avoir été reçu au concours des bourses… Ainsi Yves PIQUET et Raymond LAVEYSSIERE sont allés au lycée Gay Lussac ; Yves ADAM, Jeanot ANDRIEUX et Marie DUPUYDENU a l’ENP, aujourd’hui lycée Turgot. Un grand nombre d’entre nous n’a pas continué d’études et a intégré le monde du travail soit dans l’entreprise familiale soit dans la fonction publique.

– Avec la fin de la guerre les prisonniers reviennent dans leur famille. La vie de famille reprend son cours et les distractions sportives, culturelles ou de plein air vont reprendre leur cours. Pour permettre de pratiquer le jardinage, le retour des prisonniers, M. DESPLANCHES, horloger, qui possède un pré a Cornedie crée des lots pour les jardiniers amateurs. Aujourd’hui le pré est devenu une partie du lotissement de Cornedie.

– Si les prisonniers français ont été libérés ce ne fut le cas des prisonniers allemands. Il restait plusieurs centaines de milliers de prisonniers allemands en France dont une partie avait été capturée en Afrique. De plus les Etats-Unis ont confiés à la France les prisonniers qui avaient été faits par leur Armée. C’est donc environ 1 700 000 allemands qui se trouvaient en France pour contribuer à reconstruire ce qui avait été détruit.

Une grande partie de ces prisonniers a été employé dans les mines de charbon du Nord et dans l’agriculture. Il a également été créé des commandos communaux mis à disposition des mairies pour exécuter des travaux d’intérêt général. La municipalité de Nexon a saisi cette opportunité pour demander un commando d’une dizaine de personnes pour participer à la construction du stade. Ils venaient du camp de ST PAUL et armés de pelles, de pioches, de brouettes ils ont réalisé le terrassement du futur terrain de football, ceci sous la surveillance de Paul JARY.

Ce stade allait favoriser la pratique de football. Un nouveau club se crée, l’AS Nexonnaise qui va pouvoir bénéficier d’un vrai terrain au lieu de jouer dans un pré à La Seyne pour lequel il n’y avait ni vestiaire, ni eau. A cette époque les principaux joueurs étaient, entre autres : DESCHAMPS, les frères FOUILLAUD, JOUVE, Maurice TRIAL, Gaby VALLETTE…

  • La renaissance des foires (le 16 de chaque mois)

Les agriculteurs amenaient leur bétail sur la place du marché, le plus souvent à pied. Après accord de marché, ils allaient embarquer ce bétail dans des wagons prêts litiérés avec de la paille et de la sciure de bois.

Leurs retours étaient souvent très arrosés en faisant des haltes dans les cafés, avenue de la gare.

Les après-midi de foire, il y avait bal à l’hôtel Moderne chez M. MASSY.

Salle CHARREIX : M. PRIOLAUD, électricien de Pierre Buffière, proposait avec un projecteur et un écran des séances de cinéma ; Le plus il s’agissait de documentaires relatifs à la guerre, et quelques on avait des films comiques, Laurel et Hardy, par exemple.

Et pour nous les jeunes qui avions connu le pain noir avec ticket, le froid, la misère, cette période fut : Plus BELLE LA VIE.

QUELQUES SOURIRES

La vie reprenait a NEXON…

* M. COMBROUZE, marchand de bière, rue du Moulin de Trouly effectuait ses livraisons dans les cafés de la ville avec son camion à gazogène. Il était accompagné de sa chienne Lily, non attachée, la queue en l’air. Il faut dire que la vitesse ne dépassait pas les 30 km/ h.

Quelques mois après le massacre, M. COMBROUZE a amené une dizaine de personnes du quartier voir la ville martyre d’Oradour. Quelle tristesse….

*René LASPOUGEAS, correspondant SNCF effectuait ses livraisons avec sa remorque et son cheval. Nous les écoliers, nous aimions bien lui faire des blagues. On donnait au cheval les ordres contraires de ceux donnés par son maître ! Quand il disait « Ho » on criait « Hu ». Le pauvre cheval ne savait plus qui écouter et le brave René nous fâchait gentiment !

*Les jours de foire, un agriculteur dont je tairai le nom, venait au marché avec son âne et sa carriole. Il attachait l’âne à un platane, à l’ombre. Il lui donnait un peu de foin et de l’eau puis il partait à la foire. En fait il faisait le tour des cafés. A la fin de la journée, pour qu’il rentre chez lui, il fallait l’aider à monter dans sa carriole. On détachait l’âne et on le mettait sur route. La brave bête connaissait le chemin de l’écurie et sans encombre, mais sans toujours respecter le code de la route, elle ramenait son maître à domicile, souvent endormi. On ne pouvait pas dire : « bête comme un âne ! »

*M. Malardeau avait créé une petite filature, à la sortie du bourg, rue Gay Lussac actuelle, avec 5 ou 6 ouvriers dont ses deux gendres et mon père, Léon ADAM. Je ne peux pas terminer sans penser à Léon qui a travaillé au moulin de mon grand père et qui remplissait les sacs « bon poids » quand c’était à mon tour de les porter. Toujours de bonne humeur quand il y avait moins de travail au moulin il allait donner un coup de main à mon père à sa ferme. Il y avait entre eux une solidarité d’anciens prisonniers de guerre. je pense aussi à Jean Pierre, le jeune frère d’Yves, qu’à Nexon on a toujours appelé Jeanot. Et comme c’était la même chose pour moi, il y avait entre lui et moi une relation de grand frère entretenue par le football. Malheureusement « Jeannot » ADAM nous a quitté en 2015.

