Une nouvelle centenaire à Nexon, Marie-Thérèse PEYRICHOUX

Marie-Thérèse PEYRICHOUX est ma tante, la sœur ainée de ma mère. Elle a eu 100 ans le 31 mars 2022. C’est la première personne de notre famille à atteindre ce seuil symbolique. Je vais raconter son histoire.

Son père, Henri MALARDEAU, est né le 25 janvier 1900 à Saint Nicolas Courbefy ou ses parents étaient cultivateurs. Son père, Antoine, décède le 20 janvier 1908, Henri a tout juste 8 ans. Sa mère, Marie MARCELAUD, se trouve sans ressources et tout le monde doit travailler. C’est ainsi qu’à 9 ans le jeune Henri est placé, pendant l’été, comme garçon vacher chez ROUGERIE aux Garraud de Jourgnac. Il va à l’école l’hiver. A 12 ans il devient apprenti dans une filature située au bord de la Vienne à l’Aiguille.

A 18 ans il doit effectuer son service militaire mais il est ajourné pour « faiblesse », il mesure 1m55. Il continue à travailler dans l’entreprise LADURANTIE qui fournit des couvertures pour l’armée.

En 1920 il est embauché comme gérant d’une une petite filature située à Aurin, de l’autre côté du village au bord d’un étang, sur la commune de Bussière-Galant. Il y va avec sa mère, un frère et deux sœurs. Ils habitent au-dessus de la filature.

Recensement de 1921 à Aurin commune de Bussière Galant – ADHV

Dans le village d’Aurin vit la famille de Pierre BOUCHER qui exploite une petite ferme. Il a une fille, Marguerite, qui a deux ans de moins qu’Henri. Les deux jeunes vont se rencontrer, s’aimer et se marier le 13 août 1921. Leur première fille, Marie Thérèse naît le 31 mars 1922. Elle sera suivie de deux autres filles : Andrée, née le 19 juin 1924 et Marie Louise, née le 9 juillet 1926. La famille mène une vie très active et simple. Une vie à la campagne, loin de la ville, à deux pas des beaux parents.

Henri, son épouse Marguerite, à gauche Marie-Thérèse, puis Marie Louise et Andrée en 1930

Le 14 mars 1929 un orage met le feu à la filature qui est détruite ainsi que le logement.

Le Populaire 15 mars 1929

 Marie -Thérèse va à Aurin chez sa grand-mère, Marie – Louise qui à peine 2 ans, chez son parrain à Limoges tandis qu’Andrée reste avec ses parents dans une petite maison, de l’autre côté de la route, prêtée par les voisins. Si l’atelier est détruit, le garage dans lequel les ballots de laine étaient entreposés ainsi que la voiture n’ont pas été touché car il se trouve de l’autre côté de la route. Ce stock de laine va permettre la continuation de l’activité en attendant que tout soit réglé avec l’assurance. Cela va prendre plus d’un an. Finalement la filature ne sera pas reconstruite. Au recensement de 1931, Henri MALARDEAU, son épouse, et leurs trois filles vivent avec Pierre BOUCHER et sa femme Catherine, les parents de Marguerite MALARDEAU.

Recensement de 1931 à Aurin de Bussière Galant ADHV

Mais à l’automne 1931 Henri MALARDEAU décide de déménager et d’aller s’installer à Nexon. Il choisit ce bourg car il est connu pour son dynamisme économique et la qualité de ses foires, élément essentiel du commerce de la laine.

Pendant quelques années la famille va vivre dans une maison louée dans l’actuelle rue Pasteur. Les deux filles aînées, Marie-Thérèse et Andrée vont à l’école religieuse. Marie Thérèse fait sa communion solennelle le 28 mai 1933.

Echos religieux de Nexon Juillet 1933

Pour vivre, le père MALARDEAU achète de la laine brute qu’il vend à Limoges, au Poudrier, ou à Aixe, au Moulin Japeaud.  Mais le commerce de la laine ne lui suffit pas. Henri est un manuel, très adroit de ses mains. Il veut teindre la laine. Pour installer les cuves il lui faut un local.

