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Journal de Thérèse de Nexon du 12 juin au 3 septembre 1944

I – Le mois de juin 1944

Thérèse de Nexon est née le 1er octobre 1890 au chateau de la Chevrière près d’Azay le Rideau (Indre et Loire) que son père, Auguste de NEXON louait. Il s’était marié avec Gertrude HAINGUERLOT dont les parents possédaient le domaine de Villandry. Ils eurent deux enfants, MAURICE (1884 – 1967) et Alice ( 1885 – 1970). Son épouse décéda en 1886 alors qu’elle n’avait que 26 ans.

Auguste de NEXON épousa en seconde noces, Gertrude RICARDO, une amie de son épouse. De ce mariage vont naitre six enfants. Thérèse est la première. Suivront Robert (1892- 1967), Jeanne (1895 -1973), Georges (1900 – 1973), Marguerite (1901 – 1926) et Claire (1903 -2000). Désireux de posseder son chateau, Auguste décide de faire construire le chateau de la Garde à Nexon. Georges est le premier à naitre à la Garde.

En 1944, Thérèse qui a 54 ans est célibataire. Ele est infirmière à Limoges. Elle est souvent à  la Garde. Sa mère est décédée en 1941 et c’est son frère Georges qui est l’héritier du château. Il est marié depuis 1927 avec Anne Cesbron Lavau et ils ont quatre enfants : Ferréol, Marie Amélie, Philippe et Anne.

Il n’y a plus les grandes tablées du début de siècle, ni les nombreux domestiques. L’année 1944 est difficile. L’armée Allemande a perdu de sa puissance, les Alliés ont débarqué ejn Normadie le 6 juin, les Russes progresses sur le front de l’EST et la Résistance est de plus en plus forte.

Le Journal de Thérèse montre la vie d’une famille très liée pendant cette période dont les différents évènements sont relatés.

Début du Journal

Dimanche 12 juin 1944

Séparée de mes sœurs, de Robert, de la plupart de mes neveux et nièces, sans pouvoir communiquer avec eux au cours des événements actuels, j’ai eu la pensée de tenir une sorte de journal, où je consignerai les événements au jour le jour, et qui pourra les intéresser lorsque nous aurons le bonheur d’être de nouveau réunis. J’ai donc pris ce cahier à couverture verte, couleur d’espérance ! L’espérance de nous retrouver tous sains et saufs, et je souhaite de tout cœur n’avoir pas à le remplir jusqu’au bout…

Ce même Vendredi, j’ai pu aller à Limoges comme d’habitude. Il y avait beaucoup de troupes dans la ville et on voyait circuler des blindés. Ce même jour a paru une ordonnance défendant à toutes autos de circuler, sauf des voitures pour le ravitaillement et le service médical en ville mais pas à la campagne. A partir du Samedi 10, couvre-feu de 21 heures à 6 heures. Malheur aux gens qui auront besoin d’aller à Limoges pour une opération… Le téléphone rural est supprimé depuis le jour du débarquement. Le télégraphe, supprimé aussi.

Samedi soir, tard dans la nuit, nous avons entendu un grand tumulte au camp qui a duré environ une heure. Nous avons su le lendemain qu’une cinquantaine de détenus s’étaient évadés. C’était un coup monté, à l’instigation et sous les ordres, dit-on, d’un capitaine de gendarmerie interne au camp, qui avait déjà été un an à Evaux-les-Bains. A un signal donné, les conjurés (qui étaient, paraît-il, en possession de grenades) se sont jetés sur les gardes, les ont désarmés, et ont pris la clef des champs (il paraît qu’un camion attendait certains d’entre eux ?), non sans avoir emporté les dossiers et les cartes d’alimentation. Naturellement, il y a eu à la suite de cette histoire une enquête de la police (Milice) ; c’est le chef de camp, M. D’Armancourt (qui n’était pas au camp puisqu’il couchait chez lui à Champagnac), qui paraît devoir être le bouc émissaire car il a été emmené à Limoges hier soir. Sa femme est venue toute triste nous conter cela ce matin, nous l’avons consolée de notre mieux.

Hier soir, la Radio Suisse a annoncé que « les points stratégiques de Toulouse, Limoges et Tarbes étaient aux mains des partisans ». Si ce n’est pas plus vrai pour les 2 autres villes que pour Limoges ! …

On raconte dans le pays que Tulle, Brive et Guéret sont aux mains du « maquis », mais que les Allemands réagissent fortement.

Peu de trains partent de Limoges et la plupart ne vont pas loin. Sur la ligne de Périgueux on ne dépasse par Bussière-Galant. Sur celle de St Yrieix, on s’arrête à Varetz. La ligne de Brive s’arrête à Saint Germain les Belles.

Ce matin, les journaux de Limoges n’ont pas paru, ou du moins ne nous sont pas parvenus, mais j’ai reçu la « Croix » qui est imprimée à Limoges et paraît le soir.

Depuis avant-hier nous sommes, avec quelques autres départements, sous l’administration allemande. Hier, les blindés allemands ont circulé dans Nexon et aux alentours, ils ont fait quelques inquisitions puis sont repartis. Ils avaient établi des barrages où on arrêtait les gens, j’étais partie pour aller à Vêpres mais n’ai pu passer. Actuellement, Nexon est gardé par des hommes de la Garde à cheval, ils ont établi des « chicanes” pour empêcher les voitures de passer, aux deux extrémités du bourg.

