Une autre vision du camp de Nexon, la Résistance chez les gardiens et l’encadrement.

J’ai découvert, par hasard, l’existence d’un groupe de résistant au sein du camp de Nexon. La plupart des ouvrages écrit sur ce Camp de Séjours Surveillés (C.S.S.) était souvent critique à l’égard du personnel de ce camp, voir à l’égard des nexonnais. Mon propos n’a pas pour objectif de valider l’existence des camps mais de montrer que même au sein d’une structure de privation de liberté il y a des comportements de fraternité. Parmi ces comportements je vais montrer qu’un groupe de résistans a été crée à partir de la volonté d’un homme qui a su rallier à sa cause d’autres gardiens ou cadres et progressivement d’entrer en relation avec le groupe de résistants de Nexon. Cet homme c’est Georges MAUCHIEN qui était secrétaire de police.

J’ai rencontré son fils Yves. Il m’a parlé de son père et m’a confié de nombreux documents que j’ai utilisés pour cet article. Je l’en remercie vivement.

1- Georges « Amand » MAUCHIEN (1905 – 1996).

Georges MAUCHIEN est né le 26 juillet 1915 à Guilly, commune de 700 habitants dans l’Indre, sur la rive gauche de la Loire. Son père, Arthur MAUCHIEN (1872- 1935) y exploitait une petite ferme. Il avait épousé le 14 février 1905 à Guilly, Maria VALIN, une fille du village. Ils eurent trois enfants : Arthur (1906-1907) décédé à 11 mois, Arthur (1907-1964) et Georges, le dernier.

Il va à l’école primaire de sa commune et obtient le certificat d’études primaires. Il poursuit 2 années au Cours complémentaire. A 15 ans il travaille  l’Union Electrique rurale pendant deux ans puis revient comme cultivateur à la ferme familiale.  

Il a été appelé sous les drapeaux le 30 octobre 1936 au 4e régiment de tirailleurs marocains (RTM) à Taza. A la fin de son service, en 1938, il s’engage au 14e régiment de tirailleurs algériens qui est basé à Châtellerault.

Il s’est marié le 1er juillet 1939 à La Chapelle Saint Laurian (36), avec Isabelle PATRIGEON (1920-2014). Ils ont eu deux enfants, Yvette et Yves, c’est ce dernier qui m’a fourni une copie des documents de son père.

Il est fait prisonnier le 21 juin 1940 à Bengy sur Craon dans le Cher. Il est ensuite transféré dans la Nièvre avant d’arriver de Joigny (Yonne). Il ne reste pas sans rien faire et prépare son évasion. Il se procure par l’abbé GUIGONIS des lames de rasoir, du papier… et il confectionne des faux tampons, cartes d’identité etc…

Le 16 octobre 1940 il profite du transport des ordures à l’extérieur du camp pour plonger dans les détritus tandis que ses camarades le recouvre. Après un moment d’immobilité il sort et rejoint  l’Ecole Saint Jacques ou il retrouve l’abbé Joseph GUIGONIS avec qui il était prisonnier et que les Allemands avaient envoyé comme professeur. Pendant quelques jours il continue à fabriquer des tampons, en particulier celui de la préfecture. Il utilise les faux papiers qu’il s’est fabriqué pour rejoindre Bourges puis passer la ligne de démarcation et rejoindre Saint Florent sur Cher. En quittant l’école il a laissé les faux tampons pour qu’ils soient utilisés après son départ.

Lettre de Joseph GUIGONIS attestant l’évasion de Joigny en 1940

Le 29 octobre il se présente au Centre Démobilisateur de Châteauroux qui l’incorpore au 1er R.I. à Saint Florent (Cher) comme chef de poste sur la ligne de démarcation. Là il continue à fabriquer des faux papiers aidant ainsi ceux qui voulaient franchir la ligne de démarcation. Il y reste jusqu’au 1er décembre 1941 lorsque l’armée d’armistice est dissoute après que les allemands aient occupés la zone Libre. La section de placement des militaires de carrière l’envoie au C.S.S. à Nexon.

Arrivé à Nexon le 1er décembre il est nommé gardien. Le 1er février 1942 il devient agent spécial et le 1er janvier 1943 il est promu Inspecteur secrétaire.

2 – Georges MAUCHIEN, résistant au camp de Nexon

Dès son arrivée au camp il continue à fabriquer de faux tampons et de faux papiers pour favoriser la sortie des internés. Il travaille seul mais petit à petit il va prendre contact avec la résistance. Il occupe un logement route du Courdein, dans la dernière maison à droite sur la route de Rilhac.