Léon ADAM et son fils Jean Pierre en 1961

Camille GARAUD, avant d’arriver à Nexon en 1949 et y passer le reste de sa vie comme facteur, a vécu pendant plus de 5 ans la dure vie d’un prisonnier de guerre en Allemagne, en Pologne et en Ukraine…Il a raconté son histoire.

Avant de laisser à Camille Garaud le soin de raconter ses souvenirs de guerre et de prisonnier, quelques mots sur sa vie.

Son père Jean GARAUD, né de père inconnu, était agriculteur avec sa femme Marie IMBERT à Bersac sur Rivalier. Il l’a épousée le 14 mars 1904 à Bersac, une fois terminé son service militaire effectué au 50e RI de novembre 1900 à septembre 1903. Après son mariage Jean GARAUD est parti à Paris où il a été domestique.

Comme tous ceux de sa génération, il a été mobilisé dès la déclaration de la guerre, le 1er aout 1914. Il ne sera démobilisé que le 31 janvier 1919. Il a été cité à l’ordre de son régiment avec une appréciation élogieuse « Très bon soldat courageux et dévoué. Au front depuis le début de la campagne a servi de modèle d’endurance à ses camarades plus jeunes ». Son bon comportement lui a valu l’amnistie de deux condamnations qu’il avait eu, en janvier 1896 pour outrage public à la pudeur et en février 1909 pour infraction à la police des chemins de fer. Son fils Camille a hérité à la fois du fort caractère de son père et de son courage, ce qui lui permettra, à lui aussi, de connaitre la guerre et de passer près de 8 ans loin de chez lui.

Jean GARAUD est à peine revenu de la guerre que, le 13 mars 1919, nait son dernier fils Camille, à Nouailles, village de la commune de Bersac sur Rivalier.

Acte de naissance de Camille GARAUD – Archives départementales de la Haute-Vienne

A Bersac Camille vit la difficile existence d’un fils de métayer, mal payé pour un travail difficile. A la mort de son père en 1929, il s’installe à Verneuil sur Vienne. Il s’y marie le 14 septembre 1937 avec Marie FAUCHER alors qu’il n’a que 18 ans, ce qui n’était pas commun à cette époque.

Sur les conseils d’un ami adjudant il effectue une préparation militaire.

Brevet de préparation élémentaire au service militaire de Camille GARAUD

Titulaire du brevet de préparation élémentaire au service militaire le 20 juin 1938, Camille GARAUD devance aussitôt l’appel. Il est affecté au 20ème régiment de dragons à Limoges au service des transmissions.

Le peloton des transmissions. Camille GARAUD, 3ème rangée, 4èmme a partir de la gauche, souligné en jaune.

Dès le 20 aout 1939 le régiment est mis sur pied de guerre et le 23 août il se transforme en 23e Groupe de Reconnaissance de Corps d’Armée (GRCA), le 23e GRCA, et en cinq Groupes de Reconnaissances de Division d’Infanterie: les 2e, 18e, 21e, 27e et 93e GRDI..

Les officiers du 20e dragon en 1939 avec le lieutenant-colonel PREVOST au centre du 1er rang.

Camille GARAUD est affecté au 93e GRDI.

Pièce d’identité de Camille GARAUD appartenant au 93e GRDI, signée par le capitaine JUMEL le 17.11.39.

Il est à l’Etat-major, au peloton TSF. Il part pour les Ardennes en train le 1er septembre. L’embarquement a lieu de 7h30 à 12 heures. Les hommes sont installés sur des plateformes, les chevaux dans des wagons couverts. Le départ s’effectue à 12h30 pour Argenton sur Creuse. A 14 heurs les soldats apprennent la mobilisation générale. Le voyage se poursuit par Châteauroux, Orléans, Troyes, Saint Dizier, Verdun et Salmory ou le convoi arrive le 2 aout à minuit. Ensuite transport jusqu’à Carignan qui est atteint le 3 à 8 heures. Après une semaine passée sur place, c’est le départ pour une marche de plus de 200 km vers le front, par étapes d’environ 50 kms. Le 17 septembre arrivée à Klang (Moselle), à quelques kilomètres du front.