(Ci-après commentaire rajouté par Mme. Alice Vigneron sur les événements du 11 Juin :

« Permettez-moi, chère Mademoiselle, de compléter votre récit de ce dimanche 11 Juin 1944 et, en même temps, de vous expliquer pourquoi un barrage allemand vous a empêchée d’assister aux Vêpres.

Le samedi 11 Juin, vers 21 heures, avec des voisins, nous sommes montés aux Rochilles car, dans la journée, il nous avait été signalé qu’un monstrueux incendie s’apercevait de cet endroit, c’était malheureusement vrai ! une énorme fumée s’élevait en direction du nord-ouest. Ce n’est que dans la semaine suivante que nous avons appris l’horrible massacre d’Oradour-sur-Glane.

Or, ce même samedi, vous relatez, Mademoiselle, les évasions du camp, votre voisin. Et il va se passer le déroulement suivant cette affaire : la milicienne Marcelle F…, habitante du bourg, téléphone à la Kommandantur de Limoges pour la mettre au courant. Et le dimanche après-midi, les Allemands se dirigent sur Nexon pour faire subir, par vengeance, à cette localité le même sort qu’à Oradour-sur-Glane. Or, ce dimanche-là, ne l’oublions pas, avaient lieu a l’église, les Vêpres de la Communion Solennelle. La cohorte ennemie, arrivée à la Plaine, obligeait Mr. Léon Bragard de marcher à pied, jusqu’à Nexon pour servir d’orage et ne pouvoir avertir quiconque (cet homme, plus très jeune, se ressentira hélas ! de cette fatigue). Arrivés au bourg, les soldats laissaient emplir l’église mais bloquaient toutes les issues, les rues, les ruelles, les impasses : M. Estier, le père de Mme Duroux, voulant s’enfuir vers son pré, fut ramené à sa demeure avec un fusil dans le dos ; Jean Guyot voulant, avec son enfant, franchir le ”sautadou » du pré de La Planche fut menace d’être fusillé.

Avec mon père, mon mari et ma fille nous étions tranquillement installés, dans une pièce au sous-sol pour écouter la radio sans imaginer ce qui se passait au dehors. Or précisément dans ma rue, un allemand frappait à notre porte. Bobette notre Ténériffe aboyait, mais nous pensions que c’était des gamins qui faisaient ce bruit et toujours, à cause de la radio, nous ignorions l’affolement général, les coups de feu tirés en l’air et sur les trottoirs.

Comme vous l’avez écrit, Mademoiselle Thérèse, Nexon était sous la surveillance d’une quarantaine, je crois, de soldats à cheval. Le Commandant de cette Garde, cantonnée à côté du groupe scolaire des Rochilles, vient aborder l’officier supérieur allemand et lui dit :  » Si vous voulez la guerre, nous allons combattre ; vous avez 150 hommes, moi, j’en ai 300 ! « 

Et voilà comment un officier français, dont j’ignore le nom, a chassé l’ennemi et sauvé toute la population et toutes les demeures de Nexon.

Cela méritait que je vous le dise. « 

Mardi 13 Juin 1944

Aujourd’hui le ménage Soucy est venu déjeuner. Il y avait eu un malentendu et nous ne les attendions que pour goûter, mais nous avons été bien contents de les voir. Nous avons eu, en plus, pour goûter Mme. de Lesterps venue parle train et repartie à bicyclette, les La Giclais et Yvonne Morterol. Naturellement, on ne parle guère que des événements, peut-être y-a-t-il moins de divergences de vues qu’auparavant, et on ne se hasarde pas trop à prophétiser !

Ce matin j’ai reçu un coup de téléphone de la Croix-Rouge, on me demandait d’aller à Saint Yrieix où on installe un chirurgien en permanence pour les gens qui ne peuvent plus aller se faire opérer à Limoges. J’avais accepté, mais cet après-midi, contre ordre. Le chirurgien pense qu’il n’aura pas assez de travail pour nécessiter ma présence et on fera appel à moi en cas de nécessité seulement

Nous avons eu d’assez bonnes nouvelles de Mr. d’Armancourt, il est interné dans une caserne à Limoges et on espère qu’il n’aura pas trop d’ennuis. Ferréol s’entend très bien avec Jeannine d’Armancourt qui a 17 ans et qui est ravie de trouver quelqu’un ayant à peu près son âge. Ils sont allés à l’étang ensemble et ont fait du bateau.

Ce matin nous avons eu le « Courrier » d’hier, j’ai aussi reçu une lettre (insignifiante) de Paris datée du 5 et portant le timbre de Drancy le 8. Reçu aussi un journal des 6. 7. et 8, venant de Lyon. Donc le courrier passe un peu, peut-être finirons-nous par avoir des nouvelles des uns ou des autres ?

Nous avons 2 sections de G.M.R. venus pour la garde du camp qui logent dans le garage et dans le grenier de l’écurie. Ils sont du Dauphiné et semblent de braves gens. Ils intéressent beaucoup Anne qui ne les appelle que les « Français ».

Jeudi 15 Juin 1944

Géo et Anne-Renée sont allés hier à Limoges en voiture à cheval. Bien leur en a pris, car il n’y avait pas de train pour revenir le soir. A Limoges, on ne parlait que de l’horrible catastrophe d’Oradour-sur- Glane : tout un village incendie, avec sa population, hommes, femmes et enfants, brûlée vive…. Quand verrons-nous la fin de ces horreurs ?

