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Camille GARAUD, avant d’arriver à Nexon en 1949 et y passer le reste de sa vie comme facteur, a vécu pendant plus de 5 ans la dure vie d’un prisonnier de guerre en Allemagne, en Pologne et en Ukraine…Il a raconté son histoire.

Avant de laisser à Camille Garaud le soin de raconter ses souvenirs de guerre et de prisonnier, quelques mots sur sa vie.

Son père Jean GARAUD, né de père inconnu, était agriculteur avec sa femme Marie IMBERT à Bersac sur Rivalier. Il l’a épousée le 14 mars 1904 à Bersac, une fois terminé son service militaire effectué au 50e RI de novembre 1900 à septembre 1903. Après son mariage Jean GARAUD est parti à Paris où il a été domestique.

Comme tous ceux de sa génération, il a été mobilisé dès la déclaration de la guerre, le 1er aout 1914. Il ne sera démobilisé que le 31 janvier 1919. Il a été cité à l’ordre de son régiment avec une appréciation élogieuse « Très bon soldat courageux et dévoué. Au front depuis le début de la campagne a servi de modèle d’endurance à ses camarades plus jeunes ». Son bon comportement lui a valu l’amnistie de deux condamnations qu’il avait eu, en janvier 1896 pour outrage public à la pudeur et en février 1909 pour infraction à la police des chemins de fer. Son fils Camille a hérité à la fois du fort caractère de son père et de son courage, ce qui lui permettra, à lui aussi, de connaitre la guerre et de passer près de 8 ans loin de chez lui.

Jean GARAUD est à peine revenu de la guerre que, le 13 mars 1919, nait son dernier fils Camille, à Nouailles, village de la commune de Bersac sur Rivalier.

Acte de naissance de Camille GARAUD – Archives départementales de la Haute-Vienne

A Bersac Camille vit la difficile existence d’un fils de métayer, mal payé pour un travail difficile. A la mort de son père en 1929, il s’installe à Verneuil sur Vienne. Il s’y marie le 14 septembre 1937 avec Marie FAUCHER alors qu’il n’a que 18 ans, ce qui n’était pas commun à cette époque.

Sur les conseils d’un ami adjudant il effectue une préparation militaire.

Brevet de préparation élémentaire au service militaire de Camille GARAUD

Titulaire du brevet de préparation élémentaire au service militaire le 20 juin 1938, Camille GARAUD devance aussitôt l’appel. Il est affecté au 20ème régiment de dragons à Limoges au service des transmissions.

Le peloton des transmissions. Camille GARAUD, 3ème rangée, 4èmme a partir de la gauche, souligné en jaune.

Dès le 20 aout 1939 le régiment est mis sur pied de guerre et le 23 août il se transforme en 23e Groupe de Reconnaissance de Corps d’Armée (GRCA), le 23e GRCA, et en cinq Groupes de Reconnaissances de Division d’Infanterie: les 2e, 18e, 21e, 27e et 93e GRDI..

Les officiers du 20e dragon en 1939 avec le lieutenant-colonel PREVOST au centre du 1er rang.

Camille GARAUD est affecté au 93e GRDI.

Pièce d’identité de Camille GARAUD appartenant au 93e GRDI, signée par le capitaine JUMEL le 17.11.39.

Il est à l’Etat-major, au peloton TSF. Il part pour les Ardennes en train le 1er septembre. L’embarquement a lieu de 7h30 à 12 heures. Les hommes sont installés sur des plateformes, les chevaux dans des wagons couverts. Le départ s’effectue à 12h30 pour Argenton sur Creuse. A 14 heurs les soldats apprennent la mobilisation générale. Le voyage se poursuit par Châteauroux, Orléans, Troyes, Saint Dizier, Verdun et Salmory ou le convoi arrive le 2 aout à minuit. Ensuite transport jusqu’à Carignan qui est atteint le 3 à 8 heures. Après une semaine passée sur place, c’est le départ pour une marche de plus de 200 km vers le front, par étapes d’environ 50 kms. Le 17 septembre arrivée à Klang (Moselle), à quelques kilomètres du front.

Après 15 jours à Klang, la marche vers le front se poursuit jusqu’à Forgeville, face à la ligne Maginot puis c’est le retour vers l’Ouest en passant par Gorze et Appremont la foret avant d’arriver aux Alleux* (Ardennes) le 16 octobre 1939. Le groupe va y rester 3 mois.

*Le 1er janvier 2016, Les Alleux a fusionné avec Le Chesne et Louvergny pour pour créer la commune nouvelle de Bairon et ses Environs.

Il ne fait pas grand chose sinon de creuser quelques tranchées, apprendre a envoyer des messages optiques ou en Morse. Le 15 janvier 1940 le groupe reprend la direction de Carignan qu’il dépasse et s’installe à Pouru-Saint Remy du 17 janvier au 19 mars. A cette date, mouvement vers la frontière belge jusqu’à Tremblois où le GRDI reste jusqu’au 14 avril, puis Mogues jusqu’au 10 mai et le 10 mai 1940 franchissement de la frontière belge jusqu’à Pin. C’est là que l’unité subi son baptême du feu aérien, alors qu’ elle est en train de monter une ligne téléphonique.

Une page du carnet de Camille GARAUD : du 18.8.39 au 14.4.40

Le lendemain de cette attaque aérienne c’est le recul par la même route jusqu’à Appremont et Belleville sur Bar où le groupe s’arrête du 16 au 22 mai. Puis il reprend sa marche dont on n’arrive pas à saisir la logique : Brieulles sur Bar, Bréhéville, Dombras, Drosnay, Brienne le château le 14 juin au soir, Vendeuvre sur Barse le 17 juin et le 17 juin toute l’Unité est capturée. C’est la fin de la liberté et le début d’une vie de prisonnier.

La suite est racontée par Camille GARAUD telle qu’elle a été enregistrée par le personnel de la maison de retraite de Nexon à la fin de l’année 2011.