Après 15 jours à Klang, la marche vers le front se poursuit jusqu’à Forgeville, face à la ligne Maginot puis c’est le retour vers l’Ouest en passant par Gorze et Appremont la foret avant d’arriver aux Alleux* (Ardennes) le 16 octobre 1939. Le groupe va y rester 3 mois.

*Le 1er janvier 2016, Les Alleux a fusionné avec Le Chesne et Louvergny pour pour créer la commune nouvelle de Bairon et ses Environs.

Il ne fait pas grand chose sinon de creuser quelques tranchées, apprendre a envoyer des messages optiques ou en Morse. Le 15 janvier 1940 le groupe reprend la direction de Carignan qu’il dépasse et s’installe à Pouru-Saint Remy du 17 janvier au 19 mars. A cette date, mouvement vers la frontière belge jusqu’à Tremblois où le GRDI reste jusqu’au 14 avril, puis Mogues jusqu’au 10 mai et le 10 mai 1940 franchissement de la frontière belge jusqu’à Pin. C’est là que l’unité subi son baptême du feu aérien, alors qu’ elle est en train de monter une ligne téléphonique.

Une page du carnet de Camille GARAUD : du 18.8.39 au 14.4.40

Le lendemain de cette attaque aérienne c’est le recul par la même route jusqu’à Appremont et Belleville sur Bar où le groupe s’arrête du 16 au 22 mai. Puis il reprend sa marche dont on n’arrive pas à saisir la logique : Brieulles sur Bar, Bréhéville, Dombras, Drosnay, Brienne le château le 14 juin au soir, Vendeuvre sur Barse le 17 juin et le 17 juin toute l’Unité est capturée. C’est la fin de la liberté et le début d’une vie de prisonnier.

La suite est racontée par Camille GARAUD telle qu’elle a été enregistrée par le personnel de la maison de retraite de Nexon à la fin de l’année 2011.

Souvenirs d’un prisonnier de guerre

J’ai été fait prisonnier près de Dijon le 17 juin 1940, avec toute mon unité. Les Allemands nous ont rassemblés à Avallon dans l’Yonne. Nous y sommes allés à pied. Nous sommes restés 8 jours dans un pré dans la boue, et sans manger. Déjà, les conventions internationales n’étaient pas respectées. Ensuite nous avons été transférés à Saint-Florentin (Yonne). Là les Allemands nous firent travailler au nettoyage des routes qui étaient encombrées par des épaves de camions, voitures, et chars notamment. Nous tirions ce matériel avec des câbles, le but étant de permettre la libre circulation des unités allemandes. Impossible de s’y soustraire.

Ce travail terminé, nous avons marché pendant huit jours pour rejoindre Laon, où nous étions logés à la citadelle.

C’était le moment de récolter les blés qui étaient murs et toujours sur pied puisque les fermiers avaient fui devant l’avancée des troupes allemandes. Nous avons donc moissonné. Mais en ce qui me concerne, l’officier qui commandait nos gardiens avait su que j’appartenais à un régiment de dragons et qu’en principe je devais savoir monter à cheval. Il avait lui-même un cheval qu’il n’avait pas le temps de monter assez souvent. Il décida que non seulement je m’occuperai des quatre chevaux de son unité, mais aussi que je promènerai son cheval accompagné par un cavalier allemand. Il m’avait bien recommandé de ne pas tenter de m’évader si je voulais rester en vie. Or au cours de la première sortie, accompagné par l’ordonnance de l’officier, armé et avec ordre de tirer si je tentais de lui fausser compagnie, j’ai voulu tester le cheval. Il a suffi que je l’éperonne vigoureusement pour qu’il parte au galop et laisse l’ordonnance sur place, lequel ordonnance s’est mis à hurler et m’aurait tiré une balle dans le dos. J’ai donc calmé ma monture et nous sommes rentrés à la citadelle. Mais mon rôle de palefrenier n’a pas duré plus de quatre jours.

Nous avons ensuite quitté la citadelle de Laon pour nous rendre au camp de Sissonne dans l’Aisne où nous fûmes occupés au nettoyage du camp. Là encore la nourriture était maigre. J’avais décidé, avec un copain, de m’évader. D’autres avaient réussi, certains avaient été repris. Mais trois jours après, le 20 mai 1941, nous avons été transférés en Allemagne.

  • Premier camp en Allemagne

Nous passons par Bocholt, stalag 6 F où nous restons une semaine puis nous sommes envoyés à Dortmund au stalag 6 F*, camp de prisonniers de guerre pour homme de troupe et sous-officiers, ou il a été procédé à un tri par profession.

*Il n’y a plus de traces du Stalag VI D de Dortmund. Toutes les archives ont été détruites pendant les bombardements. Une stèle a été érigée à son emplacement.

Nous étions le 28 mai 1941 et je fus affecté au kommando 511. Tous les cultivateurs, dont j’étais, furent envoyés travailler en usine sidérurgique, la Fonderie Euch à Dortmund qui fabrique de plaques pour les blindés. Nous faisions les 3 x 8 heures.