Ce matin on a vu passer deux groupes d’avions et nous avons entendu un bruit lointain de bombardement. D’après la radio de ce soir, Bordeaux et Angoulême auraient été bombardées.

Je suis allée au camp cet après-midi ; J’ai pu voir pendant quelques minutes Mme. de Falvelly qui y est internée je ne sais trop pourquoi. Je la connaissais un peu pour l’avoir rencontrée deux ou trois fois dans des mariages et des enterrements, c’est une aimable originale, mais elle me fait vraiment pitié car elle a été arrêtée avec simplement un petit sac à main et n’a rien, c’est dur à son âge car elle n’est pas jeune. Elle est d’ailleurs très courageuse et m’a seulement demandé de lui procurer une paire de bas, les siens étant en loques. C’est tout ce que je peux faire, car la police du camp est très sévère depuis l’évasion de l’autre nuit.

Ferréol va tous les après-midi à la Sélive où il travaille chez les Penot qui le font dîner. Il y retrouve Hubert d’Armancourt qui y est embauché.

Lundi 19 juin 1944

Je viens de passer 3 jours à Limoges : partie Vendredi, je comptais rentrer ici Samedi, mais, arrivée à la gare à 14 heures … point de train, ni ce soir-là, ni le lendemain. Force me fut de rester à Limoges jusqu’à ce matin.

Vendredi soir je suis allée à la cérémonie qui avait lieu à la Cathédrale pour la fête du Sacré-Cœur. Il y avait beaucoup de monde, et j’étais avec le groupe de l’U.C.S.S. (Union catholique des services de santé) à qui on avait réservé une chapelle latérale. Mgr. Rastouil a consacré son diocèse au Sacré-Cœur, et a dirigé les chants et les acclamations et incantations pendant la procession. Chacun priait avec ferveur pour soi, pour notre malheureux pays, et il y avait des larmes dans tous les yeux. Monseigneur a aussi brièvement évoqué la tragédie d’Oradour-sur-Glane, qui est le sujet de toutes les conversations, et a fait prier pour les victimes. Samedi matin, je suis allée à l’inauguration de la Croix-Rouge à l’Hôtel de Ville. Il y avait là toutes les autorités : Préfet régional, préfet délégué, maire, etc. mais l’atmosphère est lourde…On construit des fortins à tous les carrefours, cela donne à la ville un aspect sinistre.

La Croix-Rouge m’a demandé d’aller à Magnac-Laval pour relever 2 infirmières qui y sont allées en « équipe chirurgicale“. Mais comme Annie Gérard qui revient de l’hôpital de St. Junien n’y a rien fait du tout, je n’ai pas envie de faire un voyage inutile à Magnac, au risque d’être bloquée dans le Nord du département, ce qui est d’ailleurs peut-être arrivé aux infirmières en question dont on est sans nouvelles.

Dans la nuit de Samedi à Dimanche, j’ai été réveillée par un grand tintamarre de camions qui avançaient, reculaient, tournaient sous ma fenêtre, vers 4 heures du matin. Le lendemain matin, j’ai appris qu’on avait décidé de fermer le camp de Nexon et qu’on l’avait transporté avec armes et bagages, au Cirque Municipal qui est en face de chez moi, pendant la nuit.

Au cours de ma journée dominicale, j’ai déjeuné chez les Jabet, et dîné avec Mme. d’Elloy. Celle-ci m’a beaucoup parlé d’un sien cousin qui est dans la Milice, et comme je discutais un peu avec elle, à ce sujet, elle me disait : ” Ah ! comme je voudrais vous faire rencontrer mon cousin I » Après dîner, comme elle me raccompagnait chez moi, nous avons rencontré ledit cousin qui a fait quelques pas avec nous. J’en ai profité pour lui parler de Mme. de F. Il paraît qu’elle se serait mise dans un mauvais cas en favorisant des parachutistes. J’ai demandé au moins quelques adoucissements à sa captivité, j’espère les avoir obtenus.

Nous avons à présent le couvre-feu de 9 heures du soir à 6 heures. Aussi, à Limoges, à 9 heures, les rues se vident et le silence se fait comme par enchantement. Ce matin, je suis sortie à 6 heures pour aller prendre mon train de 6 h 30…lequel est parti à 7 h 40. J’ai eu la surprise d’avoir comme compagnon de voyage le P. de Dainville, notre cousin, qui venait de Ste. Foy la Grande (Gironde). Pour revenir, il avait fait 23 kilomètres à pied, passant la Dordogne en barque parce qu’on avait fait sauter les ponts, pour aller prendre le train à Bergerac. De Périgueux, il est allé à Coutras, d’où il n’a pu aller plus loin parce que la gare d’Angoulême était bombardée. Il est donc revenu à Périgueux, puis a pu aller à Brive d’où il est venu à Limoges après un transbordement à Saint Germain les Belles. Il m’a raconté des histoires sur la proclamation à Ste. Foy la Grande de la 4ème République…laquelle s’est évanouie à l’annonce de l’approche des Allemands. Mais on avait fait sauter les ponts et les voies autour de la ville, qui commençait à manquer de ravitaillement

En arrivant ici, j’ai trouvé une lettre de Claire qui m’a un peu rassurée, bien que d’après ce que je comprends, la vie soit peu agréable à Chabanais en ce moment. Une lettre aussi de Marie-Amélie qui se dispose à passer ses vacances au pensionnat, car les religieuses, avec raison, ne veulent laisser partir leurs élèves que si les parents viennent les chercher. Pas de nouvelles de Paris ni de Toulouse.