Souvenirs d’un prisonnier de guerre

J’ai été fait prisonnier près de Dijon le 17 juin 1940, avec toute mon unité. Les Allemands nous ont rassemblés à Avallon dans l’Yonne. Nous y sommes allés à pied. Nous sommes restés 8 jours dans un pré dans la boue, et sans manger. Déjà, les conventions internationales n’étaient pas respectées. Ensuite nous avons été transférés à Saint-Florentin (Yonne). Là les Allemands nous firent travailler au nettoyage des routes qui étaient encombrées par des épaves de camions, voitures, et chars notamment. Nous tirions ce matériel avec des câbles, le but étant de permettre la libre circulation des unités allemandes. Impossible de s’y soustraire.

Ce travail terminé, nous avons marché pendant huit jours pour rejoindre Laon, où nous étions logés à la citadelle.

C’était le moment de récolter les blés qui étaient murs et toujours sur pied puisque les fermiers avaient fui devant l’avancée des troupes allemandes. Nous avons donc moissonné. Mais en ce qui me concerne, l’officier qui commandait nos gardiens avait su que j’appartenais à un régiment de dragons et qu’en principe je devais savoir monter à cheval. Il avait lui-même un cheval qu’il n’avait pas le temps de monter assez souvent. Il décida que non seulement je m’occuperai des quatre chevaux de son unité, mais aussi que je promènerai son cheval accompagné par un cavalier allemand. Il m’avait bien recommandé de ne pas tenter de m’évader si je voulais rester en vie. Or au cours de la première sortie, accompagné par l’ordonnance de l’officier, armé et avec ordre de tirer si je tentais de lui fausser compagnie, j’ai voulu tester le cheval. Il a suffi que je l’éperonne vigoureusement pour qu’il parte au galop et laisse l’ordonnance sur place, lequel ordonnance s’est mis à hurler et m’aurait tiré une balle dans le dos. J’ai donc calmé ma monture et nous sommes rentrés à la citadelle. Mais mon rôle de palefrenier n’a pas duré plus de quatre jours.

Nous avons ensuite quitté la citadelle de Laon pour nous rendre au camp de Sissonne dans l’Aisne où nous fûmes occupés au nettoyage du camp. Là encore la nourriture était maigre. J’avais décidé, avec un copain, de m’évader. D’autres avaient réussi, certains avaient été repris. Mais trois jours après, le 20 mai 1941, nous avons été transférés en Allemagne.

  • Premier camp en Allemagne

Nous passons par Bocholt, stalag 6 F où nous restons une semaine puis nous sommes envoyés à Dortmund au stalag 6 F*, camp de prisonniers de guerre pour homme de troupe et sous-officiers, ou il a été procédé à un tri par profession.

*Il n’y a plus de traces du Stalag VI D de Dortmund. Toutes les archives ont été détruites pendant les bombardements. Une stèle a été érigée à son emplacement.

Nous étions le 28 mai 1941 et je fus affecté au kommando 511. Tous les cultivateurs, dont j’étais, furent envoyés travailler en usine sidérurgique, la Fonderie Euch à Dortmund qui fabrique de plaques pour les blindés. Nous faisions les 3 x 8 heures.

Camille GARAUD au centre

C’était très pénible et dangereux. Nous n’avions aucune protection, sortir les plaques du four était très dur. Un jour un ouvrier civil m’a poussé pendant que je plaçais les plaques les unes sur les autres pour les faire refroidir. L’a-t-il fait exprès ou pas ? Je pense qu’il l’a fait exprès. Je suis tombé en avant sur mes deux mains. Si d’autres ouvriers civils ne m’avaient pas relevé, j’y restais et je brulais entièrement. Les paumes de mes mains ont été brulées et je ne pouvais plus rien faire, même pas manger. C’est un copain prisonnier qui me faisait manger.

Certains ouvriers allemands, probablement antinazis et pacifistes, aidaient au sabotage ; ils nous montraient comment faire éclater un cylindre de laminoir avec un balai. Il suffisait de laisser tomber le balai entre les rouleaux et le cylindre. Celui-ci, devenu malléable par la chaleur, se déformait, devenant inutilisable. Nous avions aussi des moyens de communication tels que le message roulé dans une cigarette.

  • Ma première évasion, 28 juin 1942.

Ce sont des ouvriers civils qui travaillaient dans l’usine qui m’ont procuré des vêtements civils, et de l’argent pour que je puisse me payer mon billet de train pour m’évader. Les Allemands qui n’étaient pas fascistes n’étaient pas dans l’armée, ils étaient considérés comme travailleurs de force, hors la loi. De plus, ils m’ont caché pendant une nuit ; à l’appel ils m’ont déclaré malade. Je m’étais évadé à 3h1/2.

Pour ne pas me faire remarquer, on m’avait conseillé de toujours faire le salut nazi lorsque je croiserai des gens. Pas de chance, dès ma première rencontre, j’ai oublié, ce qui eut pour effet de provoquer la colère de celui que je venais de croiser. Après ce petit incident, je n’ai plus oublié de saluer le bras levé « Heil Hitler ».

Il fallait même se méfier des enfants, enrôlés par le parti, qui avaient une tenue spéciale avec une petite croix gammée (jeunesses hitlériennes) ; ils pouvaient nous dénoncer et nous faire arrêter.

La croix gammée, je l’ai eue en passant sur un pont au bout duquel il y avait des gens qui faisaient une quête. J’ai pu les saluer et leur donner un mark. Ils m’ont épinglé une médaille et j’ai poursuivi mon chemin sans problème.

Plus loin, j’ai croisé un groupe de jeunes Hitlériens, que j’ai salués, j’avais la croix gammée sur mon vêtement, ils m’ont suivi jusqu’à un emplacement ou j’ai pris un sentier pour leur faire croire que je connaissais le coin, et là ils ne m’ont plus suivi.

Lors de cette 1ère évasion, j’ai marché à pied de Dortmund à Aix-la-Chapelle en Allemagne. Cela représente 3 jours de marche en s’arrêtant seulement la nuit. J ’ai passé la nuit sous un pont, et fait ma toilette avec l’eau de la rivière. Le deuxième jour, de Wuppertal au Rhin, j’étais fatigué, je me suis donc reposé dans un bois, mais j’ai dû m’enfuir devant un civil. Puis j’ai rencontré deux soldats allemands qui m’ont questionné mais m’ont laissé partir.