En 1935 (36 ?) il achète une maison qui possède un garage, presque en face de celle qu’il loue, donnant sur la place de la République.  C’est une maison à un étage dont le rez-de-chaussée était occupé par un maréchal ferrant, Mr SANCIAUD.

 Henri MALARDEAU le transforme en boutique de teinturier, nettoyage et vente de laine. Dans le garage, situé à l’arrière du magasin, trois cuves en cuivre sont montées sur des foyers en brique pour les différentes couleurs.

Maison du maréchal ferrant, M. SANCIAUD, achetée par M. MALARDEAU

Henri MALADEAU fait cimenter le sol du rez de chaussée qu’il transforme en boutique et la famille s’installe au 1er étage avec la cuisine au centre, à droite le bureau et à gauche la chambre des parents tandis que les filles ont une chambre mansardée sous le toit. L’enseigne met en évidence la teinturerie et le nettoyage qui se font dans le garage à l’arrière de la maison.

La maison transformée

Les travaux de teinture et de nettoyage sont très polluants avec les vapeurs de benzine et les colorants. Aussi, en 1938, Henri MALARDEAU achète l’atelier de Mr AUPETIT, à la sortie du bourg, sur la route du moulin Trouly. Dans cet atelier Mr AUPETIT qui était sabotier, faisait des conserves de champignons. Il y avait donc une chaudière et des cuves. L’atelier de teinture y sera transféré. Puis Henri va vouloir retrouver son métier de filateur. Il va pratiquement tout réaliser par lui-même, acheter des machines d’occasion et ouvrir sa filature.

La filature encerclée de rouge, se trouve à la sortie du bourg. Il y a alors aucune construction autours.

Les filles grandissent. L’école terminée, le certificat d’études en poche, il n’est pas question de continuer. Les trois sœurs aident leurs parents aux taches ménagères mais elles apprennent également la couture, le repassage … Marie Thérèse qui a 18 ans en 1940 aide sa mère à la boutique de laine. Cet apprentissage de la vente lui permettra, lorsque ses parents prendront leur retraite, de reprendre le magasin et de le transformer en commerce de prêt à porter.

Henri MALARDEAU qui avait 40 ans au début des hostilités a été mobilisé malgré ses trois enfants et il a dû rejoindre la poudrerie d’Angoulême. Il revient à Nexon après l’armistice.

Extrait du registre militaire d’Henri MALARDEAU HDHV

Un jeune homme, René PEYRICHOUX, qui venait au magasin avec sa tante, Madame DUCHEZ, fait les yeux doux à Marie – Thérèse. Appelé au Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne, Henri MALARDEAU le fait revenir en prétextant le décès d’un de ses parents. Mais il ne repartira pas et restera caché à Aurin jusqu’à la Libération. Les trois sœurs sont toujours avec leurs parents, le père MALARDEAU est très strict, les filles ne sortent pas seules et elles doivent apprendre à bien gérer une maison et ainsi trouver un mari.

De gauche à droite, Marie Lou, Mme Vincent une amie de la famille, Andrée et Thérèse en 1943

René est maintenant bien intégré dans la famille. Il épousera Marie – Thérèse le 9 décembre 1944 et travaillera avec son beau-père.

A la sortie de l’église. Henri Malardeau à côté de sa fille et Marguerite à côté de son gendre

Et après la messe la photo de famille.

Les parents Malardeau à côté de leur fille, les parents Peyrichoux a côté de leur fils. Ma mère est juste au dessus de son beau-frère et Marie Louise est au dessus de M. Peyrichoux

La guerre n’est pas terminée mais Limoges a été libérée, la vie a repris son cours presque normal en attendant le 8 mai 1945 ou la joie éclatera partout.

René va rejoindre l’entreprise de son beau-père et lorsque la filature sera totalement opérationnelle il sera rejoint par le mari de Marie Lou, la plus jeune des trois filles qui a épousé Marcel JEUDY.