Vendredi 23 Juin 1944

Les lettres commencent à arriver de divers côtés ; la SNCF et les PTT font des prodiges : alors, un beau jour, toutes les lettres d’une même région apparaissent. Hier, Anne-Renée a reçu des nouvelles de sa mère, lui envoyant une lettre d’Odette, du 21 Avril, adressée à Jehannette sa cousine. A cette date, il semble qu’Henry faisait encore l’instruction des jeunes. Maurice a reçu une lettre de Robert du 15. Il paraît que le ravitaillement de Paris qui se faisait beaucoup par la Normandie et la Bretagne, est naturellement très déficient. Bernard qui a terminé ses examens n’a pas pu partir, ni Elsie. Robert qui a quelques provisions les en fera profiter. Il annonce la mort de Georges du Breuil tué par un bombardement sur la route en allant au haras du Pin, région très bombardée. Le pauvre garçon avait été très grièvement blessé pendant la guerre.

Ce matin, courrier de la région de Toulouse. Lettre de Jeanne, partie le 12, cela fait bien plaisir quand-même. Elle est inquiète de Bernard et aussi de Gertrude qui reste à Bordeaux pour le moment. Deux lettres de Philippe, d’avant le débarquement.

Nous n’avons presque plus de trains avec Limoges, et on peut rarement y aller et revenir le même jour. Il y a tous les jours un train vers 11 heures, et certains jours à 19 heures. Pour revenir, un train à 6 h 30 et un autre à 9 heures. A Limoges, des tas de mesures restreignent la circulation, je suis contente de n’avoir pas besoin d’y aller cette semaine.

Nous avons, pour un mois ? un Mr. Pellereau, professeur de mathématiques, qui vient pour faire travailler Ferréol. Malheureusement celui-ci est souffrant, il a dû prendre froid en travaillant à la Sélive.

Il n’y a plus à Nexon ni gardes, ni gendarmes, ni police d’aucune sorte. Le couvre-feu est maintenant de 22 h 30 à 5 h 30.

Lundi 26 juin 1944

Dans la nuit de Vendredi à Samedi, on a entendu un bruit assez rapproché (pas moi, je dormais profondément), et le lendemain matin, nous avons appris que Limoges avait été bombardé. J’ai eu des détails par Mlle. Lavisse qui y était. Les bombes ont été jetées sur la gare de Puy-Imbert (où il y avait, paraît-il, un train de poudre ?) et sur l’Arsenal. Une maison a été incendiée – par une fusée croit-on – du côté de la place Jourdan. Il y a peu de victimes, on parle de 6 morts et quelques blessés. Les flammes et les fusées éclairent comme en plein jour. Mlle. L. s’est réfugiée dans une des tranchées du Champ de Juillet, la nuit était froide et il y avait des enfants grelottants, mais impossible de sortir des tranchées avant la fin de l’alerte, sous peine de recevoir des coups de fusil.

Samedi, Jacques de la Bastide est venu déjeuner. Il voit beaucoup de gens divers et sait toujours beaucoup de choses. Il nous a dit que Régine de Tristan avait reçu 6 fois des visites de pillards, qui emportent chaque fois quelque chose. Une fois, c’était 14 couvertures. Une autre fois, Jacques y était avec sa femme et on a mangé le déjeuner qui était préparé pour eux, avec quelques autres provisions.

Jacques reste optimiste pour l’avenir malgré les divisions de notre pauvre pays. Il dit qu’il faudra bien « que les morceaux se recollent un jour ».

Le Père Moureu qui arrivait de Limoges, a aussi déjeuné avec nous. Il continue à Limoges son apostolat d’aumônier du camp de Nexon, dont les pensionnaires sont maintenant à la caserne du Séminaire, où ils sont beaucoup moins bien qu’ici. Mr. d’Armancourt est toujours interné.

Hier Dimanche, comme nous sortions de la Messe vers 8 h 30, nous avons vu passer au-dessus de nous plus de 400 avions en vagues successives, se dirigeant vers le Sud…Nous avons su ensuite par la Radio qu’Avignon, Arles, Toulouse, Sète et quelques petites localités ont été bombardées. La veille, Versailles a reçu un violent bombardement, on parle de 225 morts. Nous attendons avec impatience des nouvelles de Mme. Cesbron Lavau.

Samedi, on a vu un camion contenant 6 hommes armés du “maquis” traverser Nexon. C’est, je crois, la 1ère fois qu’on les y voit en plein jour.

Nous avons appris ce matin qu’un des avions passés hier matin s’était décharge d’un chapelet de bombes à une dizaine de kilomètres d’ici : près d’un petit village appelé Freyssinet[1]. Chose curieuse, cela n’a pas fait beaucoup de bruit ici. Fort heureusement, les bombes sont tombées dans un pré qui est profondément labouré et dans un étang, et n’ont fait de mal à personne.

A Limoges, il y avait des bombes à retardement que nous avons entendu exploser jusque dans l’après-midi (et plusieurs jours après).


