Archives de catégorie : famille

Jean Marie BRUGEAS, le seul nexonnais « Juste parmi les Nations ».

Jean Marie BRUGEAS, un homme aux multiples visages dont la jeunesse qui lui valu la reconnaissance de Juste parmi les Nations, était peu connue des nexonnais !

Jean-Marie BRUGEAS est né le 24 juillet 1926 à Nexon où il est mort le 12 mars 1980 il n’avait pas encore 54 ans. Après une jeunesse ou il s’engage dans la protection des juifs et de tous ceux qui étaient pourchassés par la police de Vichy et la milice il se marie et va devenir chef d’entreprise. Mal connu des nexonnais qui voyaient en lui un garçon semblait mener une vie facile, il cachait un homme cultivé, amoureux de la musique et de la poésie. Il dissimulait la douleur d’avoir perdu tragiquement ses deux garçons dans la fleur de l’âge.

1 – Son père Louis René BRUGEAS

Son père Louis René BRUGEAS (1895-1964) était né le 10 novembre 1895 à Le Grand Bourg en Creuse où son père, Jean Baptiste BRUGEAS (1862-1945), était instituteur.

Acte de naissance de Louis René Brugeas (A.D. Creuse)

Louis René avait 19 ans au moment où éclate la Guerre. Il est  incorporé le 17 septembre 1914 au 20ème Régiment d’Infanterie. Il sera  nommé caporal le 16 juillet 1915, sergent le 25 janvier 1917 puis aspirant moins d’un mois plus tard (15 février 1917). Il fait preuve de beaucoup de courage au combat ce qui lui vaux plusieurs blessures et plusieurs citations. Il et est nommé sous-lieutenant le 18 juin 1918 puis lieutenant de réserve le 10 mai 1920.

Registre Matricules (Geneanet)

Il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur avec le droit de porter l’insigne de la décoration le 16 juin 1920, il n’a pas encore 25 ans. Il est alors receveur de l’enregistrement à Crèvecoeur-le-Grand dans l’Oise.

Le 10 juillet 1925 à Crozant, Creuse, il épouse Jeanne DESMAISON. Elle est née le 5 septembre 1897 à Nexon, au Plantadis, où ses parents sont jardiniers. C’est le premier contact des BRUGEAS avec Nexon. En marge de l’acte de naissance on trouve la mention de son mariage et la date de son décès à Nexon.

Acte de naissance de Jeanne DESMAISON à Nexon (A.D. H.V.)

Ils vont avoir rapidement un fils, Jean Marie, qui naît le 24 juillet 1926 à Nexon, sa mère étant venue chez ses parents pour accoucher comme cela se faisait assez souvent alors.  Le couple avec leur fils va déménager au rythme des affectations de Louis René comme receveur de l’enregistrement. Ils quittent Crèvecœur au début de l’année 1927 pour Chalus, sans doute pour être plus proche de la famille de Jeanne DESMAISON. Ils y resteront jusqu’en 1933  pour aller à Aixe sur Vienne pour occuper un poste de receveur plus important. Une fois à la retraite ils habiteront à Limoges et à la fin de sa vie Louis et son épouse viendront habiter à Nexon chez leur fils.

Jeanne décéde le 11 octobre 1959 à Nexon à l’âge de 64 ans. Son époux, Louis René BRUGEAS va vivre encore 5 ans et  décédera le 26 mai 1964 à Nexon, âgé de 68 ans.

2- Jean Marie BRUGEAS, sa jeunesse pendant la seconde Guerre Mondiale.

Quand son père est nommé à Chalus, Jean Marie à 1 ans. Il y passera les 6 premières années de sa vie. Il est sans doute allé à l’école maternelle et en octobre 1933 quand son père a été nommé à Aixe sur Vienne c’est à Aixe qu’il est entré au CP puisqu’il avait 6 ans. A la fin de l’école élémentaire il est allé au collège puis au lycée à Limoges. Il a 14 ans lorsque la drôle de guerre prend fin.  Lorsqu’il a 15 ans il ne reste pas inactif lorsqu’il voit la mise œuvre de la politique de Vichy à l’encontre des juifs. Dès 1942 il commence à les aider à se cacher. Il prévenait les juifs à Limoges et dans les environs de descentes de police prévues, et trouvait des cachettes en cas de besoin. Grâce à lui, de nombreux Juifs échappèrent à l’arrestation et à la déportation. Il aida également des républicains espagnols, des réfufugiés polonais…

 Il entra dans la Résistance le 17 décembre 1943 et fut affecté en qualité d’agent de liaison, sous le pseudonyme de Sergent Jean Valera, au sous-secteur B des Francs-Tireurs et partisans français, sous les ordres d’André Lévêque, adjoint du commandant du secteur B. Il participa à la diffusion des tracts et journaux clandestins. Il œuvra surtout en tant que passeur au sauvetage de nombreux ressortissants – polonais, juifs, belges, républicains espagnols –, aviateurs anglais et canadiens, en les cachant ou en les faisant entrer dans le maquis français ou regagner l’Espagne et l’Algérie …. Il prévint plusieurs fois des Juifs pourchassés par la Milice française ou par les Allemands.

Il participa à la création du réseau Étoile, destiné au sauvetage de ressortissants juifs et de républicains espagnols. Il bénéficia de l’aide de Mado de CORTES et de Lucette GUIGNARD dans son activité de sauvetage 

Jean-Marie BRUGEAS sera cité à l’ordre des Forces interalliées pour son courage, citation confirmée par le gouvernement de la République polonaise en exil qui lui décernera le 28 septembre 1978 la « Polish Militari Order » et « The Order of Virturi Militari » pour ses fonctions d’agent de liaison et de renseignement durant la guerre de 39-45.

Selon les témoignages recueillis après la guerre, Jean-Marie Brugeas sauva environ quarante personnes et notamment les familles ALPERN, KLOUPSKY, WOLF, KOHN, la famille de Guy LEVY et la famille de Henri ZUCKER. Guy LEVY avait été son condisciple au lycée de Limoges. Il se cachait avec sa famille à Aixe-sur-Vienne. Plusieurs fois Jean-Marie Brugeas l’avertit d’une descente imminente des SS et de leurs collaborateurs français, lui sauvant ainsi la vie, ainsi qu’à sa famille. M. RUBINSTEIN, qui habitait Limoges, témoigna lui aussi après la guerre que le jeune homme avait trouvé une cachette à ses parents. Lorsque Monsieur KARGEMANN et son fils Henri, qui s’étaient réfugiés à Aixe-sur-Vienne, se trouvèrent menacés d’arrestation, la milice passant la région au peigne fin à la recherche de Juifs, Jean-Marie BRUGEAS leur trouva une autre cachette. Henri KARGEMANN se rallia plus tard à la Résistance et se battit jusqu’à la fin de la guerre.Bien qu’il risquait sa vie en aidant les Juifs, il ne chercha jamais la moindre rétribution matérielle.

  • 3 Jean Marie BRUGEAS, Juste parmi les Nations.

Le 19 août 1953, est créé, à Jérusalem, l’Institut commémoratif des Martyrs et des Héros de la Shoah (Yad Vashem). En 1963, une Commission présidée par un juge de la Cour Suprême de l’État d’Israël est chargée d’attribuer le titre de « Juste parmi les Nations », la plus haute distinction civile décernée par l’État hébreu, à des personnes non juives qui ont aidé des Juifs persécutés par l’occupant nazi. Les personnes ainsi distinguées doivent avoir procuré, au risque conscient de leur vie, de celle de leurs proches, et sans demande de contrepartie, une aide véritable à une ou plusieurs personnes juives en situation de danger.

En 1979,  le Dossier Yad Vashem 1507 attribue à Jean Marie BRUGEAS le titre de Juste parmi les Nations. Le diplôme lui sera délivré le 5 mars 1980 sans que l’on en parle à Nexon…

Son nom figure sur le mur des justes à Paris, situé dans l’allée des Justes pami les Nations dans le quartier du Marais (4e arrondissement), entre la rue Geoffroy-l’Asnier et la rue du Pont-Louis-Philippe.L’allée est située en bordure du Mémorial de la Shoah, et a été inaugurée le 14 juin 2006.

Le Mur des Justes, situé dans l’allée, porte les noms de près de 3800 hommes et femmes qui. au péril de leur vie, ont contribué au sauvetage de Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces personnes ont reçu le titre de « Juste parmi les Nations », décerné par Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah depuis 1963.Le nom de Jean Marie BRUGEAS y figure à l’année 1979.

Sources : M31/1507. et Limore Yagil, Typologie de la résistance sans armes et de l’aide aux Juifs en Limousin dans Revue d’Histoire de la Shoah 2001/2 (N° 172), pages 228 à 265.

5 – Jean Marie BRUGEAS, sa vie à Nexon

Après la guerre Jean Marie BRUGEAS s’est marié. Il a épousé Yvonne MASSALOUX qui travaillait dans une fabrique de pantoufles à Aixe sur Vienne.  L’épicerie qui existait au numéro 13 de la rue pasteur ayant fermé, madame Brugeas s’y installe et crée un atelier de fabrication de pantoufles « La Nexonnaise ».

Au début de l’année 1962 M. BRUGEAS s’associe avec 2 industriels de Limoges, MM. LERICHE et PENICAUD. René LERICHE avait créée en 1947 la société EREL, nom de ses initiales. EREL fabrique des chaussures d’intérieur pour hommes, les femmes et les enfants. Son atelier étant dans Limoges il décide de s’associer avec M. Brugeas pour construire une usine à Nexon. Le terrain étant disponible sur la route de Meilhac à La Ganne, la première usine est construite sur la zone qui deviendra par la suite une zone d’activité économique.

Le chantier est rapide et en janvier 1963 l’usine SOLIDAC, Société Limousine d’articles chaussants, est inaugurée en grandes pompes par Michel VIRENQUE, préfet de la Haute-Vienne qui deviendra préfet du Limousin le 14 mars 1964.

La grande majorité du personnel est composé de jeunes femmes de nexon ou des environs.

Mais assez rapidement les affaires deviennent difficile. En mars 1965, le Maire et la direction de l’usine sont reçu par le préfet qui l’informe de la situation difficile de l’usine. Elle a dû réduire son activité du fait de la crise et mettre une partie du personnel au chômage. Elle fermera en 1965. Les bâtiments seront repris par l’entreprise Vet’France, elle-même installée auparavant dans les locaux de l’actuel dojo, salle de judo historique de l’Amicale de la Jeunesse Nexonnaise.