Camille GARAUD au centre

C’était très pénible et dangereux. Nous n’avions aucune protection, sortir les plaques du four était très dur. Un jour un ouvrier civil m’a poussé pendant que je plaçais les plaques les unes sur les autres pour les faire refroidir. L’a-t-il fait exprès ou pas ? Je pense qu’il l’a fait exprès. Je suis tombé en avant sur mes deux mains. Si d’autres ouvriers civils ne m’avaient pas relevé, j’y restais et je brulais entièrement. Les paumes de mes mains ont été brulées et je ne pouvais plus rien faire, même pas manger. C’est un copain prisonnier qui me faisait manger.

Certains ouvriers allemands, probablement antinazis et pacifistes, aidaient au sabotage ; ils nous montraient comment faire éclater un cylindre de laminoir avec un balai. Il suffisait de laisser tomber le balai entre les rouleaux et le cylindre. Celui-ci, devenu malléable par la chaleur, se déformait, devenant inutilisable. Nous avions aussi des moyens de communication tels que le message roulé dans une cigarette.

  • Ma première évasion, 28 juin 1942.

Ce sont des ouvriers civils qui travaillaient dans l’usine qui m’ont procuré des vêtements civils, et de l’argent pour que je puisse me payer mon billet de train pour m’évader. Les Allemands qui n’étaient pas fascistes n’étaient pas dans l’armée, ils étaient considérés comme travailleurs de force, hors la loi. De plus, ils m’ont caché pendant une nuit ; à l’appel ils m’ont déclaré malade. Je m’étais évadé à 3h1/2.

Pour ne pas me faire remarquer, on m’avait conseillé de toujours faire le salut nazi lorsque je croiserai des gens. Pas de chance, dès ma première rencontre, j’ai oublié, ce qui eut pour effet de provoquer la colère de celui que je venais de croiser. Après ce petit incident, je n’ai plus oublié de saluer le bras levé « Heil Hitler ».

Il fallait même se méfier des enfants, enrôlés par le parti, qui avaient une tenue spéciale avec une petite croix gammée (jeunesses hitlériennes) ; ils pouvaient nous dénoncer et nous faire arrêter.

La croix gammée, je l’ai eue en passant sur un pont au bout duquel il y avait des gens qui faisaient une quête. J’ai pu les saluer et leur donner un mark. Ils m’ont épinglé une médaille et j’ai poursuivi mon chemin sans problème.

Plus loin, j’ai croisé un groupe de jeunes Hitlériens, que j’ai salués, j’avais la croix gammée sur mon vêtement, ils m’ont suivi jusqu’à un emplacement ou j’ai pris un sentier pour leur faire croire que je connaissais le coin, et là ils ne m’ont plus suivi.

Lors de cette 1ère évasion, j’ai marché à pied de Dortmund à Aix-la-Chapelle en Allemagne. Cela représente 3 jours de marche en s’arrêtant seulement la nuit. J ’ai passé la nuit sous un pont, et fait ma toilette avec l’eau de la rivière. Le deuxième jour, de Wuppertal au Rhin, j’étais fatigué, je me suis donc reposé dans un bois, mais j’ai dû m’enfuir devant un civil. Puis j’ai rencontré deux soldats allemands qui m’ont questionné mais m’ont laissé partir.

Il y a environ 150 km entre Dortmund et Aix-la Chapelle selon l’itinéraire.

Je savais que quand j’arriverais au bord du Rhin, il y aurait un passeur. Effectivement, il y avait une barque. Je m’y suis installé. Ce que j’ignorais, c’est que j’étais dans une barque qui servait à faire traverser les ouvriers d’une usine. Fort heureusement, il fallait que le passeur revienne chercher un ouvrier qui était resté sur l’autre rive. J’ai fait une traversée sans encombre et je suis allé dans un bosquet pour me reposer et y passer la nuit. Je ne savais pas que j’étais près d’une batterie de DCA (défense contre l’aviation). Pendant la nuit il y a eu une alerte et des tirs anti-aériens. Mauvaise nuit !!!

A l’aube du troisième jour, j’ai pu cependant, prendre la route d’Aix-la-Chapelle. Il faisait chaud, j’avais soif. A un moment, j’ai croisé un gendarme, que j’ai salué et qui ne m’a pas inquiété. Arrivé à Aix-la-Chapelle, j’ai à nouveau croisé ce gendarme, qui m’a reconnu et m’a demandé mes papiers. Je lui ai demandé pourquoi il m’arrêtait. « Je suis obligé de faire mon travail. Il y a trop de monde qui regarde et je ne peux pas vous laisser partir ». Les gendarmes m’ont apporté deux bières pour étancher ma soif. Donc la 3ème nuit, j’ai dormi à la gendarmerie. Nous étions le 1er juillet 1942

Le lendemain ils m’ont conduit à un camp de discipline des évadés à Bonn. On épluchait les pommes de terre. Il était interdit d’emporter les épluchures, mais quand on a faim comment y résister ? Un jour j’avais réussi à en garder, mais alors que je les faisais cuire dans une boite de conserve, la sentinelle qui faisait sa ronde m’a interpellé sèchement : « Was machen sie das ? Verboten » (que fais-tu là ? C’est interdit). Et sans attendre de réponse, il donne un grand coup de pied à mon repas.

