Les gendarmes à Nexon : les gendarmeries (IV)

Lorsqu’en 1810, le Juge de Paix qui ne savait pas où loger ses délinquants sollicite le maire Nexon il n’y a pas encore de gendarmerie dans la commune. Il propose de transformer la petite chapelle qui se trouvait dans le vieux cimetières, en haut de l’ancien champ de foire, aujourd’hui place de la République.  C’était un petit bâtiment d’à peine 50m2.

Lorsque la brigade de gendarmerie a été créée, il a fallu loger les gendarmes. On a donc cherché une maison assez grande pour loger au moins cinq familles. Ce type de maison n’était pas rare et il y avait des propriétaires qui étaient disposés à les louer. Notons que dans certains cantons les gendarmes étaient logés dans une caserne appartenant au département. C’était le cas, dès les années 1840, à Limoges, Saint Léonard, Rochechouart…

A la création de la brigade de Nexon les gendarmes ont été logés dans la maison d’un propriétaire privé dont le département payait le loyer. C’était le cas de la majorité des brigades en Haute-Vienne où, jusqu’en 1850, seules les casernes de Limoges, Rochechouart et Saint Léonard appartenaient au département.

1 – La caserne dans l’immeuble BONNET (1854-1881)

On ne connait ni le propriétaire ni le loyer qui était payé au premier propriétaire. On trouve d’un loyer à M. BONNET lorsque le Conseil Général a négocié le renouvellement du bail qui arrivait à échéance le 1er janvier 1873. Le propriétaire souhaitait une augmentation du loyer tandis que le Conseil Général n’était pas favorable. Mais faute de trouver un local satisfaisant aux exigences de la gendarmerie M. BONNET a obtenu satisfaction et le bail fut renouvelé.

En 1881 M. BONNET ne souhaite pas prolonger le bail de son bâtiment avec la gendarmerie. Le Conseil général en prend acte et cherche un autre immeuble.

Ou se trouvait la gendarmerie jusqu’en 1881 ? Lors des recensements de 1836 et de 1841 les immeubles du bourg ne sont pas classés par rue. Les familles des gendarmes apparaissent immédiatement après les habitants du château et de ses dépendances. On peut donc penser que la gendarmerie se situait sur la place de l’église. Quant à M. BONNET, le propriétaire de la gendarmerie, il s’agit sans aucun doute de la famille de Mathurin BONNET (1761-1840), aubergiste rue du Nord dont le fils, Jean Baptiste BONNET (1819 – 1896) est déclaré propriétaire en 1841 alors qu’il n’a que 21 ans. Il entamera des études de notariat puis deviendra commerçant à Limoges et sera nommé maire de Nexon par décret le 15 fevrier 1878.

2-La caserne dans l’immeuble FRUGIER (1881-1910)-BONNAFY Pierre Arsène (1852 – 1937)

M. BONNET ne voulant plus louer à la gendarmerie, le département fait affaire avec M. FRUGIER.

Conseil Général – Première session ordinaire 1881

Maintenant le recensement classe les maisons par rue et la gendarmerie est clairement située route de la gare, notons que cette dénomination correspond à une partie de la rue Gambetta actuelle. Les cartes postales du début des années 1900 permettent de situer la gendarmerie dans la maison qui abrite aujourd’hui le restaurant MASSY.

Propriété des FRUGIER, l’immeuble tombera dans le patrimoine des BONNAFY après le mariage en 1885 de Jeanne FRUGIER (1864-1941) avec Pierre Arsène BONNAFY (1852-1937), d’abord Greffier de le justice de paix du canton de Nexon puis Juge de paix.

En 1898 au moment d’une nouvelle négociation du bail, le maire de NEXON, M. THOMAS, demande au Conseil Général un délais afin de chercher un autre immeuble, plus proche du centre du bourg car il trouve la caserne, situé à 800 mètres du centre, trop éloignée.

Conseil Général 1898

Les recherches ayant été vaines, dans sa session d’aout 1898, le Conseil Général renouvelle le bail avec M. BONNAFY jusqu’en 1911.

Conseil Général 1898

En 1910, lors de la négociation pour le renouvellement du bail, M. BONNAFY demande une augmentation que le Conseil Général trouve trop élevée. Les recherches pour trouver un immeuble moins cher sont tout aussi vaines qu’en 1898. L’hypothèse de la construction d’une gendarmerie est envisagée mais le terrain pressenti appartenant au baron de Nexon est jugé trop cher. Finalement les Conseillers trouvent le loyer plus avantageux qu’une construction neuve et le bail est renouvelé avec M. BONNAFY.

Conseil Général 1910

Sur trois cartes postales de Nexon on voit la gendarmerie située rue de la gare. Sur les deux premières elle est en gros plan sans que l’on puisse déterminer la date du cliché. Sut la troisième carte on voit la gendarmerie sur le côté de la rue.

Collection F.G.R.