Vet France fonctionnera jusqu’en 1993 et pendant des années ce fut une usine à l’abandon.

L’usine envahie par l’herbe avant le rachat en 2023

Après la fermeture de la SOLIDAC l’atelier de son épouse continuait à fonctionner rue Pasteur. Le couple avait eux deux enfants, Jean Louis né en 1950 et Éric né en  1953. Deux garçons très différents, Jean louis amoureux de la vitesse et des voitures et Éric que l’on appelait Mimi, amoureux de la nature et des animaux. Il est venu travailler avec mon père pendant quelques mois. Jean louis avait beaucoup de copains dont mes frères, et malheureusement, un soir en fin d’hiver, en rentrant de Limoges, en sortant du virage, sans doute un peu vite, il a perdu le contrôle de sa voiture qui s’est encastrée dans un des arbres de cette allées aux grands arbres. Ce fut un choc à Nexon. Se tuer en voiture à 20 ans est un drame pout ses parents, sa famille, ses amis.

Six ans plus tard, en 1976 c’est son frère Éric qui mourait toujours aussi dramatiquement d’un coup de fusil laissant une petite fille Séverine.

Après tous ces drames l’annonce de choix de Yad Vashem n’a pas eu d’échos dans la population nexonnaise. Seuls quelques amis ont partagé avec lui cette reconnaissance. Le jeune Brugeas étudiant à Limoges qui aidait les juifs, les espagnols, les polonais était loin de l’image que ceux de sa génération étaient devenus, posés, travailleurs, sérieux… Mais Jean Marie BRUGEAS était sans doute resté l’étudiant qu’il avait était. Un groupe de jeunes de Nexon a  connu cet homme-là . Ils ont passé des après-midi dans la maison qu’il possédait à La Mazaurie a écouter les chansons de Brassens, Ferré ou Ferrat accompagné à la guitare par Jean Marie BRUGEAS puis reciter du Boris Vian ou du Prévert. Sa culture, sa simplicité les fascinait. C’était la face caché de Jean Marie BRUGEAS, loin de ceux qui voyaient un lui un dandy, un coureur…

Mais son cœur qui avait vécu des chocs violents n’a pas pu l’accompagner très longtemps et le 12 mars 1980 il a lâché, 10 ans après son fils Jean Louis et 4 ans après Mimi. Triste vie pour son épouse frappée par ces morts insupportables.

Les BONNAFY-FRUGIER, deux familles qui ont marqué Nexon pendant près de deux siècles.

BONNAFY est un dérivé de Bonnefe, Bonnefoi, Bonnafis, Bonnafous… Ce sont des gens de confiance, de « bonne foi »… La terminaison en « y » est typique de la Haute Vienne. La famille dont je vais parler est originaire de Chateau Chervix, La Roche-l’Abeille, Pierre-Buffière, Saint-Priest Ligoure, Janailhac et Nexon. Des mariages ont été célébrés entre les BONNAFY et le FRUGIER. Suivons d’abord le parcours des BONNAFY.

I- La famille BONNAFY

C’étaient des personnes cultivées et aisées qui savaient faire fructifier leurs biens. A table on parlait latin de façon à ce que les domestiques ne puissent pas comprendre.

1- Léonard BONNAFY (1784-1831)

Le premier de la lignée dont je vais parler, Léonard BONNAFY, est né à Chateau-Chervix le 15 mars 1784. Il a épousé le 12 octobre 1808 à Janailhac, Marie Marguerite BARRIERE. Propriétaire terrien, il fait partie des notables de sa commune, comme les parents de son épouse, propriétaires du domaine de Betour. Par les mariages les BONNAFY ont accru leur patrimoine. A cette époque les parents choisissaient avec soin le conjoint de leur enfant. Chez les BONNAFY une enquête était faite sur la parenté, la bonne renommée, la santé, le caractère ; le bien venait en dernier, sans pour cela être négligé. En effet, malgré l’esprit d’entreprise qu’ils possédaient qui leur permettait d’accroitre le pécule hérité des parents. Mais certains jouissaient avec nonchalance de la fortune héritée et pour continuer à vivre de la même manière ils recherchaient une jeune fille à dot qui leur permettrait de vivre sans soucis et sans fatigue, ou se faisaient entretenir par la parenté la plus argentée.

La famille BONNAFY aura neuf enfants. La plupart resteront dans les environs de Chateau-Chervix vivant sur les domaines comme La Trappe à Saint Priest Ligoure ou à Janaillhac comme Jean Baptiste (1813-1884) qui en deviendra maire en 1870-1871 puis 1876-1884. Un seul quitta le Limousin pour aller à Paris tout en gardant un domaine à Chateau Chervix, Louis BONNAFY (1826-1895). Il se lança dans le commerce en gros de cognac et de spiritueux dans lequel il réalisa de bonnes affaires. N’étant pas marié il s’est interréssé au sort de ses concitoyens chatelaux. Lassé de les voir peiner le long d’un chemin escarpé et difficile pour se ravitailler en eau, il fit capter une source qui fut raccordée à une fontaine construite sur la place. Pour cela il offrit 50 000 francs or à la commune qui fit apposer sur la colonne du bassin un portrait moulé en bronze pour honorer son bienfaiteur.

Parmi les enfants de Léonard c’est avec le second, Gilles Gilbert, que les BONNAFY mirent les pieds à Nexon.

La descendance de Jean BONNAFY aurait pu etre plus nombreuse s’il n’était par mort jeune. En effet il décède le 12 mai 1831 à Château-Chervix, 87039 à l’âge de 47 ans

2- Gilles Gilbert BONNAFY (1817-1885)

Gilles Gilbert est né le 19 mars 1817 à Chateau-Chervix. Il gère son domaine à Champagnac, commune de Saint Priest Ligoure. Le 4 juillet 1848 il épouse à Nexon Jeanne FRUGIER, dont le père était meunier à Biard et propriétaire. On constate que les mariés et les témoins ont tous signés ce qui était très rare à l’époque.

Du mariage naitra le 4 octobre 1852 un fils, Pierre Arsène BONNAFY.

Gilles Gilbert BONNAFY a su faire fructifier ses propriétés si l’on en juge par le portrait qu’il a fait faire chez André BASTIER (1841 -1907), photographe au 33 Bd Louis Blanc à Limoges. Ce photographe a ouvert son studio en 1869 et il est vite reconnu pour ses photos artistiques et ses reportages sur les monuments historiques.

Gilles-Gilbert décède à Nexon, le 5 juin 1885 à l’age de 68 ans, dans la maison de son épouse, maison qui est passée par son mariage du patrimoine des FRUGIER à celui des BONNAFY.

3- Pierre Arsène BONNAFY (1852-1937)

Il est le premier des BONNAFY à naitre à Nexon. Il n’ a pas fait d’études au dela du certificat d’études primaire si l’on en croit son livret militaire. En effet il est déclaré comme agriculteur avec un niveau d’instruction générale 3. Celui-ci est évalué par un code composé d’un chiffre entre 0 et 5 :  0 : ne sait ni lire ni écrire ; 1 : sait lire seulement ; 2 : sait lire et écrire ; 3 : possède une instruction primaire plus développée ; 4 : a obtenu le brevet de l’enseignement primaire ; 5 : bachelier, licencié, etc. (avec indication de diplôme).

Il est appelé sous les drapaeaux le 29 juin 1874. On est dans la période de réorganisation de l’armée après la cuisante défaite de 1870. Le service militaire est obligatoire mais la durée varie selon le tirage au sort. Le minimum est de 6 mois. C’est ce qu’effectuera Pierre BONNAFY avec son retour à la disponibilté le 31 décembre 1874.

De retour à Nexon il sera greffier de la justice de paix à Nexon, fonction qu’il exerce au moment de son mariage. Celui-ci a lieu le 18 mars 1885 à Nexon, date à laquelle il épouse Léontine (Jeanne) FRUGIER. Elle est la fille de Jean FRUGIER, marchand de vin en gros et maire de Janailhac.

De ce mariage naitront trois enfants :

– Gilbert BONNAFY 1886-1961

– Jeanne, Marcelle BONNAFY 1890-1988

-Louis BONNAFY, 1894-1917

Arsène BONNAFY de greffier devint Juge de Paix à Nexon.

Journal Officiel 15 janvier 1910

Cette justice gratuite a été créee par la Constituante en 1790, loi des 16 et 24 aout, pour mettre à la disposition des citoyens une justice de proximité simple, rapide, gratuite et équitable. Il y a un juge par canton, au départ élu par les citoyens puis à partir de 1830 nommé par le roi sur proposition du procureur général de la cour correspondant. Il réglait les litiges de la vie quotidienne par une démarche conciliatrice : petites affaires personnelles et mobilières, reconnaissances en paternité, conflits entre particuliers, le plus souvent entre propriétaires et locataires, litiges entre voisins, contraventions de simple police, levée ou maintien de scellés (lors des règlements de successions en cas d’héritages). L’accès à la fonction ne nécessitait ni diplôme, ni qualification particulière en droit. Il devait avoir du bon sens, connaître parfaitement les mœurs en vigueur et juger de manière raisonnable.

Arsène BONNAFY correspondait parfaitement à ce profil. Il jouissait d’ une excellente réputation d’honneteté, de bonté et de désinteressement. Il gérait ses propriétés en respectant ses métayers, ce qui ce savait dans le canton. Son arrière petite fille qui garde précieusement les Chroniques BONNAFY rappelle quelques annecdotes à ce sujet :  Un jour, se rendant à sa propriété de Nouailhaguet à cheval en coupant à travers bois, un bandit de grand chemin, masqué, surgit « La bourse ou la vie ». D’un coup, il dévisagea Arsène et s’exclama : « Monsieur le juge de Nexon ? Oh, Monsieur, gardez votre gousset, vous êtes si bon ! » . Il devait surtout avoir peur d’être reconnu !

Plusieurs photos, confiées par son arrière petite fille, montrent Arsène BONNAFY, d’abord devant sa maison en robe et toque de magistrat puis avec ses collègues et enfin en famille.

Arsène BONNAFY, juge de paix à Nexon, devant sa maison en 1910

Les délégués au Congrès des juges de Paix de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne le 22 mai 1913. Arsène BONNAFY est au dernier rang, le premier en partant de la droite. Le 4ème en partant de lui, se tournant vers la droite avec une grosse barbe blanche est Michel FRUGIER, juge de paix à Chalus et oncle d’Arsène BONNAFY.