De Bonn, retour à Dortmund pour travailler sur les voies de chemin de fer endommagées par les bombardements alliés. Nous étions logés dans un baraquement à côté de l’usine. Pour la deuxième fois, j’avais décidé de m’évader.

  • Ma seconde évasion, juin 1943.

Ma première évasion, je l’ai faite à pied, et pour la deuxième, en juin 43, j’ai pris le train de Dortmund. Des civils m’avaient à nouveau procuré des effets et de l’argent pour payer mon billet. Donc je suis sorti du baraquement, j’ai réussi à passer sous les barbelés et suis allé prendre le train. Mais à Trèves : alerte, l’aviation alliée menaçait. Ils ont fait descendre tous les voyageurs du train pour aller dans les abris souterrains. En ressortant des policiers contrôlaient l’identité de toutes les personnes. Sans papiers, j’ai été repris avec un officier français. En fait, les Allemands savaient que trois officiers s’étaient évadés et comme nous étions seulement deux, ils voulaient me faire dire que j’étais officier.

Nous avons été conduits dans une cellule de la prison de la ville et nous y sommes restés trois jours. Nous n’avions qu’une ration de nourriture par jour et le problème était que ce capitaine, du nom de CAPITAINE, ne partageait pas. C’était à celui qui pouvait s’emparer le premier de la gamelle.

Le 3ème jour un officier allemand est venu ouvrir la porte et m’a demandé ce que je faisais dans cette cellule. Je lui ai répondu que j’étais prisonnier de guerre évadé. J’ai été envoyé dans un camp de discipline de prisonniers, sur les hauteurs de Trèves. Là les Allemands ont remplacé nos vêtements civils par une tenue de Zouave : pantalon rouge, vareuse bleue et des claquettes comme chaussures. Pendant toute une semaine on a déchargé des wagons de charbon, sans se laver. On était noirs comme des Sénégalais.

Le travail terminé, nous avons enfin pu nous laver, et ils nous ont remis nos effets militaires. Avec un grand KG dans le dos. (« Krieg G », prisonnier de guerre). Une fois habillés, nous avons été embarqués vers le camp de Limberg (« Stalag XII A)*.

*Le Stalag XII-A était situé dans la campagne qui sépare la ville de Limburg an der Lahn du village de Diez.

Le voyage a duré 9 jours, sans manger ni boire ; nous étions dans un état déplorable, ne tenant plus debout, dans une puanteur atroce. Imaginez 45 personnes dans un wagon à bestiaux ou l’on met seulement 8 chevaux… Au lieu de paille sur le sol du wagon, nous avions de la poussière de charbon. Pour nous désaltérer, nous sucions les boulons sur lesquels il y avait un semblant d’humidité, mais nous étions tellement nombreux à vouloir le faire… La faim, c’est mauvais, mais la soif, c’est terrible ! c’est terrible !!

A la fin du voyage, nous étions plus de 45 dans notre wagon. Des prisonniers d’autres wagons avaient réussi à sortir par des trous pratiqués dans les planchers, avaient été repris par les sentinelles qui après avoir abattu froidement deux des évadés, avaient réparti les autres dans différents wagons, dont le nôtre.

Entrée du Stalag XII A avec des gardes.

Limberg était un camp pour les Russes et les Français. Des convois entiers de voitures a bras remplies de cadavres, dont certains bougeaient encore. Mais ça ne faisait rien, dans le trou « allez », c’était terrible ! Ils balançaient de la chaux sur les corps et ils empilaient de nouveaux cadavres. Nous sommes restés peut-être 3 semaines à attendre la mort.

Nous étions dans des bâtiments en bois et nous couchions sur des planches, dans des lits superposés de 3 ou 4 étages. Tous les matins, au réveil, ils nous faisaient faire de la marche au pas cadencé. Les « kapos » piquaient avec une baïonnette ceux qui ne se levaient pas assez vite. Les toilettes, c’étaient des tranchées avec des planches dessus et si on tombait dans le trou, on y restait. C’était fini, personne ne vous sortait.

Un jour, tous les prisonniers évadés ont été à nouveau embarqués dans des wagons à bestiaux. Mais avant de monter dans le train nous avons dû passer par l’infirmerie du camp pour être piqués soi-disant contre le typhus. J ’ai subi deux piqures, une dans chaque sein, et j’ai gardé deux croutes à ces endroits, l’une d’elles n’est tombée qu’à l’âge de 88 ans.