Dès le début de l’année 1942 il est contacté par M.   AUFRET, gestionnaire, puis par M. Guy DURENGUE, dentiste à Nexon et chef du secteur de la Résistance pour qu’il organise la Résistance au camp.

A partir du début de l’année 1943 il a intégré le 3e bataillon ORA comme agent indicateur e et de liaison tout en restant au camp. En rédigeant de faux documents il a évité des poursuites à des jeunes réfractaires au STO. Il gardait également un petit dépôt d’armes chez lui.

Lorsque, le 17 juin 1944, le camp a été transféré au Petit séminaire à Limoges,  M. DURENGUE lui a demandé de ne pas quitter son poste où il est inspecteur.

Son travail est apprécié puisqu’en juillet 1944 le directeur du camp demande sa promotion au grade d’Inspecteur-chef.  

Rapport du directeur du camp Juin 1944

Le 20 juillet 1944 Guy DURENGUE signe, de son nom de maquis « LARAMET », un laissez passer  valable un mois, du 20 juillet au 20 août 1944, pour lui permettre de se rendre de Nexon à Limoges.

Laissez-passer AS signé LARAMET nom de guerre de G. DURENGUE.

C’est lorsqu’il était au Petit séminaire qu’il a favorisé l’évasion des commandants LHERMITE, SYMIANS, de BONDY et Mme PESCH. Le lieutenant FFI Sylvain ATLAS qui s’est évadé le 15 août atteste  qu’il est sorti avec six feuilles de libération, une pour lui et cinq pour d’autres résistants qui lui étaient indispensables.

Dans une attestation du 12 septembre 1944, il écrit « Monsieur MAUCHIEN Georges a travaillé pour la résistance dans le secteur de Nexon avant son entrée au service du 3e bataillon ORA. »

Le 30 novembre 1944, Georges MAUCHIEN quitte les FFI et rejoint la Police.  Depuis le 1er juillet il était secrétaire de dans la Police régionale détaché au C.S.S du Grand séminaire à Limoges.

3- Les gardiens et cadres résistants du camp de Nexon.

Un des premiers qu’il a contacté a été le brigadier Gilbert COLASSE dont l’attitude lui était apparue très favorable à la résistance.

Un autre brigadier a rapidement travaillé avec Georges MAUCHIEN, Louis DUCHER, né le 31 janvier 1916 à Saint Bonnet Briance. Il aidait M. MAUCHIEN a passer de la nourriture aux internés, poster leur courrier, délivrer des faux certificats de travail à des réfractaires au STO…

Il figure dans le groupe de maquisards pris en photo sur la place de la mairie à Nexon, au deuxième rang, le troisième en partant de la gauche :

Louis DUCHER, main droite au ceinturon, brassard au bras gauche, beret sur la tête.

 La liste de ceux qui ont attesté l’engagement de M. MAUCHIEN dans la résistance n’est pas un décompte exhaustif de ceux qui agissaient ou soutenaient la Résistance mais la diversité des catégories, du chef de camp aux gardiens en passant par les brigadiers ou les inspecteurs montre qu’une véritable organisation parallèle s’est progressivement crée au sein du camp. Elle s’est accrue après le départ de Nexon pour le Petit séminaire à Limoges, la défaite de l’Allemagne n’étant plus une utopie  n’ont plus hésité à s’engager dans un camp qu’ils ne soutenaient pas en 1941 ou 1942.

Parmi les témoignages on note André FAYE, Roger FAURE, Georges GAGNERON, Louis REIX, maurice TRIAL, René YONNIE, gardiens au camps ; Henri BERTHAUD, Roger FAURE, Roger JANSSENS, Roger ROQUEBRUNE,  Léon VALERIE gardiens de la Paix ; Alfred COLASSE, Fernand ALBIGER, brigadiers de Police ; Joseph SIMONNET agent spécial. Parmi les inspecteurs Gilbert COLASSE, Maurice BOUSCATEL, Jean CONSTANTIN, Léon TABARY ; Le chef de Camp Louis CHEYMOL, atteste que M. MAUCHIEN était le chef de la résistance au camp.  

Des résistants nexonnais attestent également de l’engagement de M. MAUCHIEN : Marcel BESSE, boulanger ; Henri DUDOGNON, facteur ; Roger GAUMY, ingénieur T.P.E. ; François MALARDEAU, café aux Landes et gardien au camp ; André REBEYROL, coiffeur ;

Outre Guy DURENGUE, d’autres responsables FFI ont témoigné de l’engagement de Georges MAUCHIEN. Ainsi le chef de bataillon SAINT VENANT, commandant le 3e bataillon ORA et Louis PARTHONNAUD sous ses ordres au bataillon ; le lieutenant Sylvain ATLAS et enfin le lieutenant-colonel Lucien FAURE (HUARD), chef départemental FFI.