La photo est prise en 1915 à Nexon. Assise au centre, au milieu de ses enfants, Léontine devant son mari, Arsène BONNAFY, et leurs enfants : à gauche Gilbert avec son chapeau melon, Jeanne et Louis.

Ils sont devant la porte de la maison qui se situe aujourd’hui en haut de l’impasse de la Barre. Cette maison a été construite en deux fois. La partie gauche, la plus ancienne, a été construite au XVIIe siècle, sous Louis XIII, sur ce qui étaient des remparts. Elle appartenait à la famille GUYOT, notaire et maire de Nexon jusqu’en 1824. la partie de droite (un étage +un grenier) est moins haute et plus longue. Il y a une grande cave sous les deux maisons. Elles ont des portes donnant sur une courette entre les deux maisons. On la remarque bien sur la plan cadastral napoléonien de 1817.

Dans le pré, à gauche, il y a un puit bien matérialisé par un point rouge sur le plan. Un souterrain en partirait, communiquant avec le château de Nexon. Vers 1876, Jean FRUGIER a fait construire près du puit, perché sur un rocher, un joli kiosque aux murs roses et au toit bleu, dominant le bourg. Il l’avait fait pour sa femme et sa fille afin que, se reposant les après midi, elles puissent voir passer le train tout en prenant le thé, brodant ou lisant. René FRUGIER, ingénieur dont je parlerai plus loin, l’a fait sauter plusieurs fois en réalisant ses expériences de chimie.

La maison BONNAFY au début des années 1900

Tableau peint par Jeanne BONNAFY

Le Kiosque

Pierre Arsène BONNAFY fait partie des notables de Nexon. Il a 62 ans au moment ou éclate la guerre de 1914-1918. Il n’y participe pas directement mais elle le touchera profondemment puisque son troisième enfant, Louis y perdra la vie.

Journal Officiel 18 janvier 1929

Il décède à l’age de 84 ans, le 20 septembre 1937. Il est inhumé dans le caveau familial à Nexon.

Retrouvons les enfants d’Arsène BONNAFY.

4- Gilbert BONNAFY (1886-1961)

Gilbert est né le 10 juillet 1886. Après sa scolarité primaire à Nexon il entre au lycée Gay Lussac ou il est bon élève. Ainsi, en cinquième, il obtient le premier prix de mathématiques .

Le Courrier du Centre 1er aout 1899

A la fin de ses études il passe le concours d’entrée au Trésor. Il obtient un poste de commis principal mais il faut effectuer le service militaire. Dans cette période ou la France est toujours marquée par la défaite de 1870 et dans l’espoir d’une revanche le service militaire dure 2 ans. Il appelé à l’activité le 7 octobre 1907 à la 12e Section des secrétaires d’Etat Major. Le 28 avril 1909 il passe au 107e régiment d’infanterie qu’il quitte le 25 septembre 1909.

Au moment ou éclate la première guerre mondiale il est à Orléans. Comme tous les hommes de moins de 40 ans il est mobilisé dès le 3 aout 1914. Il restera sous les drapeau en campagne contre l’Allemagne jusqu’au 17 juillet 1916. Du fait d’une forte myopie son service sera interrompu a partir de cette date.

Il reprend son emploi au Trésor ou il est nommé percepteur. Il est en poste à Autoire lorqu’il se marie le 6 avril 1926 à Figeac avec Adrienne LAVERGNE.

L’Auvergnat de Paris 17 avril 1926

Il passe ensuite à Castelnau-Montratier

L’Auvergnat de Paris 23 juillet 1927

Il retrouve sa région lorsqu’il est nommé percepteur à Pierre Buffière en 1929. Il partira ensuite dans le Loiret.

Journal Officiel 16 janvier 1938

Il n’y reste qu’un peu plus d’un an pour revenir en Limousin, à la perception de Treignac.

Journal Officiel 15 juillet 1939

Il termine ensuite sa carrière à Nexon où il décède le 28 décembre 1961.

Gilbert BONNAFY

 

Gilbert BONNAFY a eu deux fils Pierre et Claude.

Pierre BONNAFY (1927-2000) a fait des études de droit et il est entré au Trésor. En 1953 il a épousé Ilse SEIGFRIED.

Revue du Trésor 1er septembre 1953

Il était Trésorier payeur général, en particulier de la Gironde et de la région Aquitaine. C’est dans cette fonction qu’en janvier 1991, au moment où le club de footbal des Girondins de Bordeaux devait une importante somme d’argent à l’Etat. Sur ordre du Ministre des finaces il bloque les comptes du club. malgré l’intervention de Jacques Chaban Delmas, maire de Bordeaux le club fut relégué administrativement en Division 2. Il a été promu Officier de la Légion d’Honneur le 14 juillet 1988. Il a une fille qui vit en Allemagne et un fils qui est en Suisse.

Le Monde 8 mai 2001

Claude BONNAFY (1931-2020) était médecin anesthésiste à Niort. Il a eu un fils, Jean-Philippe, pharmacien près de Nantes.

Les deux frères Pierre et Claude avaient hérités chacun d’une partie de la maison, Pierre la partie gauche et Claude la droite. Du fait de l’héritage la cour a été séparée en deux. Les héritiers de Pierre ont vendu leur propriété à M. Zedde, ancien garagiste à Nexon. La partie droite appartient à Jean Philippe BONNAFY qui est très attaché à cette maison.

5- Jeanne, Marcelle BONNAFY (1890-1988)

Elle est née à Nexon le 5 décembre 1890. Elle y passe sa jeunesse à Nexon où elle obtint le certificat d’études primaire. Elle se marie le 8 aout 1920 à Nexon avec Pierre Henri BESSE (1890-1967).

Mariage Pierre Besse -Jeanne Bonnafy (ADHV)

Son mari étant nommé professeur au collège de Libourne, Jeanne va le suivre. Elle aura 3 enfants qui exerceront des professions loin de Nexon. Mais Jeanne passait toutes les vacances avec ses enfants à Nexon auprès de ses parents. Elle n’a pas hérité de Nexon qu’elle aurait voulu et chérissait tout particulièrement. Elle hérita d’autres domaines, immeubles. Elle a reçu une médaille et un diplôme pour son aide comme infirmière bénévole pendant la grande guerre.

Jeanne BONNAFY

Le fils ainé de Jeanne, Pierre Edouart Louis Besse est né à Nexon le 29 mai 1922, sa mère comme c’était souvent le cas à cette époque étant venue chez ses parents pour accoucher. Il gardera le prénom Louis future. Chirurgien dentiste il exerça à Dakar puis à Cannes ou il mourut le 20 mai 1997.

Il venait souvent à Nexon avec sa mère et il écrivit ses souvenirs des moments passés dans la maison de ses grands-parents, confiés par sa nièce.

 » La maison Bonnafy à Nexon qui domine la rue principale, comprend deux ailes. La plus ancienne à un étage s’enorgueillit de traces de mâchicoulis datant du XIII siècle, construite sur les anciens remparts et de caves qui s’enfonçaient en grottes incertaines jusqu’aux abords du cimetière. Elle s’ouvrait sur un parc avec à son sommet un kiosque, fantaisie de la mère de mon grand-père (pour admirer les nouveaux trains à vapeur qui enfumaient au loin la vallée). La deuxième aile face au chemin qui menait au bourg partageait la même cour d’entrée mais du côté nord, dominant l’horizon, une terrasse aux tilleuls taillés en brosse accueillait dès les premières chaleurs le fauteuil de mon grand-père.

Un grand jardin potager, au fond des écuries pour les chevaux et une grange servant de remise à un break de prestige et une charrette anglaise pour les déplacements rapides à la propriété de Nouailhaguet …

Bouleversée par la mort glorieuse de leur fils Louis, la vie continua cependant à la maison Bonnafy.

La cuisinière, Marie, conservait jalousement son autorité sur son domaine que lui abandonnait volontiers ma grand-mère Léontine, assez allergique à ces occupations culinaires.

Arsène Bonnafy, grande allure, toujours droit, presque raide, col dur et lorgnon, barbichette à la Napoléon III, restait intransigeant sur l’application de la Loi, fidèle à sa parole, intraitable sur la morale. Il fut élu conseiller général sous l’étiquette radicale. Républicain bon teint ; jamais il n’oubliait d’accrocher le drapeau national au magnolia de la terrasse les jours du quatorze Juillet…

L’eau se tirait au puits par une longue chaîne. A la fontaine de la rue principale en face de la terrasse on remplissait les carafes. Les services municipaux installèrent une alimentation à domicile dans les années 1934. L’électricité sous baguette de bois, une des premières dans le bourg n’éclairait que les pièces principales, de pauvres ampoules à la lumière blafarde. Dans les chambres annexes, des chandeliers de cuivre aux bougies baveuses servaient de luminaire comme la lanterne à pétrole pour gagner les cabinets à siège double…au fond de la terrasse.

Des tables de toilettes à la cuvette et pot à eau en porcelaine de Limoges et dans la cheminée des poêles Mirus ou Gaudin représentaient le summum du confort.

La maison Bonnafy n’avait pas le goût des meubles anciens, elle préférait le pratique à l’esthétique.

La longueur des hivers obligeait à se calfeutrer autour du foyer de la salle à manger. Arsène Bonnafy s’y installait pour lire le Courrier du Centre et à sa parution mensuelle : Le Chasseur Français.

Jusqu’à un âge avancé, il parcourut le fusil à la bretelle les taillis de la Lande et la forêt de Lastours ; chasse à la bécasse, aux lièvres et aux perdreaux.

Les jours de foire ! les métayers qui amenaient les bêtes à la vente, cassaient une croûte à la cuisine avant de regagner à pied la propriété située à vingt-sept kilomètres. La famille recevait ce jour-là les cousins : Albert et Marie de Beaune de Beaurie. Venus en voiture à cheval, de leur domaine de Betour sur la route de Saint Yrieix. D’une dizaine d’années plus jeunes, ils apportaient à la maison Bonnafy leur dynamisme et leur bonne humeur. (Ils eurent une fille: Madeleine de Beaune de Beaurie qui épousa plus tard un de mes professeurs du collège de Libourne: Emile Lencou).

Pendant les grandes manœuvres d’été au camp de La Courtine, le bourg était occupé pour un soir d’étape par l’armée : régiment d’artillerie attelée dont les chevaux laissaient leurs crottins sur la chaussée. La maison recevait un officier qui logeait dans la chambre d’amis de la maison haute, le cheval à l’écurie avec l’ordonnance. »

6- Louis BONNAFY (1894-1917)

Louis BONNFY est né à Nexon le 30 juillet 1894. Il est étudiant lorsque la guerre éclate. le 5 septembre il est appelé au 68 RI. Il est nommé caporal le 10 décembre 1914 et promu sergent le 13 mai 1916.