Il y a environ 150 km entre Dortmund et Aix-la Chapelle selon l’itinéraire.

Je savais que quand j’arriverais au bord du Rhin, il y aurait un passeur. Effectivement, il y avait une barque. Je m’y suis installé. Ce que j’ignorais, c’est que j’étais dans une barque qui servait à faire traverser les ouvriers d’une usine. Fort heureusement, il fallait que le passeur revienne chercher un ouvrier qui était resté sur l’autre rive. J’ai fait une traversée sans encombre et je suis allé dans un bosquet pour me reposer et y passer la nuit. Je ne savais pas que j’étais près d’une batterie de DCA (défense contre l’aviation). Pendant la nuit il y a eu une alerte et des tirs anti-aériens. Mauvaise nuit !!!

A l’aube du troisième jour, j’ai pu cependant, prendre la route d’Aix-la-Chapelle. Il faisait chaud, j’avais soif. A un moment, j’ai croisé un gendarme, que j’ai salué et qui ne m’a pas inquiété. Arrivé à Aix-la-Chapelle, j’ai à nouveau croisé ce gendarme, qui m’a reconnu et m’a demandé mes papiers. Je lui ai demandé pourquoi il m’arrêtait. « Je suis obligé de faire mon travail. Il y a trop de monde qui regarde et je ne peux pas vous laisser partir ». Les gendarmes m’ont apporté deux bières pour étancher ma soif. Donc la 3ème nuit, j’ai dormi à la gendarmerie. Nous étions le 1er juillet 1942

Le lendemain ils m’ont conduit à un camp de discipline des évadés à Bonn. On épluchait les pommes de terre. Il était interdit d’emporter les épluchures, mais quand on a faim comment y résister ? Un jour j’avais réussi à en garder, mais alors que je les faisais cuire dans une boite de conserve, la sentinelle qui faisait sa ronde m’a interpellé sèchement : « Was machen sie das ? Verboten » (que fais-tu là ? C’est interdit). Et sans attendre de réponse, il donne un grand coup de pied à mon repas.

De Bonn, retour à Dortmund pour travailler sur les voies de chemin de fer endommagées par les bombardements alliés. Nous étions logés dans un baraquement à côté de l’usine. Pour la deuxième fois, j’avais décidé de m’évader.

  • Ma seconde évasion, juin 1943.

Ma première évasion, je l’ai faite à pied, et pour la deuxième, en juin 43, j’ai pris le train de Dortmund. Des civils m’avaient à nouveau procuré des effets et de l’argent pour payer mon billet. Donc je suis sorti du baraquement, j’ai réussi à passer sous les barbelés et suis allé prendre le train. Mais à Trèves : alerte, l’aviation alliée menaçait. Ils ont fait descendre tous les voyageurs du train pour aller dans les abris souterrains. En ressortant des policiers contrôlaient l’identité de toutes les personnes. Sans papiers, j’ai été repris avec un officier français. En fait, les Allemands savaient que trois officiers s’étaient évadés et comme nous étions seulement deux, ils voulaient me faire dire que j’étais officier.

Nous avons été conduits dans une cellule de la prison de la ville et nous y sommes restés trois jours. Nous n’avions qu’une ration de nourriture par jour et le problème était que ce capitaine, du nom de CAPITAINE, ne partageait pas. C’était à celui qui pouvait s’emparer le premier de la gamelle.

Le 3ème jour un officier allemand est venu ouvrir la porte et m’a demandé ce que je faisais dans cette cellule. Je lui ai répondu que j’étais prisonnier de guerre évadé. J’ai été envoyé dans un camp de discipline de prisonniers, sur les hauteurs de Trèves. Là les Allemands ont remplacé nos vêtements civils par une tenue de Zouave : pantalon rouge, vareuse bleue et des claquettes comme chaussures. Pendant toute une semaine on a déchargé des wagons de charbon, sans se laver. On était noirs comme des Sénégalais.

Le travail terminé, nous avons enfin pu nous laver, et ils nous ont remis nos effets militaires. Avec un grand KG dans le dos. (« Krieg G », prisonnier de guerre). Une fois habillés, nous avons été embarqués vers le camp de Limberg (« Stalag XII A)*.

*Le Stalag XII-A était situé dans la campagne qui sépare la ville de Limburg an der Lahn du village de Diez.

Le voyage a duré 9 jours, sans manger ni boire ; nous étions dans un état déplorable, ne tenant plus debout, dans une puanteur atroce. Imaginez 45 personnes dans un wagon à bestiaux ou l’on met seulement 8 chevaux… Au lieu de paille sur le sol du wagon, nous avions de la poussière de charbon. Pour nous désaltérer, nous sucions les boulons sur lesquels il y avait un semblant d’humidité, mais nous étions tellement nombreux à vouloir le faire… La faim, c’est mauvais, mais la soif, c’est terrible ! c’est terrible !!

A la fin du voyage, nous étions plus de 45 dans notre wagon. Des prisonniers d’autres wagons avaient réussi à sortir par des trous pratiqués dans les planchers, avaient été repris par les sentinelles qui après avoir abattu froidement deux des évadés, avaient réparti les autres dans différents wagons, dont le nôtre.

Entrée du Stalag XII A avec des gardes.

Limberg était un camp pour les Russes et les Français. Des convois entiers de voitures a bras remplies de cadavres, dont certains bougeaient encore. Mais ça ne faisait rien, dans le trou « allez », c’était terrible ! Ils balançaient de la chaux sur les corps et ils empilaient de nouveaux cadavres. Nous sommes restés peut-être 3 semaines à attendre la mort.

Nous étions dans des bâtiments en bois et nous couchions sur des planches, dans des lits superposés de 3 ou 4 étages. Tous les matins, au réveil, ils nous faisaient faire de la marche au pas cadencé. Les « kapos » piquaient avec une baïonnette ceux qui ne se levaient pas assez vite. Les toilettes, c’étaient des tranchées avec des planches dessus et si on tombait dans le trou, on y restait. C’était fini, personne ne vous sortait.