[1] Commune de saint Priest Ligoure

Parcours mémoriel de la Libération de la Haute-Vienne : le camp de Nexon

L’année 2024 est l’occasion de commémorer les 80 ans de la Libération de la Haute-Vienne. Pour cette occasion le Trinôme académique qui rassemble le Ministère de l’Education nationale, le ministère des Armées et l’association des auditeurs du Limousin de l’Institut des hautes études de défense nationale a proposé aux collèges du département de faire participer leurs élèves à une réflexion sur un événement s’étant déroulé dans son voisinage et d’en rendre compte lors d’une rencontre à la préfecture.

Pour les aider dans leur réflexion un livret pédagogique a recensé 23 événements et 24 articles ont été écrits et rassemblés dans un ouvrage coordonné par Philippe PASTEAU, délégué militaire départemental de la Haute-Vienne. Membre du Trinôme en tant que président de l’Association Régionale (AR25) de l’Institut des hautes études de la Défense nationale j’ai rédigé deux fiches.

Le camp de Nexon faisait partie des sujets proposés à la réflexion des élèves mais le collège de Nexon n’y a pas participé. Le travail réalisé par les élèves a donné lieu, le mercredi 22 mai à la préfecture, à une réunion d’une centaine d’élèves avec leurs professeurs pour que, par trois ou quatre par collège, ils fassent la synthèse de leurs recherches.

Ce fut une très belle après-midi avec des élèves passionnants, heureux d’avoir rendu hommage à ceux qui, il y a 80 ans, ont permis la Libération de la Haute-Vienne puis, quelques mois plus tard, de notre pays.

Après quelques photos de la cérémonie je met le texte que j’ai écrit à cette occasion sur le camp de Nexon. L’autre texte traite des combats du 17 aout 1944 à Feytiat, Le Vigen et Jourganc. Dans cette dernière commune, à la Chaume verte, 5 jeunes ont été massacrés, la cérémonie pour leurs obsèques a eu lieu à Nexon et l’un d’eux, Raymond LAPOUGE est inhumé au cimetière de Nexon. je le mettrai en ligne quelques jours avant la cérémonie pour commémorer la mémoire de ce massacre, le 18 aout à Jourgnac.

Le préfet délégué, Philippe LAYCURAS et le lieutenant colonel Philippe PASTEAU, Délégué militaire départemental.

La salle des fetes de la Préfecture avec les élèves à droite et a gauche, M. DEBLOIS, président du conseil départemental, Mme ORLAY, Inspectrice d’académie, directeur académique des services départementaux de l’éducation nationale et Jean François NYS, président le l’Association régionale de l’Institut des hautes études de défense nationale.

Le collège André Maurois présente l’histoire du jeune Philibert CHATY, résistant des maquis de Brigueil et Cussac, fusillé à Limoges le 31 janvier 1944.

Le Trinôme evec un groupe d’élèves et avec les représentants des collectivités.

Le thème proposé pour Nexon etait celui du camp. Voici la notice dans le livret de présentation suivi du texte que j’ai rédigé pour l’accompagner.

L’ouvrage qui réuni tous les textes:

1940-1945 Camp d’internement de Nexon et les victimes israélites

Dès le 12 novembre 1938, le gouvernement Daladier publie un décret prévoyant la création de centres spéciaux pour l’internement des « étrangers indésirables ». Le 21 janvier 1939 le camp de Rieucros à Mende en Lozère fut premier à voir le jour.

Le conflit qui éclate le 3 septembre 1939 conduit le gouvernement Daladier à renforcer la surveillance des milieux politiques considérés comme subversifs. Le décret-loi du 18 novembre 1939 marque le début d’une répression autorisant les préfets à interner sans aucun jugement ni condamnation « les ennemis de la Patrie ». Sont principalement visés les communistes qui, du fait du Pacte Germano-Soviétique signé le 23 août 1939, deviennent suspects de ne pas vouloir défendre la France contre l’Allemagne. Sont également suspects tous les allemands qui ont fui l’Allemagne dès qu’Hitler a mis en œuvre sa politique raciste. Pour le gouvernement français toute personne qui arrivait l’Allemagne ou des territoires envahis étaient suspects d’être des espions. La plus grande partie d’entre eux était des juifs dont certains n’étaient en France qu’en attendant de partir aux Etats-Unis. C’est pour ces raisons de sécurité nationale que la garde des camps incombait au Ministère de la Guerre avant de passer sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur ( loi du 17 novembre 1940).

La dissolution du parti communiste en septembre 1939 va conduire les dirigeants, les militants et les syndicalistes les plus actifs à être internés ou affectés à des compagnies spéciales.

Mais les camps sont également construits pour héberger les Républicains espagnols qui fuient massivement leur pays au fur et à mesure de l’avancée des troupes de Franco. Avant même que le camp soit terminé les baraquements vont servir à l’hébergement des évacués alsaciens et de tous les réfugiés qui arrivent de toute l’Europe. En juin et juillet 1940, la mairie de Nexon enregistre trois décès de réfugiés, tous français originaires de l’ouest parisien et âgés de 70, 77 et 82 ans.  

Le 22 juin 1940, après la défaite militaire de la France l’armistice est signé à Rethondes. Le 10 juillet le Maréchal Pétain obtient les « pleins pouvoirs » de chef de l’Etat et du gouvernement. C’est la naissance de l’État français et la fin de la Troisième République. Le Gouvernement de Vichy va utiliser l’internement comme outil politique. La loi du 3 septembre 1940 prolonge les dispositions du décret-loi du 18 novembre 1939 et rend possible l’internement des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique.

