le 1er aout 1914 la France décrète la mobilisation générale et le 3 aout l’Allemagne déclare la guerre à la France. Des lors les gendarmes participent au collage des affiches publiant l’ordre de mobilisation et organisent le départ des mobilisés vers leurs point de rassemblement. En même temps ils recherchent les insoumis et les déserteurs dont le nombre est faible en aout, de l’ordre de 1,5 % des mobilisés alors que l’état-major prévoyait un taux de 10 %. Les insoumissions et les désertions augmentèrent avec la durée de la guerre et la dureté des combats sur la ligne de front. Pendant la durée de la guerre la gendarmerie a réalisé 66 678 arrestations de déserteurs. Peut-être y en a t’il eu à Nexon? Les gendarmes assurèrent aussi les réquisitions du bétail, des matériels, des véhicules et des fournitures nécessaires aux militaires.
Mais les gendarmes furent également mobilisés. Les plans prévoyaient l’envoie aux armées de près de 4 000 gendarmes prévôtaux pour assurer le maintien de l’ordre et la police militaire. Pour cela chaque brigade devait envoyer de un à trois hommes, ce qui les affaiblissaient et rendaient difficile leurs missions sur le territoire.
Le recensement de 1916 n’ayant pas eu lieu en raison de la guerre on retrouve le noms des gendarmes de la brigade de Nexon à l’occasion du recensement de 1921. Il sont toujours cinq, logés avenue de la gare.
En 1921, le commandant de brigade est le maréchal des logis Antoine SOUBRAME, 47 ans et son épouse Anaïs, 41 ans. Les trois gendarmes actifs sont :
-Pierre CHAMARAT, 37 ans et son épouse Anna, 33 ans.
-Jean RICOUX, 33 ans et son épouse Marie, 31 ans.
-Jean DUPERIER, 43 ans, et son épouse Anne, 40 ans.
il y a un retraité, Léonard BREILLOUT, 63 ans et son épouse Jeanne, 68 ans.
la moyenne d’âge est de 40 ans. Aucun enfant ne vit à la gendarmerie.
En 1923 , Pierre CHAMARAT qui était chef intérimaire est nommé titulaire à la brigade de Solignac et le gendarme SARDAINE arrive à Nexon.
En 1926 il sont toujours quatre gendarmes présents à la brigade mais il n’y a pas de chef :
-Joseph SARDAIGNE, 28 ans, son épouse Elise, 27 ans et leur fille Marguerite qui vient de naitre.
-Jean DUPERIER déjà présent en 1921 mais sans son épouse.
-Jean BARNY, 44 ans et son épouse Jeanne, 37 ans.
-Louis NANOT, 27 ans et Yvonne, 25 ans, qu’il a épousée à Blond le 30 juin 1923 .
En 1931, un ancien gendarme à la retraite, Léonard BREILLOUT et son épouse, ne logent plus à la caserne comme en 1926 mais à quelques maison, toujours avenue de la gare.
A la caserne le chef est Léonard ROUFFANCHE, 38 ans, son épouse Marie Louise, 30 ans, et leurs trois enfants, Henri, 11 ans, Joseph, 9 ans et Odette, qui vient de naitre. Le chef ROUFFANCHE était le 13ème d’une famille de 16 enfants. Sa première épouse, Marguerite MASBATIN est décédée à 23 ans, deux ans après leur mariage. Il a épousé en deuxièmes noces Marie-Louise MASBATIN.
Léonard ROUFFANCHE a été décoré de la médaille militaire, parfois appelée Légion d’honneur du sous-officier. Cette décoration a été créée pour les soldats qui ne sont pas officiers par Louis-Napoléon BONAPARTE le 22 janvier 1852, quelques semaines après son coup d’Etat, pour s’attirer le soutien des officiers qui n’acceptaient pas de partager la Légion d’Honneur avec la troupe.
Léonard ROUFFANCHE est décédé au Vigen le 9 mars 1968.
Les quatre gendarmes sont:
-Louis BRUT, 30 ans, son épouse Elisabeth, 25 ans et leurs deux enfants, Denise, 2 ans, née à Nexon et Roger, 1 an, né également à Nexon.
-Joseph TRUFFY, 29 ans, son épouse Adrienne, 34 ans, et leurs deux enfants, Marguerite, 5 ans, et Jean, 2 ans.
-Alphonse ROUQUETTE, 41 ans et son épouse Eugénie, 44 ans.
-Pierre Louis BARNY, 49 ans, et son épouse Jeanne, 42 ans.