Un jour, tous les prisonniers évadés ont été à nouveau embarqués dans des wagons à bestiaux. Mais avant de monter dans le train nous avons dû passer par l’infirmerie du camp pour être piqués soi-disant contre le typhus. J ’ai subi deux piqures, une dans chaque sein, et j’ai gardé deux croutes à ces endroits, l’une d’elles n’est tombée qu’à l’âge de 88 ans.

Il s’agit de la fiche médicale (gesundheitsblatt) de M. GARAUD . Il a été vacciné contre la variole et contre le typhus et il a été « épouillé » (entlausungen) le 20 mars 1943.

Encore une fois, destination inconnue, et toujours les mêmes conditions : 45 par wagon, ni à boire ni à manger, etc… Ce convoi était organisé de la manière suivante : l’avant et l’arrière du train étaient constitués de wagons de matériel, d’armement et d’hommes de troupe. Nous étions au milieu. En cas d’attaque aérienne, nous n’avions aucune chance de survie.

  • Transfert à Lvov.

Ce calvaire a duré plus d’une semaine avant d’arriver à Lvov en Pologne, aujourd’hui devenu Lviv en Ukraine. Beaucoup étaient morts durant le voyage et ceux qui étaient trop fatigués et chancelants furent exécutés d’une balle dans la tête.

Nous avons quitté la gare pour nous rendre à la citadelle à l’intérieur de laquelle se trouvait le camp.

La citadelle de Lvov-Lviv; L’appel des prisonniers

On nous occupait à l’extérieur à différentes taches . La vie était dure, c’est là que j’ai connu des températures de – 41°. Le soir, de retour à la citadelle, il fallait des volontaires pour les corvées ; un jour, j’ai voulu me porter volontaire, mais un camarade m’en a dissuadé en me retenant par la manche de mon vêtement. J’ai compris, après, que ces volontaires ne revenaient jamais. Il était aisé pour les gardiens de dire que les volontaires avaient cherché à s’évader ! Mais le front russe avançait, et les Nazis ont commencé à appliquer la convention de Genève. Les « corvées » sans retour ont cessé.

Puis nous sommes allés travailler dans un garage où nous réparions les camions qui revenaient du front de Russie. Nous y installions également des attelages pour leur permettre de tracter d’autres véhicules. Nous sabotions bien évidemment le travail. Avec des lames de ressort nous fabriquions des poignards qu’une fille polonaise sortait de l’atelier.

  • Le retour vers les camps en Allemagne en passant par Cracovie.

Au fur et à mesure de l’avancée des Russes, on nous a déplacés vers Cracovie et Brunswick en Pologne, puis Hanovre en Allemagne.

A Cracovie, nous étions logés sur un terrain militaire construit par les Russes. Plusieurs de mes camarades d’infortune travaillaient dans le garage du camp (réparation de véhicules endommagés sur le front russe). Les chauffeurs de ces véhicules demandaient aux mécanos prisonniers de travailler « langsam », lentement, n’étant pas pressés de retourner sur le front russe, tellement les conditions y étaient horribles. Ils expliquaient, entre autres, que les attaques aériennes incessantes des Russes les obligeaient à se camoufler pendant des heures dans la neige, hors de leur cantonnement ; beaucoup mouraient de froid ou avaient des membres gelés.

Un jour, nos gardiens nous ont emmenés dans un baraquement pour prendre une douche. Après nous avoir fait retirer nos alliances et entièrement déshabiller, ils nous ont fait entrer dans une immense pièce. Nous avions entendu parler de ces chambres à gaz qui ressemblaient à des douches, mais ils ont ouvert les robinets et nous avons reçu une eau glacée. Ensuite, nos vêtements nous ont été restitués, mais ces derniers avaient été passés au désinfectant et surtout à l’étuve, ce qui les avait fait rétrécir.

L’hiver 43-44 a été particulièrement rude, il a neigé d’octobre à mai. Nos conditions d’hébergement, d’habillement et surtout de nourriture étaient catastrophiques. Nous avons découvert en mai que nous avions vécu à côté d’un champ de choux cachés par la neige !

Pour ma part, j’ai travaillé en tant que peintre vitrier, et j’avais de bons contacts avec des civils polonais qui nous faisaient passer de la vodka. Je suis resté une partie de l’hiver à remplacer des carreaux, tant qu’il y en avait. Un soldat allemand cherchait un peintre en bâtiment et il m’a emmené avec lui pour peintre des jouets pour les enfants à Noel. La seconde partie de l’hiver, j’ai travaillé dans une usine située juste en face du ghetto de Cracovie (dans lequel d’après un soldat allemand, vivaient 60 O00 juifs) ; ce dernier était entouré d’une double rangée de barbelés et d’une clôture électrifiée. Un jour, on nous fait visiter une partie de ce ghetto où la population avait été anéantie. Tous les jours nous entendions avec angoisse de nombreuses rafales d’armes automatiques.

Au printemps 1944, du fait de l’avancée des Russes nous avons été déplacés et emmenés à Brunswick en Allemagne (en train et à pied). On a continué à faire les vitriers car toutes les nuits les Anglais venaient bombarder. Les dimanches les gardiens nous emmenaient jouer au foot ; il fallait traverser la ville au pas cadencé et en chantant pour aller au terrain de sport. Pensant que les Allemands ne comprendraient pas, nous chantions « dans le cul ils auront la victoire, ils sont foutus. » Les passants nous applaudissaient. Mais un officier allemand qui nous regardait passer et comprenait le français nous a fait faire demi-tour et nous n’avons plus joué au foot.

On était mieux qu’en Ukraine, et un peu mieux nourris. Un jour, à la sortie d’un abri après une alerte aérienne, j’ai aidé une Allemande à porter sa valise. Elle avait un petit chien auquel j’ai donné un morceau de sucre. Cela lui a fait tellement plaisir que tous les jours elle déposait un petit casse-croute à un endroit précis de mon lieu de travail. Elle s’appelait Margaret et nous nous sommes rencontrés plusieurs fois. Mon patron, M. FUSTER, qui avait été prisonnier en France pendant la première guerre mondiale (et qui n’en avait pas de trop mauvais souvenirs), m’a mis en garde car cette femme était la compagne d’un chef nazi de la ville.