Dévoué, il se distingue comme chef de patrouille en dégageant ses camarades ensevelis et en ramenant ses soldats bléssés dans les lignes françaises.

Le 10 janvier 1917 il est tué par une balle qui le touche à la tête.

7- Gabriel BONNAFY (1840-1921)

Dans la famille BONNAFY un des cousin a marqué les esprits, Gabriel BONNAFY. Il est né le 13 septembre 1840 à Château-Chervix. Il Il était le fils de Pierre Emille BONNAFY (1816-188) et de Marguerite DEBREGEAS ( 1815-1879).

Il fit ses études de médecine à la faculté de Limoges et devin médecin de la marine. Il sillonna les mers, séjourna à TAHITI où la reine POMARE donna en l’honneur des officiers une soirée royale. Ces derniers lui avaient offert une robe non doublée en dentelle, œuvre d’ouvrières françaises ; La souveraine, ravie, l’étrenna pour le bal en omettant tout sous-vêtement. Cela se passait au dix-neuvième siècle et les marins s’amusèrent énormément à cette réception.

Le 25 juillet 1878, à San Francisco, il épousa une Américaine fortunée fille d’un riche belge, Léopoldine VAN BEVER (née en1853), rencontrée lors d’une escale.

San Francisco Chronicle 21 juillet 1878

Parmi ses voyages il alla au iles Fidji et étudia une maladie qui n’était pas connu en france. Il décrit ainsi les choses : « Envoyé en service aux îles Fidji en 1890, j’ai passé dix-huit jours dans ces îles. Grâce au bienveillant accueil du gouverneur, Son Excellence J.-B. Thurston et à de charmantes relations avec le Dr B.-G. Corney, chef du service de santé, j’ai eu toutes les facilités désirables pourvoir et étudier sur place une maladie parasitaire inconnue dans nos régions et qui porte aux Fidji le nom de Tokelau. De retour en France, j’ai pu, à l’Institut Pasteur, dans le laboratoire de M. Chamberland, continuer mes études sur le parasite du Tokelau. »

Convaincu par le docteur BONNAFY de la vie misérable et de l’abandon moral des marins de la grande pêche, Bernard Bailly, avec l’aide de ses deux frères, le père Vincent de Paul Bailly, fondateur et directeur de la Maison de la Bonne Presse et le père Emmanuel Bailly, créa en décembre 1894 la “Société des Œuvres de mer” qui avait pour objet  » de fournir une assistance matérielle et morale aux marins français, à leur famille » et dont le vice-amiral Lafont accepta la présidence. Le premier acte de cette nouvelle Société fut d’ouvrir une “Maison de famille” à Saint-Pierre : dès 1895, un ancien pensionnat inoccupé fut loué et devint rapidement le havre des équipages des goélettes. L’année suivante, le succès était tel qu’il fallut en agrandir les salles, le nombre total des visiteurs dépassant 28 000 pour les sept mois de la campagne de pêche.

Plusieurs communications du Dr BONNAFY s’appuyaient sur les études faites sur les marins pécheurs de morue à terre Neuve, en Islande …

Journal de Monaco 26 juillet 1898

Cette Société des Oeuvres de Mer lui a également permis de publier un bel article sur cette société dans la prestigieuse revue des Deux Mondes de 1900

L’année suivante il publiait sur le même sujet un travail sur les navires hopitaux.

Il a également travaillé sur la santé des soldats qui intervenaient en Indochine, Cochinchine…

Pour son action il a d’abord été décoré de la Légion d’Honneur comme chevalier le 6 juillet 1881.

Le Courrier du Centre 10 juillet 1881

Puis il a été élevé au grade d’Officier le 28 décembre 1894.

En uniforme et avec ses décorations il se fait faire une photo:

Il décède à Paris le 23 avril 1921.

Il eut deux fils :    – Léon qui était promis à sa cousine Jeanne Bonnafy mais celle-ci n’en voulait pas. Il fut alors fiancé à Lucie DUC, petite fille PERIGAUD, (par la suite Lucie DAUTRY) , mais il mourut à trente ans de la tuberculose en 1909. Il avait une magnifique voix de ténor.

                              – Le second fils, Maurice, épousa sur le tard une Belge et passa ses dernières années à MONACO. Il a des descendants à Monaco.

Merci à Ghislaine RULHA, petite fille du Juge Pierre Arsène BONNAFY pour toute la documentation qu’elle m’a fourni.

Henri JABET (1871-1958), résidant au château du Plantadis, cavalier émérite, 6ème d’un raid de 750 km…

L’annuaire DUMONT de 1905 recensait 8 châteaux à Nexon parmi lesquels le château du Plantadis à M. JABET et un second à Mme Veuve FOUREST. Aujourd’hui on ne les considèrent plus comme des châteaux mais comme manoir, gentilhommière ou maison bourgeoise.

Annuaire DUMONT 1905

Je vais m’intéresser à la famille JABET. On en trouve trace lors du recensement de 1901. Henri JABET a 30 ans et il est déclaré comme rentier. Son épouse Gabrielle DECHABACQUE a 28 ans et ils ont deux enfants, Henriette qui a 5 ans et Robert 4 ans. Une servante, Madelaine MAZAUD âgée de 19 ans vit avec eux.

Recensement de 1901

Henri JABET est né le 15 mars 1871 à Bordeaux. Il est l’ainé de cinq enfants, son second a vécu trois jours, puis Léon (1873 – 1931), Marthe (1874 – 1961) et Albert (1878 – 1941). La famille JABET était une famille de commerçants de Limoges.

Leur ancêtre, Jean Baptiste Joseph JABET (1732 -1798) était négociant. Il a présidé le Tribunal de commerce de Limoges vers 1785 et sa fortune lui a permis d’acheter le fief de COYOL (Couzeix) à la famille de sa femme. Il a eu 6 enfants et parmi sa descendance (5ème génération) on trouve Henri JABET. Son grand père, Siméon JABET (1805 – 1869), a épousé Clara CLOUET de PIETTRE, sœur de Clarisse CLOUET de PIETTRE qu’avait épousé son frère ainé Jean Baptiste (1799- 1890). L’histoire des CLOUET de PIETTRE est passionnante mais sort du cadre de cet article. Disons simplement que c’est une famille franco-espagnole qui joua un rôle important en Louisiane, immense Province française devenue espagnole avant d’être achetée par les Etats-Unis. L’un d’entre eux, Louis CLOUET a acheté un hôtel particulier à Bordeaux. De ce fait les familles JABET, qui ont eu de nombreux enfants, se sont épanouies à Limoges et à Bordeaux. Il n’est donc pas étonnant de voir qu’ Henri JABET soit rentier à 30 ans. Il avait épousé Gabrielle de CHABAQUE le 31 juillet 1895 à Panazol.

Extrait du registre des mariages ADHV

La liste des témoins permets de constater que les mariés appartiennent à la fois à la bourgeoisie bordelaise et limougeaude puisqu’on y trouve le vicomte Louis de CLOUET, Alfred PETINIAUD, Louis BRIGUEUIL ancien président du tribunal civil de Lyon, maire de Saint Just, Ludovic de PLAS, capitaine d’infanterie…

Extrait du registre des mariages ADHV

Lors du recensement de 1901 Henri JABET et son épouse sont au Plantadis avec leurs deux premiers enfants Henriette et Robert. Henriette est née le 22 juillet 1896 à Panazol ou résidait alors la famille tandis que son frère Robert est né le 16 octobre 1897 au château de Maumont à Juignac en Charentes.

En 1901, le 20 octobre au Plantadis nait le troisième enfant de la famille, Joseph – Michel dont les témoins sont les barons Armand et Félix de Nexon. Ceci montre les relations qui existaient entre ces deux familles qui se retrouvaient aux courses, à la chasse…

Extrait de naissance de Joseph Michel JABET au Plantadis ADHV

Au recensement de 1906 la famille est encore au Plantadis mais on ne trouve pas mentionné le jeune Joseph Michel. Il n’y a plus de servante à domicile.

Figurent également un domestique et plusieurs propriétés cultivées par des domestiques et un colon aux nombreux enfants.

recensement 1906 le Plantadis ADHV
recensement 1906 Le Plantadis ADHV
recensement 1906 Le Plantadis ADHV

Entre 1900 et 19010 Henri JABET occupe son temps a gérer ses propriétés, à élever ses chevaux et ses chiens et à participer à des courses et des concours. Il figure aux palmarès de compétitions hippiques pour gentlemen, à des raids militaires, à des tirs aux pigeons… Henri JABET monte des chevaux du baron de Nexon

1902 Le Courrier du Centre 28 aout
1904 Le Courrier du Centre 24 mai
1905 Gil Blas 27 juillet

Ce qui me frappe le plus dans la vie de Henri JABET c’est sa participation aux raids hippiques sur des très longues distances, plus de 500 km. Il était lieutenant de réserve. C’était une spécialité militaire à une époque ou la cavalerie était l’arme essentielle et noble des armées. En lisant les discours des généraux lors des remises des prix aux vainqueurs je suis surpris de leur manque de lucidité lorsqu’ils pensent que la qualité des chevaux et de leurs cavaliers permettront à la France de gagner les futures batailles.

Henri JABET a raconté les 750 km qu’il a parcouru de Biarritz à Versailles en 8 jours en avril 1913, la connaissance de son cheval, les soins qu’il lui donne … Son allure est précise, trot cadencé de 250 par minute avec alternance de temps de trot et de pas; A la fin du parcours il pousse sa jument à un rythme de 17 km/h avec des stimulants étonnants : du lait sucré et 2 bouteilles de champagne. Sur les 80 cavaliers du départ il a terminé à la 6ème place. C’était une référence dont il était fier et il entretenait sa forme en participant régulièrement à des raids de plusieurs centaines de kilomètres.

Henri Jabet a dilapidé sa fortune dans les courses. Le Plantadis a été vendu. Je n’ai pas terminé mes recherches mais je souhaitais rappeler les exploits de ces hommes capables de vivre des journées entières avec leurs chevaux. C’était une autre époque. Si vous avez des documents sur la famille et sur les successeurs au château, n’hésitez pas à me laisser un commentaire.