Il s’agit de la fiche médicale (gesundheitsblatt) de M. GARAUD . Il a été vacciné contre la variole et contre le typhus et il a été « épouillé » (entlausungen) le 20 mars 1943.

Encore une fois, destination inconnue, et toujours les mêmes conditions : 45 par wagon, ni à boire ni à manger, etc… Ce convoi était organisé de la manière suivante : l’avant et l’arrière du train étaient constitués de wagons de matériel, d’armement et d’hommes de troupe. Nous étions au milieu. En cas d’attaque aérienne, nous n’avions aucune chance de survie.

  • Transfert à Lvov.

Ce calvaire a duré plus d’une semaine avant d’arriver à Lvov en Pologne, aujourd’hui devenu Lviv en Ukraine. Beaucoup étaient morts durant le voyage et ceux qui étaient trop fatigués et chancelants furent exécutés d’une balle dans la tête.

Nous avons quitté la gare pour nous rendre à la citadelle à l’intérieur de laquelle se trouvait le camp.

La citadelle de Lvov-Lviv; L’appel des prisonniers

On nous occupait à l’extérieur à différentes taches . La vie était dure, c’est là que j’ai connu des températures de – 41°. Le soir, de retour à la citadelle, il fallait des volontaires pour les corvées ; un jour, j’ai voulu me porter volontaire, mais un camarade m’en a dissuadé en me retenant par la manche de mon vêtement. J’ai compris, après, que ces volontaires ne revenaient jamais. Il était aisé pour les gardiens de dire que les volontaires avaient cherché à s’évader ! Mais le front russe avançait, et les Nazis ont commencé à appliquer la convention de Genève. Les « corvées » sans retour ont cessé.

Puis nous sommes allés travailler dans un garage où nous réparions les camions qui revenaient du front de Russie. Nous y installions également des attelages pour leur permettre de tracter d’autres véhicules. Nous sabotions bien évidemment le travail. Avec des lames de ressort nous fabriquions des poignards qu’une fille polonaise sortait de l’atelier.

  • Le retour vers les camps en Allemagne en passant par Cracovie.

Au fur et à mesure de l’avancée des Russes, on nous a déplacés vers Cracovie et Brunswick en Pologne, puis Hanovre en Allemagne.

A Cracovie, nous étions logés sur un terrain militaire construit par les Russes. Plusieurs de mes camarades d’infortune travaillaient dans le garage du camp (réparation de véhicules endommagés sur le front russe). Les chauffeurs de ces véhicules demandaient aux mécanos prisonniers de travailler « langsam », lentement, n’étant pas pressés de retourner sur le front russe, tellement les conditions y étaient horribles. Ils expliquaient, entre autres, que les attaques aériennes incessantes des Russes les obligeaient à se camoufler pendant des heures dans la neige, hors de leur cantonnement ; beaucoup mouraient de froid ou avaient des membres gelés.

Un jour, nos gardiens nous ont emmenés dans un baraquement pour prendre une douche. Après nous avoir fait retirer nos alliances et entièrement déshabiller, ils nous ont fait entrer dans une immense pièce. Nous avions entendu parler de ces chambres à gaz qui ressemblaient à des douches, mais ils ont ouvert les robinets et nous avons reçu une eau glacée. Ensuite, nos vêtements nous ont été restitués, mais ces derniers avaient été passés au désinfectant et surtout à l’étuve, ce qui les avait fait rétrécir.

L’hiver 43-44 a été particulièrement rude, il a neigé d’octobre à mai. Nos conditions d’hébergement, d’habillement et surtout de nourriture étaient catastrophiques. Nous avons découvert en mai que nous avions vécu à côté d’un champ de choux cachés par la neige !

Pour ma part, j’ai travaillé en tant que peintre vitrier, et j’avais de bons contacts avec des civils polonais qui nous faisaient passer de la vodka. Je suis resté une partie de l’hiver à remplacer des carreaux, tant qu’il y en avait. Un soldat allemand cherchait un peintre en bâtiment et il m’a emmené avec lui pour peintre des jouets pour les enfants à Noel. La seconde partie de l’hiver, j’ai travaillé dans une usine située juste en face du ghetto de Cracovie (dans lequel d’après un soldat allemand, vivaient 60 O00 juifs) ; ce dernier était entouré d’une double rangée de barbelés et d’une clôture électrifiée. Un jour, on nous fait visiter une partie de ce ghetto où la population avait été anéantie. Tous les jours nous entendions avec angoisse de nombreuses rafales d’armes automatiques.

Au printemps 1944, du fait de l’avancée des Russes nous avons été déplacés et emmenés à Brunswick en Allemagne (en train et à pied). On a continué à faire les vitriers car toutes les nuits les Anglais venaient bombarder. Les dimanches les gardiens nous emmenaient jouer au foot ; il fallait traverser la ville au pas cadencé et en chantant pour aller au terrain de sport. Pensant que les Allemands ne comprendraient pas, nous chantions « dans le cul ils auront la victoire, ils sont foutus. » Les passants nous applaudissaient. Mais un officier allemand qui nous regardait passer et comprenait le français nous a fait faire demi-tour et nous n’avons plus joué au foot.