Le centre de séjour surveillé de Nexon est remis au maire de Nexon le 28 septembre 1940. Il compte 13 baraquement de 40 m. sur 6 m. et une cuisine. Il est entouré d’une clôture en fil de fer barbelé et l’entrée est sans porte.

Le 3 octobre 1940 est promulgué la loi portant sur le statut des Juifs, un second statut, plus répressif, sera institué par la loi du 2 juin 1941.

 Dès la fin novembre 1940 un chef de camp est nommé, M. Pillon, officier de réserve. Il constate que le camp qui a logé jusqu’à 600 réfugiés n’est pas en mesure d’héberger des personnes pendant l’hiver dans la mesure ou il n’y a pas de chauffage et que des nouvelles baraques sont en construction. Malgré cela M. Pillon accepte à la fin du mois de décembre un premier contingent de 300 détenus venant des camps de Mons et de Gurs.

Dans son rapport du 31 janvier 1941 à la Direction de la Sûreté nationale à Vichy le chef de camp décrit ainsi la population qu’il héberge « dans un camp d’Indésirables Français, l’intellectuel côtoie l’ouvrier d’usine, le mineur, le commerçant , l’agriculteur ; le militant communiste retrouvera à ses côtés les simples membres du parti, même souvent des S.F.I.O. ou de simples syndicalistes qui ont combattu contre eux. De ce fait, l’action des chefs militants et leur influence sur les masses continue au camp ». Il n’y a pas de Juifs enregistrés comme tels parmi les internés.

 1 – Le fonctionnement et les principaux événements de 1941 à 1945

Dans son fonctionnement au cours de cette période le camp de Nexon pouvait accueillir jusqu’à 800 internés et 1200 voir plus comme on peut le lire dans certains articles.  Suivant un plan orthogonal, 23 pavillons construits soit en dur et couverts en tuiles ou en tôle ondulée, soit en bois montés sur des dés en béton et recouverts de tôle, étaient clôturés par un grillage de fil de fer recourbé (pour éviter les évasions), doublé par un réseau de barbelés de 4m de large et par un chemin de ronde, à l’extérieur. Les 12 baraques destinées au logement des internés (B1 à B12) étaient séparées des 9 autres réservées aux divers services. Une longue palissade de bois faisait écran entre le camp et la route départementale qui restait ouverte (réponse à la lettre du Ministre de l’intérieur datée du 20 novembre 1944 par le Directeur du camp de Nexon adressée au Préfet de la Haute-Vienne).

Quelques dispositions du règlement concernant la discipline ( Vichy le 17 janvier 1941- AD 87, 185W3/60)

« Le Centre de Nexon est un Centre d’hébergement et non pas un camp répressif, les étrangers qui s’y trouvent réunis n’en ont pas moins le devoir de participer à tous les travaux tant d’aménagement que d’entretien. Ceux qui manifesteraient de la mauvaise volonté dans l’accomplissement de leur tâche seraient l’objet de sanctions disciplinaires.

Les heures de lever sont fixées à 6h30 en été 7h30 en hiver et pour le coucher à 22h en été  et à 21h30 en hiver.

Les Grands-parents, pères, mères, conjoints, frères, sœurs et descendants en ligne directe des hébergés, sont admis à rendre visite à ses derniers, trois jours par semaine pendant les heures fixées par le Commissaire Chef de camp.

Les « hébergés » sont autorisés à recevoir des colis. Ces derniers devront être ouverts par l’hébergé en présence d’un brigadier.

Toute tentative d’évasion sera immédiatement punie de prison pour une durée à fixer, selon les circonstances, par le Commandant du Camp. Il en sera rendu compte au Préfet.

La peine sera doublée à la deuxième tentative et en cas de nouvelle récidive, l’hébergé sera dirigé sur le Camp répressif du Vernet. »

En mars 1941, un certain nombre d’« indésirables » sont acheminés à Port-Vendres et de là en Afrique du Nord.

La rafle d’août 1942 et l’arrestation des Juifs

Le 5 août 1942 tous les préfets régionaux reçoivent une lettre confidentielle des services de René Bousquet, secrétaire général de la police, qui définit les juifs à arrêter et à transporter en zone occupée « avant le 15 septembre » : leur nationalité, leur date d’entrée sur le territoire français (1er janvier 1936), la liste des exemptés (« vieillards de plus de 60 ans », femmes « en état de grossesse », « enfants de moins de 16 ans non accompagnés », entre autres).

Le 10 août 1942 le préfet  Lemoine adresse ses instructions aux préfets de sa région pour effectuer le ramassage, le groupement et la conduite des israélites au centre régional de Nexon. Les internés qui séjournaient au camp de nexon ont temporairement été transférés au camp de Saint Paul d’Eyjeaux.

Le 19 août les préfets de département sont informés que l’opération se déroulera le mercredi 26 août.

A 5 heures dans la nuit de ce 26 août le « plan de ramassage » est déclenché sur l’ensemble de la zone non occupée. Pour la Région de Limoges, 9 préfectures ou sous-préfectures sont concernées : Loches (Indre et Loire), Châteauroux (Indre), Saint Amand Montrond (Cher), Montmorillon (Vienne), Guéret (Creuse), Confolens (Charente), Limoges (Haute-Vienne), Périgueux (Dordogne) et Tulle (Corrèze).

Grande rafle de Juifs étrangers dans les quarante départements de la zone libre où Vichy est souverain.