Quand il n’y a plus eu de carreaux à poser à Brunswick, on a posé des planches en guise de carreaux. La pénurie de vitres a fait que nous avons été transférés à Munich.

Laissez-passer de Munchen (Munich) du 15.11.44 pour Camille GARAUD

à Munich aussi il y avait beaucoup de travail pour les vitriers. Un jour, les baies vitrées du grand théâtre ont eu besoin d’être changées. Il aurait fallu installer un échafaudage mais les allemands ne se préoccupaient pas de la vie ou de la mort des prisonniers. Il fallait passer sur un rebord étroit du toit, et nous portions notre carreau du côté de la rue. J’ai dit à mon copain : « à trois on va lâcher le carreau ». Les civils en bas se sauvaient de tous les côtés. Le travail de vitrier a été fini pour nous ! Nous avons été traités de saboteurs.

Un civil est venu au camp chercher un ouvrier, pour travailler chez un primeur qui avait 2 magasins en ville. Je le surnommais « Monsieur Carotte ». Il était gentil. Il m’a prêté des habits civils pour que je puisse me promener en ville. Une fois, un adjudant-chef m’aperçoit en promenade. Monsieur Carotte a témoigné que j’étais resté avec lui toute la journée pour travailler. Il me permettait, au grenier, d’écouter la radio. C’est là que j’ai appris le massacre d’Oradour sur Glane. En cas de danger, Monsieur Carotte coupait le courant.

  • La libération par les américains.

Les Américains nous ont libérés le 18 mai 1945. Mes camarades de détention sont restés consignés dans un baraquement pendant un mois, mais moi je suis resté chez mon patron. Avant le retour en France, nous avons été rassemblés à Dachau ; il n’y avait plus rien, tout avait été évacué, seule la prison était occupée par les anciens « kapos ».

Nous devions rentrer par la Suisse mais notre passage a été refusé, et nous sommes finalement revenus par Strasbourg et Paris, et enfin Limoges. rapatrié officiellement le 27 mai, je fus démobilisé le 2 juin 1945.

A Verneuil sur Vienne, j’ai fait la connaissance de ma seconde fille, qui était née le 8 mai 1940. Elle avait donc cinq ans. Pendant ces cinq ans, mon épouse et moi, nous avions rarement eu des nouvelles l’un de l’autre.

Devenu rapatrié, ancien prisonnier de guerre, il a fallu effectuer les démarches pour obtenir les indemnités qui m’étaient dues, percevoir les cartes d’alimentations et reprendre une activité.

Quand on regarde les sommes qui ont été versées aux prisonniers au titre des droits de solde acquis pendant la captivité on ne peut qu’être surpris par leur faible niveau. Pendant sa détention M. GARAUD a acquis 3234 francs, auxquels ont été ajoutés des droits ouverts après le départ des camps, ceux acquis avant la capture et une prime de démobilisation de 1000 francs soit au total 5 178 francs. Convertis en euros de 2021 cela ferait 298€ ! En 1947 le salaire mensuel pour 48 heures de travail hebdomadaire était de 7 000 francs, 5 ans d’une vie pour moins d’un mois de salaire, sans parler de ceux qui ont perdu la vie…

Camille GARAUD à Nexon

Après avoir passé le concours de facteur, Camille GARAUD est nommé à Nexon le 21 janvier 1949. Il prendra sa retraite en 1974. dévoué et consciencieux il était très apprécié de ceux à qui il amenait le courrier. A son époque le facteur ne le déposait pas dans une boite située à l’entré de la propriété, il entrait dans les maisons, en connaissait tous les gens. Non seulement il distribuait le courrier mais il apportait les mandats. Il faisait sa tournée avec une certaine somme d’argent et on n’a pas entendu dire qu’à Nexon, un facteur ait été dévalisé! Le facteur était un homme de relation, il établissait un lien entre tous ses « clients », il rendait des services, donnait des nouvelles…

Camille GARAUD n’a jamais oublié les prisonniers. Il a adhéré à l’association des Anciens Prisonniers de Guerre dont il a été secrétaire puis président. A cette occasion il a participé a de nombreuses cérémonies au monument aux morts.

A la fin de sa vie Camille GARAUD est entré en maison de retraite à Nexon. Il y a été honoré lors d’une cérémonie en janvier 2016 au cours de laquelle il a reçu la Médaille du Mérite Fédéral.

M. GARRAUD, le maire de Nexon, le directeur de l’EHPAD , le personnel et sa fille . Le Populaire 30 janvier 2016

Monsieur GARAUD est mort le 13 novembre 2016, il avait 97 ans dont 67 passés à Nexon.

Merci à Madame Lucette PAULY, fille de Camille GARAUD, pour son accueil et pour le prêt des documents qui m’ont permis d’illustrer cet article.

1849 les premiers timbres postes

Lettre écrite par Me Cubertafon, notaire, le 18 juin 1849, postée le 19 juin à Nexon, arrivée le 20 juin à Limoges.

Le 20 c Cérès noir a été mis en vente le 1er janvier 1849. Il a été dessiné et gravé par Jacques Jean Barre. C’est un timbre non dentelé. Chaque timbre était découpé aux ciseaux dans une feuille de 150 clichés. Selon l’habileté de la personne les marges étaient plus ou moins régulière, ce qui joue sur la sa valeur marchande, les collectionneurs recherchant les timbres aux marges équilibrées.

41 700 000 timbres ont été tirés sur les presses et 31 100 000 exemplaires ont été vendus au public. Le 20 c Cérès a été retiré de la vente des bureaux de poste entre juillet et fin octobre 1850. Il a été remplacé par le 25 c Cérès bleu, à la suite du changement de tarif postal du 1er juillet 1850.

Pour empêcher la réutilisation du timbre-poste les bureaux de poste l’oblitèrent avec une grille. Dans certains cas le matériel destiné à l’annulation du timbre-poste n’a pas pu être livré à temps. Dans ce cas les anciens cachets à date ont été utilisés donnant une valeur importante à l’ensemble timbre -oblitération. D’où l’importance de conserver les timbres sur leur enveloppe car, parfois, l’oblitération a plus de valeur que le timbre. La philatélie est l’étude et la collection des timbres ; la marcophilie est l’étude et la collection des marques et oblitérations postales.