Il y a cette année, sept enfants à la caserne et la moyenne d’âge des gendarmes est de 37,4 ans.
En 1936 le chef de brigade est Louis NANOT, 37 ans, avec son épouse Yvonne, 33 ans.
Il y a quatre gendarmes à la brigade:
-Pierre BARNY, 54 ans, déjà présent en 1931avec son épouse.
-Alphonse ROUQUETTE, 46 ans, également présent en 1931 avec son épouse.
-Louis BRUT, 35 ans, déjà présent en 1931, avec son épouse et ses deux enfants.
-Ernest LEVEQUE, 33 ans, son épouse Marguerite, 31 ans, et leurs deux fils, Guy, 8 ans et Jean 6 ans.
La moyenne d’âge est de 41 ans, en augmentation du fait que 3 gendarmes sur 5 étaient déjà à la brigade en 1931.
La gendarmerie pendant la deuxième guerre mondiale.
En 1941 du fait de la guerre il n’y a pas eu de recensement.
En 1940, c’est par la volonté des Allemands que la gendarmerie a été conservée. Elle leur permettait, en effet, de surveiller la population, d’abord dans la zone occupée jusqu’en novembre 1942 puis sur toute la France ensuite. Jusqu’en 1942 les gendarmes, quelque soit leur grade, obéissait au Gouvernement de Vichy mais a partir de 1942 commencent a se poser des questions de conscience a tous les niveaux de la hiérarchie. mais c’est principalement après le débarquement que des gendarmes vont rejoindre la résistance.
La police, dont l’organisation était complexe, comme la gendarmerie ont joué un rôle important pendant les rafles. Dans les zones rurales les gendarmes devaient tenir a jour la liste des populations que surveillait le gouvernement : juifs étrangers, républicains espagnols, tziganes, réfugiés indigents, français restés fidèles aux organisations et partis dissouts… Je parlerai plus particulièrement de la gendarmerie pendant cette période lorsque je traiterai la Seconde Guerre Mondiale et plus particulièrement le camp de Nexon.
Au début de la guerre le chef de brigade est le maréchal des logis Louis NANOT. Il sera nommé adjudant le 10 mars 1941. Les quatre gendarmes sont Louis BRUT, Ernest LEVEQUE, René RADIX et Alphonse ROUQUETTE, ce dernier est présent depuis au moins 1931 et BRUT depuis 1936.
En décembre 1940 le gendarme RADIX quitte Nexon, il est remplacé par Philippe GRELLET.
En 1941 BRUT et LEVEQUE partent et sont remplacés par Joseph OLMEN qui restera à Nexon jusqu’au mois de janvier 1945, et par Jean THEILLOUT qui reste à Nexon jusqu’en octobre 1942.
Le 6 avril 1941, le maréchal des logis-chef Henri PAIN arrive à Nexon qu’il quitte le 9 octobre 1942. Il est remplacé par le maréchal des logis chef Bertin MAGNOL qui restera à Nexon jusqu’au 15 avril 1944.
Il se disait que le chef MAGNOL était tellement sévère qu’il était détesté par la population. Pour montrer leur exaspération des paysans l’ont enfermé quelques heures dans une étable à cochons. Mais de ce fait il n’y a pas de traces officielles.
En juin 1941 arrivent les gendarmes Louis BERTOUX et Emile FAYE. Le premier restera jusqu’en aout 1945 et le second jusqu’en mai 1945. En décembre 1941, Roger MESNARD est nommé à Nexon où il reste jusqu’en mai 1943.
En octobre 1942, en même temps que le chef MAGNOL, arrive le gendarme Paul GAUDY . Il restera 6 ans à Nexon.
L’année 1943 verra quatre nouvelles arrivées : Roger MANDET du 8 mars 1943 au 9 aout 1945, André ROBERT du 10 juin 1943 au 31 juillet 1946, André CELERIER du 11 juin 1943 au 31 mai 1959 soit 13 ans à Nexon et le Gaston PRILLEUX 12 novembre 1943 au 30 avril 1945 .
Le 5 mai1944, arrivée du maréchal des logis chef Joseph GRANET qui reste 8 mois à Nexon. cette même année arrivent également deux gendarmes, Fernand DEMICHEL qui reste à Nexon de janvier 1944 à octobre 1945, et René DUCOURTIEUX de mai 1944 à avril 1948. Il reviendra à Nexon en 1952.
Du 27 juin au 25 novembre 1944 une quinzaine de textes organisent le retour de la gendarmerie aux structures de 1939, fixent le cadre de l’épuration et de la réintégration des officiers ayant fait l’objet s’une décision d’élimination… Ces textes n’ont pas touché les gendarmes en poste à Nexon.
