Chaque année, pour le 8 mai et pour le 11 novembre les anciens prisonniers de guerre se retrouvent pour commémorer la fin de la guerre et leur libération. Après une assemblée statutaire ils vont en cortège, avec les ancien combattants, déposer une gerbe au monument aux morts. Puis c’est le traditionnel banquet. Il n’y a pas de restaurant attitré mais une rotation qui évite toute concurrence entre les restaurants de la commune.
Les menus, du moins jusqu’au début des années 1960 sont pantagruéliques. Les entrées comportent systématiquement de la charcuterie et des abats. Les coquillages qui sont un incontournable de nos repas aujourd’hui ne sont pas systématiques. La viande, rare au quotidien à l’exception du porc, est le plus souvent du bœuf ou du veau, plus rarement de l’agneau. Un gibier ou une volaille suit ou précède le plat de viande. Une salade de saison accompagne ces plats. Par contre, il n’y a pas toujours de fromages. Les desserts sont simples. Il y a presque systématiquement une tarte aux fruits et parmi les gâteaux les plus fréquents on trouve les babas au rhum et les éclairs. Les vins ne sont pas des vins de sommeliers. Il n’y a pas toujours d’indication d’origine, jamais de millésime, on se contente de distinguer les vins ordinaires et les vins vieux. Le café et les liqueurs terminent le repas.
Dans toutes les régions la façon de se nourrir est étroitement liées à ce qui est produit au « païs ». On ne parle pas de proximité car elle se vit au quotidien. A la campagne on mange ce qui est produit à la ferme. Les aubergines, les avocats, les brocolis, les épinards, le fenouil… n’arrivent que dans les années 1960- 1970.
La révolution de la « Nouvelle Cuisine » a vu le jour en 1973, lancée par les critiques gastronomiques Henri GAULT et Christian MILLAU. Ils avaient été subjugués par une salade de haricots verts, cuits craquants, dégustée chez Paul BOCUSE. Il devient le chef de file d’un groupe de cuisiniers qui révolutionnent la cuisine traditionnelle en la simplifiant, l’allégeant en supprimant les copieux plats en sauce. Les personnes comme mon père, habitués à manger dans des assiettes bien garnies, ont du mal a prendre du plaisir lorsque le minimalisme a supplanté l’abondance, lorsque la subtilité des saveurs est venue heurter le classicisme de leurs goûts…
Jusqu’alors il y avait peu d’innovation dans la cuisine. Quand on allait au restaurant, que ce soit à l’occasion d’un événement familial, baptême, communion, mariage ou à l’occasion d’une commémoration ce qui comptait c’était de retrouver la cuisine que l’on connaissait en y ajoutant l’abondance. C’est cette abondance qui caractérise le repas de fête. La frugalité n’est pas de mise. La diététique est ignorée, on ne pense ni au cholestérol ni au diabète. Il n’y a pas de contrôle d’alcoolémie. Le banquet est un moment de convivialité, de partage.
Le menu du 13 novembre 1949, dont je ne connais pas le nom du restaurant, se caractérise par l’abondance des viandes. Quatre sont servies : alouettes sans têtes, c’est à dire des paupiettes certainement de bœuf, lapin de garennes, noix de veau, poulet rôti …
Le banquet du 11 novembre 1950 a été servi à l’Hotel de la Gare. Dans les hors d’oeuvre on trouve le « cornet de jambon fourré », un grand classique des repas de fête. Il figure dans 4 des 11 menus que mon père a conservés. Comme pour le menu précédent on trouve plusieurs viandes : paupiettes, lapin de garennes et coquelets rôtis. Comme dessert il y a des tartes dans les deux menus accompagnées de mille feuille et d’une île flottante pour l’un et de baba au rhum avec petits fours pour l’autre. Le vin est « ordinaire », blanc et rouge avec la précision d’origine, Bordeaux pour l’hôtel de la Gare.
En 1951 et 1952 la structure des menus est la même. Pour le premier on est surpris de trouver deux plats de veau : une tête de veau et un rôti de veau. En 1952 le menu est manuscrit . Un poisson y figure avec cette appellation caractéristique de l’époque » Merveille de l’océan, en mayonnaise ». Il y a également pour la première fois du fromage. Les vins sont sans indication de provenance. Je n’ai pas l’indication des restaurants.
En 1953 mon père est allé au banquet du 8 mai, chez Lathière à la gare et à celui du 11 novembre à l’Hotel Moderne. Les menus sont présentés sur des cartons publicitaires, du même fournisseur, le Cognac Château PAULET pour les deux restaurants. Maintenant les produits de la mer sont intégrés aux menus , merlus mayonnaise le 8 mai et bouquets de l’Océan le 11 novembre. Toujours une volaille en plus de la viande rouge. Du fromage le 8 mai mais des desserts qui ne sont pas décrits. Le 11 novembre, pas de fromage, des fruits de saison viennent s’ajouter aux pâtisseries et les vins sont des Bourgognes.
En 1954 le banquet du 11 novembre est servi au restaurant Crouzille, rue Victor Hugo. Le menu est classique, présenté sur un carton publicitaire du champagne E. de l’Escale, les intitulés simples mais peu précis.
En 1955, pour le banquet du 8 mai, le menu est moins copieux. En viande il n’y a que le poulet, mais il est précédé d’un colin Bellevue, c’est à dire que la peau et l’arrête centrale a été enlevée et le poisson reconstitué, et d’une bouchée financière. Il y a un plateau de fromage, des pâtisseries assorties…
En 1956, le banquet du 8 mai est servi à l’Hotel Moderne. Il retrouve l’abondance des plats des premières années. Les hors d’oeuvre variés avec saucisson et le cornet de jambon fourré, une truite meunière, des abats, un filet de bœuf, un poulet, du fromage et les desserts classiques. Les vins sont des Cotes du Rhône.
Pour le 11 novembre les hors d’oeuvre sont moins détaillés mais la structure est la même que pour le 8 mai, sans précision sur l’origine des vins.
Les deux menus sont imprimés sur des cartons publicitaires.
Pour le 8 mai 1957 le menu comporte de très nombreux hors d’œuvres, charcuterie, truite, asperges mais une seule viande, des coquelets rôtis, un plateau de fromages et un assortiment de desserts classiques avec une corbeille de fruits.