Le 29 août 1942, 450 Juifs dont 68 enfants de la région de Limoges arrêtés dans les 5 départements de la Région de Limoges sont transférés au camp de Nexon. Après un triage complémentaire à celui qui était fait dans chaque département et internés à Nexon. Ils sont ensuite livrés aux Allemands et déportés à Auschwitz. Des Juifs âgés évacués du camp du Récébédou, près de Toulouse, sont transférés au camp de Nexon. Le 26 août 1942, le « plan de ramassage » est déclenché sur l’ensemble de la zone non occupée. Pour la Région de Limoges, 9 préfectures ou sous-préfectures vont être concernées : Loches (Indre et Loire), Châteauroux (Indre), Saint Amand Montrond (Cher), Montmorillon (Vienne), Guéret (Creuse), Confolens (Charente), Limoges (Haute-Vienne), Périgueux (Dordogne) et Tulle (Corrèze).

En Haute-Vienne 102 personnes ont été arrêtées, aucune à Nexon ni dans les communes du canton. En effet lors de l’enquête du 3 juin 1941 la mairie de Nexon avait déclaré qu’aucun réfugié israélite ne vivait sur la commune.

Au total 680 personnes ont été amenées au camp de Nexon les 27 et 28 août 1942. Leurs documents vont de nouveaux être examinés. En une journée les inspecteurs vont examiner les papiers et libérer ceux qui remplissant les conditions d’exemption. Aux partants on retirera les cartes d’alimentations à tous ceux qui remplissent les conditions pour être retenus.

Après toutes les vérifications 458 personnes ont été embarquées dans le train pour Drancy. Ce sont donc plus de 200 personnes qui ont été libérées parce qu’elles remplissaient les conditions pour ne pas partir. Les 458 personnes retenus ont quitté le camp dans la soirée et ont pris place dans trois 3 voitures de voyageurs réservées aux femmes, enfants et malades et vingt-sept voitures à bestiaux aménagées. Les bagages étaient entreposés dans quatre fourgons à bagages et une voiture était réservée à l’escorte.

Le train a quitté Nexon le 29 août 1942 à 6h55. Il a franchi la ligne de démarcation à Vierzon à 11h31 d’où il est reparti à 12h15. Il est arrivé à Drancy à 18h03. La plupart sont partis pour Auschwitz très rapidement. Le convoi n°26 avec 307 « raflés » est parti le 31 août et le convoi n°27 est parti le 2 septembre avec 75 « raflés ». La plupart ont été gazés le jour de leur arrivée.

Après cet événement douloureux la vie du camp continue avec le 26 octobre 1942, la plus grande partie des internés du camp du Récébédou, « juifs étrangers, espagnols républicains et leur encadrement » qui est transférée au camp de Nexon. Le camp est alors transformé en camp hôpital.

Après l’attaque surprise de l’Union soviétique par les armées allemandes le 21 juin la guerre a changé de dimension. Le 8 novembre les Alliés débarquent en Afrique du Nord et le 11 novembre la zone libre est envahie par les allemands et les italiens. Les communistes ne sont plus systématiquement considérés comme des indésirables.

Les juifs sont les principales victimes de l’hiver rigoureux de 1942-1943

L’hivers 1942-1943 est particulièrement rigoureux et 76 internés vont mourir, principalement parmi les Juifs. Ils sont inhumés dans le cimetière de Nexon. Les 29 et 30 novembre 1951, 72 corps sont exhumés et déposés dans une tombe collective. 

La rafle de fevrier 1943 dite rafle des 2000 va faire une nouvelle fois Nexon centre de regroupement.

Le 13 février à Paris, deux officiers de la Luftwaffe sont abattus. En représailles, les Allemands réclament la déportation de 2000 hommes. Ne pouvant trouver 2 000 Juifs étrangers en zone occupée, Vichy est allé les chercher en zone libre, nouvellement occupée.

Les Juifs arrêtés ont été dirigés sur le Camp de Gurs et une partie sur le Camp de Nexon. Puis, tous ont été transférés sur Drancy et de là, non pas sur Auschwitz, engorgé de convois, mais sur le Camp de Sobibor. Une poignée de rescapés survécurent via le Camp de Maidanek. 

Le camp en 1943 et 1944

A partir du mois de mars la population des internés tombe à moins de cent personnes . Elle remontera au-dessus de 100 à partir du mois d’août 1943.

À la suite de la dissolution du camp de Gurs, en novembre 1943, les internés de ce camp sont transférés à Nexon.

La population des internés évolue, il y a moins de Juifs mais des réfractaires au STO, des condamnés de droit commun pour marché noir, trafic… et des opposants politique. Des volontaires sont envoyés pour travailler dans le cadre de l’organisation Todt à la construction des fortifications de l’Atlantique.

Au cours de l’année 1944 le nombre des interné augmente et dépassera 200 en février puis 330 en mars.

Le débarquement du 6 juin en Normandie déclenche de nombreuses actions de la Résistance. Le 11 juin 1944, le camp est attaqué ce qui permet l’évasion de 54 détenus. Le camp de Saint Paul d’Eyjeaux est lui aussi attaqué et incendié. Le 13 juin les internés de ce camp qui restent sont envoyés à Nexon.

Du 17 juin 1944 à la fin octobre 1944 le camp est transféré à la Caserne du Grand Séminaire à Limoges

De la fin octobre 1944 au 17 août 1945 retour à Nexon, date du transfert des internés au camp de Poitiers.