Un incendie qui s’était déclaré en 1941 avait causé de sérieux dommage et lorsque les affaires ont repris Henri MARDEAU en a profité pour faire refaire un bel immeuble qui affiche fièrement la nature du commerce avec en grande lettres rouges « LAINES » au fronton.

La maison MALARDEAU-PEYRICHOUX, 7 place de la République

A la teinturerie et au nettoyage sont venus s’ajouter la filature, le cardage, l’achat, l’échange et la vente de laines, la fabrication de matelas et de couvertures…

Marie Thérèse et Renée ont largement de quoi s’occuper d’autant plus qu’à la vente au magasin s’ajoutaient les foires. Pendant que les parents partaient sur les marchés Marie Thérèse tenait le magasin et René était a la filature.

Mais avec l’accroissement du pouvoir d’achat dès la fin des années 1940 vont naitre les fameuses « Trente glorieuses », ces 30 années au cours desquelles la vie va changer. L’électro-ménager envahit les cuisines, le nylon et les laines synthétiques sonnent le glas de la laine de pays. Le père MALARDEAU va fermer son usine, Marcel JEUDY entre au Crédit Agricole ou il va faire une belle carrière et René PEYURICHOUX va ouvrir un commerce de lavage de linge.

Les métiers à tisser, les cuves … ont été démontés. L’odeur inoubliable qui nous prenait aux narines quand on allait voir notre grand père va s’estomper jusqu’à ce qu’un nouveau commerce redonne vie à ces murs

René PEYRICHOUX et son épouse Marie-Thérèse quittent la place de la République avec leurs deux enfants, Marie-Claude et Bernard, et vont s’installer au 23 rue Emile Zola où ils ouvrent une laverie. Les machines à laver sont installées dans le garage, René s’occupe du lavage et des livraisons à domicile, une femme de ménage fait le repassage et Marie-Thérèse accueille les clients qui viennent rue E. Zola.

23 rue E. Zola ou était installée la laverie
Marie-Thérèse et sa sœur Andrée le 26 juillet 1973

Le 16 juillet 1980 Marguerite MALARDEAU décède. Marie – Thérèse et René reprennent le magasin. Ils ne font plus le nettoyage mais le lavage du linge, activité principale de René. A la laine, Marie – Thérèse ajoute la vente de vêtements prêts à porter et mettre de la nouveauté dans le commerce.

Henri MALARDEAU décède le 10 avril 1987, il a 87 ans. Quelques années après René et Marie Thérèse prennent leur retraite et louent leur commerce qui devient Cathy boutique.

Pour autant Marie Thérèse n’est pas inoccupée, elle tient le secrétariat téléphonique de sa fille Marie Claude qui est installée comme médecin à Nexon. Avec son mari René ils vivent une retraite heureuse. Ils fêtent leurs 50 ans de mariage le 15 décembre 1994 entourés de toute leur famille.

Au début des années 2010 la santé de René se dégrade et il va décéder le 28 décembre 2014, il a 93 ans. Marie Thérèse ne restera pas seule car Marie-Claude qui a pris sa retraite de médecin pour s’occuper de son père vit à ses côtés pour qu’elle souffre pas de la solitude que connaissent de nombreuses personnes âgées et s’assurer qu’elle bénéficie de tous les soins dont elle a besoin.

Et ainsi le 31 mars 2022, Marie-Thérèse a franchi le seuil des 100 et elle est devenue une nouvelle centenaire à Nexon.

Du fait du Covid qui sévit encore seule M. le maire et sa première adjointe ont pu la saluer mais la pensée et les fleurs n’ont pas manqué pour lui manifester l’affection des nombreuses personnes qui pensent à elle et lui souhaitent encore de beaux jours à vivre.