La croix au dessus du chef de brigade pouvait laisser penser que son nom figurait au verso, mais le verso ne comporte aucune correspondance.

C’est la même chose sur une autre carte postale.

Une troisième carte ne montre pas la gendarmerie de face, on l’aperçoit en montant à droite, cerclée en jaune. Au delà de la gendarmerie on peut admirer la tenue des dames pour la promenade du dimanche. Les piétons ne sont pas gênés par la circulation, les seuls véhicules sont les carrioles comme celle qui descend vers la gare sur la gauche de la carte postale.

En 1923 le bail arrive à échéance. Du fait de la guerre de 1914 – 1918 les prix ont augmenté et M. BONNAFY demande une hausse du loyer. De 1 400 francs par ans il passera à 3 000 francs; Le Conseil Général n’a pas de marge de manœuvre non seulement parce que de telle augmentations ont été acceptées pour d’autres brigades et surtout, à Nexon, il n’y a pas de solution de rechange. On notera que le nouveau bail est négocié pour trois ans et plus sur 12 ans. Il semble en effet difficile de s’engager pour une longue durée quand on n’a pas d’idée de la hausse des prix possibles et il semble qu’il n’y a pas de clause d’indexation de prévue.

Conseil Général 1923

Lors des réunions du Conseil Général de 1925 la négociation du nouveau bail est abordée. Une hausse du loyer de 1 000 francs est acceptées et le bail est signé pour 9 ans. De plus le propriétaire a accepté de faire pour 3 000 francs de travaux et les logements satisfont les gendarmes.

Conseil général 1925

Au début de l’année 1931 un texte législatif, la loi du 31 mars 1931, prévoit que les loyers versés pour les casernes par les départements sont remboursées par l’Etat. cela ne change rien pour les gendarmes et pour les propriétaires mais réduit les charges des départements.

Conseil général 1934

M. Bonnafy consent à renouveler le bail et propose un loyer de 7 000 francs que le Ministre des Armées accepte et de ce fait le département accepte la proposition.

Conseil Général 1934

En 1944 le bail a été renouvelé avec la famille BONNAFY mais deux inconvénients vont faire que la mairie de Nexon va chercher un autre immeuble. Le premier argument qui avait déjà été évoqué en 1898 par le maire, M. THOMAS, est celui de l’éloignement du centre du bourg. le second est le manque de confort et l’exiguïté des appartements qui ne correspondent plus aux besoins d’une famille avec des enfants.

3- La gendarmerie rue Champlain (1954-1971)

La mairie de Nexon se met donc en quête de trouver un nouvel emplacement pour la gendarmerie. Un grand bâtiment existe, à coté des écoles, au croisement de la rue Champlain et de la rue Lavoisier. Ces bâtiments appartiennent à la famille PAPEL qui possède également les terrains qui sont autours et sur lesquels sera construite la salle des fêtes.

L’emprise de la gendarmerie est encerclée en jaune sur le plan cadastral suivant. Un grand bâtiment longe la route et entoure une cour dans laquelle est construit un petit immeuble. L’immeuble est mitoyen de l’école dont il est séparé par le mur de l’école maternelle.

Le conseil municipal se met d’accord avec le famille Papel et achète les bâtiments pour 6, 3 millions de francs ( ce qui équivaut, en pouvoir d’achat, à 145 000 euros en 2020) et engage des travaux pour 5 millions de fracs. Pour financier cette dépense la commune emprunte 11, 3 millions de francs à 6% sur vingt ans à la Caisse des Dépôts et des Consignations.

Quand on passe devant ces bâtiments aujourd’hui on a du mal à imaginer que c’était la gendarmerie.

On voit de suite que le bâtiment est beaucoup plus spacieux que celui de l’avenue de la gare. En s’approchant du porche, sur l’arc, on devine sous la couche de peinture blanche, de « République Française « .

On devine au centre les lettres R et F, plus difficilement Gendarmerie nationale

Je n’ai pas de photos de l’intérieur de la caserne de l’époque ou la gendarmerie l’occupait si ce n’est la porte d’un cachot qu’avait photographié Jean ATZEMIS :

La porte de la prison -Photo J. ATZEMIS

Une visite à l’école élémentaire m’a permis de faire des photos qui rendent compte de ce qu’était la caserne. Le bâtiment principal qui longe la rue Champlain n’a pas changé. La sirène que déclenchait le gendarme de service pour alerter les pompiers est toujours sur le toit. Les salles du rez de chaussée sont utilisées par l’école élémentaire et les appartements des étages sont loués. Sur le sol de la cour sont dessinés les aires de jeux et d’apprentissage d’activités physique. A gauche le porche d’entrée par la rue Champlain n’est pas utilisé.

L’ancienne caserne de gendarmerie le 9 avril 2021
Seules les marques sur le sol laissent deviner que ce n’est pas une caserne

A l’extrême droite de la cour se trouvent 5 cachots. Seuls les deux premiers étaient utilisés à cet effets, les trois autres qui n’ont pas de grille sont en fait des caves. Elles sont attribuées aux locataires des appartements et à l’école. La vue d’ensemble est altérée par le plan incliné qui permet d’accéder à l’école pour les personnes qui souffrent de handicap.