Les marques et oblitérations de Nexon

Les marques postales sont apparues à la fin du Moyen Age. Elles avaient pour but de permettre l’encaissement du prix du transport soit à l’arrivée ce qui était le cas le plus fréquent, on parle alors de « Port dû », ou pour constater son paiement au départ. Par la suite ont été introduites des marques avec date pour vérifier les délais de transmission et éviter les accusations de retard fréquemment adressées à la poste.
Les premières marques manuscrites sur les lettres apparaissent dans le dernier quart du XVIIe siècle. Elles sont rendues obligatoires par Louvois, ministre de Louis XIV et surintendant général des postes, en 1687. Les marques ont pour but d’identifier le bureau expéditeur de la lettre. Le lieu, généralement une ville, parfois une province ou un pays est précédé du mot « DE ». Ces marques sont écrites par l’expéditeur de la lettre. On trouve ainsi des lettres avec la marque « De Limoges ». Au début c’est le directeur qui inscrit de sa main le nom du bureau de départ sur la lettre. Par la suite, du fait de l’augmentation du trafic, les marques sont apposées à l’aide d’un tampon. La première marque postale connue provient de la ville de Colmar en 1690. Le 23 mars 1749, une circulaire rend obligatoire les marques au tampon. Dans certains cas le cachet était constitué d’une lettre majuscule avec un ornement. Ainsi à Limoges c’était un L surmonté d’une couronne.

Le 4 mars 1792, l’Assemblée Nationale vote un texte « relatif à la division de la France » qui supprime les provinces et divise la France en 83 départements. La Haute-Vienne porte le numéro 81. Les bureaux ajouteront ce numéro à leur nom. On a alors « 81 Limoges ». Le cachet est apposé par les bureaux de distribution à la réception du courrier à distribuer. Le premier cachet à date apparaît en 1802 au moment de la Révolution Française à Paris. Il est apposé sur les lettres à l’arrivée puis au moment du départ et souvent aux deux. Sur le devant de la lettre est apposé le cachet qui indique la date de prise en charge du courrier par le service postal. Au dos du pli, est apposé le cachet du bureau qui assure la distribution au destinataire, et éventuellement les cachets à date des bureaux des différentes étapes du parcours de la lettre.

Nexon lettre 7 janv 1833

Lettre du 7 janvier 1833 adressée à Monsieur Deverneil-Puyraseau, président de Chambre au tribunal. Elle comporte  à la fois la cursive linéaire « 81 Nexon » et le cachet à date de Limoges . C’est le plus ancien cachet de Nexon connu (collection de l’auteur).

nexon 1834  felicie de nexon a son frere

Lettre écrite de Nexon le 3 mai 1835 par Félicie de Nexon et adressée à son frère Astolphe de Nexon, élève au Collège de Pont-Levoy dans le Cher. C’est un collège très réputé, en particulier pour la préparation à l’entrée des écoles militaires. Cette lettre, comme la précédente, porte à la fois la cursive linéaire  « 81 Nexon » et le cachet à date de Limoges . ( Collection de l’auteur)

 

lettre 1839Lettre du 8 novembre 1839 (ou 1837?) sans cachet à date, adressée à Monsieur Abria, notaire à Limoges (collection de l’auteur).

Le timbre poste
En vente depuis le 25 décembre 1848, l’utilisation des timbres poste entre en vigueur le 1er janvier 1849. Pour éviter qu’ils soient réutilisés les bureaux de poste les oblitèrent. Ils utilisèrent différents moyens d’oblitération à leur disposition, la plume, les cachets à date ou des tampons réalisés localement. Les bureaux furent pourvus de leur cachet oblitérant dans la première quinzaine de janvier 1849.
La première oblitération est une grille, au 15 janvier tous les bureaux reçurent leur cachet grille. A partir du 1er janvier 1852 elle est remplacée par un losange de 8 points par côté comportant au centre l’indicatif du bureau postal de départ. Il y eut successivement deux types de cachets :
• À partir de 1852, l’administration met en service des cachets oblitérants à petits chiffres. Elle établit une nomenclature des bureaux de postes de 1 pour Abbeville à 3703 pour Yvré-l’Evêque dans la Sarthe. Sont venu ensuite les bureaux d’Algérie puis au fur et à mesure les nouveaux bureaux créés. Nexon porte le numéro 2269
• À partir de décembre 1862, pour des raisons de lisibilité, l’administration décide d’utiliser des nouveaux cachets à gros chiffres. Elle établit une nouvelle nomenclature (de 1 pour Abbeville à 4361 pour Zévaco en Corse). Comme pour les petits chiffres suivent les nouveaux bureaux et ceux d’Algérie. Nexon porte le numéro 2655.

 

lettre 1869

Lettre du 1 juin 1869 avec deux timbres de 10 cts à l’effigie de l’Empereur. (Collection de l’auteur)

lettre 1874Lettre du 19 février 1874 avec le timbre oblitéré par le  losange avec le numéro 2655. (Collection de l’auteur)

A coté des cachets apposés par les bureaux de poste il existait des cachets « de gare », pour les courriers déposés dans les gares et des cachets « d’ambulants » pour les courriers oblitérés dans les trains postaux.

ecrit par Maurice de N

Cachet « gare de Nexon » daté du 2 aout 1900 sur une carte-lettre. (Collection de l’auteur)

lettre 1902Lettre de novembre 1902 adressée à la baronne de Nexon. (Collection de l’auteur)

La poste à Nexon

C’est au XVIIe siècle qu’a été organisé le premier service des postes. Il reprend le modèle du Cursus publicus des Romains, service de poste qui assurait les échanges officiels et administratifs au sein de l’Empire et celui des messageries de l’Université.
Louis XI avait, par un édit du 14 juin 1464, crée la poste royale chargée du transport de la correspondance et des édits royaux. Seule la correspondance d’Etat était concernée. Les plis privés étaient pris en charge par l’Université. En effet l’Université de Paris avait mis en place un système de messageries qui se chargeait du transport des voyageurs, paquets et correspondance entre les différentes provinces qui lui envoyaient ses nombreux étudiants.