Edmond COUVIDOUX, sellier

L’achat d’un carton publicitaire m’a fait revenir sur le sellier-bourrelier de la place de l’église avant 1914.

On trouve aux recensements de 1896 et 1906 Emile COUVIDOU, sellier.

Emile COUVIDOU est né le 1er septembre 1876 au Vigen. A l’état civil son premier prénom est François mais comme son père s’appelle lui aussi François on l’appellera Emile.

Au recensement de 1911 les COUVIDOU sont toujours à Nexon mais ils sont recensés avec la famille QUINQUE. Les deux familles sont alliées depuis 1885, année ou Maria COUVIDOU, sœur ainée d’Emile, a épousé Jean QUINQUE.

Recensement de 1911 – Archives départementales de la Haute-Vienne

Je possède une facture de COUVIDOU sans prénom comme fabricant de cercles. Il n’y a pas de prénom mais il s’agit de François, le père, âgé de 84 ans. En effet sur le registre de l’Etat Civile du Vigen, pour l’enregistrement vde la naissance de son fils François il déclare comme profession « cercleur ».

J’ai parlé rapidement de la famille COUVIDOU lors du chapitre consacré à la place de l’église , côté nord n° de 1à4, https://etsinexonmetaitconte.fr/wp-admin/post.php?post=5713&action=edit

Revenons à son fils François dit Emile. Il est né le 1er septembre 1876 au Vigen.

Acte de naissance de François COUVIDOU – Archives départementales de la Haute-Vienne

Sur sa fiche militaire son nom est écrit comme à l’Etat Civil et son prénom est François, ce qui est normal!

Cette fiche militaire nous renseigne sur son parcours.

Il effectue ses 3 ans de service militaire à partir du 16 novembre 1897 au 20e Dragons. Une fois libéré de ses obligations militaires il s’installe comme sellier à Nexon, fort de l’expérience qu’il a acquise à l’armée.

A Nexon il profite de présence du haras pour se spécialiser dans les selles. C’est ce qui l’amène a faire éditer une carte commerciale que je viens d’acquérir. Avec surprise il écrit son nom avec un X, COUVIDOUX. est une volonté de sa part ou une erreur de l’imprimeur ?

L’intérieur est écrit en français et en anglais, sans doute parce que des jockeys anglais sont dans l’écurie de course du baron de Nexon.

DRANEM devait être connu en 1900 mais je n’en trouve aucune trace aujourd’hui.

En 1914, comme beaucoup de garçons, il est touché par la guerre. Il est mobilisé le 28 novembre 1914 au 21 régiment d’artillerie de campagne qui se trouvait alors en Champagne. Le 17 janvier 1915 il est mis en sursis d’appel chez M. ROUDEAU, sellier à Périgueux. Ce dispositif était destiné à renvoyer des soldats dans des entreprises qui manquaient de main d’œuvre du fait de la mobilisation et dont la production était indispensable à la Nation. C’était le cas des selliers lorsque la cavalerie représentait une arme importante lors des conflits. Mais la puissance des armes de feu, fusils, mitrailleuses, canons… rendu la cavalerie très vulnérable et a conduit a leur remplacement progressif par les blindés. Emile COUVIDOU était plus très utile comme sellier que comme cavalier. Il est donc resté à Périgueux jusqu’au moment ou une indiscipline dont on ne connait pas la nature le fasse revenir dans son régiment, le 27 novembre 1916. Au début de l’année 1917 le 21e R.A. participe aux différentes offensives contre les lignes allemandes et au mois de novembre il est envoyé en Italie près du lac de garde et de Vérone. Il décède le 3 juillet 1918 à l’Ambulance B/2 à Vérone des suites d’une maladie. Était-ce la grippe espagnole dont les ravages ont débutés en mars ?

Emile COUVIDOU est mort et la boutique du bourrelier-sellier à été détruite. A quelle date précise ?

Les prénoms donnés aux enfants à Nexon en 1892 et en 2020 : de la conformité à l’originalité.

En 2018, Jérôme Fourquet publie « L’Archipel français » , dans lequel il constate ce qu’il appelle une «archipelisation» de la France. Aux clivages binaires qui l’ont structurée pendant des siècles, ruraux/urbains, monarchistes/républicains, droite/gauche… se substituent un émiettement des groupes et une individualisation croissante. Il prend, entre autres, l’exemple des prénoms et montre la disparition progressive des prénoms judéo-chrétiens et leur remplacements par des prénoms anglo-saxons et arabo-musulmans.

J’ai cherché à vérifier son constat sur les prénoms donnés aux enfants nés à Nexon en 1892 et 2020. Si la quasi disparition des prénoms d’origine judéo-chrétienne et leur remplacement par des prénoms anglo-saxons est vérifiée on ne trouve pratiquement pas de prénoms d’origine arabo-musulmane.

Au constat de l’évolution dans le choix des prénoms s’ajoute celui du nombre annuel des naissances. De 1884 à 1914 le nombre annuel des naissances baisse régulièrement. Il passe de 86 en moyenne pour la période 1884 -1900, on tombe à 69 entre 1901 et 1913. Et depuis la fin du baby-boom, à la fin des années 1970, le nombre de naissance annuel est tombé à moins de 30 avec 26 naissances en 2019 et 25 en 2020.

Signalons un autre phénomène, sans effet apparent sur le choix des prénoms, mais qui permet de comprendre la prolifération des prénoms sans lien avec les traditions familiales. Jusqu’au début des années 1950 la presque totalité des naissances s’effectuait au domicile des parents. A la fin de cette décennie plus de la moitié des mamans accouchaient dans une maternité, soit à Limoges soit à Saint Yrieix. Ainsi en 1961 sur 27 naissances, 16 ont eu lieu en maternité et 11 au domicile. Lorsque la déclaration de l’enfant à l’Etat Civil s’effectuait à la mairie du domicile familial on peut penser que les grands parents ont pu parler avec les jeunes parents et suggérer que le prénoms d’un anciens soit donné, souvent celui du parrain pour les garçons et celui de la marraine pour les filles. Ce n’était pas toujours le premier prénom mais le deuxième ou le troisième quand il y en avait plus de deux. A la maternité, l’éloignement des grands parents ne fait plus peser le poids de ces traditions sur les épaules des jeunes parents. Ce poids familial était encore plus lourd lorsque la jeune maman venait passer les derniers jours de sa grossesse au domicile de sa mère, l’officier de l’Etat Civil précisant le domicile réel des parents et ajoutait  » la mère étant chez ses parents ou elle a fait ses couches ».

Les prénoms des enfants nés à Nexon en 1892.

80 enfants sont nés à Nexon en 1892. Quatre d’entre-eux étaient des enfants naturels qui ont été reconnus par leur mère en moyenne huit jours après leur naissance, c’est à dire dès que la mère a pu se rendre à la mairie pour accomplir cet acte.

Sur ces 80 naissance on comptait 47 garçons et 33 filles. Ces chiffres sont conformes aux constats des démographes qui dénombrent plus de naissances de garçons que de filles.

Pour les 47 garçons, 17 prénoms ont été utilisés. Dans ce calcul nous avons compté ensemble tous les « Jean » dans la mesure ou il n’est pas facile de vérifier sur le document d’Etat-Civil s’il y a un trait d’union entre « Jean » et le prénom suivant. Pour mon cas personnel mon prénom habituel est « Jean-François » mais pour mes papiers, l’officier d’Etat-Civil m’a fait remarquer qu’il n’y avait pas de tiret entre Jean et François et de ce fait sur ma carte d’identité je m’appelle Jean, François…

En prenant en compte ce mode de calcul 12 garçons s’appellent Jean , soit un quart (25,5%) de ce groupe. On trouve ensuite 6 Léon, 4 François, Léonard et Pierre … de sorte qu’avec 5 prénoms on été nommés près des deux tiers des garçons, (63,8%) et 83% avec 8 prénoms.

Le constat est encore plus marqué pour les filles. En appliquant pour Marie la même règle que celle utilisée pour Jean nous constatons que sur les 33 filles nées en 1892, 17 se prénomment Marie, soit un peu plus que la moitié d’entre elles. 5 prénoms ont suffit pour nommer les trois quarts des filles.

Les prénoms des enfants nés à Nexon en 2020

Il est sans doute abusif de parler des enfants nés à Nexon puisqu’aujourd’hui la presque totalité des enfants naissent dans une maternité. Ils sont de ce fait déclarés à l’Etat civil du lieu ou se trouve la maternité mais celle-ci transmet l’information à la mairie où sont domiciliés les parents.

Ainsi en 2020, 25 enfants sont nés de parents habitant à Nexon. Il y avait 14 filles (56 %) et 11 garçons (44%). Cette proportion ne correspond pas aux chiffres nationaux pour lesquels on constate qu’il nait en moyenne 104,5 garçons pour 100 filles. On retrouve ce ratio « naturel » dans la plupart des pays du monde.

En 2019, à Nexon l’écart entre le nombre de garçons et celui des filles à la naissance était encore plus grand. En effet il était né 26 enfants dont 16 filles (61,5 %) et 10 garçons (38,5%).

A la différence de ce que l’on constatait dans la France du 18ème et du début du 20ème siècle presque tous les enfants portent un prénom différent. En 2020 seuls deux garçons ont le même prénom, Antoine. En 2019 les 26 enfants ont un prénom différent.

Les prénoms donnés à Nexon sont-ils différents de ceux que les Français ont choisi pour leurs enfants en 2020 ?

Le classement des prénoms les plus donnés en France en 2020 publié par l’INSEE permet de constater que Nexon ne suit pas les tendances nationales. Est-ce du à des caractéristiques socio-économiques, à l’âge des parents ?

Quelles qu’en soient les raisons on constate qu’aucun des 11 jeunes garçons de Nexon porte l’un des 10 prénoms les plus donnés en 2020 et que seules 2 filles ont un prénom qui figure dans cette liste : Lina et Chloé.

Cette individualisation des prénoms rendra la tache plus facile pour les généalogistes dans les années futures. Ils ne trébucherons pas comme c’est le cas aujourd’hui quand on trouve dans une famille que le grand-père, le père et le fils se nomment tous Pierre, Jean ou François. On comprend pourquoi jusqu’au milieu du 20 ème siècle il y avait autant de surnom.

Pour aller plus loin:

« Léonard, Marie, Jean et les autres : les prénoms en Limousin depuis un millénaire » Louis Perouas, Bernadette Barriere, Jean Boutier, Jean-Claude Peyronnet, Jean Tricard et le groupe Rencontre des historiens du Limousin. Paris : Editions du Centre national de la recherche scientifique, 1984. In-8°, 229 pages

La place de l’église, entrée Ouest, la maison « Boutaud-Lacombe ».