On était mieux qu’en Ukraine, et un peu mieux nourris. Un jour, à la sortie d’un abri après une alerte aérienne, j’ai aidé une Allemande à porter sa valise. Elle avait un petit chien auquel j’ai donné un morceau de sucre. Cela lui a fait tellement plaisir que tous les jours elle déposait un petit casse-croute à un endroit précis de mon lieu de travail. Elle s’appelait Margaret et nous nous sommes rencontrés plusieurs fois. Mon patron, M. FUSTER, qui avait été prisonnier en France pendant la première guerre mondiale (et qui n’en avait pas de trop mauvais souvenirs), m’a mis en garde car cette femme était la compagne d’un chef nazi de la ville.

Quand il n’y a plus eu de carreaux à poser à Brunswick, on a posé des planches en guise de carreaux. La pénurie de vitres a fait que nous avons été transférés à Munich.

Laissez-passer de Munchen (Munich) du 15.11.44 pour Camille GARAUD

à Munich aussi il y avait beaucoup de travail pour les vitriers. Un jour, les baies vitrées du grand théâtre ont eu besoin d’être changées. Il aurait fallu installer un échafaudage mais les allemands ne se préoccupaient pas de la vie ou de la mort des prisonniers. Il fallait passer sur un rebord étroit du toit, et nous portions notre carreau du côté de la rue. J’ai dit à mon copain : « à trois on va lâcher le carreau ». Les civils en bas se sauvaient de tous les côtés. Le travail de vitrier a été fini pour nous ! Nous avons été traités de saboteurs.

Un civil est venu au camp chercher un ouvrier, pour travailler chez un primeur qui avait 2 magasins en ville. Je le surnommais « Monsieur Carotte ». Il était gentil. Il m’a prêté des habits civils pour que je puisse me promener en ville. Une fois, un adjudant-chef m’aperçoit en promenade. Monsieur Carotte a témoigné que j’étais resté avec lui toute la journée pour travailler. Il me permettait, au grenier, d’écouter la radio. C’est là que j’ai appris le massacre d’Oradour sur Glane. En cas de danger, Monsieur Carotte coupait le courant.

  • La libération par les américains.

Les Américains nous ont libérés le 18 mai 1945. Mes camarades de détention sont restés consignés dans un baraquement pendant un mois, mais moi je suis resté chez mon patron. Avant le retour en France, nous avons été rassemblés à Dachau ; il n’y avait plus rien, tout avait été évacué, seule la prison était occupée par les anciens « kapos ».

Nous devions rentrer par la Suisse mais notre passage a été refusé, et nous sommes finalement revenus par Strasbourg et Paris, et enfin Limoges. rapatrié officiellement le 27 mai, je fus démobilisé le 2 juin 1945.

A Verneuil sur Vienne, j’ai fait la connaissance de ma seconde fille, qui était née le 8 mai 1940. Elle avait donc cinq ans. Pendant ces cinq ans, mon épouse et moi, nous avions rarement eu des nouvelles l’un de l’autre.

Devenu rapatrié, ancien prisonnier de guerre, il a fallu effectuer les démarches pour obtenir les indemnités qui m’étaient dues, percevoir les cartes d’alimentations et reprendre une activité.

Quand on regarde les sommes qui ont été versées aux prisonniers au titre des droits de solde acquis pendant la captivité on ne peut qu’être surpris par leur faible niveau. Pendant sa détention M. GARAUD a acquis 3234 francs, auxquels ont été ajoutés des droits ouverts après le départ des camps, ceux acquis avant la capture et une prime de démobilisation de 1000 francs soit au total 5 178 francs. Convertis en euros de 2021 cela ferait 298€ ! En 1947 le salaire mensuel pour 48 heures de travail hebdomadaire était de 7 000 francs, 5 ans d’une vie pour moins d’un mois de salaire, sans parler de ceux qui ont perdu la vie…

Camille GARAUD à Nexon

Après avoir passé le concours de facteur, Camille GARAUD est nommé à Nexon le 21 janvier 1949. Il prendra sa retraite en 1974. dévoué et consciencieux il était très apprécié de ceux à qui il amenait le courrier. A son époque le facteur ne le déposait pas dans une boite située à l’entré de la propriété, il entrait dans les maisons, en connaissait tous les gens. Non seulement il distribuait le courrier mais il apportait les mandats. Il faisait sa tournée avec une certaine somme d’argent et on n’a pas entendu dire qu’à Nexon, un facteur ait été dévalisé! Le facteur était un homme de relation, il établissait un lien entre tous ses « clients », il rendait des services, donnait des nouvelles…

Camille GARAUD n’a jamais oublié les prisonniers. Il a adhéré à l’association des Anciens Prisonniers de Guerre dont il a été secrétaire puis président. A cette occasion il a participé a de nombreuses cérémonies au monument aux morts.