Louis XI constitua deux groupes, le premier composé des « courriers du cabinet » chargés de transporter les missives royales et le second, les « postes assises » chargées de fournir les chevaux. Ils deviendront les « maîtres des postes » qui disparaitront en 1873, supplantés par le chemin de fer.

Les relais étaient installés tous les sept lieues (soit 28 kilomètres), distance qu’un cavalier peut parcourir au galop. Seuls les courriers du roi pouvaient aller au galop, les autres cavaliers allaient au trop et ne voyageaient que de jour. Le cavalier changeait de monture à chaque relais et changeait quatre fois de chevaux par jour parcourant ainsi près de 90 kilomètres par jour. Les courriers royaux arrivaient à Limoges quatre jours après leur départ de Paris. Au XIXe le train a mis Paris à quelques heures de Limoges aujourd’hui, avec les messageries électroniques les délais n’existent plus et nous vivons dans l’instantané.

Des employés des relais, les postillons, ramenaient les chevaux au relais d’origine. Les maîtres des postes louaient les montures, sauf aux courriers pour qui elles étaient gratuites, et tenaient des auberges où les voyageurs pouvaient se restaurer et se reposer.

Les voitures de poste empruntaient les routes dont on connaît le tracé par quelques «guides» au départ destinés aux pèlerins, principalement ceux en route pour Saint-Jacques-de-Compostelle. Le premier Guide imprimé en français et entièrement dédié à la France a été publié en 1551 par Charles Estienne. Intitulé « La Guide et vray enseignement des chemins du royaume de France » il a connu plusieurs éditions corrigées, revues et augmentées. Il donne des renseignements sur les routes, les cours d’eau, les villes et les villages, les grands itinéraires, les relais, les dangers qui guettaient le voyageur, les foires, les monnaies et le change, les monuments archéologiques et artistiques, les manufactures, les fleuves… Ainsi il donne sept itinéraires qui traversent le Limousin. Cinq partent de Paris et rejoignent Toulouse, Cahors ou Agen en passant par Limoges, Felletin, Tulle ou Brive. Les deux autres itinéraires sont celui de Lyon à Bordeaux, par Clermont, Limoges et Périgueux qui suit, en partie, le tracé de la voie romaine de Lyon à Saintes et celui de Guéret à Poitiers. Les premiers relais de chevaux partant de Limoges pour aller à Paris, Toulouse, Bordeaux et Lyon furent établis en 1602.

la poste en 1675

La poste en 1675  (Source : Georges Veyrinaud page 36)

Aucune route signalée à l’époque ne passe par Nexon et pourtant des voies romaines traversaient la commune. Nous en parlerons dans un prochain article. Il faut dire que les routes du Limousin n’étaient pas dans un très bon état et qu’il a fallu attendre l’arrivée de Turgot comme intendant en 1760 pour que les choses s’améliorent.

Peu à peu les messagers royaux prirent en charge des correspondances privées et leur organisation s’étoffera. Grâce à Henri IV et à son ministre Sully qui aimait répéter « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » le service de la poste bénéficia des chevaux qui leur étaient nécessaires. Avec Richelieu, une tarification unifiée est mise en place et à partir de 1622, une périodicité régulière est instaurée. En 1627 le premier tarif des lettres, dit tarif d’Alméras, du nom du contrôleur général des postes, ne concerne que quatre destinations : Bordeaux, Lyon, Toulouse, Dijon. La taxe des lettres simples est de 2 sous entre Paris et Dijon, de 3 sous entre Paris et Lyon, Paris et Bordeaux, Paris et Toulouse.

La Ferme générale des Postes concède au fermier, moyennant un bail de cinq ans, l’exploitation du service postal avec les bénéfices et les privilèges qui lui sont attachés. Les fermiers qui payent cher ces baux, cherchent à éliminer la concurrence des messageries privées qui subsistent et à augmenter leur propre trafic. Ceci va entraîner durant le siècle suivant une expansion constante des relations entre villes et la création de nombreux bureaux. Ils passent de 770 en 1703 à 1323 en 1791. Ces bureaux ont des employés préposés à la réception et à la distribution des lettres et paquets, ainsi qu’à la perception des taxes. En 1719 les messageries universitaires sont définitivement agrégées à la ferme des postes.

Le Calendrier de 1779 et l’Indicateur du diocèse de 1788 indiquent les bureaux des postes où doivent être adressées les lettres pour toutes les paroisses du diocèse et de la Généralité de Limoges et les jours auxquels les courriers partent de Limoges pour ces différents bureaux. Les 878 paroisses sont desservies par 58 bureaux, tous placés sur le bord des routes de poste dont six partent de Limoges :

– De Limoges à Paris par Orléans, 46 postes (par La M)aison Rouge, Chanteloube, Morterolles, Doignon).
– De Limoges à Toulouse par Cahors, Montauban, 36 postes (par
Boisseuil, Pierre-Buffière, Magnac-Bourg, Masseret, Uzerche, Le Bariolet, Donzenac, Brive, Cressensac).
– De Limoges à Lyon par Clermont, Thiers et Roanne, 41 postes (par le Mazet, Saint-Léonard, Sauviat, Bourganeuf, Pontarion, Charbonnier, Aubusson, Le Poux, La Villeneuve).
– De Limoges à Bordeaux par Périgueux, 26 postes (par Aixe, L’Etang, Châlus).
– De Limoges à Angoulême, par Saint-Junien, 10 postes (par La Barre, Saint-Junien, Chabanais, Pont-Sigoulant, Chasseneuil, La Rochefoucauld).
– De Limoges à Poitiers par Bellac et Lussac-les-Châteaux, 26 lieues (par le Petit-Limoges, Maison-Rouge, Berneuil, Bellac, Saint-Bonnet).

De 1764 à 1790 il y avait trois jours d’arrivée du courrier. Le lundi à 8 heures du matin arrivait le courrier de Bordeaux, le mardi soir, les messagers de Confolens, Guéret, Clermont, Moulins, Eymoutiers et le courrier de Paris, le vendredi à midi les courriers de Toulouse,
Aurillac et à 5 heures du soir, le courrier de Poitiers, chargé des paquets de Paris, La Rochelle, Bordeaux, Angoulême.