Jusqu’au début des années 1950 la place de l’église, pour beaucoup de nexonnais, commençait à l’angle de la rue d’Arsonval. L’immeuble qui aujourd’hui porte le numéro 1 de cette rue était considéré comme situé place de l’église. Il faut dire que le débouché de la rue d’Arsonval sur la rue Victor Hugo ne figure pas sur le plan cadastral rénové de 1956. Sur ce plan la place de l’église est tracée comme elle l’était sur le plan napoléonien de 1817. Les rénovations portent principalement sur la construction de la gare et des vois ferrées.

En jaune , la rue d’Arsonval

Partons donc de l’immeuble qui fait l’angle de la rue d’Arsonval et de la rue Victor Hugo et qui porte le numéro 1 de la rue d’Arsonval. Cet immeuble est connu de tous car c’est un bel immeuble, imposant. Le parc à l’arrière n’a sans doute le même lustre qu’il avait lors de la construction de l’immeuble. Le garage en brique en son milieu le lui a fait perdre.

Lors du recensement de 1886 l’immeuble, recensé place de l’église, est occupé par la famille de M. Louis BOUTAUD-LACOMBE notaire.

Recensement de 1886 – ADHV

Louis BOUTAUD-LACOMBE est né le 9 juillet 1837 à Bourganeuf (Creuse) d’une famille de propriétaires terriens. Il s’est marié le 19 janvier 1864 (mardi) à Nexon avec Léonide-Eudoxie CUBERTAFON (1843-1929), fille d’Arnoul CUBERTAFON (1797-1871) notaire et maire de Nexon de 1830 à 1848. Après son mariage Louis BOUTAUD-LACOMBE va succéder à son beau-père comme notaire.

Au moment du recensement leurs deux enfants, Albert, né en 1864, et Marthe, née en 1867, vivent au domicile de leurs parents. Une servante vit avec eux.

La famille CUBERTAFON habite dans l’immeuble voisin qui, alors, est référencé rue Neuve :

Recensement de 1886 – ADHV

D’un style différent, moins massif, avec des lucarnes ouvragées, il bénéficie d’un vaste parc donnant sur la place de la république.

La maison « CUBERTAFON » avec ses lucarnes ouvragées

Les deux immeubles sont reliés par un garage qui aurait été construit après l’alliance entre les deux familles consécutifs au mariage de leurs enfants.

Au recensement de 1891, Marthe BOUTAUD-LACOMBE ne vit plus avec ses parents. Elle a épousé le 4 juin 1889, Jean Baptiste SAZERAT, négociant à Limoges. Albert, son grand frère est clerc dans l’étude de son père dont il prendra bientôt la suite. Avec eux vit un jeune couple de domestiques.

Recensement de 1891 – ADHV

En 1896, la maison BOUTAUD n’est plus recensée place de l’église mais rue Neuve. Louis BOUTAUD-LACOMBE a cédé son office de notaire à son fils Albert. Ce dernier a épousé en 1892 Marthe BARBE, la fille d’un propriétaire foncier dont le grand-père était notaire à Châteauneuf. Le couple n’aura pas d’enfants et Marthe décèdera à 41 ans, le 1er novembre 1914. La famille emploie un couple de domestiques qui a un jeune enfant.

Recensement de 1896 – ADHV

En 1901 la composition de la famille n’a pas changé et elle a gardé le même couple de domestiques dont le fils a maintenant 14 ans. Et en 1906 le fils des domestiques qui a maintenant 19 ans ne vit plus avec ses parents.

En 1908, le 7 mars, Louis BOUTAUD-LACOMBE décède. Il a 70 ans.

Au recensement de 1911 la famille est réduite à 3 personnes mais elle conserve toujours le couple de domestiques à son service.

Recensement de 1911 – ADHV

Le 2 novembre 1914 Marthe BARBE, épouse d’Albert BOUTAUD-LACOMBE décède à Limoges. Comme famille, Albert n’a plus que sa mère. Il n’a pas eu d’enfant, sans doute pour combler ce vide, il va se lancer dans la gestion des affaires communales. Il est élu maire en novembre 1919 et il le restera jusqu’en 1942.

Au recensement de 1921, Albert BOUTAUD-LACOMBE vit avec sa mère âgée de 75 ans et leur fidèle couple de domestiques. C’est la même situation en 1926. Notons pour ce recensement de 1926 un changement pour la maison voisine qui n’est plus occupée par les CUBERTAFON mais par le Docteur JUMEAUX-LAFONT. Originaire de Tulle il s’est marié à Limoges en 1922 et il est venu ensuite s’installer à Nexon ou leur fille Monique est née en 1926.

Recensement de 1921 – ADHV

Mme BOUTAUD-LACOMBE mère décède le 29 mars 1929 et c’est son fils qui, en temps que maire, signe l’acte de décès :

A partir du décès de sa mère, Albert BOUTAUD-LACOMBE va rester seul dans sa vaste maison. Il va changer de domestiques lorsque les DESBORDES qui sont de la même génération que lui vont dépasser les 60 ans et au recensement de 1936 il a comme domestiques le couple MAZEAU et leur fils âgé de 9 ans.

Recensement de 1936 – ADHV

M. BOUTAUD-LACOMBE sera réélu maire en 1935 et nommé pour un 4ème mandat en 1941 jusqu’à ce qu’il soit révoqué en 1943. Il décède le 7 mars 1960 âgé de 95 ans. Il sera resté veuf pendant 46 ans, maire de Nexon pendant 23 ans.

La maison va être ensuite vendue à M. PASQUET qui y installe son magasin à l’enseigne « TELE RADIO ».

Magasin « TELE RADIO »

Puis, à partir du 1er juillet 1981, Patrice LISSANDRE ouvre son magasin Photo-Ciné au nom de « Studio Luc ».

L’immeuble est ensuite acheté par M et Mme MANHES. Il n’y a plus de commerce au rez de chaussé mais des appartements. Après le décès brutal d’Alain MANHES en septembre 2012 par alors qu’il n’avait que 66 ans, l’immeuble sera mis en vente et racheté par M et Mme BONNAUD et loué en appartements.

Pour reprendre les derniers commentaires …

L’auteur du blog sur Saint Yrieix la Perche nous invite à regarder plusieurs sites qui traitent du barbichet, ceci pour actualiser le chapitre que j’ai consacré au barbichet le 6 novembre 2017 : https://etsinexonmetaitconte.fr/wp-admin/post.php?post=2363&action=edit

Il commence par une photographie qui lui donne la nostalgie du barbichet : https://saintyrieixlaperche.wordpress.com/2020/12/27/jai-la-nostalgie-du-barbichet/

Puis il nous donne l’adresse de deux sites limousin qui consacrent un article au barbichet

L’eicolau dau barbichet : https://eicoladaubarbichet.jimdofree.com/costumes/

Lou rossigno do limouzi : http://www.lourossignodolimouzi.fr/le-barbichet/

Un autre correspondant m’a envoyé des photos en me demandant si elles correspondaient au domaine de La Vigne appartenant à la famille MAZEAUD. Ayant eu par M. jacques MAZEAUD que certaines avaient bien été prise à La Vigne j’en extrait deux ou l’on voit le groupe des servantes en costume limousin, devant la maison, dans les années 1880-1890, les photos ayant été tirées de plaques photographiques.

L’article sur La Vigne et les MAZEAUD a été publié le 10 mars 2019 : https://etsinexonmetaitconte.fr/wp-admin/post.php?post=3213&action=edit

Hommage au Docteur Rose FORGERON (1926-2020)

Quelle ne fut pas ma stupeur en lisant mon journal de voir l’avis d’obsèques de Rose FORGERON. Depuis quelques semaines je sentais bien que la fatigue prenait le dessus mais j’étais loin de penser à une fin aussi rapide.

J’ai pris contact avec Rose FORGERON à la suite de ses commentaires sur mon site. J’ai découvert alors une personne passionnée par l’histoire de Nexon, soucieuse de l’exactitude des faits et attachée à la « vérité historique ». Après quelques échanges par mail et par téléphone elle m’a invité à lui rendre visite, chez elle, à Limoges.

C’était un véritable plaisir de passer quelques heures avec elle. Lors de ma première visite je n’ai pas été surpris lorsque je l’ai vue. La ressemblance avec sa mère était frappante, même physique, même autorité naturelle. L’autorité de sa maman avait marqué tous les gamins de Nexon qui, quelques sous en poche, allaient faire un tour dans le bazar de Madame VIGNERON, véritable caverne d’Ali Baba dans laquelle on trouvait toujours quelque chose, ne serait-ce que quelques minutes de rêve. L’autorité de sa fille se lisait dans son regard et dans ses mots. Elle était le fruit de ses connaissances et de sa mémoire. Plusieurs fois elle a corrigé des erreurs que j’avais faites dans les prénoms de personnes qu’elle connaissait bien ou lorsque je lui posais une question et qu’elle me répondait « je vous l’ai déjà dit ».

J’ai aimé ces moments où, assis dans la cuisine plutôt que dans le salon pour profiter de la table ou il était facile d’étaler cartes postales, photos et vieux papiers. A chacune de mes visites elle avait préparé des documents. Conservatrice elle avait de nombreux albums, boites, cartons remplis de documents hérités de sa famille et enrichis par ses soins. Sa maman était une des rares nexonnaise qui dès les années 1930 possédait un appareil photo. Dépositaire de presse elle avait fait éditer des cartes postales et conservait des clichés des événements marquants comme les ostensions, les fêtes et bien sur la Libération. Je n’ai pas eu le plaisir de tout voir car elle en a beaucoup prêté, en particulier les ostensions et elle ne les pas tous revus. Cela la contrariait beaucoup.

Le temps passait toujours trop vite mais la pause-café était toujours la bienvenue au cours de ces moments studieux, elle me permettait de changer de sujet.