En 1945 on note les arrivées du maréchal des logis chef Gustave DEVERNAY qui passe 17 mois à Nexon, des gendarmes Georges PECOUX qui reste 10 mois et Henri RICARD qui arrive le 17 septembre et quitte Nexon le 31 mars 1958.
La période 1940-1945 se caractérise par un fort mouvement de personnels à la brigade. Certains restent quelques mois mais d’autres comme Henri RICARD passent 13 ans à la brigade ou René DUCOURTIEUX qui, revenu à Nexon, y termine son activité et, à la retraite, s’y installe définitivement.
Durant cette période troublée que fut la seconde guerre mondiale la gendarmerie n’a pas été sans reproches. Fonctionnaires de l’Etat, les gendarmes appliquaient les directives du Gouvernement, certains avec zèle d’autres avec laxisme, certains étaient de vrai collabos, d’autres des résistants. Mais on ne peut pas séparer l’action de la gendarmerie de celle de la police et de la milice. Un énorme travail a été réalisé au niveau français par Jean-Marc BERLIERE dans son important ouvrage de 1392 pages, « Polices des temps noirs, France 1939-1945 », publié chez Perrin en 2018. Il met un « s » à Polices pour montrer la complexité des forces de sécurité, la spécialisation des différents corps : la Garde des communications (GR), la Garde du Maréchal PETAIN, les Groupes Mobiles de réserve (GMR), la Milice, le Parti Populaire Français et son service d’ordre (SO), les Polices Régionales d’Etat, les Renseignements Généraux, le Service d’ordre légionnaire (SOL), le Service de Police anticommuniste (SPAC), le Service de répression des menées antinationales (SRMAN), le Service de Police des sociétés secrètes (SPSS), la Surveillance du territoire et bien sur la gendarmerie. A la Libération il y eu des policiers et des gendarmes exécutés, de l’épuration, mais aussi, a contrario, 68 policiers et gendarmes qui reconnus « justes parmi les nations » par l’Institut Yad Vashem pour avoir évité que des centaines de personnes soient déportées…
Dès l’armistice, la gendarmerie française se comporte comme l’administration française et participe à la politique de collaboration avec l’Allemagne décidée par le régime de Vichy. De sa direction jusqu’à sa plus petite brigade réalise sa mission de maintien de l’ordre et de surveillance du territoire. Formé à l’obéissance le gendarme a du mal à déroger à ce principe. Mais dès la fin de l’année 1942 et surtout au début de l’année 1943 le devoir d’obéissance ce fait plus souple. Et c’est devant le faible résultat de leur action qu’en 1944 la Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF) prend la main dans la lutte contre les maquis et que la gendarmerie passe au second plan.
A la place du laxisme dans l’application des ordres va prendre de véritables désobéissances. Après le débarquement le maquis devient peu à peu le responsable de l’ordre. la relation entre gendarmerie et maquis est complexe. La peur du gendarme a sans aucun doute poussé des réfractaires à se cacher et rejoindre le maquis. le gendarme qui « laisse faire » facilite le développement du maquis. C’est l’idée développée par Emmanuel CHEVET dans sa thèse de doctorat « Gendarmerie et maquis sous l’Occupation en France, 1943-1944 : force est faiblesse » soutenue à Dijon en 2011.
En Haute-Vienne un fait est connu, celui de la brigade motorisée de gendarmerie de Mont-Louis (Pyrénées-Orientales). Commandée par le maréchal des logis chef BRECHIN et composée des gendarmes MUNIER, BLANCHARD, RIBATET, SEURIN, LIGUEX, CHARTON et BOUTHOL cette brigade a quitté Mont-Louis le 20 ami 1944 pour la Corrèze ou elle devait assurer des missions de maintien de l’ordre. Le 6 juin 1944 elle quitte Brive pour rejoindre Limoges. Arrivée à Magnac Bourg la brigade est arrêtée par un groupe du maquis de GUIGOUIN. Là, la brigade décide d’intégrer le maquis. Lors de la bataille du Mont Gargan, le gendarme MUNIER fut capturé par les allemands et exécuté sommairement.
La brigade de gendarmerie de Nexon n’a subit ni sanctions par le gouvernement de Vichy, ni reconnaissance par la résistance pour avoir participé activement à ce mouvement. Nous verrons dans un autre chapitre le rôle des policiers et des gendarmes au camp d’internement de Nexon.