Il y avait aussi trois jours de départ des courriers. Le mardi matin partait le messager de Saint-Léonard et le soir, le courrier de Poitiers, chargé des paquets pour Paris, La Rochelle, Bordeaux et Angoulême, à 11 h. 30 le courrier de Bordeaux, à minuit, le courrier de Toulouse. Le vendredi à 2 heures de l’après midi partait le courrier de Paris et à 8 heures, le soir les messagers pour Confolens, Guéret, Moulins et Clermont. Le mercredi matin était le jour du messager d’Eymoutiers. A partir de 1773, les mardis et vendredis soir partait le messager de Châlus. Nexon n’était pas desservis directement aussi fallait-il qu’une personne se rende à Limoges pour récupérer le courrier.

Avec la Révolution, les maîtres de poste perdent leur privilège. Les directeurs des bureaux de poste sont élus au suffrage universel. En 1791, la ferme est supprimée et les postes sont exploitées directement par l’État.

Le 8 pluviôse An V (27 janvier 1797) l’assemblée communale de Nexon décide que le bureau de Poste de Limoges est le plus commode pour elle, et de l’intérêt du Canton, le courrier sera porté à Limoges et pris à Limoges par un commissionnaire.

En 1804 la Haute-Vienne compte 11 bureaux de direction de poste situés à Limoges, Arnac, Bellac, Châlus, Chanteloube, Le Dorat, Morterolle, Rochechouart, Saint-Junien, Saint-Léonard et Saint-Yrieix. Un 12eme bureau est créé à Pierre-Buffière en 1812. En 1830 vient s’ajouter celui d’Eymoutiers.

Le 18 juin 1823 le conseil confirme son désir de faire prendre deux fois par semaine par un piéton sa correspondance au bureau de poste de Limoges. A partir de 1824, un piéton fait le service de la poste pour Solignac et Nexon. Il part le mercredi et le samedi.

Création d’un bureau de poste à La Plaine

En 1830 est mis en place un service rural qui permet aux villages d’être desservis par le facteur d’abord tous les 2 jours, puis progressivement tous les jours. Mais le 2 mai 1830 le conseil municipal de Nexon proteste contre la lenteur du courrier. Une lettre postée à Limoges n’arrive à Nexon que 4 ou 5 jours après car le service est fait par un piéton qui va de Limoges à Saint-Yrieix tous les 2 jours. Il demande la création d’un bureau de poste à La Plaine ou au Plantadis où la commune ferait prendre son courrier à ses frais. Cette protestation de Nexon n’était pas la seule et le Conseil général de la Haute-Vienne attachait une grande importance à ce que toutes les communes soient desservies quotidiennement. Entre 1840 et à 1848 il renouvelle ses vœux pour qu’un bureau de poste soit créé dans tous les chefs-lieux de cantons ou dans les localités d’une certaine importance.

La protestation du conseil municipal a été entendue et finalement ce fut La Plaine, sur la route de Limoges à Saint-Yrieix, qui a été choisie pour la création d’un entrepôt de dépêches. Ils sont 6 en Haute Vienne : Châlus (extra-muros), Conore (commune de Peyrilhac), La Maison-Neuve (route d’Eymoutiers), Moulin de la Poitevine (commune de Bussière-Poitevine), La Plaine (commune de Nexon) et Vayres. Les bureaux d’entrepôts reçoivent et expédient les dépêches des directions et distributions qui ne sont pas situées sur le passage des courriers.

Le 4 mai 1846, Jacques PENICAULT, Maitre de Poste, est installé au relais de Poste de La Plaine, par arrêté du Roi, avec engagement d’avoir de nombreux postillons, chevaux et équipages nécessaires et prescrits par le service.

Création d’un bureau de poste à Nexon

En 1848 il y a 21 bureaux de direction, avec ceux d’Aixe, Châteauponsac, Magnac-Laval, Mézières, Nantiat, Nexon, Saint-Germain, Saint-Sulpice-les-Feuilles (le bureau de Razès a remplacé celui de Chanteloube. Nexon a enfin son bureau de poste.

A coté des bureaux de direction il y avait les bureaux de distribution dont les attributions étaient moins étendues. Ils ne recevaient pas de dépôt d’argent, on n’y payait pas de mandats et on n’y recevait pas d’affranchissement pour l’étranger. Il y en a 14 en 1848 situés à Ambazac, Bessines, Châteauneuf, Laurière, Lussac-les-Eglises, Magnac-Bourg, Nieul, Oradour-sur-Vayres, Peyrat-le-Château, Sauviat, Solignac, Saint-Laurent-sur-Gorre, Saint-Mathieu.

Les premiers timbres-poste sont mis en circulation le 1er janvier 1849. Les timbres sont à l’effigie de Cérès, déesse des moissons, et les tarifs généraux sont de 20 centimes pour une lettre jusqu’à 7,5 grammes, de 40 centimes jusqu’à 15 grammes et 1 franc jusqu’à 100 grammes puis 1 franc par tranche de 100 grammes.
Sous le second Empire, à la faveur de l’ouverture de nombreuses routes et du développement des lignes de chemins de fer, la poste prend une grande extension. En 1873 la poste aux chevaux est supprimée.
Le 10 mars 1929 le conseil municipal décide de construire l’actuel Hôtel des Postes. M. SAUTERAUD est désigné comme architecte. Le 25 janvier 1931 un chauffage central est posé à la Poste. Le 20 Juillet 1946 le conseil décide de céder le bureau des Postes à la direction régionale des PTT.
Le 27 octobre 1956 on relève dans la Presse que « Le village de Nexon a été mis en émoi hier, « le facteur Mr G. qui n’avait pas quitté son poste depuis la guerre, « ne fit pas ses tournées habituelles. Les habitants, surpris envoyèrent une délégation chez lui, ils trouvèrent le malheureux les pieds « meurtris, dans une bassine d’eau chaude et soupirant : je ne veux plus porter que des chaussures à semelles de cuir. »

Pour en savoir plus lire :
Paul DUCOURTIEUX, « La Poste en Limousin » dans le bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin, TOME LXII-1913