Le président du Comité départemental de la Libération Nationale de la Haute-Vienne, le pasteur CHAUDIER, atteste que « le caractère de résistant doit être reconnu pleinement à Monsieur MAUCHIEN »

Le 1er décembre 1944, Geoges MAUCHIEN rejoint la Police. Il est promu au grade de secrétaire hors classe avec effet au 1er janvier 1948 ( arrêté du 5 mai 1948).

Il poursuit sa carrière dans la police et a sa retraite il deure à Limoges où il décède le 14 mai 1996, à 80 ans.

4- Maurice BOUSCATEL, inspecteur principal au camp de Nexon fusillé par les Allemands

Maurice Jean BOUSCATEL est né le 12 février 1893 à Paris. Son père Louis était employé des postes et sa mère Anne SEISI était femme au foyer.

Titulaire du certificat d’étude, il fut employé de 1911 à 1913 dans plusieurs entreprises en qualité de dessinateur. Le conseil de révision du 6ème arrondissement de Paris le reconnut inapte au combat pour « faiblesse » le 29 octobre 1913. Il incorpora le 27 novembre la 2ème section des ouvriers de l’administration. Le 16 janvier 1916 il fut mobilisé au 77ème régiment d’infanterie et combattit à Verdun. Cité à l’ordre de la brigade le 20 mai il est déciré de la Croix de guerre.En janvier 1919 il intégre une unité d’occupation en Allemagne puis il est nommé inspecteur de police stagiaire aux armées à Mayence. Démobilisé le 12 février 1920 il rentre dans ses foyers.

Il se marie le 11 mars 1922 à Paris avec Jeanne Augustine DUPUY. Ils n’auront pas d’enfant.

Il est nommé inspecteur de police mobile à la Sûreté générale et affecté à la police judicaire. Il y gravi les échelon et le 2 novembre 1926, il est nommé inspecteur principal. Le 21 avril 1930 il fit son entrée à la section financière et le 16 juin il fut nommé Officier de police judiciaire. A la fin de l’année, il s’orienta vers ce qui devait devenir les renseignements généraux en qualité d’Inspecteur principal de police spéciale. Au cours de cette année il a adhéré au pati socialiste SFIO

En 1932-1934, il fut impliqué dans l’affaire dite « Cotillon-Bonny » ou Pierre BONNY fut accusé par l’extrême-droite de violation du secret professionnel. BOUSCATEL fut suspendu et se retira chez ses parents. Réintégré le 2 décembre 1937 il fut nommé à Saint-Etienne (Loire). C’est à cette époque qu’il divorce et vit maritalement avec une nouvelle femme.

Le 11 février 1943 il est nommé aux Renseignements généraux de Guéret et détaché à Aubusson. Il travailla sous l’autorité d’Henry CASTAIG, commissaire principal, chef de service et chef régional du Réseau AJAX. Il fut alors chargé de surveiller les troupes d’occupation en particulièr à La Courtine où stationnaient d’importantes formations parachutistes. Il se heurta rapidement aux milieux collaborationnistes de la ville.

Sous prétexte qu’il vivait en concubinage notoire, il fut muté le 1er février 1944 au C.S.S. de Nexon. Ses dossiers de notation ne tarissent pourtant pas d’éloges et ne font aucune allusion à sa situation familiale.

Le 25 avril 1944, des membres du SD de Limoges vinrent l’arrêter sur son lieu de travail « pour activité antiallemande » et le conduisirent au quartier allemand de la prison de la ville. il avait été dénoncé par une milicienne d’Aubusson.

A la même époque en Dordogne la résistance traquait les officiers allemands. Le 25 mars deux d’entre eux furent abattus près de Brantôme. Le haut commandement allemand décida de fusiller 50 otages. Certains furent pris à la prison de Limoges parmi les résistants qui avenit été arrêtés. BOUSCATEL en fit parti avec Georges DUMAS. Emmenés en car à Brantôme le 26 mars ils furent fusillés le soir même.

Son acte de décès a été transcrit à Nexon le 19 septembre 1944.

Source pour Maurice BOUSCATEL, Christian PENOT, Maitron : https://fusilles-40-44.maitron.fr/boucastel-maurice-jean/

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