Il ne subsiste aucune trace du camp, dont l’emprise est occupée par un lotissement. Une stèle en rappelle le souvenir.

Bibliographie

Claude BERODY «Nexon … 1941…baraque 12 » Fondation pour la Mémoire de la déportation 2011 

Guy PERLIER « Les camps du bocage : 1940-1944 Saint-Germain-les-Belles Saint-Paul-d’Eyjeaux Nexon » aux Editions Les Monédières, avril 2009.

Guy PERLIER « La Rafle : Août 1942, région de Limoges » Editions Les Monédières, mars 2012

Laurette ALEXIS-MONET « Les miradors de Vichy » Les Éditions de Paris 1994 et 2001

Archives départementales de la Haute-Vienne – Seconde Guerre Mondiale. En ligne :

  • 993 W 71 et 73 Rapports mensuels de commandant de camp
  • 185 W 3/61 Rapports du chef de camp sur l’organisation du camp, son fonctionnement, l’état d’esprit des internés.

La rafle du 29 août 1942 : https://etsinexonmetaitconte.fr/wp-admin/post.php?post=7314&action=edit

La prison du camp de Nexon a servi de logement a plusieurs familles jusqu’en 1960.

A la fin de ma conférence sur les 400 ans du château de Nexon une dame est venue m’apporter une photo et m’a expliqué que c’était la prison du camp de Nexon dans laquelle elle a vécu du début de l’année 1951 à juin 1956 avec ses parents et sa sœur. Etant née en 1950 elle n’a que des souvenirs d’enfants mais avec sa sœur plus âgées de 3 ans elles ont réalisé un plan pour montrer comment elles vivaient.

Par décision du Ministre de l’Intérieur du 21 juin 1945 les camps d’internement ont été supprimés et les 98 internés qui y séjournaient encore ont été transférés au camp de Poitiers. Parmi eux il y avait 82 hommes et 16 femmes, 58 étaient condamnés pour du « marché noir », 39 pour des motifs politiques et 1 pour des faits de droit commun.

Bien que vide d’internés à partir du 18 aout le camp était encore occupé, ce qui donna lieu à une polémique ! En effet le directeur occupait toujours sont logement et il disposait de 2 chauffeurs. Du personnel s’occupait de l’entretien et du gardiennage ce qui faisait un total de 25 personnes. Pendant plus de 10 mois ces personnes s’occupaient d’un camp sans aucun interné. La presse s’est émue de cette situation, a interpellé le Ministre des Armées, Edmond MICHELET mais le camp ne relevait pas de sa compétence. Le Ministre de l’Intérieur fit la même réponse et finalement les journalistes apprirent que le camp relevait du Ministre de la Justice …

Le camp libéré de tout personnel, le Ministère n’a plus versé de loyer au propriétaire du terrain, Madame Jeanne de LAUSUN, sœur de Georges de Nexon. Des baraquements ont été vendus et une famille fut autorisée à loger dans la prison en contrepartie de l’entretien du terrain du camp.

Une première famille y a vécu de 1947 à 1951.Ces premiers occupants avaient fait percer une fenêtre dans le couloir et selon les dire du maçon ce fut avec beaucoup de difficulté car « les murs étaient très ferraillés ». Une seconde famille, les parents de Mme B.G., y sont arrivés au début de l’année 1951. Son père qui avait été prisonnier et venait d’être embauché à la SNCF, n’avait pas de moyen de locomotion et de ce fait la proximité de la gare le satisfaisait. Il s’y est installé avec son épouse et ses deux jeunes filles âgées de 4 et 1 ans. Ces premiers occupants avaient fait percer une fenêtre dans le couloir et selon les dire du maçon ce fut avec beaucoup de difficulté car « les murs étaient très ferraillés ».

« Sur la photo, à gauche, on distingue le château d’eau. Derrière, le long de la clôture avec des barbelés en hauteur, nous nous souvenons du mirador en mauvais état qui devait permettre de voir loin et notamment la gare et ses environs.

En dessous du château d’eau, une cave qui nous paraissait très grande avait été creusée sous terre. Elle pouvait contenir un important stock de nourriture. Elle était très fraîche même en été. On y accédait par un escalier. Proche de cette cave et en descendant vers la prison, un lavoir creusé à même le sol ne manquait jamais d’eau. »

Le plan du logement réalisé par Mme B.G. et sa sœur :

Un plan du camp avec la prison colorisée permet de visualiser ce qui est décrit.

« À l’époque, ne subsistaient que les baraquements de gauche délabrés, et encore pas tous. Nous n’y pénétrions que rarement, souvent à l’insu de nos parents. Ceux-ci ne voulaient pas que nous y allions, non seulement à cause de leur vétusté mais sûrement à cause des images que ces bâtiments pouvaient leur renvoyer. »

Quelques mois avant une autre personne m’a écrit pour me signaler que ses grands-parents y avaient habité pendant quelques années à partir de mai 57. Elle m’a entouré les baraques qui existaient encore quand ils y vivaient.

En 1959 Mme de LAUSUN, sœur de Georges de NEXON a obtenu l’autorisation de réaliser un lotissement sur sur le terrain ou avait été construit le camp. Ce qui restait des constructions a été démoli à l’exception du château d’eau et d’un garage qui était à l’extérieur du camp.

Le château d’eau en 2015 et en 2022.

le garage :