A la fin de sa vie Camille GARAUD est entré en maison de retraite à Nexon. Il y a été honoré lors d’une cérémonie en janvier 2016 au cours de laquelle il a reçu la Médaille du Mérite Fédéral.

M. GARRAUD, le maire de Nexon, le directeur de l’EHPAD , le personnel et sa fille . Le Populaire 30 janvier 2016

Monsieur GARAUD est mort le 13 novembre 2016, il avait 97 ans dont 67 passés à Nexon.

Merci à Madame Lucette PAULY, fille de Camille GARAUD, pour son accueil et pour le prêt des documents qui m’ont permis d’illustrer cet article.

Les évacués de Buhl racontent leur arrivée à Nexon

A la suite de mon article sur les évacués de Buhl, Monsieur Robert BALL m’a envoyé un article qu’il a publié dans le Bulletin communal de Buhl pour l’année 2019. C’est l’histoire de son village pendant la deuxième guerre mondiale avec une première évacuation vers la Haute-Vienne, d’abord à Darnac puis à Nexon. Il décrit le choc que cet épisode a créée chez les 335 habitants du village, alertée par le tocsin le 1er septembre 1939 et recevant l’ordre d’évacuer en 2 heures en emportant 30 kg d’effets personnels. Après 8 jours de marche et d’arrêts plus ou moins longs c’est le départ en train, sans confort et sans hygiène. Puis c’est l’arrivée au Dorat et le choc des cultures. Un grand nombre des Alsaciens ne parlaient pas un mot de français ce qui fait qu’ils ont parfois été traités de « Boches ». Mais outre la langue tout les séparaient des Limousins: le paysage, le climat, l’habitat avec des fermes dispersées alors les fermes en Alsace sont toutes regroupées dans des villages, le travail des champs avec des bœufs alors que chez eux on utilise les chevaux, la nourriture, la boisson…

La photo est prise en haut de la rue Pasteur.

Avec l’armistice c’est le retour à la maison mais une maison sous occupation et une germanisation forcée accompagnée d’un endoctrinement. C’est particulièrement dur pour les jeunes de 17 à 25 ans soumis au service du travail, le « Reichsarbeitsdienst ». puis à partir du 26 aout 1942 l’incorporation de force dans la « Wehrmacht ». La fin de l’année 1944 a été très difficile. L’arrivée des troupes américaines à Buhl le 14 décembre 1944 ne donne pas lieu à une liesse débordante car ce qui reste de l’armée allemande se prépare à une vaste offensive contre les Alliés. Des combats violents opposent le 315e régiment d’infanterie US à la 21e Panzerdivision. le 14 janvier 1945 des bombes tombent sur Buhl. Les habitants évacuent pour la seconde fois leur village qu’ils retrouveront en partie détruit, à partir du 16 mars après que la grande offensive lancée par la 2ème DB du général Leclerc ait permis la libération des villages alsaciens. Cette fois ci c’était la joie et le début d’une nouvelle vie pour cette population qui en 75 ans a changé 4 fois d’appartenance politique.

J’avais une image imprécise de la ligne Maginot. J’ai découvert que Buhl se trouvait en plein milieu de ce qui n’est pas une ligne mais un couloir de plusieurs kilomètres de large avec des postes d’observation près de la frontière, puis, environ 5 kilomètres en arrière de la frontière, une ligne de points d’appui et d’avant postes avec des blockhaus antichars devant opposer une première résistance et, à 10 kilomètres de la frontière, la LIGNE PRINCIPALE DE RESISTANCE précédée d’un obstacle antichar, un champ de rails plantés verticalement. Celui-ci est combiné avec un obstacle anti-personnel fait de réseaux de fil de fer barbelé très dense et d’ardillons, petites pointes émergeant du sol. Des barrières routières antichars permettaient d’obstruer les routes aux points de passage dans le champ des rails. Les casemates sont armées de mitrailleuses et de canons antichars. Elles ont généralement 2 étages, un niveau de combat et un étage inférieur de repos et de services (groupes électrogènes, réserves d’eau, de carburant, de vivres, ventilation, etc.). Elles sont surmontées de 1 à 2 cloches de guetteur et leur équipage est de 20 à 30 hommes.

Buhl se trouvait entre les avant-postes et la ligne principale de défense.

es constructions ont été réalisées par les Sections Techniques du Génie (STG) ou par la Main d’Œuvre Militaire (MOM).

Voici les 20 pages du texte de Robert Ball. Elles nous permettent de comprendre les drames vécus par les habitants de cette région et, avec eux, militer pour que nos enfants et petits enfants vivent dans une Europe en paix qu’il nous faut consolider.