Désireuse de perpétrer la mémoire des anciens commerçants de Nexon elle a retracé toute l’histoire des commerces dans les rues principales de Nexon. Je n’avais plus qu’à illustrer, compléter. Ses lettres étaient toujours d’une belle écriture, très lisible, au contraire des ordonnances de beaucoup de médecins aujourd’hui, sans ratures tellement elle avait cherché avant d’écrire. Elle a commencé par la rue Gambetta, ancienne rue du Nord, la rue ou elle est née en 1926. Elle commence par dire qu’elle est heureuse d’être née à Nexon et cela se sentait dans ses propos. Elle voulait que Nexon soit mise en valeur et pour elle mon blog y contribuait. Mais elle ne recherchait rien pour elle, elle me disait « ne parlez pas de moi ». Par contre elle aimait dire des personnes qu’elle connaissait « c’était ma petite camarade ». Elle a insisté pour que la municipalité rende hommage à l’une d’entre elles, Lucienne LELONG. A son décès, comme elle n’avait pas eu d’enfant, elle a fait don de son patrimoine à la commune qui parlait alors de l’héritage MARCOFF. Elle n’aimait pas que seul le nom du Docteur MARCOFF soit associé à la médiathèque construite grâce à ce don. Elle m’a demandé d’utiliser mon site et de contacter le maire pour que le nom de Lucienne LELONG soit associé au nom de son mari puisque la plus grosse partie de leur fortune immobilière venait des propriétés dont elle avait hérité de son père, le docteur LELONG. Elle a été satisfaite lorsque la réalisation de l’« Espace LELONG-MARKOFF » a rétabli ce qu’elle considérait comme la vérité historique. C’est ce côté « battante » qui m’a beaucoup frappé et qui m’a rappelé sa mère, une des rare femme résistante à Nexon.

Depuis quelque temps je lui avait dit qu’en 2020 j’écrirai sur la période 1940-1945, 80 ans s’étant écoulés depuis les événements dont il a toujours été difficile de parler à Nexon. Elle a donc commencé à rassembler ses souvenirs mais dans son dernier mail, le 9 août, elle m’écrivait « J’ai essayé d ‘écrire quelques pages sur la guerre 1939-1945, je n’y arrive pas, çà me rappelle trop de mauvais souvenirs ». C’est en pensant à elle et à tous ceux qui ont vécu ces moments douloureux que j’écrirai sur cette période.

Au début de l’année 2018 une chute ayant entraîné une fracture du col du fémur elle a du être hospitalisée. Cet accident a modifié le style de nos rencontre. Nous correspondions surtout par mail et elle espérait que je puisse rapidement reprendre le rythme de mes visites. Elle ne pouvait plus conduire et venir à Nexon comme elle le faisait régulièrement. Je devais visiter ce qui fut le café de La Promenade et sa grande salle de théâtre, y sentir l’atmosphère des années 1900, parcourir les vieux journaux mais cet accident a changé sa vie…

Elle qui était médecin a très mal vécu son séjour à l’hôpital. Très soucieuse de la relation à l’autre elle a souffert de n’être considérée que comme un cas et non comme une personne. Elle a été choquée que l’on ne voit que la personne âgée alors qu’avant sa chute elle ne pensait pas à son âge tant elle était dynamique et active. Lorsqu’elle m’a écrit : « C’est lamentable ; le manque d’empathie de tout le personnel hospitalier me désespère, on ne voit pas votre maladie, on voit votre âge », elle devait se revoir, jeune médecin de santé scolaire faisant passer les visites médicales aux jeunes élèves. J’ai passé trois visites à Nexon à ce moment là et elle prenait le temps de réaliser un examen complet et pourtant nous étions nombreux, nous les enfants du « baby-boom ». Elle était admirée car, à cette époque, il n’y avait pas beaucoup d’enfant né à Nexon qui soit devenu médecin. Si pour la suite de sa carrière elle a choisi la voie de l’administration de la santé elle restait très attachée à la relation humaine.

Mon carnet de santé avec les visites médicales par le Docteur VIGNERON

Avant d’aller au lycée et de poursuivre ses études en faculté de médecine elle avait fréquenté l’école religieuse. Elle se souvenait de ma mère plus âgée qu’elle de deux ans. Elle m’a donné une photo de sa classe, une des rares ou on la voit car elle n’aimait pas être photographiée. Elle gardait de son éducation religieuse un attachement à l’Eglise. Elle m’a montré des prières que sa mère écrivait pour les cérémonies en l’honneur des soldats américains qui stationnaient à Nexon en 1918 dont certains logeaient chez ses grands parents.

Nexon 15 novembre 1931. Rose Vigneron avec le nœud blanc dans les cheveux

Son parcours scolaire et universitaire a été brillant, comme son parcours professionnel. Il l’a conduit à diriger la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, la fameuse DDASS dont elle devait être l’une des rare femme directeur. Elle n’aurait pas aimé que j’écrive « directrice », fidèle à la tradition dans laquelle elle a été élevée.

A la tête de la DDASS je suis certain qu’elle a toujours cherché à garder au même niveau le coté sanitaire et le coté social de cette institution. Une fois à la retraite elle a toujours suivi les activités des associations qui s’occupent des « enfants de la DDASS » et assistait à leurs assemblées générales.

Le docteur Rose Forgeron chez elle ( Merci à sa fille, Pascale Forgeron – Sirieix)

Son départ rapide a surpris tout ceux qui la connaissaient. Elle laisse un grand vide et pour paraphraser l’écrivain et historien malien, Hamadou Hampâté Bâ, je dirai qu’avec sa mort c’est une bibliothèque qui a disparu.

Mes condoléances à sa fille Pascale et ses petits-enfants Clément et Eloi.

Une visite au moulin de la Mazaurie.

Le moulin de la Mazaurie figure sur le cadastre napoléonien de 1817, feuille H3, avec cette écriture mais également « Masorie » sur le plan d’assemblage de ce cadastre.

Cadastre napoléonien de 1817, feuille H3 (extrait)
Cadastre napoléonien de 1817, extrait de la feuille d’assemblage

I- L’histoire du moulin

Le moulin de la Mazaurie appartenait à la famille Hébrard de Veyrinas. Il a été donné à bail à Jean VENTOUX le 13 septembre 1752.

En 1775 le Sieur de Veyrinas a vendu le moulin à Suzanne MESNIER, veuve de Jean PRADEAU qui devait être le meunier du moulin.

C’est ensuite Léonard PRADEAU, né vers 1770, qui est meunier à la Mazaurie. Marié avec Marguerite AUTHIER ils ont un fils, Jean PRADEAU qui naît le 25 novembre 1797. Il sera lui aussi meunier. Il épousera Marie BRAGARD (1809-1855) qui lui donnera un fils qu’ils prénommeront également Jean.

Jean PRADEAU naît à la Mazaurie le 23 avril 1836. Il y décédera le 29 janvier 1917 à 81 ans.

Acte de naissance de Jean Pradeau, 23 avril 1836. (Archives départementales de la Haute-Vienne)

 Jean PRADEAU épouse, comme son père, une Marie BRAGARD qui lui donne quatre enfants : Augustine, Jean, François et Thérèse. Jean, le premier garçon a le même prénom que son père et que son grand père. Il est né le 7 octobre 1865 et il prendra la suite de son père au moulin.

Acte de naissance de Jean Pradeau, 7 octobre 1865. (Archives départementales de la Haute-Vienne)

 De son mariage avec Catherine GUILHAT, naîtra le 6 novembre 1889 un garçon qu’ils appelleront Emile.

Acte de naissance d’Emile Pradeau, 6 novembre 1889. (Archives départementales de la Haute-Vienne)

Ce garçon ne prendra pas la suite de son père car l’activité du moulin a dû cesser au moment de la guerre de 1914-1918.

 Après avoir épousé Louise CHATEAU à Quimper en 1912 Emile PRADEAU effectue une carrière militaire qu’il termine avec le grade de capitaine. En quittant l’armée il est nommé greffier en chef au Tribunal de Grande instance de Senlis. Le 10 mars 1933 il est nommé chevalier de la Légion d’Honneur. Il décède à Paris en février 1974.

Le Courrier de l’Oise, 26 mars 1933

Le moulin de la Mazaurie et les terres qui l’entourent étaient convoité depuis plusieurs générations par la famille Mazeaud. En effet l’emplacement sur lequel a été construit la villa de la Vigne a été choisi à cause de la vue qu’il offrait sur le moulin.  La famille craignait que ce moulin soit un jour détruit et remplacé par un hangar ou une hideuse construction. C’en aurait été fini de la belle vue ! Mais Emile est-il décidé à le vendre ? A une date non indiquée, alors qu’il est greffier en chef au TGI de Senlis, il adresse une photo du moulin avec une demande d’insertion de celle-ci dans un journal dont nous n’avons pas le nom.

Emile Pradeau connaissait bien la famille Mazeaud et il ne pouvait pas oublier que les recommandations de Felix, alors Procureur de la République à Lyon, avaient facilité son intégration dans le corps des greffiers. Il consentit d’abord à louer le moulin puis, après bien des manières, il le vend en 1971 à Henri et à ses enfants.

C’est avec Jacques Mazeaud et son fils Denis que je me suis rendu au moulin de la Mazaurie, le 30 juillet 2020.

II- La visite du moulin

Le chemin débouche sur la digue de l’étang. A droite, en contrebas des écuries et le moulin.

Nous traversons et nous nous garons en face d »une grange ancienne avec, devant elle un four à pain en ruine, envahi par la végétation.

Malgré la sécheresse l’étang est bien rempli mais il n’y a plus les nénuphars qui se trouvaient sur la photo prise par Emile Pradeau.

Nous entrons dans le moulin par la maison du meunier.

On pénètre dans la pièce principale avec sa grande table, une maie et la cheminée. A coté la pièce qui servait de chambre à coucher.

A droite de la cheminée un petit escalier mène au moulin. On arrive au dessus de deux paires de meules, signe que le moulin avait une certaine importance.

Chaque meule est composée de deux parties, une fixe, dite dormante et au dessus la meule tournante. En tournant les meules qui sont en granit ou en silex s’usent. Il faut alors les repiquer afin d’obtenir une mouture toujours aussi fine.

C’est le piquage ou le rhabillage de la meule. Si les meules tournent tous les jours il faut réaliser cette opération 2 ou 3 fois dans l’année. C’est un travail difficile car il faut d’abord lever la meule tournante et avec des marteaux et une boucharde frapper avec précision la pierre pour obtenir des sillons rectilignes et fins. Dans les petits moulins ce travail était effectué par le meunier lui-même mais dans les grands moulin c’était l’affaire de spécialistes dont c’était le métier.

Par l’œil, au centre de la meule tournante, le meunier versait le grain dans les meules et la mouture tombait dans le bac, plus bas. Le crochet servait pour lever la meule tournante.

La première paire de meules.