La maison qui était au centre de la cour dans laquelle logeai le commandant de brigade et une autre famille de gendarme a été démolie pour laisser la place à la nouvelle école élémentaire.

L’école primaire construite à la place de la maison des gendarmes

Les gendarmes seraient peut-être restés plus longtemps rue Champlain mais le nombre des élèves augmentant il fallait agrandir l’école. Dès le milieu des années 1960 la question d’une nouvelle gendarmerie c’est posée. Il était évident qu’il fallait une construction neuve.

Le Conseil Municipal du 11 septembre 1968, afin de permettre l’extension du groupe scolaire dans la gendarmerie et le jardin décide d’acquérir un terrain pour construire une nouvelle gendarmerie et un centre de secours incendie. Le pré jouxtant le terrain acheté par la commune pour agrandir le cimetière est acquis aux consorts PRADIER ainsi que 32m2 à M. Sazerat des Rochilles pour redresser la limite du cimetière.

La construction de la nouvelle gendarmerie et du centre de secours va se faire pendant l’année 1971 et le samedi 17 juin 1972 à 11 heures régnait une animation inhabituelle Rue Gambetta. Monsieur Olivier PHILIP, Préfet de Région, avait accepté de venir inaugurer les nouveau immeubles récemment mis en service. De nombreuses personnalités étaient présentes : M. LAUCOURNET, Sénateur, Le Dr. BOUTARD, Député de la circonscription, M. RABAUD, Conseiller General, les Maires du Canton, le Colonel VIRY, Commandant le Groupement de Gendarmerie de la Haute-Vienne, le Commandent PELAPRAT, le Colonel CONSTANT, ancien Inspecteur Départemental des Services d’Incendie, M. JALOUX, Architecte et ses proches collaborateurs, tous les Ingénieures, Techniciens et Entrepreneurs ayant travaillé à la construction des immeubles et de leurs abords, les Présidents des Sociétés Locales, les représentants du Crédit Agricole, de l’Administration des Impôts, des P.T.T. etc… les Conseillers Municipaux, le Maire, René REBIERE et le Corps des Sapeurs-Pompiers de NEXON.

Après avoir coupé le ruban tricolore tendu à l’entrée des locaux de service de la nouvelle Gendarmerie, Monsieur Le Préfet accompagné de quelques personnalités visitait le rez de chaussée très fonctionnel, un appartement, les cours de service et enfin le garage du Service Incendie.  Un Vin d’Honneur regroupait tous les invités à la Mairie.

Le Maire remerciait les personnes présentes, rappelait les motifs de la création de cet ensemble, le montant des travaux soit 675 000 Frs ( soit 713 000 € en 2020) pour la Gendarmerie et 210 000 Frs (220 000 € en 2020) pour les garages, ces derniers étant subventionnes à concurrence de 34 000 Frs, rappeler les services rendus par les Gendarmes et les Sapeurs-Pompiers….

Le Colonel VIRY devait dire à son tour sa satisfaction de compter a NEXON une caserne neuve fonctionnelle et dotée de logements confortables et le Colonel CONSTANT pour sa part se félicitait de voir le Corps de Sapeurs-Pompiers doté de garages importants et bien situes. Enfin, M. Le Préfet a dit tout le bien qu’il pensait de ces réalisations et a rappelé les projets d’investissements en cours d’étude sans pouvoir annoncer le financement des travaux des écoles qui étaient pourtant à l’origine de la nouvelle gendarmerie. (Source Bulletin Municipal n° 74 Juin-Juillet 1972).

Dès 2006, à peine 35 ans après l’inauguration de la caserne, la construction d’une nouvelle est envisagée. Mais dans un communique publié dans le Bulletin Municipal n°219 du 4e trimestre 2007, Mme JAMAIN, maire, annonçait la renonciation à ce projet car le cout aurait été trop élevé pour la commune.

Cependant le projet d’une nouvelle gendarmerie n’est pas enterré. En effet construite sur des plans qui ont plus de 40 ans la gendarmerie ne correspond plus aux besoins des gendarmes. Les exigences de confort sont celles de tous leurs concitoyens aussi bien en therme de confort, thermique et acoustique, que d’environnement, d’économie d’énergie…

Des échanges ont eu lieu avec le commandement de la gendarmerie de la Haute-Vienne et le projet pourrait voir le jour dans les années 2022-2023…

Une réflexion sur « Les gendarmes à Nexon : les gendarmeries (IV) »

  1. Dominique LENOIR

    Travail de recherches remarquable et digne d’intérêt sur les casernements successifs d’une même brigade de chef-lieu de canton. Je ne peux qu’en féliciter Jean-François NYS avec lequel j’ai eu plaisir à échanger sur ce qui fut ma deuxième affectation dans les années 1970.

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