Marie-Claude, Marie-Thérèse, Fabrice GERVILLE-REACHE, maire de Nexon
Des orchidées pour une longue vie

Marie Thérèse a eu 2 enfants, Marie-Claude et Bernard. Marie-Claude est restée à Nexon ou elle a exercé de nombreuses année comme médecin. Bernard a épousé Michèle et ils ont eu 2 enfants, Hélène et Nicolas. Après plusieurs années de travail à Limoges et à Cognac, Bernard, Michèle et leur fils Nicolas sont partis à La Réunion. Nicolas a épousé une jeune réunionnaise ; ils ont 4 enfants. Hélène est à La Tranche où elle a fondé une famille et ils ont 3 enfants.

Michèle et Bernard

Notre vie sur terre a une durée limitée. Certains vivent longtemps, d’autres moins longtemps. Ma tante Marie-Thérèse a été la première centenaire de la famille. J’espère qu’il y en aura beaucoup d’autres. c’est ce que je souhaite à tous mes cousins et cousines. Marie-Thérèse PEYRICHOUX est partie le 28 septembre 2022 quelques mois après avoir fêté ses cents ans. Repose en paix ma chère tante.

10 réflexions sur « Une nouvelle centenaire à Nexon, Marie-Thérèse PEYRICHOUX »

      1. PRADAUD Philippe

        Merci pour cette exégèse familiale
        Beaucoup de personnes disparues reste dans nos cœurs
        J’ai reconnu plusieurs personnes Andrée effectivement des oncles,tantes, aussi ma mère en bas à droite à côté de mon arrière grand père Boucher pierre
        Cordialement

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  1. Anne Marie ( 5eme de la fratrie)

    Témoignage émouvant de la vie de nos grands-parents maternels, de notre tante Marie Thérèse centenaire aujourd’hui, de Tonton René , nos cousins Marie Claude et Bernard , de Michèle . Que de souvenirs reviennent à la lecture de ce travail de recherche .
    Bravo grand frère , et félicitations pour tout ce que tu fais pour faire connaître et transmettre …

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    1. admin Auteur de l’article

      Merci Nicolas et merci ma sœur. Savoir d’où l’on vient est important pour mener à bien sa vie. Sans racines un arbre ne peut pas se développer.
      Bises.
      Jean François

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  2. Nicolas Peyrichoux

    Bonjour, merci beaucoup d’avoir raconté cette histoire … Ça fait plaisir de connaître les origines de la famille .. Même si nous sommes loin, la famille nous tient très à cœur!
    Je suis son petit-fils Nicolas Peyrichoux, ma femme Fabiola, et nos enfants (du plus grand au plus petit), Kenny, Thalia, Théo et Maxence…
    Gros bisous de La Reunion à tous les membres de notre famille!

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  3. couturier

    Merci pour ce beau texte qui retrace nos origines. Cet écrit est précieux pour les actuels et les futurs enfants. c’est extraordinaire de savoir d’où on vient.
    Je suis Hélène la petite fille de Marie-Thérèse, épouse de David Couturier et maman de Tima, Anouk et Roxane qui sont sur les photos.
    Nous espérons pouvoir un jour vous retrouver et échanger avec vous tous.
    Alors à très bientôt

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  4. Coulin

    Merci pour ce beau texte,j ai été une patiente de Marie Claude peyrichoux de 1988 à 2004 que j ai beaucoup apprécié qui était toujours à l écoute et bienveillante. Je suis partie à Bordeaux en 2004 et j ai dû changer de médecin. J ai beaucoup regretté. Et aujourd’hui de passage à nexon j ai croisé Mme peyrichoux ça m a fait plaisir de la croiser en voiture malheureusement, j aurai bien aimé lui dire un petit mot

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  5. Pradaud

    Bonjour,
    Je viens de decouvrir ce très beau texte. J’y ai appris des choses. J’ai connu une partie de la famille. Je me souviens très bien de Marie-Thérèse et surtout Andrée que je voyais régulièrement au moulin de Nexon quand ma mère Marguerite ( à droite de la marié en bas) nous y emmené.
    Bonjour à la famille éloignée
    Je suis Agnès Pradaud (fille de Marguerite Boucher, qui avait un homonyme dans ses ancêtre en fait, et Jacques Pradaud).

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