A coté des meules un système de poulies pour relever les meules tournantes.

On descend au rez de chaussée pour aller voir la roue.

Ce qui reste de la roue

La transmission du mouvement se fait par l’arbre qui pénètre dans le moulin, à gauche. Par un jeu d’engrenages, en bon état, la meule entre en mouvement. Sur l’arbre de la roue hydraulique est fixé un rouet muni d’alluchons, les « dents », qui entraînent les fuseaux de la lanterne fixée sur l’axe qui fait tourner la meule allante, tournante ou courante.

La transmission du mouvement de la roue hydraulique à la meule.

Le moulin en lui même n’occupe qu’une toute petite partie du bâtiment. Le vaste espace qui donne sur l’extérieur par le grand portail à deux battants servait à stocker les sacs de céréales, de son, de farine et ranger le matériel du meunier. Deux auges en bois pour la nourriture des cochons sont entreposés.

Les auges en bois

En sortant on a une vue magnifique sur La Vigne, d’où, le soir on peut admirer le moulin illuminé pendant une heure, pour la le bonheur de ceux qui passent sur la route entre Valette et La Mazaurie.

Pour connaitre les autres moulins du pays de Nexon il faut lire le livre très complet de Camille LARCHER, Les anciens moulins du pays de Nexon, Editions « Les Monédières », 2011.

La fille d’un nexonnais, Antoine Félix GIZARDIN, patronne du magasin de chaussures « A la Grâce de Dieu ».

M. Louis Félix BERTRAND est né le 18 mai 1824 à Saint-Ciers-sur-Bonnieure en Charente de parents cultivateurs.  Marchand de chaussures à Périgueux il épouse 11 janvier 1854 à Mansle (Charente) Marguerite « Elise » PIRET. L’année suivante il ouvre à Limoges un magasin de chaussures à Limoges, place Saint-Martial, à l’angle de la rue Pont-Hérisson, la rue du Clocher n’était pas encore percée. Il le nomme « A la Grâce de Dieu ».

On remarque sur cette carte postale que la rue Jean Jaurès n’est encore réalisée. La photo est prise de la Place saint Martial, future rue Jean Jaurès à la fin de la guerre en 1919.

L’idée d’utiliser des chromos pour faire de la publicité est venue d’Aristide Boucicaut, propriétaire des grands magasins parisiens, « Au Bon Marché ». En 1850, tous les jeudis, il donnait personnellement aux enfants venus avec leur mère, une image. Ainsi ils étaient incités à revenir au magasin le jeudi suivant pour avoir une autre image.

Il va rapidement être imité et dans toutes les grandes villes des commerçants se mirent à distribuer des images au verso desquelles se trouvait leur publicité. M. BERTRAND a utilisé cette méthode pour faire connaitre ses produits et leur prix.

Chromo « Berlin – Le palais Royal » avec au verso quelques tarifs des articles du magasin « A LA GRACE DE DIEU » F. BERTRAND toujours situé Place St Martial à Limoges

Avant d’utiliser la Presse, lue par petit nombre des clients des magasins qui cherchent à avoir une large clientèle, les commerçants vont avoir recours à d’autres supports. En particulier des pièces de monnaies « privées », les jetons de nécessité, crées pendant les périodes de crise et les jetons de transport.

Une trentaine de compagnies de tramways électriques ont émis des jetons de transport : Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg … et Limoges. La ville de Limoges a confié la concession des transports par tramway à MM. Grammont et Faye le 13 février 1897. Ils créèrent la Compagnie des Tramways Electriques de Limoges (T.E.L.). L’exploitation débuta avec cinq lignes de 12 km au total, avec une trentaine de motrices Grammont.

La compagnie a émis des jetons de transport d’une valeur de 10 centimes.  L’originalité est que sur l’autre face il y avait de la publicité, à l’époque on disait « réclame ». Pour les pièces en aluminium c’était soit l’Atelier de construction Grammont, soit la pharmacie Brunot et pour la pièce en laiton, les chaussures Bertrand.

De son mariage Louis Félix Bertrand aura cinq enfants trois garçons et deux filles. Les garçons vont tous embrasser des carrières qui les éloigneront du commerce de chaussures.

L’ainé, Pierre BERTRAND (1855 – 1902), sera magistrat et après avoir commencé sa carrière comme substitut à Tulle il la terminera comme Avocat général près la Cour d’Appel de Douai. Ulric « Joseph » Pierre BERTRAND (1870 – 1926), ingénieur des Arts et manufactures, créera une entreprise de papiers peints à Paris. Louis Marie Henri BERTRAND (1878 – 1915), Saint Cyrien est morts pour la France le 15 octobre 1915. Il était capitaine. Les trois fils ont été décorés de la Légion d’Honneur.

Angèle Marie BERTRAND, née à Périgueux le 7 avril 1860 épouse un négociant, Jean Paul ROBIN et ils s’installent à Agen. Marie Berthe BERTRAND (Elisabeth Bertrand), née le 25 septembre 1864 épouse le 31 mars 1883 à Limoges, « Antoine » Félix Frédéric GIZARDIN, né à Nexon.

Les GIZARDIN sont une vieille famille nexonnaise. Mathurin GIZARDIN (1692 – 1762) était notaire comme son fils Nicolas. Ce dernier a eu six enfants, certains sont restés à Nexon comme Gabriel (1789- 1866) cafetier place de l’église ; d’autres comme Léonard, né en 1771, s’installa à Vialotte sur la commune de Saint Hilaire les Places où il fut adjoint au maire.

La maison des GIZARDIN à Saint Hilaire les Places

Antoine est né le 5 septembre 1849 au bourg de Nexon ou son père possède une auberge.

Lorsqu’Antoine épouse Berthe BERTRAND son père est décédé et c’est sa mère qui fait part du mariage de son fils.

Celui-ci a lieu à Limoges où il est célébré par Marcelin BECHADE, adjoint au maire de Limoges.

Les témoins pour le marié sont Albert THOMAS docteur en médecine âgé de 26 ans demeurant à Nexon et Ferdinand GIZARDIN, propriétaire âgé de 40 ans demeurant aussi à Nexon. Pour la mariée son frère Pierre, substitut du procureur à Tours, âgé de 28 ans et Gustave GENEIX, agent d’assurance, âgé de 30 ans et demeurant à Limoges.

L’acte de mariage précise qu’Antoine est « sans profession » ce qui est étonnant pour un garçon de 34 ans. Son épouse à 15 ans de moins que lui et elle aussi est « sans profession ».

Antoine ne va pas rester longtemps sans avoir un métier. Il ouvre un magasin de chaussure place Saint Michel et il cherche à louer l’hôtel que possède ses parents à Nexon.

Le Courrier du Centre des 18 avril et 2 mai 1886

Le magasin qu’il ouvre va prendre comme nom « A Saint Michel ». On voit ici la ressemblance qu’il y a avec le magasin de ses beaux parents : « A la Grâce de Dieu ». Il va faire de la publicité dans la presse, en particulier dans Le Courrier du Centre, adaptant son message à la période de l’année : Noel, Chasse…

Lors de la Foire de la saint Loup, est une foire créée en l’honneur de Loup, évêque de Limoges, qui existe depuis le XIV e siècle. Elle est devenue progressivement la plus importante foire de Limoges et du Limousin. Généralement organisée le 22 mai, elle a lieu maintenant le dernier weekend de mai. L’activité des commerces est fortemnt liée au temps qu’il fait au moment de la foire.

On constate que même lorsque le temps n’est pas clément, le magasin de chaussure d’Antoine GIZARDIN réalise de bonnes affaires. c’est ce qui se passe en 1898. Le journaliste du Courrier du Centre qui fait le reportage constate que malgré le mauvais temps M. GIZARDIN est l’un des rares commerçnts à avoir fait de meilleures affaires qu’en 1897.

Le Courrier du Centre 25 mai 1898

Moins d’un an après le mariage d’Antoine et Berthe, le 10 janvier 1884 naît une petite fille que les parents appellent Agnès. Elle sera le seul enfant du couple GIZARDIN. On peut supposer qu’elle a eu l’éducation classique des jeunes filles de la bourgeoisie limousine. S’il fallait une preuve on la trouverait dans la cérémonie religieuse de son mariage avec Pierre Paul LATHELIZE, fabricant de chaussures. La cérémonie civile a lieu à la mairie de Limoges le 19 juillet 1904.

On peut remarquer la belle signature de Pierre Paul ce qui permet d’imaginer qu’il avait le même sens de l’esthétique pour dessiner ses modèles de chaussures.

La cérémonie religieuse à lieu le lendemain en l’église Saint Michel. Les deux familles faisaient partie de la bourgeoisie commerçante de Limoges et Le Courrier du Centre ainsi que le magazine Limoges illustré en rendent compte signalant les prestations de la chanteuse Louise RUBEN, du violoniste Léon FURELAUD, de l’organiste PERMANN ….

Le Courrier du Centre 21 juillet 1904
Limoges illustré 1er aout 1904

De ce mariage naitront trois enfants : Maurice LATHELIZE (1905-1981), André LATHELIZE (1908 – x) et Joseph LATHELIZE (1913-1987).

Assez rapidement Paul LATHELIZE va prendre les rênes du magasin. Le nom de BERTRAND disparait et celui de LATHELIZE lui est progressivement substitué.

Paul développe l’affaire en recourant à la publicité. Avant 1914 on pouvait lire sur un dépliant « Chaussures pour hommes cousues mains à 14,95 F pour le modèle Derby en veau suiffé ou 22 F pour le modèle Alpin en veau blanc double semelle ou à 15,95 F les bottines en chevreau glacé ». Le magasin se définissait comme « maison de premier ordre, la plus ancienne de la région ».

En 1911 les deux noms, BERTRAND et LATHELIZE figurent sur les documents. Paul LATHELIZE précise qu’il est le petit-fils du fondateur.

Après la guerre seul le nom de LATHELIZE apparaît.

Publicité pour la saison 1934

En 1943 le style des chaussures a changé. le magasin met en avant une création des chaussures HEYRAUD.

Magazine « Notre Province 1943 »

dans les années 1960 les devantures des magasins vont changer de style. La rue du clocher est une des plus commerçante de Limoges et l’enseigne « A la grâce de Dieu » est toujours la même. Elle n’a pas changé depuis plus de 100 ans.

Aujourd’hui le magasin « ELLES » a laissé la place à un fast-food mais en face c’est toujours un commerce de chaussure et si l’enseigne a changé la façade au premier étage conserve le nom d’origine …